samedi 6 octobre 2007 par Claude Worms
Trois CDs : Calé Records CAL 13004
Remercions tout d’abord la "Federación Provincial de Entidades Flamencas de Sevilla" et le label Calé Records pour cette oeuvre d’ utilité publique : l’ édition intégrale de la discographie de Manuel Vega García "El Carbonerillo" ( 1906 /
1937) sera pour beaucoup une révélation.
L’ audition de ces disques, et la lecture de la biographie du cantaor (le livret, très documenté, revient aussi sur l’ histoire antérieure du cante sévillan) suggère un parrallèle troublant avec la carrière de Camarón de La Isla : la vie des deux artistes fut prématurément mise en péril par l’ excès de boisson et une tuberculose pulmonaire pour l’un, la drogue et ses funestes conséquences pour l’autre.
Les premiers enregistrements d’ "El Carbonerillo" (1929, il avait donc 23 ans...) sont aussi miraculeux que ceux de Camarón : aisance vocale, musicalité, maîtrise du compás, phrasés et "ligados" exceptionnels, et collaboration privilégiée avec un jeune guitariste génial, en l’ espèce Niño Ricardo (comme pour le duo Camarón / Paco de Lucía). Les exigences commerciales des producteurs de l’ époque étant aussi contraignantes qu’ elles le sont actuellement, la proportion des Fandangos et autres Fandanguillos (le cante populaire du moment) est aussi importante dans la discographie d ’ "El Carbonerillo" que le fut celle des Bulerías et autres Tangos - Rumbas dans l’oeuvre de Camarón. La créativité du cantaor s’ y avère sans limites, stimulée par le jeu de Ricardo, qui inventait au même moment les normes du "toque por Fandango" contemporain (cf : la monographie de Eusebio Rioja et Norberto Torres). Ce fut aussi le cas pour l’apport de Paco de Lucía à l’ accompagnement du cante "por Bulería".
On ne peut que regretter que les formes plus fondamentales du répertoire soient, de ce fait, réduites à la portion congrue, tant les Soleares et les Siguiriyas (plusieurs remarquables versions du "cambio" popularisé par Manuel Vallejo) dénotent une connaissance approfondie (qui n’ est jamais synonyme d’ imitation servile) du cante "classique" de l’ époque (les premiers disques de Camarón constituent eux aussi de précieuses anthologies de la Soleá et de la Siguiriya).
Les derniers enregistrements d’ "El Carbonerillo" (surtout les disques avec Miguel Borrull, Sabicas, et Manolo Bulería) portent les stigmates de la dégradation de la santé du cantaor, avec les mêmes ravages que pour Camarón : mise en péril du registre grave, et tendance consécutive à forcer les aiguës, avec la rigidité du dessin mélodique et du phrasé que cela implique.
"En Carbonerillo" nous a légué une trentaine de merveilleux cantes : puissent ces quelques lignes vous inciter à en découvrir la beauté.
Claude Worms
Galerie sonore
Fandangos : Manuel Vega "El Carbonerillo" - guitare : Manolo de Badajoz (1930)
Soleares : Miguel Vega "El Carbonerillo" - guitare : Niño Ricardo (1930)
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