"En vano es que de las dos Indias lleguen a Cádiz nuevos cantares y bailes de distinta aunque siempre de sabrosa y lasciva prosapia ; jamás se aclimatarán, si antes, pasando por Sevilla, no déjà en vil sedimento lo demasiado torpe y lo muy fastidioso y monótono a fuerza de ser exagerado". (Serafín Estébanez Calderón "El Solitario" — Un baile en Triana)
1] Première moitié du XIXe siècle
En 1847, Estébanez Calderón désigne donc Cadix comme le principal port d’importation des chants et danses des "deux Indes" en Andalousie. Il conviendrait d’y ajouter d’autres répertoires vernaculaires introduits à Cadix par des émigrants venus d’autres pays européens (Italie et France notamment) et d’autres régions espagnoles (surtout du nord : Galice, Asturies, Aragon, Pays basque) : ouvriers des docks et des chantiers navals, marins, négociants, taverniers, etc. Cette assertion a depuis été amplement confirmée et documentée par le dépouillement d’archives en tout genre (journaux, affiches, registres de commerce et paroissiaux, actes notariés, réglementations locales, etc.) publiées dans leurs blogs par Antonio Barberán (Callejón del Duende – Cádiz Flamenco), Manuel Bohórquez (La Gazapera), Faustino Nuñez (El afinador de noticias), Javier Osuna (Los Fardos de Pericón) et Alberto Rodríguez (Flamenco de Papel) — nous leur devons la plupart des informations historiques de cet article. Par-contre, assigner à Séville la fonction d’alambic musical et chorégraphique exclusif pour l’Andalousie était déjà trop restrictif à l’époque de la publication des Escenas andaluzas, alors même que commençait à peine la gestation de ce que nous considérons actuellement comme le répertoire flamenco — à plus forte raison pour les palos et cantes à venir, dont la composition et la codification sont également localisables en d’autres territoires du bas Guadalquivir et de l’Andalousie orientale. Leur genèse est une longue chaîne d’adaptations, de reconfigurations, d’hybridations, etc. dont les processus sont si imbriqués historiquement et géographiquement qu’il est hasardeux d’en esquisser une chronologie un tant soit peu pertinente. En ce qui concerne Cadix, on pourrait cependant distinguer trois phases pour le XIXe siècle, le passage de l’une à la suivante étant progressif et ne pouvant donc être précisément daté : le premier tiers du siècle est marqué par une accélération des "importations" d’airs à danser, déjà intense au XVIIIe siècle ; pendant le deuxième, le chant s’émancipe progressivement de l’accompagnement de la danse, ce qu’atteste la notoriété croissante de quelques chanteuses et chanteurs qu’un public de plus en plus nombreux vient écouter dans les théâtres, non seulement en Andalousie mais aussi à Madrid ; le dernier tiers du siècle est la grande période de composition des cantes flamencos. On peut considérer qu’à de rares exceptions près, le corpus des "cantes gaditanos" est définitivement établi au début du XXe siècle et qu’il ne s’est pas significativement enrichi depuis, même s’il a fait l’objet de nombreuses variantes et recréations. Par l’expression "cantes gaditanos", il faut entendre non seulement les cantes attribués à des chanteurs-compositeurs de la ville mais aussi des ports voisins (los Puertos) : un premier cercle autour de la baie de Cadix (La Isla de San Fernando, Puerto Real et Puerto de Santa María) et un second, plus vaste, s’étendant de Barbate au sud-est à Sanlúcar de Barrameda au nord-ouest, en passant par Conil, Chiclana, Rota et Chipiona — bien que situé à vingt-cinq kilomètres de Cadix, Jerez de la Frontera est un centre historique du flamenco si important qu’il requiert une étude spécifique.
Au XVIIIe et au cours des premières décennies du XIXe siècle, la vie sociale et culturelle de Cadix est comparable à celle de Naples, à l’échelle de l’Andalousie évidemment : même cosmopolitisme, même passion de toutes les classes sociales pour le divertissement, la musique et la danse, même profusion de théâtres. La musique est partout, et partout se mêlent les répertoires savants et populaires en incessantes "idas y vueltas", dans les théâtres, dans les académies de danse (Cadix en compte 24 en 1820) et dans la rue et ses dépendances, salles éphémères en bois, tavernes, échoppes des barbiers, etc. La rue est la cadre des festivités qui ponctuent le calendrier annuel : le Carnaval évidemment, définitivement autorisé en 1821, mais aussi pour le Corpus en juin, la Velada de Nuestra Señora de los Ángeles en août, la célébration des deux patrons de la ville, San Servando et San Germán en octobre et les "cantos de ciegos" (musiciens aveugles ambulants) à Noël — sans compter trois ferias, de Perneo en janvier, de Carneros y Cabritos à Pâques, de Pavos à Noël... et celles des bourgades voisines. L’exubérance festive et souvent transgressive est telle que la municipalité édicte des règlements dont la fréquence prouve l’inefficacité, le plus important et minutieux étant le Reglamento de las diversiones públicas de la ciudad de Cádiz de 1847. Soit par l’éclectisme de leur programmation, soit par leur spécialisation, les théâtres reflètent les influences "étrangères" et souvent les conflits entre les adeptes de la musique italienne, de la danse française et du théâtre de ces deux nations (aristocratie et grande bourgeoisie) et les défenseurs de la culture "nationale" (classes moyennes libérales et classes populaires) : Coliseo de ópera italiana, fondé en 1738, Teatro Francés (1768), Teatro Principal (1780), Teatro de San Fernando ou del Balón (1812), Teatro de la Libertad (1815), Circo Gaditano (1846), Círculo Artístico Recreativo (1862), Tertulia Gaditana (1869), Gran Teatro (1871, actuel Teatro Falla) et Teatro Zorrilla (1878) pour nous en tenir aux plus durables. Sauf spécialisation affichée, on y représentait des tonadillas escénicas, sainetes, comedias, entremeses et autres zarzuelas — selon les époques, une mode chassant l’autre, mais toujours avec force scènes et/ou intermèdes chantés et dansés. Dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, les artistes andalous et singulièrement les gaditans sont majoritaires dans les troupes qui représentent des tonadillas escénicas à Madrid, surtout lorsqu’il s’agit d’incarner des "gitanos" ou des "negros". Faustino Nuñez a recensé les plus célèbres pour la période 1750-1808 : sur 27 tonadilleras, 18 sont andalouses dont 7 gaditanes ; sur 17 tonadilleros, 8 sont andalous dont 7 gaditans. Dès cette période puis pendant la première moitié du XIXe siècle, la plupart des danses et des chansons qui les accompagnent sont importées d’outre-Atlantique, surtout de Cuba et du Mexique, et rapidement "naturalisées" : cachuchas, cumbés, fandangos, guarachas, jácaras, jarabes, habaneras, mandigoy, panaderos, peteneras, punto de La Habana, tangos, zarandillo, zorongo. D’autres, elles aussi soumises à toutes sortes d’adaptations locales, proviennent d’autres répertoires espagnols : boleras, jotas, seguidillas. S’y ajoutent progressivement quelques spécialités d’origine plus nettement andalouse : caballito, jaleos, olés, playeras, polos, tiranas (ces listes ne sont pas chronologiques). Il s’agit surtout pour ces dernières de patrons rythmiques et harmoniques sur lesquels on peut adapter une multitude de chansons (les titres ajoutant donc celui de telle ou telle chanson au patron de référence) : Faustino Nuñez dénombre par exemple pas moins de 25 variétés pour les boleras et 48 pour les jaleos (listes sans doute non exhaustives).
Barrio de la Viña, XIXe siècle
Il est significatif qu’on enseigne dans les academias de baile un grand nombre de danses gaditanes plus ou moins éphémères : la Caleta de Cádiz, la Cigarrera de Cádiz, la gitana de Cádiz, fandango de Cádiz, jaleo de Cádiz, jaleo de la Gaditana, jaleo de los mozos de la Viña (un quartier de Cadix), los Marineros de Cádiz, panaderos de Cádiz, paso del salero gaditano, polo de Cádiz, etc. Les musiques correspondantes sont perdues, mais les titres impliquent de vraisemblables emprunts à des spectacles théâtraux dont les succès, passés dans le répertoire vernaculaire, ont été adaptés à tel ou tel rythme de danse. Les affiches des spectacles donnent un aperçu éloquent de leur éclectisme. Un seul exemple suffira à nous en donner une idée Le Teatro Bretón annonce pour le 10 avril 1874 une représentation au bénéfice de la danseuse Manuela Valle :
"Función para hoy, a beneficio de la bailarina doña Manuela Valle. — El drama en un acto El Arcediano de San Gil / Por la beneficiada el baile andaluz La sal de Sevilla / La comedia en un acto La mujer de Ulises / La pieza andaluza La cigarrera de Cádiz, en la que la beneficiada desempeñará la protagonista, y a su tiempo bailará una niña de ocho años Soledá y Cantiñas, y además ejecutará el ¡¡Zapateado de Cádiz !! / D. Ildefonso Valle acompañado de otro tocador cantará Soledá y Cantiñas, en la que la señora Valle bailará la Soledá / Dando fin con el Can Can de la Bella Elena".
L’appropriation populaire de ces chants et danses est si répandue que les théâtres engagent souvent des amateurs qui s’y produisent pendant les intermèdes des comédies, des opéras ou des zarzuelas. Parmi eux figuraient sans doute beaucoup de gitans des deux centres "festeros" les plus réputés de Cadix, les quartiers de La Viña et de Santa María. Les deux annonces suivantes sont aussi représentatives de la diversité des programmes. Diario Mercantil, 16 décembre 1830 :
"Espectáculo a beneficio del maestro de baile el Sr. Luis Alonso — Los caleseros de Cádiz o el jaleo de los americanos en el ventorrillo de Isabel (sainete nuevo de un ingenio de esta ciudad, en el que se cantará por un profesor la Cirila veracruzana, y será bailada por la Sra. Rodríguez, aficionada, y el dicho profesor tocará y cantará el tan celebrado tango de los Manglares de la Habana, que será también bailado por ocho aficionados, concluyendo con la jurga".
El Comercio, 1er janvier 1845 :
"Teatro del Balón : Mañana se ejecutará a beneficio de don Luis Alonso, segundo bolero de la compañía, el melodrama de grande espectáculo… — Concluido el primer acto se bailará por dos niñas de cinco años Angela Cantalova y Concha Santaella, vestidas de gitano, el jaleo de la solitaria / Acabado el segundo, bailará la joven Concepción Guillén el baile inglés / Finalizando el melodrama bailará la guaracha la niña Felipa Cantalova / Seguirá esto una jácara andaluza cantada por la señora Suáres / A continuación por las parejas de la compañía se bailarán boleras robadas a seis / Dando fin a la función con las moyares sevillanas, por las referidas niñas Concha y Felipa y los aficionados Francisco Hidalgo y José Rozane."
Barrio de Santa María, XIXe siècle
Les académies de danse de Cadix, comme d’ailleurs leurs contemporaines sévillanes, ont sans doute joué un rôle important dans le passage insensible des airs à danser au flamenco proprement dit. D’une part pour la danse, par le remplacement progressif des demi-pointes académiques par le zapateado "gitan". D’autre part pour le chant : les chansons de toutes origines devaient être adaptées aux impératifs chorégraphiques, donc non seulement au rythme mais aussi au nombre de mesures occupé par chaque série de pas — en général des groupes de quatre, qu’elles soient binaires ou plus souvent ternaires (quelques décennies plus tard, les carrures harmoniques imposées par les accompagnateurs, guitaristes ou pianistes, finiraient par codifier les compases). De ce point de vue, le cas des alegrías et cantiñas, une spécialité de Cádiz y los Puertos, est particulièrement éclairant. L’une des alegrías ("Aunque pongan en tu puerta...") les plus classiques est similaire, pour le texte comme pour la mélodie, à une jota aragonaise célèbre, Cañones de artillería — pour la ligne mélodique, à condition d’ignorer les sauts d’octave ascendants qui ponctuent certaines périodes des jotas. De même, pour créer l’une de ses cantiñas personnelles, Pastora Pavón "Niña de los Peines" a adapté au compás des alegrías une autre jota ("de Perico"), non pas populaire cette fois mais composée par Agustín Pérez Soriano pour une zarzuela intitulée "El guitarrico" (1910). Le 2 juin 1869, El Comercio rend compte d’une représentation au Teatro del Balón avec "el cante de Teodoro Guerrero ‘Quiqui’, de Manuel Monge y de Manuel Vives ‘El zapatero’, con la guitarra de Patiño donde bailaron por alegre y a propósito de dichas cantiñas Vicente Vives ‘El Colorao’ y Antonio Mellado ‘El Raspador’". Quand donc on commença à danser "por alegre", puis franchement por alegría à partir des années 1870, il devint nécessaire d’intercaler entre les parties chantées des motifs instrumentaux, notamment pour accompagner les sections de zapateado. Il est probable que, là encore, on recycla des thèmes déjà en usage pour d’autres danses. Comme elles se prêtent plus aisément à des transcriptions pour piano, on en trouve en abondance dans les recueils de l’époque. Par exemple, dans la partition du zorongo composée par Enriqueta Ventura de Domenech, inclus dans ses "Trozos flamencos" (Séville, années 1880), on trouve des motifs d’accompagnement de l’escobilla des alegrías encore joués actuellement par les guitaristes (José Miguel Fernández Jaramillo, série Sonidos olvidados del Flamenco, podcast n° 32).
Coro "Los Anticuarios", carnaval de Cadix, 1905
Le maestro de baile gaditan le plus réputé est sans doute Luis Alonso (Cadix, 1788 - 1865), à tel point que l’écrivain Francisco Javier de Burgos y Larragoiti (Puerto de Santa María, 1842 – Madrid, 1902) lui consacre deux livrets pour un sainete ("El mundo comedia es, o el baile de Luis Alonso") et une zarzuela ("La boda de Luis Alonso, o la noche del encierro") représentés respectivement à Madrid en 1896 et 1897 au Teatro Español et au Teatro de la Zarzuela. La tendance "flamenca" de son enseignement est plus que probable : il est le frère d’Antonio Monge Rivero "el Planeta" (Cadix, 1789 ou 1790 – Málaga, 1856) et l’oncle de Lázaro Quintana Monge, premier artiste connu qui ait été annoncé textuellement comme "cantante flamenco" (El Espectador, Madrid, 6 juin 1847). Vers le milieu du XIXe siècle, apparaissent ainsi les noms de chanteurs, éclectiques quant à leur répertoire, susceptibles de se produire dans des théâtres, de donner des récitals dans des salons de musique et d’arrondir leurs revenus en accompagnant les cours et les représentations des académies de danse : outre El Planeta et Lázaro Quintana, citons Francisco Guanter Espinel "Paquirri ‘el Guanté’" (El Puerto de Santa María, 1834 – Madrid,1862), aussi bon guitariste et danseur que chanteur ; Antonio Ortega Heredia "el Fillo" (San Fernando, 1806 – Séville, 1854), disciple de El Planeta ; María Fernández "María Borrico" (San Fernando, 1830 - ?), sœur aînée de Pedro Fernández "el Viejo de La Isla". On voit que les premières ébauches de cantes sont l’œuvre de quelques artistes, à Cadix gitans pour la plupart, doués d’une forte personnalité et souvent issus d’une même famille ou liés par des rapports de maître à disciple. Ils chantent tout ce que le public leur demande, dont déjà des cañas, playeras, polos, rondeñas, serranas ou tangos "de negros" sans doute fort différents de ce qu’ils deviendront à la fin du XIXe siècle.
Jota "Cañones de artillería" / Alegría "Aunque pongan en tu puerta"
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Bievenida Argensola "la Alcorizana" : "Cañones de artillería" (jota) / Pericón de Cádiz : "Aunque pongan en tu puerta" (alegría) — guitare : Perico "el del Lunar".
Jota "del Guitarrico" / Cantiña de la Niña de los Peines
La Nina De Los Peines/The Secret Museum Of Mankind, Vol. 1 : Ethnic Music Classics (1925-48) (2006)
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Miguel Fleta (ténor) : "Jota de Perico" (de la zarzuela "El Guitarrico") / Pastora Pavón "Niña de los peines" : "Dile si la ves pasar" (cantiña) — guitare : Niño Ricardo.
Enriqueta Ventura de Domenech : "Panaderos" (extrait)
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Enriqueta Ventura de Domenech : "Panaderos" (extrait) — réalisation sonore digitale à partir de la partition par José Miguel Fernández Jaramillo.
Tangos de Carnaval de El Tío de las Tizas (1891 - 1908)
Los Tontos
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Chirigota "Los Tontos" : tangos de Carnaval de Antonio Rodríguez Martínez "Tío de la Tiza".
Enrique "el Mellizo"
2] Silvero Franconetti Aguilar (Séville, 1830 – 1889), Enrique Jiménez Fernández "el Mellizo" (Cadix, 1848 – 1906) et...
La gestation du répertoire flamenco gaditan était donc bien engagée dès les années 1830-1850. Encore fallait-il que quelques grands chanteurs-compositeurs transforment cette matière première en véritables cantes au cours de la seconde moitié du XIXe siècle : pour Cadix, essentiellement des alegrías et cantiñas, cañas, polos, siguiriyas, soleares et tangos, marginalement quelques malagueñas et, un peu plus tardivement, des bulerías et des fandangos. Les deux artistes les plus emblématiques de ce processus sont incontestablement Silverio Franconetti et Enrique "el Mellizo" — le premier globe-trotter, grand professionnel et entrepreneur avisé ; le second obstinément sédentaire et semi-professionnel.
Silverio Franconetti est surtout connu pour ses activités à Séville, où il fonde un Café cantante en 1881. Mais il avait auparavant cherché vainement fortune en Uruguay où il avait été picador puis officier. Son retour à Cadix, le 20 mai 1864, est triomphal. Dès les 29 et 31 juillet, il donne deux récitals "de su brillante repertorio oriental" au Circo Gaditano, accompagné par l’un des maîtres de la guitare flamenca, José Patiño (El Comercio, 28 juillet). Selon ce journal, figurent au programme des cañas, polos, seguidillas (parmi lesquelles, vraisemblablement, nos actuelles cabales, livianas et serranas) et la rondeñas del Negro, soit le répertoire qu’il avait appris avant son départ (et certainement remanié) de María Borrico et El Fillo, et donc par-delà de El Planeta. Au cours des années suivantes, il présente et donc diffuse des programmes similaires à Séville (Salón Recreo, 1865), Jerez (Teatro Principal, 1865), Madrid (Salones de Capellanes, 1866), Grenade (Teatro El Recreo, 1868), Cordoue (Café del Recreo, 1871), etc. En revanche, la biographie d’Enrique "el Mellizo" tient en quelques mots. Né dans le quartier de Santa María, il ne quitta pratiquement pas Cadix, travailla aux abattoirs, fut occasionnellement puntillero, banderillero et picador, et ne chanta presqu’exclusivement que pour des fêtes privées. Logiquement, il semble avoir obstinément refusé d’enregistrer ses cantes — il existe peut-être quelques mystérieux cylindres qui n’ont pas été localisés jusqu’à présent. Aussi ne connaissons-nous de ses compositions que ce que nous en ont transmis, plus ou moins fidèlement, ses enfants Antonio, Carlota et Enrique "el Morcilla" (ou Hermosilla) et surtout des cantaores qui ont eu l’occasion de l’écouter directement (Antonio Chacón, Manuel Torres, Aurelio Sellés et Niño de la Isla). On lui attribue une vaste gamme de cantes por alegría, malagueña, siguiriya, soleá et tango-tiento, tous élaborés à partir de modèles mélodiques antérieurs par un ralentissement du tempo permettant une complexification des lignes mélodiques et de l’ornementation mélismatique.
Cependant, l’œuvre de ces deux musiciens hors-pair ne doit pas occulter celle d’autres chanteurs-compositeurs gaditans :
• siguiriyas : outre les siguiriyas et cabales attribuées à El Planeta, El Fillo, María Borrico (toutes "recrées" par Silverio Franconnetti) et Enrique "el Mellizo", nous devons des cantes por siguiriya à Pedro Fernández "el Viejo de La Isla" (San Fernando, 1836 – Cadix, 1917), Francisco Moreno Mendoza "Francisco la Perla" (Séville, 1859 – Cadix, 1891), Juan Feria (? - ?) et Francisco Fernández Bohigas "Curro Dulce" (Cadix, 1816 ou 1823 – 1898). Les compositions de ces quatre cantaores ont été la matière première d’un grand nombre de siguiriyas de Jerez, de Paco La Luz à Manuel Torres. Il convient d’y ajouter celles de Tomás Ortega López "Tomás ‘el Nitri’" (Puerto de Santa María, 1838 – Jerez de la Frontera, 1877), Pedro Serrano Carrasco "Perico Frascola" (Sanlúcar, 1833 – 1915) et Manuel Sánchez González "el Tuerto de la Peña" (Sanlúcar ? - ?) et José Vargas Serrano « Bochoque » (Sanlúcar ? - ?).
Siguiriyas de El Fillo et María Borrico
14. PEPE DE LA MATRONA
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Antonio Mairena / Melchor de Marchena : siguiriya (El Fillo) + Pepe "el de la Matrona" / Félix de Utrera : siguiriya (María Borrico)
Siguiriyas de El Viejo de La Isla et Juan Feria
Pepe De La Matrona/Antología de Cantaores Flamencos, Vol. 11 (2015)
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Niño de La Isla / Ramón Montoya : siguiriya (El Viejo de La Isla) + Pepe "el de la Matrona" / Félix de Utrera : siguiriya (Juan Feria)
Siguiriyas de Francisco "la Perla"
Melchor De Marchena & Pericon De Cadiz/Pericón de Cádiz (2008)
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Aurelio Sellés / Ramón Montoya + Pericón de Cádiz / Niño Ricardo : siguiriyas (Francisco la Perla)
Siguiriyas de Perico Frascola, Bochoque et El Tuerto de la Peña
Niña de los Peines/Registros Sonoros, Vol. 13/13 (2004)
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Ramón Medrano / Félix de Utrera : siguiriyas (Perico Frascola et Bochoque) + Pastora Pavón "Niña de los Peines" / Melchor de Marchena : siguiriya (El Tuerto de la Peña)
Siguiriyas de Enrique "el Mellizo"
Enrique Morente/...Y al volver la vista atrás (2015)
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Antonio Mairena / Melchor de Marchena + Enrique Morente / Félix de Utrera : siguiriyas (Enrique "el Mellizo")
siguiriyas de Tomás "el Nitri"
Antonio Mairena con Melchor de Marchena/Antología de Cantaores Flamencos, Vol. 5 (2015)
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Antonio Mairena / Melchor de Marchena : siguiriyas (Tomás "el Nitri")
Siguiriyas de Curro Dulce
Antonio Chacón
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Juan Varea / Niño Ricardo + Manuel Vega "el Carbonerillo" / Niño Ricardo + Antonio Chacón / Perico "el del Lunar" : siguiriyas (Curro Dulce)
• soleares : toutes les soleares de Cádiz sont attribuées à Paquirri "el Guanté" et à Enrique "el Mellizo" (variantes pour ces dernières par Enrique Hermosilla et Aurelio Sellés). Quelques-unes ont été adoptées et modifiées à Triana, comme également la soleá apolá d’Enrique Ortega Feria "el Gordo" (Cadix, 1850 - ?). Une autre beaucoup plus rare attribuée à Juan Ramírez, n’a subsisté mystérieusement que dans la mémoire de quelques cantaores du quartier de La Plazuela de Jerez.
Soleares de Paquirri "el Guanté"
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Aurelio Sellés / Andrés Heredia + Aurelio Sellés / Ramon Montoya : soleares (Paquirri "el Guanté"
Soleares de Enrique "el Mellizo"
Tomás Pavón/Tomás Pavón, Colección Carlos Martín Ballester (2019)
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Pastora Pavón "Niña de los Peines" / Luis Molina + Pastora Pavón "Niña de los Peines" / Ramón Montoya + Tomás Pavón / Melchor de Marchena : soleares (Enrique "el Mellizo")
Soleares de Enrique Hermosilla et Enrique "el Mellizo" / Versions personnelles de Manolo Vargas
Dime dónde estás metía
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Manolo Vargas / Andrés Heredia : soleares (Enrique Hermosilla et Enrique "el Mellizo" — versions personnelles)
Soleá de Juan Ramírez
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Agujetas "el Viejo" / Félix de Utrera : soleá (Juan Ramírez)
• alegrías et cantiñas : à de rares exceptions près (les cantiñas de Pastora Pavón "Niña de los Peines", de El Pinini, de Rosario "la del Colorao" et de Córdoba), toutes les alegrías et cantiñas sont des créations exclusives de Cádiz y los Puertos. Selon Antonio Barberán, les trois cantes constitutifs de la suite canonique des trois alegrías, formalisée par Enrique Butrón, seraient dus à Enrique "el Mellizo" (la première, adaptation de la jota aragonaise), Ramira Ortega Feria (la deuxième) et José Ortega Feria "el Aguila" (la troisième, d’après une romera de Romero "el Tito (“Baluarte invencible..."). Notons au passage l’importance de la dynastie gaditane des Ortega dans l’histoire de la tauromachie et du cante, de l’ancêtre Enrique Ortega Feria "el Gordo" à Manolo Caracol (Séville, 1909 – Madrid, 1973). Ajoutons les apports ultérieurs d’Ignacio Espeleta (le fameux temple "tiriti trán...") et de Manolo Vargas pour la liaison des tercios, qui diffère de celle des alegrías classiques plus lentes façon Aurelio Sellés / Enrique "el Mellizo".
Pericón de Cádiz : alegrías
Pericon de Cadiz
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Pericón de Cádiz / Perico "el del Lunar" : alegrias
Outre les caracoles, les mirabrás, la romera et la rosa (l’une des deux seules cantiñas qui modulent à la tonalité mineure homonyme, avec la cantiñas de Córdoba qui en est peut-être issue), certaines cantiñas sont désignées par le nom de leurs créatrices, notamment Las Mirris (deux sœurs nées à Sanlúcar, Pepa "la Bochoca" et María "la Mica", dont les biographies restent obscures), Rosario Monge Monge "la Mejorana" (Cadix, 1858 – Madrid, 1920) et Rosa Vargas Fernández "la Papera" (Chiclana, 1889 – Cadix, 1946) — il est difficile de distinguer les cantes de cette dernière de ceux enregistrés par sa fille, La Perla de Cádiz. D’autres enfin sont identifiées par le thème de leurs letras, telle la cantiña "de la contrabandista" ou la cantiña torrijana (adaptation du texte d’une chanson en hommage au général libéral José María Torrijos, fusillé en 1831).
Sanlúcar de Barrameda a eu un rôle déterminant dans le développement et la diversification des cantiñas. Nous devons à cette ville non seulement la cantiña de las Mirris, mais aussi la romera, la rosa, les mirabrás et les caracoles. Il est difficile de savoir à quoi ressemblaient ces deux dernières avant les versions enregistrées en 1928 par Antonio Chacón, qui se sont définitivement imposées — mirabrás et une version des caracoles avec Perico "el del Lunar" et un autre enregistrement des caracoles avec Ramón Montoya. Il s’agit de montages de pregones populaires revus par des compositeurs "savants" entrecoupés de courtes cantiñas : un extrait de la zarzuela El Tío Caniyitas de Mariano Soriano Fuertes (1849) pour les mirabrás, auquel s’ajoute le texte d’une chanson libérale datant de la résistance aux troupes napoléoniennes ("A mí que me importa...") ; un extrait de la tonadilla Geroma la castañera du même compositeur (1843) et un pregón de caracoles transformé en chanson par Manuel Sanz de Terroba (1873 — La caracolera, du recueil ’El genio de Andalucía") et finalement adapté au compás de l’alegría, peut-être par María "la Mica", pour les caracoles. Les versions primitives de ces deux suites de cantiñas — comme la rosa, la cantiña torrijera, la romera et une variété de caña — sont attribuées à Juan José Jiménez Ramos "Tío José el Granaíno" et à son neveu Romero "el Tito", dont on sait peu de choses sinon qu’ils seraient nés respectivement à Chiclana et à Cadix et qu’en tout cas ils ont vécu à Sanlúcar. Les cantiñas de las Mirris et de la contrabandista et la rosa ont été enregistrées très tardivement, alors qu’il n’avait plus les facultés vocales nécessaires, par Ramón Medrano (Sanlúcar, 1906 – Séville, 1984).
Niña de Chiclana : mirabrás
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Niña de Chiclana / Luis Yance : mirabrás
Antonio Chacón : caracoles
Antonio Chacón
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Antonio Chacón / Ramón Montoya : caracoles
Niño de Barbate : cantiñas de la contrabandista et romera / Antonio "el Chaqueta" : romera
Antonio El Chaqueta/Repompa de Málaga y Antonio el Chaqueta (2014)
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Niño de Barbate / Ramón de Algeciras et Paco de Lucía : cantiña de la contrabandista et romera + Antonio "el Chaqueta" / Paco Aguilera : romera
Mariana Cornejo : cantiñas de La Mejorana et cantiña de Rosa "la Papera"
Mariana de Cádiz/Cádiz por Cantiñas (2022)
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Mariana Cornejo / Pascual de Lorca : cantiña de La Mejorana + Mariana Cornejo / Antonio Carrión : cantiña de Rosa "la Papera"
Ramón Medrano : cantiña de la rosa et cantiñas de Las Mirris
15. RAMÓN MEDRANO
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Ramón Medrano / Félix de Utrera : cantiña de la rosa et cantiñas de Las Mirris
Mariana Cornejo : cantiñas Torrijanas
Mariana de Cádiz/Cádiz por Cantiñas (2022)
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Mariana Cornejo / Juan Diego de Luisa : cantiñas Torrijanas
Canalejas de Puerto Real : cantiñas por chufla
Canalejas de Puerto Real/Las 100 Mejores Cantaores (2011)
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Canalejas de Puerto Real / Alfonso et Manuel Labrador : cantiñas por chufla
• tangos-tientos : les "tangos americanos", ou "de negros", font fureur à Cadix dès le début du XIXe siècle. Il est significatif que le plus ancien connu ait été composé pour une tonadilla escénica par le guitariste gaditan Tomás Abril (Faustino Nuñez). Sur un rythme dérivé de celui de la habanera, ils deviennent ensuite "tangos gitanos" par l’introduction de mode flamenco et surtout enrichissent considérablement le répertoire carnavalesque ("tangos de Carnaval", désignés ensuite comme tanguillos dans la nomenclature flamenca), comme par ailleurs la habanera et le pasodoble. Enfin, c’est Enrique "el Mellizo" qui les transforme en tangos-tientos en en ralentissant le tempo. Notons qu’à Cadix, la dissociation définitive entre tangos et tientos ne s’est jamais imposée. Actuellement encore, les cantaores gaditans privilégient un tempo modéré commun aux deux genres. Les créations de El Mellizo ont ensuite été reprises et diffusées par Antonio Chacón et Manuel Torres. L’écoute de ses enregistrements por tango avec Ramón Montoya (1910) impose cependant de ne pas minimiser l’apport de José López Domínguez "Niño de La Isla" (San Fernando, 1871 – Cadix, 1929) qui les enseigna à Pastora Pavón "Niña de los Peines" qui en fit l’extraodinaire usage que l’on sait.
Niño de La Isla : tangos-tientos
Niño de la Isla/Seguiriyas Cortas de la Isla y Cantes de la Bahía (1999)
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Niño de La Isla / Ramón Montoya : tangos-tientos
Aurelio Sellés : tangos-tientos
Aurelio Sellés/Antologia Del Cante Flamenco (1959)
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Aurelio Sellés / Manuel Moreno : tangos-tientos
Manolo Vargas : tangos-tientos
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Manolo Vargas / Paco Aguilera : tangos-tientos
• malagueñas : la malagueña a sans doute été importée à Cadix grâce au trafic commercial intensif par cabotage entre les deux ports. De fait, les deux compositions de Francisco Lema Uller "Fosforito" (Cadix, 1870 – Madrid, début des années 1940) se situent dans la lignée de celles de El Canario (né à Álora) et de La Trini (née à Málaga). Mais les plus connues et chantées sont celles de Enrique "el Mellizo". Leurs ayeos internes aux tercios et leurs suspensions modulantes plus ou moins insistantes sur la tonalité mineure relative au mode flamenco sur Mi (La mineur — mais pour de nombreux enregistrements de l’époque accompagnés en mode flamenco sur Si, suspension modulante en Mi mineur) les différencient radicalement de toutes les autres variétés de malagueñas. La distinction traditionnelle entre "malagueña chica" et "malagueña doble" de El Mellizo nous semble passablement virtuelle. De fait, elle est fondée sur la fréquence des ayeos, la "corta" les réservant théoriquement au sixième, la "doble" les introduisant en plus dans le deuxième (d’où l’adjectif "double"). De fait, l’écoute des innombrables versions enregistrées démontre que le placement de ces ayeos, que l’on peut trouver aussi sur tous les tercios pairs, y compris le quatrième, est aléatoire et dépend de l’inspiration des interprètes plus qu’il ne se réfère à deux éventuels modèles mélodiques distincts. De même, il est troublant de constater l’absence de suspensions modulantes dans les enregistrements les plus anciens, ceux de Rafael "el Moreno" en 1898 (cylindre — "Ya no me quieren a mí..."), El Garrido de Jerez avec Román García en 1907 ("Como moro soy más moro...") et Niño de La Isla avec Ramón Montoya en 1910 ("Sabiendo que yo no quiero..."). Ce dernier était un disciple direct de El Mellizo, tout comme Aurelio Sellés qui, lui, passe à deux reprises par l’accord de La mineur dans la version qu’il a enregistré en 1929 avec Ramón Montoya ("En el carrito de la pena..."). Cet accord n’apparaît qu’une fois dans celle de Cayetano Muriel "Niño de Cabra" gravée la même année avec le même guitariste ("¿ Por qué se la lleva Dios ?..."), tout comme dans celle de Pericón de Cádiz enregistrée en 1971 avec Félix de Utrera ("Por lo mucho que te quiero..."). De sorte qu’il est probable que la malagueña del Mellizo telle que conçue par son créateur ait été un modèle mélodique relativement plus simple et surtout plus souple que ce que nous connaissons, propice à l’improvisation du moment. Sa singularité et sa plasticité ont amené d’aucuns, Francisco Vallecillo par exemple, à la considérer non sans arguments comme un cante distinct des malagueñas, qu’ils ont proposé de nommer "mellicera". Ajoutons qu’il est d’usage depuis Aurelio Sellés et José Cepero de chanter les "malagueñas-granaínas" qu’ils ont créées en introduction à la malagueña del Mellizo. Il existe un autre prélude plus rare, nommé "prefacio" ou "perdón" (Pericón de Cádiz, 1971), basé sur un texte et un chant liturgique — sans doute parce que l’on suppose que Enrique "el Mellizo" s’inspira du chant grégorien pour composer sa malagueña.
Malagueña de Enrique "el Mellizo" (1)
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Niño de La Isla / Ramón Montoya + Cayetano Muriel "Niño de Cabra" / Ramón Montoya + Aurelio Sellés / Ramon Montoya : malagueña de Enrique "el Mellizo"
Malagueña de Enrique "el Mellizo" (2)
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Aurelio Sellés / Andrés Heredia : malagueña-granaína et malagueña de Enrique "el Mellizo" + Pericón de Cádiz / Félix de Utrera : prefacio et malagueña de Enrique "el Mellizo"
Cayetano Muriel "Niño de Cabra" : malagueñas (Fosforito)
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Cayetano Muriel "Niño de Cabra" / Ramón Montoya : malagueñas de Fosforito
• bulerías : la plupart des bulerías de Cádiz sont identifiables par leurs modèles mélodiques, plus souvent en mode majeur ou mineur qu’en mode flamenco. Cette caractéristique est la conséquence de l’adaptation de nombre de tangos et de pasodobles de Carnaval au compás de la bulería. C’est le cas par exemple de deux cantes por bulería parmi les plus connus, "A mí me ha dicho mi prima que en el barrio del Balón..." et "Plaza sde la catedral es un verdadero encanto...", comme de l’emblématique estribillo "¡ Con el caray y caray y caray ! Miré usted que fiestas que va a haber en Cádiz...").
Manolo Vargas : tangos de El Tío de la Tiza por bulería
Manolo Vargas/Cultura Jonda IV. De Cadiz... aquella Venta de Vargas (2008)
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Manolo Vargas / ? : tangos de El Tío de la Tiza por bulería
Juan Villar : pasodoble de Carnaval por bulería
Juanito Villar/Cultura Jonda IV. De Cadiz... aquella Venta de Vargas (2008)
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Juan Villar / Paco Cepero et Enrique de Melchor : pasodoble de Carnaval ("El vaporcito del Puerto") por bulería
María "la Sabina" : bulerías
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María "la Sabina" / Eloy Blanco : bulerías
Juana Cruz Castro : bulerías
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Juana Cruz Castro / Paco Cepero : bulerías
• autres cantes gaditanos : les fandangos d’origine gaditane sont rares. Seuls celui de María Macias Moreno "la Sabina" (Cadix, années 1890 – 1979) et de Gabriel Díaz Fernández "Macandé" (Cadix, 1897 – 1947) ont fait école. Nous devons aussi à ce dernier le "Pregón de los caramelos" — il était vendeur ambulant. Curro Dulce et Tío José "el Granaíno" ont contribué à la configuration de nos actuelles cañas. Pericón de Cádiz a été un excellent et original interprète de peteneras et de guajiras, comme, de ces dernières, La Niña de Chiclana dont nous ne savons rien sinon qu’elle fut l’épouse du cantaor Niño de la Flor et qu’elle enregistra quelques 78 tours avec Luis Yance, Manolo de Badajoz et Jorge López "Petaca". On trouve dans la discographie de El Niño de La Isla d’intéressantes versions de la rare montañesa et de la farruca. Josefa Díaz Fernández "Pepa de Oro" (Cadix, 1871 – 1918) nous a légué la première milonga connue, popularisée par Antonio Chacón et Pepe "el de la Matrona", et Juan José Pavón Suárez "el Cojo Pavón" (Puerto Real, 1895 – 1987) une succulente rumba ("La mujer que quiere a un chino..."). Enfin, quelques familles gitanes de Puerto de Santa María ont conservé d’antiques romances, enregistrés notamment par José de Los Reyes "el Negro del Puerto" (Puerto de Santa María, 1913 – 1995) — "romance de la monja contra su voluntad", "romance de los condes" et "romance de Bernardo del Carpio".
María "la Sabina" : fandangos por soleá
María la Sabina
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María "la Sabina" / Eloy Blanco : fandangos por soleá
Vicente Soto "Sordera" : fandango (Macandé) / Felipe Scapachini : pregón (Macandé)
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Vicente Soto "Sordera" / Enrique de Melchor : fandango (Gabriel Macandé) + Felipe Scapachini : pregón (Gabriel Macandé)
Amós Rodríguez Rey : caña
Amos Rodriguez/Archivo Del Cante Flamenco (2011)
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Amós Rodríguez Rey / Bénitez de Alcalá : caña
Pericón de Cádiz : peteneras
Pericon de Cadiz/Archivo Del Cante Flamenco (2011)
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Pericón de Cádiz / Perico "hijo" / peteneras
Niña de Chiclana : guajiras
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Niña de Chiclana / Luis Yance : guajiras
Pericón de Cádiz : guajiras festeras
19. PERICÓN DE CÁDIZ
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Pericón de Cádiz / Félix de Utrera : guajiras festeras
Niño de La Isla : montañesa et farruca
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Niño de La Isla / Ramón Montoya : montañesa et farruca
Antonio Chacón : milonga
Antonio Chacón
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Antonio Chacón / Ramón Montoya : Milonga (Pepa de Oro)
Cojo Pavón : rumba
24. EL COJO PAVÓN
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Cojo Pavón / Félix de Utrera / rumba
El Negro del Puerto : romance de Gerineldo
El Negro/Magna Antología Del Cante Flamenco Vol. I (2008)
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José de los Reyes "Negro del Puerto" : romance de Gerineldo
La Sallago / La Perla de Cádiz
3] Épilogue : vingtième siècle
L’œuvre de trois cantaores, dont nous avons déjà utilisé de nombreux enregistrements, marque la première moitié du XXe siècle sans apporter d’innovations fondamentales mais en diversifiant les interprétations des cantes gaditanos. Il est possible, mais il est vrai un peu réducteur, de distinguer pour chacun d’entre eux une tendance esthétique personnelle. Aurelio Sellés Nondedeu "Aurelio de Cádiz" (Cadix, 1887 – 1974) s’en tient au cœur du répertoire gaditan (alegrías et cantiñas, bulerías, malagueña del Mellizo, siguiriyas et soleares) dont il prétend transmettre les versions orthodoxes fidèles aux sources (El Mellizo donc, et Paquirri "el Guanté"). Sur les mêmes cantes de prédilection, Manuel Vargas Gómez "Manolo Vargas" (Cadix, 1907 – Madrid, 1970) affirme des options plus hétérodoxes, avec des variantes originales qui feront école (phrasé, liaison des tercios, inflexions mélodiques). Enregistrant un répertoire de cantes beaucoup plus étendu, Juan Martínez Vílches "Pericón de Cádiz" (Cadix, 1901 – 1980) en livre des épures qu’on pourrait qualifier de "classiques". Deux cantaoras aussi inclassables que géniales complètent les maîtres de référence des générations postérieures : Encarnación Marín Sallago "la Sallago" (Sanlúcar, 1919 – 2015) et Antonia Gilabert Vargas "Perla de Cádiz" (Cadix, 1925 – 1975).
La Sallago : nana
La Sallago/Antología (2006)
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La Sallago : nana
la Sallago : serrana
La Sallago/Antología (2006)
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La Sallago / Ramón de Algeciras : serrana
La Sallago : ranchera por bulería
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La Sallago / Isidro Muñoz : ranchera por bulería
La Perla de Cádiz : alegrías et cantiñas
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La Perla de Cádiz / Paco Cepero : alegrías et cantiñas
La Perla de Cádiz : bulerías (1ère partie)
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La Perla de Cádiz : bulerías (2ème partie)
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La Perla de Cádiz / Paco Cepero : bulerías (première et deuxième parties)
Depuis, seuls deux chanteurs-musiciens gaditans nous semblent avoir été véritablement créatifs : José Cortés Jiménez "Pansequito" (La Linea de la Concepción, 1946 – Bormujos (Séville), 2023) et José Monje Cruz "Camarón de La Isla" (San Fernando, 1950 – Badalona (Barcelone) 1992) — nous ne l’évoquerons pas ici puisque nous avons consacré un article à sa discographie (cf. La discographie de Camarón de La Isla). Cependant, même s’ils ne nous ont pas légué de cantes ou de recréations foncièrement originaux, José Llerena Ramos "Chato de La Isla" (San Fernando, 1926 – Madrid, 2006), Juan Miguel Ramírez Sarabia "Chano Lobato" (Cadix, 1927 – Séville, 2009) et Alonso Nuñez Nuñez "Rancapino" (Chiclana, 1945) ont enrichi le cante gaditano par leur style vocal immédiatement identifiable.
Pansequito : soleares
Pansequito/El cante de Pansequito del Puerto (2008)
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Pansequito / Parrilla de Jerez : soleares
Pansequito : fandangos
Pansequito/El cante de Pansequito del Puerto (2008)
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Pansequito / Parrilla de Jerez : fandangos
Pansequito : bulerías
Pansequito/Cultura Jonda III. El cante de Pansequito del Puerto (2008)
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Pansequito / Juan et Pepe Habichuela : bulerías
Chato de La Isla : tientos
Chato De La Isla/El Chato De La Isla (2006)
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Chato de La Isla / Paco de Lucía : tientos
Chato de La Isla : bulerías por soleá
Chato De La Isla/El Chato De La Isla (2006)
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Chato de La Isla / Ramón de Algeciras : bulerías por soleá
Chato de La Isla : siguiriyas
Chato De La Isla/El Chato De La Isla (2006)
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Chato de La Isla / Ramón de Algeciras : siguiriyas
Chano Lobato : soleares
Chano Lobato/Chano Lobato (2014)
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Chano Lobato / Manolo Sanlúcar : soleares
Chano Lobato : alegrías et cantiñas
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Chano Lobato / José Luis Postigo : cantiñas
Chano Lobato : tanguillos
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Chano Lobato / Quique Paredes : tanguillos
Rancapino : malagueña-granaína et malagueña del Mellizo
Rancapino/Rancapino (2014)
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Rancapino / Paco Cepero : malagueña-granaína et malagueña de Enrique "el Mellizo"
Rancapino : siguiriyas
Rancapino/Rancapino (2014)
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Rancapino / Paco Cepero : siguiriyas
Rancapino : alegrías
Rancapino/Rancapino (2014)
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Rancapino / Paco Cepero : alegrías
La liste des artistes gaditans de moindre influence — mais non de moindre intérêt — est interminable : de Juan Pérez Sánchez "Canalejas de Puerto Real" (Puerto Real, 1905 – Jaén, 1966) à Carmen Sánchez de la Jara "Carmen de la Jara" (Cadix, 1955), en passant par Antonio Castillero Melero "Niño de Bárbate" (Vejer de la Frontera, 1906 – Huelva, 1976), Antonio Díaz Soto "Flecha de Cádiz" (Cadix, 1907 – Madrid, 1982), Amós Rodríguez Rey (Cadix, 1926 – 1996), Benito Rodríguez Rey "Beni de Cádiz" (Cadix, 1929 – Séville, 1992), Santiago Sánchez Macías "Santiago Donday" (Cadix, 1932 – 2004), Antonio Mera Navarro "Almendrita" (Cadix, 1932 - ?) Felipe Scapachini Torres "Felipe Scapachini" (Cadix, 1942), María Vargas Fernández "María Vargas" (Sanlúcar, 1947), Mariana Cornejo Sánchez "Mariana de Cádiz" (Cadix, 1947 – 2013), Pedro Bancalero Rodríguez "Niño del Mentidero" (Cadix, 1947 – 2017) Juan José Villar Jiménez "Juan Villar" (Cadix, 1947) — liste non exhaustive.
El Flecha de Cádiz : soleares
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El Flecha de Cádiz / Félix de Utrera : soleares
Beni de Cádiz : malagueñas del Mellizo
Beni de Cádiz/Inspiración de Cádiz y Granada (2017)
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Beni de cádiz / Juan Habichuela : malagueñas de Enrique "el Mellizo"
Santiago Donday : debla et toná
Santiago Donday/Morrongo (2014)
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Santiago Donday : debla et toná
Antonio Almendrita : caracoles
Antonio Almendrita/Archivo Del Cante Flamenco (2011)
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Antonio Almendrita / Niño de los Rizos : caracoles
María Vargas : soleares
María Vargas
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María Vargas / Curro de Jerez : soleares
Niño del Mentidero : bulerías
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Niño del Mentidero / Santiago García et Pepe Ruso :bulerías
Carmen de la Jara : chant séfarade, romance et peteneras
Carmen de la Jara/Tesoros del Cante Antiguo Gaditano (2013)
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Carmen de la Jara : chant séfarade, romance et peteneras
Enfin, les cantaor(a)es révélé(e)s au cours des deux dernières décennies démontrent que le flamenco de Cadix n’a rien perdu de sa richesse et de son dynamisme : outre une cantaora exceptionnelle, Laura Vital Gálvez "Laura Vital" (Sanlúcar, 1980), citons entre autres Antonio Reyes Montoya "Antonio Reyes" (Chiclana, 1977), Jesús David García Palomar "David Palomar" (Cadix, 1977), María Rosa García García "Niña Pastori" (San Fernando, 1978), José Anillo Salazar "José Anillo" (Cadix, 1978), Encarnación Anillo Salazar "Encarna Anillo" (Cadix, 1983), María Ángeles Rodríguez Cuevas "María Mezcle" (Sanlúcar, 1987), Alonso Nuñez Fernández "Rancapino chico" (Chiclana, 1988) et Esmeralda Torres Nuñez "Esmeralda Rancapino" (Puerto de Santa María, 2006).
Laura Vital : rosa, alegría et cantiñas
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Laura Vital : siguiriyas
AER
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Laura Vital / Eduardo Rebollar : rosa, alegría et cantiñas / siguiriyas
Antonio Reyes : siguiriyas
Antonio Reyes con Diego del Morao/Que suene el cante (2020)
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Antonio Reyes / Diego del Morao : siguiriyas
David Palomar : bulerías
David Palomar/Trimilenaria (2008)
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David Palomar : bulerías
Niña Pastori : cantiñas
Niña Pastori/Entre Dos Puertos (1995)
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Niña Pastori / Juan Manuel Cañizares : cantiñas
José Anillo : polo et soleá apolá
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José Anillo / Rafael Rodríguez : polo et soleá apolá
Encarna Anillo : milonga
Encarna Anillo/Barcas de Plata (2023)
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Encarna Anillo / Juan Requena : milonga
María Mezcle : cantiñas
MARIA MEZCLE
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María Mezcle / Joni Jiménez : cantiñas
Rancapino "chico" : fandangos
Rancapino Chico
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Rancapino "chico" / Antonio Higuero : fandangos
Esmeralda Rancapino : soleares
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Esmeralda Rancapino / Paco León : soleares
Claude Worms
Bibliographie
BLAS VEGA, José, Conversaciones flamencas con Aurelio de Cádiz, Cádiz, Universidad de Cádiz, 1988.
CANO OLIVERA, Mariuca, La Sallago. Ecos y vestigios de una cultura popular del siglo XIX, Sanlúcar de Barrameda, Conferación de Peñas Flamencas de Andalucía, 1994.
LEÓN BENÍTEZ, Catalina, El flamenco en Cádiz, Sevilla, Almuzara, 2006.
MORENO DELGADO, Manuel, Aurelio. Su cante. Su vida, Cádiz, Escelicer, 1964.
NUÑEZ, Faustino, Cádiz y lo flamenco en torno a 1812, Cádiz, El Boletín, 2012.
NUÑEZ, Faustino, Guía comentada de música y baile préflamencos (1750-1808), Barcelona, Ediciones Carena, 2008.
NUÑEZ, Faustino, El afinador de noticias. Crónicas flamencas en la prensa de siglos pasados, Écija, La Droguería Music, 2018.
ORTIZ NUEVO, José Luis, Las mil y unas historias de Pericón de Cádiz, Córdoba, Ediciones Demófilo, 1975.
QUIÑONES, Fernando, De Cádiz y sus cantes, Madrid, Ediciones del Centro, 1974.
VITAL, Laura, Cantes y estilos sanluqueños
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