samedi 15 mars 2008 par Claude Worms
Natif de Málaga (1979), résidant à Antequera, et apparenté à la famille des Paulera de Jerez (il est l’ arrière petit-fils de Tía Anica La Piriñaca), Luis Perdiguero vient d’ enregistrer un premier disque prometteur, "Vente tu conmigo !!". Sans verser dans un déterminisme géographique par trop réducteur, on ne peut cependant s’ empêcher de penser que l’ aisance dont fait preuve ce jeune cantaor, dans les "cantes libres" (Malagueña) comme dans les "cantes festeros" (Bulerías), doit sans doute beaucoup à cette double appartenance.
Le programme comporte deux titres accrocheurs, sans doute destinés à la promotion, qui ne nous semblent pas les plus réussis de l’ album : la Rumba "Vente tu ...", assez anecdotique (et qui n’ est pas sans rappeler le "Tu me camelas", qui valut en son temps une soudaine popularité à Niña Pastori) ; et les Tangos "Porque ni tu ni yo", affaiblis par un estribillo maladroit (avec une brusque césure mélodique assez artificielle) et le manque de "swing" de l’ interprétation. Au chapitre des réserves, on notera aussi une tessiture un peu réduite, avec des graves quelquefois périlleux, et une gestion du souffle parfois mal maîtrisée, qui prive par moments le cantaor de ressources suffisantes pour donner les impulsions rythmiques nécessaires sur les fins des "tercios" (Alegrías). On nuancera cependant cette dernière remarque : Luis Perdiguero se met souvent en péril par de difficiles legatos, parce qu’ il a le souci constant (et louable) de ne pas rompre les lignes mélodiques par des reprises de souffle intempestives. C’ est bien là l’ une des qualités marquantes des autres cantes de l’ enregistrement, avec un beau timbre vocal, une mise en place impeccable, et des contrastes dynamiques savamment dosés.
Luis Perdiguero avec Chaparro
C ’est le cas notamment pour les Soleares (cantes de Alcalá - Joaquín de Paula ;
de Utrera - La Serneta ; et de Triana - Ramón el Ollero et La Andonda) ; et les Siguiriyas (cantes de Jerez - cantes de Loco Mateo / Manuel Torres, El Marruro, et Juanichi el Manijero, fortement inspirés du style de La Piriñaca). Ces deux difficiles séries de cantes constituent à notre avis les temps forts de l’ album, avec les Fandangos, et des Malagueñas (cante de Gayarrito et "cante abandolao" de Juan Breva) chantées très sobrement, ce qui nous change agréablement des démonstrations vocales intempestives auxquelles elles donnent lieu trop souvent (l’ expression "decir el cante" prend ici tout son sens). Les deux Bulerías adoptent une scansion résolument jérézane, avec la complicité du cantaor Luis El Zambo pour la première, et l’ accompagnement de Moraíto (son célèbre "un, dos, tres, y ..." est à lui seul tout un programme).
Le jeu sobre et très efficace de José Antonio "Chaparro" convient parfaitement au cantaor (certains de nos lecteurs se souviendront peut-être de sa prestation pour El Chino : "Vieja litanía" - Auvidis B 6836). Le son pour une fois naturel de la guitare, et un mixage judicieux (Antonio Blanco et Antonio Navarro), ménagent un bon équilibre entre la voix, la guitare, et les percussions et les palmas (Joaquín Grillo, El Boo, et El Chicharo). On soulignera enfin le soin apporté au choix des "letras", de Luis Perdiguero et de José Espinosa ("Para concienciarnos" - Soleá ; "A mi hija Macarena" - Fandangos ; et deux hommages bienvenus, à Paco de Antequera - Malagueña, et à Fran Rivera - Bulerías).
Au total, ce premier disque mérite amplement le détour : la carrière de Luis Perdiguero commence sous les meilleurs auspices.
Claude Worms
Galerie sonore
Luis Perdiguero / Chaparro : Siguiriyas
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