mardi 24 juillet 2012 par Muriel Mairet
Suite et fin des reportages de Muriel Mairet, avec le spectacle de Manuela Carrasco.
Suspiro flamenco – Manuela Carrasco
Baile : Manuela Carrasco, Rafael de Carmen, Óscar de Los Reyes, El Choro
Guitare : Joaquin Amador, Paco Iglesias
Chant : Enrique el Extremeño, Pepe de Pura, Emilio Molina
Percussions : José Carrasco
Palmas : Bobote
« El día en que el aire tembló » - « Le jour où l’ air a tremblé »
A l’ ouverture des portes du Café Cantante, les aficiondos couraient de toutes leurs forces dans un grand vacarme pour rejoindre les meilleures places. Des mains agitées réquisitionnaient les chaises, s’ agitaient en l’ air pour faire signe aux amis, tandis que des pieds piétinaient nerveusement en tous sens en quête d’ un emplacement oublié. Les frères Lagos et El Londro avaient ouvert la première partie de cette nuit magique mais quand les lumières s’ éteignirent de nouveau, la salle s’ arrêta de respirer.
Bulería. Une Bulería « de fuego » embrasa la salle comme une déferlante. La Maestra Manuela Carrasco se tenait assise immobile, telle une déesse inca, un châle sur les épaules, se nourrissant des guitares et du cante. Son attitude hypnotique nous aspira dans une autre dimension, un courant irrésistible nous entraîna, le duende s’ infiltrait partout. Tandis que l’ air tremblait sous les guitares, la maestra se leva pour rejoindre le centre de la scène. L’ émotion fut démultipliée à la vue de son costume étincelant de tissu argenté. Le vêtement tient une place importante dans la culture gitane. Il souffrit de 1692 jusqu’ à la mort de Franco avant de retrouver sa liberté d’ allure. En effet, plusieurs édits du Royaume d’ Espagne interdirent tout signe d’ exubérance dans le port des vêtements.
Manuela brillait de mille feux, son zapateado pur et crépitant jouait toutes les musicalités sonores, créant une cascade de perles. Nous respirâmes à son « suspiro ».
Elle était accompagnée par son mari Joaquin Amador (frère de la cantaora La Susi ) et par Paco Iglesias à la guitare, et aux palmas par Bobote, dont la participation imprévue au programme fut remarquable. Voici plusieurs années qu’ ils ne travaillaient plus ensemble, nous fûmes témoins de palmas exceptionnelles dans lesquelles figurait la dévotion de Bobote pour la Maestra*. Il rayonnait.
L’énergie sur scène fut alimentée par le baile de danseurs exceptionnels : El Choro, Rafael de Carmen et Óscar de Los Reyes qui firent honneur au remate gitan tout en affirmant leur tempérament personnel.
Puis il y eut la Soleá de Manuela, si passionnée, construite de paseo, tercios, comme une corrida. Son braceo lent, épuré, pratiquement sans mouvement de mains, le buste arqué vers l’ arrière, n’ accompagne jamais le zapateado. Manuela alterne braceo puis zapateado, à tour de letra.
Il y eut une explosion d’ applaudissements dont la durée eut pour effet de nous sortir lentement de notre envoûtement. Une seule évidence s’ imposa : la maestra Manuela laissa une empreinte indélébile en chacun de nous.
* Bobote me confia quelques jours auparavant en prenant un café :
Le flamenco passe dans tes veines, circule dans tes muscles, ton corps. Tu respires « flamenco » et puis il y a les phases où tu te dis « je vais arrêter ». Je pense le faire car je ne partage pas assez de temps avec ma famille, ça me manque. La vie court au compás de la Bulería. Si les choses importantes te passent sous le nez, c’ est perdu. Il faut choisir ce qui est important. Je parle sérieusement.
Notre conversation se prolongea, Bobote fumant de nombreuses cigarettes :
Ca aussi il faut que j’ arrête...
Il se mit à fredonner, ses pieds commencèrent à marquer le sol et ses mains se rejoignirent pour faire claquer des palmas.
Je lui ai dit : T ’arrêter ? hmmm… Regarde, tu es déjà reparti…
Muriel Mairet
Photos : Muriel Mairet
Le duende Volé - Pilar Albarracín
Un projet de Pilar Albarracín avec une musique de José Torres
Musée Despiau Wlérick, Mont-de-Marsan, 2012.
Du 2 au 28 juillet
Performances
Documentation vidéo et photo
« La movida flamenca de Pilar »
Née en 1968 à Séville, diplômée de l’ école des Beaux Arts, Pilar Albarracín est une artiste entière, radicale, généreuse et engagée qui crée des œuvres issues de tous les arts. Ainsi des installations vidéos, performances filmées, photographies, dessins brodés participent à un scénario créatif ayant pour objectif de retourner, détourner et déstructurer. Ses thèmes de prédilection sont la tauromachie, le flamenco et la religion avec la femme au premier plan. Sa démarche artistique s’ articule principalement autour de la société espagnole, revisitant les stéréotypes de la culture ibérique à propos de la femme et de l’ homme, et des libertés (d’ expression, d’ idées, sexuelle…).
Ces intentions s’ expriment par le biais de créations dynamiques et très directes, qui impliquent plusieurs sens du spectateur, ses sensations,, son intellect, sa mémoire, et se jouent sur une échelle épidermique.
Réagissant d’ abord comme à un stimulus primaire et spontané, le stectateur, surpris par le choc, se met ensuite à vivre son message. Car dans sa mise en scène, Pilar attaque de front : choix de couleurs vives, expression de fantasmes, auto mise en scène prépondérante. L’ agacement surgit parfois en nous, mais nous retient en même temps, comme un jeu de pulsion-répulsion. En effet, malgré l’ auto dérision et l’ humour parfois présents, les thèmes développés soulignent dans l’ actualité les menaces qui pèsent sur la tolérance. Pilar nous provoque en nous plongeant dans nos propres miroirs, de nos propres contradictions, celles que nous préférons éviter. L’ artiste monte sur scène, se photographie dans l’ esprit de la movida. Ses œuvres se jouent de la propagande visuelle et culturelle machiste lancée par Franco. Son esprit critique les idées stéréotypées et formatées sur les femmes. Il part d’ une idée malicieuse, d’ un éclat de rire ou d’ un cri de colère enfantin. On se souvient de ses mandalas constituées de culottes de femmes en hommage à l’ »Origine du monde » de Courbet, ou encore de son propre corps maculé de sang sur le trottoir de la Plaza de la Campñía de Séville… Ces propositions insolites suscitaient la réflexion philosophique.
Pour ce « Duende volé », Pilar s’ est replongée dans les figures flamencas stéréotypées difusées par le franquisme. Ainsi de la création du présentoir de cartes postales flamencas des années 70, avec les jupes brodées sur la carte, dont certaines sont animées en vidéo. Ces courtes scènes burlesques (un baiser sauvage ; des pots de fleurs qui tombent des têtes des danseuses…), font ressurgir les souvenirs d’ enfance de Pilar. Une période privilégiée de la vie où l’ expression est entière et spontanée, l’ innocence brute et le partage sans à priori.
Sous les rires enfantins, se cache l’ expression d’ idées adultes, comme un cri de liberté de l’ époque, la soif des femmes de se faire entendre. Pilar exprime sans doute quelques cris anciens dont elle a été témoin. Sexe et liberté sont présentés sur cette grande photographie où elle pose allongée sur un lit, à côté d’ une tête de taureau, les yeux endormis, fumant une cigarette, vêtue d’ une robe à pois. Les symboles : le plaisir de la cigarette et la petite mort après orgasme ; les pois sur la robe faisant référence à la virginité dans la culture gitane ; la tête du taureau signifiant la puissance, la force, la fougue irrésistible, évoque le mâle impétueux. Parmi les références mythologiques et culturelles, évoquons entre autres : le féroce et mugissant Rudra du Rig-Veda, dont pourtant la semence abondante fertilise la terre ; les dieux célestes des religions indo-méditerranéennes, en raison de la fécondité infatigable et anarchique d’ Ouranos, dieu du ciel ; les divinités lunaires méditerranéo-orientales investies des attributs taurins ; en Egypte, la divinité de la lune était le Taureau des Etoiles ; Sin, dieu lunaire de Mésopotamie, avait aussi la forme d’ un taureau ; en astrologie, Vénus a son domicile nocturne dans le signe du Taureau tandis la Lune s’ y trouve en exaltation ; en Perse, la lune était le réceptacle de la semence du taureau…
Le taureau est aussi attribué à Mithra, divinité solaire. Il symbolise le dieu mort et ressuscité, mais il garde ici l’ aspect lunaire de la mort. En hébreu, la première lettre de l’ alphabet, alef, qui signifie taureau, est le symbole de la lune à sa première semaine. Beaucoup de lettres, de hiéroglyphes, de signes…, sont en rapport simultané avec les phases de la lune et avec les cornes du taureau, souvent comparées au croissant de lune.
Toutes les ambivalences, toutes les ambiguïtés existent dans le taureau. Eau et Feu : il est lunaire, en tant qu’ il s’ associe aux rites de fécondité ; solaire, par le feu de son sang et le rayonnement de sa semence.
Sur la photographie, l’ insouciance de l’ attitude de Pilar renverse les rôles et les corps.
Le travail présenté par la série de photos « Seguiriya para un esqueleto » (2012) « Vísceras por tanguillos » (2012) « Fandangos por venas y arterias » (2012) « Soleá por músculos » (2012) nous plonge dans des sensations burlesques où les corps telluriques sont mis en avant à la manière de poupées russes : la femme est vêtue d’une robe flamenco, d’ abord rouge et peinte de muscles, puis orange avec les intestins, puis blanche avec un système veineux, puis noire avec les corps osseux. Pour l’ artiste, les os sont la structure, la base du corps vivant ; les veines sont les racines, la famille, l’ héritage familial et culturel ; les intestins la partie la plus compliquée. Et torturée ?
Le mur de photographies noir et blanc de qualité volontairement amateur paraît un peu vide de sens, comparé aux autres œuvres, et malgré le nombre de clichés qui le constituent. Les restaurants et café cantante andalous sont riches de ce type de « mur » où le duende rayonne sur tous les visages. Le duende est un amant insaisissable comme le vent, il arrive sans prévenir et repart dans un courant d’ air.
Pilar Albarracin, du 18 au 21 octobre : FIAC – Paris, Grand Palais.
Représentée par Georges-Philippe & Nathalie Vallois
Muriel Mairet
Photos : Muriel Mairet
Lundi 2 juillet : Interview de Rocío Molina pour Flamencoweb
Muriel Mairet :
Le temps a passé depuis « ORO VIEJO », « CUANDO LAS PIEDRAS VUELEN », « VINATICA », « DANZAORA »… Qu’ as - tu en tête maintenant ?
Rocío Molina :
Pleins de choses, comme toujours… J’ ai ce nouveau spectacle qui est monté avec Rosario, (La Tremendita) dont personne n’ a entendu parler. C’ est la première fois que nous travaillons en tant qu’ artistes à tous les niveaux de production, technique, artistique, financier... Nous avons décidé de profiter de notre temps partagé pour créer ensemble - les deux artistes vivent ensemble -, pour nous consacrer à l’ art, faire ce que nous savons faire. Cela fait huit mois que nous travaillons sur ce spectacle qui n’ a toujours pas de nom pour le moment. Nous étions presque arrivées à mettre en place la première représentation, qui n’ a pas pu se faire pour une autre raison. Nous allons donc le reprendre pour
quelques retouches finales, et nous le présenterons en octobre à Barcelone. On verra ce que cela rendra . C’ est un travail très intéressant car nous sommes trois artistes sur scène : Rosario, moi et Pablo Martín, contrebassiste. C’ est un montage difficile, compliqué, mais très amusant. Disons que c’ est ce que nous avons en cachette.
A part çà, je suis dans une période consacrée à la curiosité, avec beaucoup d’ envie de créer, de faire des choses, d’ apprendre. J’ ai fait rencontrer beaucoup d’ artistes avec ce projet. J’ explore et agrandi mon espace de réflexion et mon champ de vision, je jouis de ce nouvel espace d’ études. J’ ai aussi voyagé dans le monde pour faire connaissance avec des gens. Je rentre tout juste de Berlin, où j’ ai rencontré Sébastien Ramirez, un français, et Hyun-Jung Wang*, une coréenne allemande ( ?). Je ne sais plus très bien. Ce sont deux artistes qui ont une idée bien personnelle du mouvement, j’ adore ça. Cela me plaît ces relations d’échange : rompre avec ses propres habitudes de travail, parler… Il sort toujours quelque chose de nouveau. Nous nous sommes rencontrés par hasard à Séville, lors de la semaine de la danse contemporaine et d ’arts plastiques, où j’ ai vu un spectacle qui se produisait pendant quatre jours. Ils faisaient un pas de deux que j’ ai adoré. C’ est un travail très « spectacle de rue », mais en même temps très élégant et contemporain. Ce qui m’ a le plus surprise, c’ est que Hyun-Jung, au début de la chorégraphie, était à contre-jour. On aurait cru qu’ elle était mon ombre parce que plusieurs mouvements ressemblaient aux miens. Physiquement aussi : nous sommes de la même taille, elle a les yeux un peu chinois comme moi, elle danse avec le même chignon ici - elle rit - comme moi. A ce jour, nous n’ avons jamais travaillé ensemble, mais on se ressemble beaucoup, même dans nos attitudes de danse. Cela m’ a plu. Quant à Sébastien, c’ est un danseur qui travaille avec une compagnie, et qui a beaucoup de projets, un cerveau toujours en ébullition. C’ est génial parce qu’ il a cette capacité de se mettre de l’ autre côté, de regarder de l’ extérieur et diriger en même temps, d’ essayer des choses, de les vivre comme un laboratoire d’ expériences.
J’ ai également travaillé avec Colin Dunn à Genève. J’ ai fait une improvisation avec lui, et c’ est vrai que ce fut un travail vraiment intéressant. Cela me plaît beaucoup d’ improviser comme artiste, parce que tu découvres de nouvelles choses, comment la personne bouge en face de toi, comment chacun interprète ce qu’ il a en lui. C’ est vrai que l’ on peut parler d’ une année de rencontres, et j’ en suis enchantée. Mais pas seulement pour des histoires de danse. J’ ai aussi découvert de nombreuses choses sur l’ art vidéo, la
photographie… Au-delà des réflexions que ces rencontres m’ont apportées, il y a surtout beaucoup de divertissement. J’ appelle çà « mes vacances artistiques » - elle rit -, parce que cela me donne beaucoup d’ énergie, de vitalité, cela me fait bouillonner.
« Vinatica » fut un travail très dur, un processus de création difficile, une période de recherches pleines de contradictions, dans mes mouvements, mes réflexions. Ce fut une lutte intense. Cela se voit dans le spectacle, dans la tension qu’ il porte. Maintenant, je suis dans le contraire, dans quelque chose de détendu, pour essayer en toute liberté. Si ça sort bien, tant mieux, sinon je passe à autre chose. En ce moment je vis de bonnes choses. A chaque fois que je travaille, j’ approfondis, mais sans pression, comme « en vacances ».
Je connais Rubén Olmo depuis quelques temps. J’ ai adoré le rencontrer, et ce qui me plaît en plus de son talent artistique, c’ est sa personnalité. C’ est quelqu’ un qui sait faire régner le calme, qui me transmet beaucoup de paix, de tranquillité. Il s’ occupe de toi, il fait attention à toi, te conseille très bien. C’ est quelqu’ un de droit, d’ objectif, et je suis vraiment enchantée de collaborer avec lui et toute sa compagnie. Rubén s’ est bien entouré d’ artistes pour monter son projet et il sait ce qu’ il veut faire. Il a bien choisi ses musiciens, ses danseurs, ses solistes, nos chorégraphies. Chaque artiste amène aussi ce qu’ il est, et il te donne une liberté totale. Au final tout s’ emboîte, parce que tu l’ écoutes et lui t’ écoute aussi. Il t’ a choisie, t’as mise à l’aise. L’ énergie circule et voilà le résultat, d’ un naturel total. Il m’ a donné une liberté absolue pour ma chorégraphie, parce que je montais aussi d’ autres choses, quatre projets en même temps à l’ époque. C’ était compliqué, j’ arrivais à saturation. Il m’ a donné quatre axes et proposé de la musique. Pendant les répétitions, il m’ a indiqué certaines choses mais il m’ a laissée libre. J’ ai écouté la musique, suivi ses instructions, monté ma chorégraphie et ça rentre bien.
Le début de l’ année fut très dur, avec ces quatre projets en même temps – dont « Ángeles Caídos », avec Olga Pericet en artiste invitée du Ballet National d’ Espagne dirigé par Antonio Najarro (en mars / avril dernier à Madrid). En même temps, je montais le projet avec Rosarío, et ce n’ était pas facile. Une fois le travail terminé, je me suis un peu reposée parce que j’ en avais besoin, et maintenant je prépare la première. Je vais tourner avec ce spectacle comme pour tous les spectacles que j’ ai montés.
Et puis toutes ces rencontres avec ces artistes…je me sens divinement bien, cela m’ entraîne. J’ ai eu beaucoup de chance de rencontrer des personnalités originales qui m’ apportent et m’ apprennent beaucoup, pas seulement sur la danse, mais aussi sur la musique (comme avec Eduardo Trassiera, Pablo Martín, Juan José Carmona, Rosario – même si cela fait longtemps que nous travaillons ensemble -, Sebastien et Hyun-Jung). Je suis de nature curieuse, je m’ intéresse toujours à ce que font les autres à l’ extérieur et j’ essaye de les rejoindre.
* Spectacle de Sébastien Ramirez et Hyun-Jung Wang : « MONCHICHI »
du 11 au 15 septembre 2012 : THEATRE DES ABESSES – PARIS
Propos recueillis par Muriel Mairet
Photos : Muriel Mairet
ENCANTADOS - David Lagos et El londro
Cante : David Lagos & Miguel Soto « El Londro »
Guitare : Alfredo Lagos
El néctar de la noche – Le nectar de la nuit
Cantaor attitré de plusieurs bailaores - Israel Galván, Isabel Bayón… -, le jerezano David Lagos a vu sa carrière prendre une autre dimension lorsqu’ il reçut le prix de la critique à Jerez en 2008. Sa carrière solo se poursuit aujourd’ hui sous les feux de la rampe internationaux. Un concert de David est sans conteste un moment de duende partagé , et quand on sait la rareté de le voir accompagné par la guitare de son frère, Alfredo Lagos, le rendez-vous promettait d’ être unique. Au duo fraternel s’ ajoutait le cante jerezano d’ El Londro, qui a abandonné le cante por atrás des grandes compagnies classiques pour d’ autres plus personnalisées (collaborations avec Andrés Marín, Israel Galván, Isabel Bayón…). Son premier disque, « Luna de Enero », produit par Miguel Poveda, est sorti en 2010.
La présence du cantaor jerezano El londro aurait pu souffrir de la complicité des deux frères, mais il eut toute la place qu’ il méritait. Les palos interprétés par David n’ ont pas écrasé ceux d’ El Londro, devenu pour l’ occasion « el compadre de siempre ». Les deux artistes ont parfois partagé des letras à tour de rôle, dans un profond respect commun. David soigne de très près ses balances et toutes les mises en place lors des répétitions. Une fois libéré de la technique, il laisse toute la place à sa sensibilité. Le cante de David a pris une teinte plus ronde, plus sucrée, sans perte en intensité, ni en couleur, comme le fameux vin « dulce » de Jerez…
Nous saluons le retour sur scène de la Petenera portée admirablement par El Londro. L’ enchaînement de sa Siguiriya avec la Soleá de David pouvait paraître risqué, car il est difficile de passer d’ un palo dramatique à un autre (et d’ un compás à un autre), mais le niveau émotionnel de chaque cantaor apaisa aisément toutes nos craintes. Le final en Bulería de Jerez provoqua une explosion de joie dans la salle, comme un échauffement pour la deuxième partie de soirée.
Conférence de presse du vendredi 6 juillet
David Lagos : Ce soir, ce sera un récital partagé, avec cinq séquences de cante, et nous serons tout le temps tous les trois sur scène, une guitare et deux voix. Nous partagerons des moments entre nous, avec ce qui nous plaît à nous trois, et nous nous écouterons. Pour le répertoire, j’ ai choisi des letras que j’ ai composées et d’ autres de chants populaires. Je me nourris de plusieurs sources. Dans mon premier disque, « El espejo en que me miro », je faisais référence à :Antonio Chacón, Terremoto, Camarón… Je ne me ferme à personne, je pense que tous les chanteurs ont quelque chose. J’ aime écouter, palper, intégrer à ma manière, et adapter à ma personnalité.
Miguel et moi avons tous les deux plus travaillé le cante « por el baile » que le solo. Nous collaborons chacun avec des compagnies, et c’ est la première fois que nous travaillons ensemble. Nous nous connaissons bien, nous sommes amis et partenaires professionnels dans la vie. Cette occasion de nous retrouver pour ce festival est un cadeau dont nous sommes très heureux.
On connaît la scène quand le cante est au service du baile. Quand tu chantes « adelante », tu peux développer ton chant d’ une meilleure manière puisque tu choisis tes lettras en fonction d’ une recherche, d’ une certaine fluidité dans la voix. Tu peux en rajouter à ta guise selon le moment que tu vis sur scène et ton inspiration.
Cette invitation du festival à chanter « adelante » me réjouit beaucoup. De plus, nous avons la chance qu’ Alfredo ait pu nous rejoindre. Il va faire le pont entre nous deux. On espère faire quelque chose où personne ne s’ ennuie.
C’ est vrai qu’ avec Alfredo il y a une complicit artistique, bien sûr. Mais il est mon frère, et chacun sait parfaitement comment l’ autre respire. Je ne répète rien avec Alfredo, afin de me laisser surprendre, et de nous permettre de vivre ces instants de surprise. Le flamenco se doit d’ avoir ses moments de spontanéité. On parle un peu des cantes que l’ on va choisir, parce qu’ on ne peut pas monter sur scène sans direction. Je pense que plus nous laissons de place à l’ imprévu, meilleur sera le concert.
A part çà, Alfredo, pour moi, c’ est 50% de ma voix. C’ est une colonne sur laquelle je m’ appuie. Cela m’ aide, les moments difficiles me paraissent plus faciles et les autres plus simples. C’ est un pilier. Chacun sait ce qu’ il devait faire, il y a de l’ intuition.
Côté projet, je prépare aujourd’hui mon deuxième disque avec le guitariste Santiago Lara - mari de la danseuse Mercedes Ruíz. Nous sommes en train de choisir les cantes. La sortie est envisagée pour l’ année prochaine. Aujourd’ hui, un disque ne sert plus qu’ à te présenter aux programmateurs des festivals, à te faire connaître auprès des directeurs artistiques de théâtres. Les subventions ayant totalement disparu, le concept même du disque destiné à la vente s’ est effondré. On ne gagne plus sa vie avec. Les intérêts des gens se sont déplacés, les sites de réseaux sociaux ont proposé d’ autres outils de communication. Il arrive souvent que tu soignes attentivement le rendu sonore d’ un concert et que tu en retrouves cinq minutes de très mauvaise qualité sur internet. Ton travail est gâché d’ un seul coup. Il ne reste plus que les concerts.
Muriel Mairet
Photos : Muriel Mairet
« METAFORA » - Ballet Flamenco de Andalucia
Chorégraphie : Rubén Olmo
Baile : artistes invitées : Pastora Galván & Rocío Molina
Baile : Patricia Guerrero – Eduardo Leal
Sara Vasquez, Ana Agraz, Marta Arias, Monica Iglesias, Maise Marquez, Juan Carlos Cardoso, Ángel Fariña, Fernando Jiménez, Alvaro Paños
Chant : Fabiola Pérez & Manuel « El Zambullo »
Percussions : David « Chupete »
Guitares : Daniel Jurado & Manuel de La Luz
Los sueños perfectos – Les rêves parfaits
Rubén Olmo a pris la direction artistique de cette compagnie, précédemment assumée par Cristina Hoyos puis María Pagés, il y a tout juste un an, et nous fait découvrir sa première création chorégraphique pour le ballet, après l’ avoir inaugurée au festival de Jerez, en février dernier.
Danseur sévillan aux multiples formations (danse classique espagnole et contemporaine, danse flamenca), il a choisi de s’ entourer de partenaires sévillans comme Fabiola Pérez au cante et Pastora Galván au baile. Ce choix rappelle qu’ au-delà de son élégance, Séville est d’ humeur festive. Elle célèbre la vie chaque jour à travers ses ferias, Semanas Santas, festivals….
L’ excellence est de rigueur dans le corps de ballet : rappelons au passage la présence de la jeune danseuse Patricia Guerrero qui a fréquenté les plus grandes compagnies (Compagnie Mario Maya « Diálogo del Amargo » (2006) ; Premio El Desplante festival de flamenco international de La Unión (2007) ; Festival de Jerez - Ciclo Los Novisimos (2008) ; « Homenaje a Mario Maya » de Belén Maya et Miguel Serrano (2009). La troupe s’ est enrichie du baile de Pastora à trois reprises : « Con mucha alegría », sur Alegría, Bulería et Tango. Le numéro de bata de cola resta gravé dans les mémoires. En effet, Rubén a choisi un contraste stupéfiant dans les couleurs des costumes : tandis que les danseuses évoluaient dans des batas de cola et des mantones de couleur bleu turquoise, Pastora enflamma la scène en rouge vermillon, telle une branche de corail dans la Méditerranée. Cette Alegría très spectaculaire enivra le public, happé par le tourbillon des multiples volants de mousseline des batas et des mantones virevoltants.
Le cante de Fabiola trouva un partenaire idéal en partageant les letras Martinete avec Manuel « El Zambullo ». Son cante exprima plus de plaisir que lors des autres palos chantés « pa’ atras ». Le corps de ballet avec Pastora dans une Bulería, provoqua de nombreux jaleos jusque dans les premiers rangs des spectateurs, sous le regard enthousiaste de la maestra Manuela Carrasco. Le « paso a dos » qui suivit plus tard avec Patricia Guerrero et Eduardo Leal parut un peu terne après cette envolée.
Un interlude plus tard, Rubén nous offrit un solo, volant au - dessus de la scène, dans une chorégraphie contemporaine de classique espagnol. Puis la voilà… « Ah ! la voilà… » chuchote – t – on comme en un soulagement. La voilà, tout le monde l’ attendait, comme pour un rendez-vous amoureux. Le public retient son souffle de peur qu’ elle ne disparaisse. L’ ange Rocío Molina danse sur un boléro, signant une chorégraphie très aérienne dans une atmosphère lunaire et romantique.
Des numéros parfaits, des références symboliques à Lorca, à Séville, au folklore espagnol, un décor simple : autant de choix artistiques participant à l’ excellente qualité de prestations différentes, mais entre lesquelles le lien est resté difficile à saisir. Rubén Olmo doit travailler sur le sens du projet et sa véritable intention personnelle. En effet, si « Metáfora » représente une entité, il s’ agit plutôt d’ une « Suite de Métaphores », comme plusieurs rêves enchaînés. Compte tenu de la présence des musiciens dès le début du spectacle, on regrette aussi le nombre conséquent de bailes sur des play - backs orchestrés.
Les spectacles d’ ouverture du Festival de Mont - de - Marsan ont toujours servi les grandes compagnies. Certains déplorent d’ ailleurs que « les mêmes » y soient toujours programmés. Mais qu’ entend - on par « les mêmes » ? Les mêmes compagnies ? Certaines reviennent en effet, comme celles de María Pagés, ou d’ Eva La Yerbabuena. Se plaint – on de l’ absence de certaines compagnies ? Peu t- être : ces sept dernières années, nous n’ avons pas eu le plaisir d’ admirer la Compagnie Antonio Gadés, ni celle d’ Aïda Gómez, ni celle d’ Antonio Márquez… La même soirée ? …Le même lundi ? Sûrement… En effet, beaucoup d’ aficionados guettent l’ ouverture du festival comme le début d’ une semaine sacrée. Leurs attentes sont multiples et abyssales. Par ailleurs, le public de l’ Espace Mitterrand est différent de celui du Café Cantante. Beaucoup ne viennent qu’ à ce premier spectacle. L’ infrastructure des lieux est aussi très différente, et ce contraste influence les esprits. Cependant, cette soirée a toujours vibré comme une nuit de gala qui plait à tout le monde. Rappelons au passage que la compagnie est subventionnée par la Junta de Andalucía, organisateur officiel de la Biennale de Séville et de plusieurs Festivals flamencos mondiaux – Londres et New York notamment – et que ce spectacle est au programme de la Biennale de Séville…
Nous pourrions suggérer qu’ il existe d’ autres compagnies, comme celle de Rafaela Carrasco avec « Vamos al Tiroteo » ; Rocío Molina avec « Oro Viejo » ; Olga Pericet ; Manuel Liñán ; Marco Flores avec « En sus 13 »… Javier Latorre est aussi capable de monter de grands projets. Ces compagnies présentent des projets différents, plus personnels, plus risqués. Elles ont déjà rempli des salles dans le monde entier comme à Paris, Londres, New-York….
Ajouter un peu de poivre relève souvent le goût…
Muriel Mairet
Photos : Muriel Mairet
« SORDA » - La Niña de los cupones
Baile : María Ángeles Narvaez « La Niña de los cupones »
Cante : Niño de Elche
Guitare : José Tudela
Baile et palmas : Jesús Herrera
La declaración del corazón – La déclaration du coeur
Devenue sourde suite à une intervention médicale à 6 ans, La Niña – María Ángeles Narvaez Anguita ,née en Suisse en 1975, de parents andalous, rejoint Séville à l’ âge de 6 ans.Très attirée par le flamenco, elle le découvre grâce à Paco Palacios. A 15 ans, elle décide de suivre une formation professionnelle à l’ école de Matilde Coral et, obtient son diplôme de danse au Conservatoire de Séville. Elle décide d’ explorer le langage des signes pour le transposer dans l’ univers du flamenco. Elle participe au film « Flamenco » de Carlos Saura et se produit depuis 5 ans sur de nombreuses scènes importantes, dont la Biennale de Séville en 2008. Son succès et sa carrière de danseuse ne l’ ont pas coupée de la réalité, puisqu’ elle continue à vendre des billets de loterie dans son petit kiosque de Séville. C’ est sans doute là qu’ elle se nourrit à profusion de contacts différents.
Son spectacle nous a séduit. La Niña parle, chante, signe, danse… et toujours vers l’ autre. Ce spectacle est une déclaration, comme un cri de douleur et de chagrin, qu’ elle ressentit lorsqu’ elle devint sourde. Mais l’ allégresse de sa Guajira,, son hommage a Camarón, sa chorégraphie « signée » avec son cantaor, ses Bulerías « al golpe », la Siguiriya de son danseur Jesús Herrera… nous ont fait oublier son handicap : preuve que le travail de María Ángeles est le fruit d’ une concentration et d’ un investissement personnel extrêmes.
L’ovation du public fut au rendez-vous.
Conférence de presse, mardi 3 juillet
La Niña de los cupones : Mon spectacle « Sorda », flamenco puro en langue des signes, est né de ma fierté d ’être sourde, car pour moi le handicap n’ est pas un frein pour accéder à l ’art. C ’est un spectacle qui intègre la langue des signes, parce que je devais déjà à la base m’ exprimer d’ une certaine manière. J’ ai ressenti le besoin de m’ exprimer avec les mains parce qu’ on les retrouve aussi à la racine de cet art et que la langue des signes est très expressive. J’ ai eu envie ensuite d’ introduire la langue des signes dans le flamenco. J’ ai commencé avec un projet qui racontait mes expériences passées et le sentiment que j’ ai ressenti quand je suis devenue sourde. Puis il a évolué avec le temps créativement parlant, avec la langue des signes. Je danse le flamenco, et la langue des signes est un prétexte de recherches né de manière autodidacte. J’ ai d’ abord imaginé d’ intégrer à compás les signes sur les letras du cante, je les ai adaptés. Il y a des moments où le chanteur ne chante pas mais où je signe, et d’ autres où il chante et où nous sommes liés tous les deux. Cela marche parfaitement sur la letra.
Il y a aussi un hommage à Camarón (l’ artiste nous a quitté il y a vingt ans) : j’ ai monté un extrait d’ un chant de Camaron que j’ interprète en signant. Cette création date de 2010, de mon spectacle « Pañuelo a rayas ». Il s’ agit de cante jondo, terrain idéal pour exprimer un maximum de sentiments ! Ta sensibilité, tes sentiments et la morale flamenco ! Mais si je commence à tout raconter, il n’ y aura plus de secret ce soir ! Qu’ est - ce qu’ on va faire alors ?
Je n’ ai pas rencontré de problèmes avec les musiciens, ni eux avec moi. Nous sommes contents de travailler ensemble. Je cherchais à travailler avec eux et eux aussi alors… Quand je les appelle pour travailler avec moi sur mes spectacles, ils sont enchantés. Il n’ y a ni discrimination, ni peur. J’ ai fait de la danse classique, du classique espagnol, des castagnettes, et l’ école boléra comme une élève normale, sauf que parfois je jouais un peu fort des castagnettes. Pendant ma formation, à mes débuts, je leur demandais juste de monter le volume, de faire le compás avec les palmas…
Je sens la vibration du son par quelques os dans l’ oreille. En fait celle de droite est sourde à 100%, et pour l’ autre il ne me reste rien en dessous de 30 décibels (niveau d’ une conversation à voix basse). La musique est dans ma tête et pénètre mon corps. Je m’ inspire des paroles du cante, et je me sers de mon imagination. Mes sens ont une sensibilité exacerbée, tout me touche profondément. Depuis l’ âge de 6 ans, j’ ai toujours été en contact avec le monde de la musique, de l’ art. J’ attache beaucoup d’ importance aux balances avant le spectacle, pour me familiariser avec la vibration du son à travers la scène et la salle, qui est différente d’ un endroit à l’autre.
La langue des signes est adaptée à toutes les formes d’ art. Elle peut servir en matière de recherche, et t’ ouvrir beaucoup de portes. Par exemple, la semaine dernière, j’ ai dirigé un atelier de langue des signes pour des adolescents sourds à Mont – de – Marsan, lors des journées Handiland. Ce fut une très belle expérience. Ils n’ ont pas eu de problème pour appréhender les signes espagnols et leurs différences avec les signes français. Il y avait des traductions dans tous les sens, du signe espagnol vers l’ oral français, vers le signe français, vers l’ oral espagnol… Finalement, tout le monde s’ est retrouvé dans le signe « bravo » (les mains en l’ air, on tourne les poignets), qui est universel.
Muriel Mairet
Photos : Muriel Mairet
A TIEMPO » – La Tremendita
Cante : Rosario Guerrero Hernández « La Tremendita »
Guitare : Salvador Gutiérrez
Baile : Rocío Molina
Palmas : Bobote & José Manuel Ramos « El Oruco »
A compás de sus vivencias – A compás de son existence
Née en 1984 à Séville, Rosario La Tremendita vient du quartier de Triana. Elle est la fille du célèbre cantaor « El Tremendo ».
Si le concert proposé est basé sur le travail de son premier disque « A tiempo » (Prix Flamenco Hoy du meilleur disque révélation 2010) - dont elle ne maîtrisait pas entièrement la production, il fut aussi une réminiscence du fruit de ses nombreuses collaborations avec Rocío Molina : le Fandango et le Polo « a dos » d’ « Oro viejo » ont subjugué la salle, comme le Tango qui clôtura la soirée, revisité cette fois dans sa dynamique et dans ses effets de zapateado crépitant. Il y eut également la Bulería que les deux protagonistes présentèrent à la soirée spéciale « Flamenco patrimoine culturel immatériel de l’ humanité » en novembre 2010 sur Canal Sur : « A Enriqueta la pescaera » :
« Una niña tenia un reloj nuevo, potente, nuevo modelo
Su novio se lo pedia porque tenia el deseo de verlo »
Une letra taillée sur mesure pour Rocío.
Quant à la mise en scène du numéro de palmas entre les deux jeunes femmes (Rocío assise sur une chaise exécutant des palmas, Rosario debout derrière elle, lui masquant la vue avec des palmas), elle trouve sa source dans une plaisanterie de Bobote à Rocío lors de répétitions à Séville. Ce fut un concert splendide, malgré ces reprises et les tensions du début du récital de la jeune artiste, qui souffrit de problèmes de retours de la sono. Son cante si mélodieux, sa voix mate, son perfectionnisme invisible et son interprétation sensible des letras, témoignent de sa grande maturité professionnelle et de son talent remarquable. L’ artiste se tient à une hygiène de vie aussi rigoureuse que son travail : « Moi je ne fume pas, je ne bois pas, je me couche tôt et durant la journée je travaille » (extrait de l’ interview d’ Aurélie Champagne – supplément Sud Ouest du 21 juin 2012)
Nous sommes impatients de la découvrir dans un prochain concert plus risqué, plus actualisé, plus en rapport avec son ressenti, dont elle sait si bien parler en interview, et peut - être d’ entendre avec plaisir son toque à la guitare.
Guitarra de mis amores
como a una mujer te quiero,
son tus soníos dolores
que se clavan en mi seno
como los falsos amores
Conférence de presse, mardi 3 juillet
Rocío : Je crois que cela fait 9 ou dix ans que nous travaillons ensemble. Nous nous sommes rencontrées sur un projet monté pour de « Jeunes artistes ». Plus tard, j’ ai préparé un projet pour lequel je souhaitais absolument une voix de femme, et nous nous sommes retrouvées. Nous avons participé chacune aux projets de l’ autre à plusieurs reprises.
Rosario : Tu racontes ça très bien…
Rosario : Le concert de ce soir présente le travail de mon premier disque « A tiempo », sur lequel Rocío a collaboré. Ce disque est sorti il y a deux ans. Le baile n’ y est pas présent seulement pour accompagner le chant comme d’ habitude sur les disques, comme si, au - dessus du chant, il y avait le baile. Nous avons souhaité réaliser une création spéciale. Il s’ agissait de faire une séquence où la voix et la danse s’ affrontaient seuls face à face, comme deux instruments qui se mêleraient. Cela me paraissait particulier, sans compter que le baile de Rocío est déjà spécial, comme tout ce qu’ elle fait…
Il y a aura aussi Salvador Gutiérrez à la guitare. Cela fait dix ans que nous travaillons ensemble.
Rocío : Participer au projet d’ un chanteur est un travail différent de ceux que je monte pour moi. En vérité, quand je suis invitée par un autre artiste, la chose qui m’ est essentielle, c’ est d’aimer ce que l’ autre fait. Comme le travail de Rosario m’ a toujours intéressée, ça s’ est fait tout seul. En ce moment, je consacre mon temps aux rencontres avec beaucoup d’ artistes du monde entier (anglais, allemands, français, coréens…), et je suis en répétition avec Rosario sur un projet que nous présenterons au « Mercado de las Flores » en octobre à Barcelone, avec la collaboration de Pablo Martín à la contrebasse. Cela fait maintenant presque un an que nous y travaillons.
Rosario : Tout ce qui m’ environne et m’ accompagne participe à mon travail : ma famille, mes parents, ma grand - mère. En fait, il n’ y a rien de vraiment original dans ma famille : tu nais et tu chantes flamenco, tu chantes ta vie. Mon chant, mon caractère, ma façon d’ être, de vivre, c’ est Séville ! En mal comme en bien. Je me considère comme une chanteuse traditionnelle dans l’ essence du cante que je propose, car la vie est faite des expériences passées, de ce qui a été fait avant. Mais je suis aussi une chanteuse créative, influencée par le monde dans lequel je vis et par les moyens dont je dispose. J’ aime jouer avec toutes ces combinaisons qui me composent. On chante comme on vit.
Mon deuxième disque sortira en septembre. J’ en suis très contente car beaucoup de gens y ont participé, des artistes excellents comme Diego Amador au piano, mon guitariste de toujours Salvador Gutiérrez, et Rocío, mais pas au baile cette fois. Je pense que c’ est un projet original et très spécial : nous nous sommes nous - mêmes surpris. Je suis enchantée. Je me suis beaucoup plus investie dans sa composition ; tous les thèmes choisis sont les miens, et je joue aussi de la guitare. C’ est un disque très spécial en matière d’ expérimentation, de collaborations, et aussi au niveau technique. Plus risqué aussi, car il s’ agit d’ une production personnelle, tant sur le plan émotionnel, mental que financier. J’ y ai tout mis, il représente beaucoup pour moi à tous les niveaux. Il y aura douze palos, dont une Siguiriya, une Malagueña, des Alegrías, des Tientos, des Tangos de Triana, un cante de Santenil (un chant à moi : en fait, un mélange de Fandango, Malagueña, Granaína, Taranta… – basé sur le cante d’ un chanteur à qui personne ne prêtait attention, mais dont me parlait ma grand - mère). Le disque s’appelle « Fatum », ce qui veut dire « destin » en latin. J’ ai étudié la poésie iranienne, le destin en iranien se dit « rueda », qui veut dire « roue » en espagnol. Le mélange de ces deux traductions me plaisait beaucoup. Il représente bien la manière dont je veux vivre et mener ma carrière. J’ aime l’ image d’ une roue qui entraîne une belle énergie, d’ une force imparable.
Muriel Mairet
Photos : Muriel Mairet
« HOMENAJE A LOS GRANDES » – La Farruca
Baile : La Farruca & Manuel « El Carpeta »
Cante : Pedro Heredia “El Granaíno” - Fabiola Pérez - Mara Rey
Guitare : Juan Requena
Piano : Pablo Rubén Maldonado
Palmas : Octavio Lozano
Dont acte.
La Farruca et El Carpeta n’ étaient pas présents à la conférence de presse. Cependant la danseuse a participé à une rencontre avec le public après son spectacle (« Rencontre de bord de scène »), où elle a affirmé que son flamenco est le vrai flamenco, le « flamenco puro », et qu’ en dehors de çà elle ne voyait personne dans la jeune génération qui danse le flamenco. En conclusion : ses trois fils, Farruquito, Farucco et El Carpeta, sont les seuls héritiers du flamenco.
En tant que critique, je suis très choquée par tant de déni et d’ arrogance. Je pense à La Moneta, Saray et Lole de Los Reyes, José Maya, et à bien d’ autres. Cette « opinion » ne risque guère de favoriser la découverte du flamenco dans toute sa riche et vivante diversité.
Par respect pour tous les artistes qui mettent tant de cœur à défendre le flamenco, j’ ai donc décidé de ne pas écrire de critique de ce spectacle.
« Il faut contempler, il faut penser. Celui qui pense peu se trompe souvent. » Leonard de Vinci
Muriel Mairet
(l’ équipe de Flamencoweb s’ associe sans réserves à la position de Muriel Mairet)
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