mardi 6 juillet 2021 par Nicolas Villodre
Pour ce qu’on en a pu voir en seulement deux jours, l’édition de cet été du festival montois a été un très bon cru. Qui dit art, dit formes d’expression multiples, lieux publics des plus variés pour les mettre en valeur, ou en vedette et différents modes ou durées pour les aborder.
Danse danse avec la lune
François Loustau et Christophe Richard ont monté au Musée Despiau-Wlérick une exposition établissant "une relation sensible entre la danse et les mouvements de l’univers". Plusieurs types de pièces et d’objets sont accrochés aux cimaises ou posés sur piédestaux, sous vitrine ou non. Les traces, les signes, les gestes, les représentations graphiques, photographiques, vidéographiques ou en trois dimensions, réparties dans plusieurs salles, soigneusement éclairées, collectées à diverses sources (aux sculptures issues des collections du musée, les commissaires ont voulu ajouter des œuvres de plasticiens contemporains), « composent une grande chorégraphie naturelle ». Le jour de notre visite, un groupe de jeunes écoliers non encore en vacances, nullement dissipés, découvrait ce microcosme et était invité à en reproduire eux-mêmes les mouvements. Ce qu’ils faisaient avec grand plaisir, et gracieusement.
En mi sitio
La formule cabaretière dite du "spectacle bodega" a laissé carte blanche le 2 juillet au Sextet de Nicolas Saez, avec le compositeur en personne à la guitare, Alberto García au chant, Léa Linares à la danse, Nicolas Frossard au violon, Julien Cridelause à la basse électrique et Sabrina Romero aux percussions. En une dizaine de thèmes musicaux, le groupe a assuré la première partie de soirée, passant de la rumba catalane au chant profond andalou. Les introductions, les ornements et contrepoints au violon et les accents rythmiques étaient d’esprit jazz-rock. Le résultat des courses, autrement dit de la résidence artistique du groupe nous a convaincu. Nous avons été sensible au jeu guitaristique de Nicolas Saez, au cante du barbudo Alberto García et, naturellement, à l’élégance de Léa Linares qui est parvenue à se faire un prénom.
El Pele sans El Granaíno
Inutile de reparler du virus, qui est source d’imprévu. Certes, il nous a privé de la présence en chair et os du cantaor El Granaíno, mais nous a permis d’assister au set de son collègue de bureau Jesús Méndez. El Pele s’est mis le public des arènes du Plumaçon dans la poche par la puissance de sa voix, par ses adresses simples et directes, par la distribution et la variété de ses palos (canción-zambra, soleares, siguiriyas, cantiñas, bulerías, malagueña del Mellizo).
Jesús Méndez a débuté chaque morceau avec délicatesse pour, peu à peu, en tirer toute l’intensité requise, qu’il s’agisse de tientos-tangos, de siguiriyas, de soleares ou de bulerías. Le pianiste électrique Cristian de Moret et le jeune guitariste Severiano Jiménez "Niño Seve" accompagnant El Pele se sont joints au talentueux tocaor Paco León venu avec Jesús Méndez. Farruquito, surgi en plein récital, impatient de brûler les planches, a motivé les chanteurs, si besoin était. Il a produit de fulgurantes routines, à une vitesse supersonique, se dépensant sans compter, contribuant grandement au succès de ce récital devenu fête.
Gala de Maestros
La bodega réouverte a réuni sur ses planches amateurs, semi-pros et professionnels de la profession. Plaisantes étaient à voir les ménines et gentes dames de quelques automnes de plus, vêtues de robes noires, évoluant à l’unisson ou presque. En quelques jours de stage, un peu plus pour les "élèves de baile avancé", elles ont droit aux honneurs, à la scène comme à la ville. Les guitaristes Antonio Gámez (déjà repéré en 2019 place Charles de Gaulle), Ismael de Begoña et le percussionniste Javier Prieto ont apporté le liant qu’il faut à une suite de démos. Nous avons été touché par les prestations des danseuses Angeles Gabaldón et María del Mar Moreno. Et par le répertoire comme par la qualité vocale de la cantaora Laura Vital, que votre site favori nous avait fort heureusement recommandée.
Rocío Molina & Rafael Riqueni
Inutile, pensions-nous, de revenir sur la rencontre Rocío Molina-Rafael Riqueni ("Inicio (Uno)") dont Flamencoweb avait traité en son temps. Grave erreur ! Car ce que nous avions vu à Nîmes n’était que l’ébauche d’un duo qui, à Mont-de-Marsan a atteint l’apothéose. La danse s’est plus encore épurée, certaines trouvailles en ont jeté d’autres aux orties, la guitare – les deux guitares, en fait, cordées et accordées différemment – entre les mains du maestro produisaient des harmonies célestes. L’émotion du public était palpable. Antonia Emmanuelli, la fondatrice du festival, était en larmes dans les bras de Sandrine Rabassa, sa directrice artistique. En rappel, nous avons eu un bonus, qui était un nouveau spectacle en soi : quelques thèmes de L’Amour sorcier (1915) de Falla, génialement restitués par Riqueni, subtilement incarnés par Molina.
Nicolas Villodre
Photos : Festival Arte Flamenco de Mont-de-Marsan
Site réalisé avec SPIP 4.3.2 + ALTERNATIVES
Mesure d'audience ROI statistique webanalytics par