XXXVI Festival Arte Flamenco de Mont-de-Marsan

Affiche de Miquel Barceló

Le directeur du festival Arte Flamenco de Mont-de-Marsan, Lionel Niedzwiecki, et ses trois programmateurs, Patrick Bellito, Domingo González et Fernando Rodríguez Campomanes, sont décidément sans pitié. A l’issue de cette trente-sixième édition (du 30 juin au 5 juillet 2025), vous quitterez Mont-de-Marsan soit épuisé, soit avec le remord d’avoir manqué quelques concerts et spectacles mémorables — mais heureux...

Esplanade du Midou

À l’exception de la journée d’ouverture, cinq spectacles successifs (au moins...) vous attendront chaque jour, dont trois gratuits (cf. notre agenda) — ce qui, pour le Festival Arte Flamenco, ne signifie nullement de moindre qualité : Esplanade du Midou à 17h, Scène du Village à 18h15, Pôle à 19h, Scène du Village à 20h30 et Théâtre Le Molière à 22h. Les deux premiers présenteront des tablaos répétés chaque jour, "andalous" à l’Esplanade du Midou et "extremeños" en version Badajoz sur la Scène du Village. Avec, respectivement : Luisa Palicio, Lucía "la Bronce" et Fernando Jiménez (danse), Manuel Romero et Juan Anguita (chant), Jesús Rodríguez, Roberto Montaño, Ángel Fariñas et Manuel Espinosa "Lito" (guitare) ; Alejandro Vega, Edu Castro et Dani Castro (chant), Joaquín Muñino et Manolín García (guitare), Zaira Prudencio et Diego Andújar (danse).

Les spectacles gratuits de 20h30 commenceront par deux soirées "françaises". On sait que le Festival Arte Flamenco tient à soutenir le flamenco hexagonal, ce qui est tout à son honneur : le premier juillet, la bailaora Helena Cueto présentera un quatuor entièrement féminin ("Fl4menca", avec Silvia Reina, chant, Carmen García, guitare)et Romina, percussions) ; le lendemain, la familia Gómez au complet, toutes générations confondues, investira la Scène du Village, avec Manolo Gómez, Justo Eleria et Tare Cortés (artiste invitée) au chant, Finine Gómez et El Yiyo (artiste invité) pour la danse, Luis, Manuel et Pepe Gómez à la guitare et Juan Luis Fernández aux percussions ("En casa de los Bolecos").

Scène du Village

Après quelques années d’absence, nous nous réjouissons de retrouver à Mont-de-Marsan le guitariste Antonio Moya, qui plus est en famille avec son épouse Mari Peña (chant), leur fille Manuela del Moya (chant) et leur fils Antonio Moya hijo (guitare) — la relève est donc solidement assurée ("Utrera en familia" — 3 juillet, 20h30). Huelva avait été à l’honneur lors de la soirée de clôture de l’édition précédente, dirigée par Árcangel. Cette année encore, les fandangos réjouiront le public de la Scène du Village, dansés par María Canea et chantés par Cristina Tovar, Juan de la María et Israel Moro. Ils seront accompagnés par la guitare de Francis Gómez et les percussions de Lito Mánez ("Danzango" — 4 juillet, 20h30). Le 5 juillet, ce sont Jerez et ses "maneras de sentir" uniques qui clôtureront le festival : David Carpio en cantaor-maître de cérémonie, entouré pour le cante par Felipa del Moreno, Joaquín Marín Flores "el Quini" et Juan de la María et pour la danse par Gema Moneo et Miguel Ángel Heredia — toutes et tous accompagnés par Manuel Valencia, c’est-à-dire de main de maître. Le public de la Scène du Village aura ainsi été convié à visiter trois territoires flamencos, l’Estrémadure, Huelva et Jerez. Souhaitons que le Festival Arte Flamenco ne s’arrêtera pas en si bon chemin et invitera pour ses prochaines éditions les flamencos de l’Andalousie orientale, de Málaga à Almería en passant par Jaén et Granada, qui restent incompréhensiblement sous-estimés.

Théâtre Le Molière

Grenade sera cependant représentée au Théâtre Le Molière par Marina Heredia "en concierto". Le-dit concert s’annonce exceptionnel, d’autant qu’elle sera accompagnée par son guitariste de prédilection, José Quevedo "Bolita". Le 5 juillet (attention, à 18h), Jesús Méndez lancera l’hommage à Jerez en compagnie de Pepe del Morao — guitariste trop discret qui gagne à être connu —, avec "Quiero cantarte" que nous avons eu le privilège d’écouter récemment lors du XXIX Festival de Jerez. Le théâtre étant le lieu dévolu aux récitals de chant et de guitare, on pourra y écouter le "Por amor al Cante" du duo Israel Fernández et Antonio el Relojero et un concert de José Valencia basé sur un "Estudio..." musicologique dans les règles "... sobre los cantes de Lebrija" — dans son cas, la ciencia no impide el arte (respectivement les 1er et 4 juillet). Israel Fernández étant la star du moment et José Valencia un habitué du Festival Arte Flamenco, nulle surprise mais du plaisir en perspective. Par contre, l’idée d’inviter le guitariste Niño Josele, que nous n’avions plus écouté en France depuis plusieurs années (trop...) est nettement plus originale. "Crisol : fusión en cinco movimientos", avec Sandra Carrasco (chant), José Heredia "el Gato" (piano, clavier et synthétiseur) et Kike Terrón (percussions) sera l’un des must de la semaine... par ailleurs nombreux (3 juillet). Enfin, pour initier le public des prochaines décennies, le théâtre accueillera le 2 juillet (15h) la Compagnie Solea pour un "spectacle pour enfants et familles à partir de 6 ans", "Duende, le petit lutin du flamenco".

Le Pôle

Chaque jour, une navette vous conduira au Pôle pour assister aux spectacles de danse à 19h et vous en ramènera à temps pour prendre une collation bien méritée avant de vous rendre au Théâtre Le Molière. La programmation dressera un panorama des tendances de la chorégraphie flamenca actuelle, aussi exhaustif que possible en cinq soirées, à commencer par le ballet à grand spectacle, parfaitement réalisé dans toutes ses composantes, qui inaugurera le festival (seul spectacle de la journée du 30 juin, et donc à 20h et non 19h) — en l’espèce, "Pineda. Romance popular en tres estampas" du Ballet Flamenco de Andalucía dirigé par Patricia Guerrero, avec Alfonso Losa (artiste invité). Le lendemain 1er juillet, sans transition, l’une des créations les plus innovantes et minimalistes de ces dernières années, le "Baile de bestias" de Jesús Carmona (mise en scène, chorégraphie et danse) et Manu Masaedo (musique, essentiellement voix et percussions) — pas d’autres artistes sur scène, et le teaser démontre éloquemment que ce serait inutile. Eva Yerbabuena, l’une des grandes bailaoras contemporaines déjà "classiques", présentera sa dernière création, "Yerbagüena (Oscuro Brillante". Elle sera comme toujours en très bonne compagnie, avec entre autres Paco Jarana (composition et guitare), Miguel Ortega, Segundo Falcón, Ezequiel Montoya et Manuel de Gines (chant) et Daniel Suárez (percussion et musique électronique). Le 3 juillet, le public français aura enfin l’occasion (à ne pas manquer) d’admirer "La confluencia" d’Estévez & Paños y Compañia. Nous l’avions vue et écoutée l’année dernière lors XXVIIIe Festival de Jerez, mais la chorégraphie et la musique en sont si beaux et si denses qu’une révision nous sera un plaisir salutaire. Enfin, nous ne nous donnerons pas le ridicule de présenter Manuela Carrasco. "Siempre Manuela" (4 juillet) est son spectacle d’adieu à la scène, mais la durée de sa tournée annonce peut-être plutôt une nouvelle carrière — ce dont nous ne nous plaindrons certes pas.

CaféMusik

La salle entièrement rénovée du CaféMusic sera un cadre idéal pour trois soirées nettement plus "rupturistas" : "Cantora", d’Alba Carmona (membre du croustillant et savoureux groupe "La Migas"), avec Jesús Guerrero (guitare), Roser Loscos (violon) et Josep Cordobes (basse) (3 juillet à 22h) ; avec la complicité de Daniel Suárez (percussions et musique électronique), la voix, la basse et la guitare de Rosario "la Tremendita" suffiront amplement à assurer une "ambiance genre hall de gare", comme aurait dit Higelin (4 luillet à 23h30) ; le 5, de 23h à ..., une soirée "DJ Flamenco" en mano a mano entre le montois DJ LHKLéon et le madrilène Curro Velázquez- Gaztelu fêtera le succès prévisible, et malheureusement la fin, de cette trente-sixième édition.

Village Arte Flamenco

Les festivaliers seront donc confrontés à quelques choix cornéliens, entre les concerts de la Scène du Village de 18h30 et les spectacles du Pôle de 19h, ou encore entre Niño Josele et Alba Carmona. Par contre, avec un peu d’endurance, ils auront tout loisir de profiter des activités culturelles annexes, à commencer chaque jour par les rencontres traditionnelles avec les artistes au Village Arte Flamenco, à midi. Soulignons l’intérêt des deux retours de résidence de l’édition précédente : une lecture musicale d’un texte de Lydie Salvayre, dit par l’auteure et illustrée par le guitariste Sangitananda (CaféMusik, 3 juillet à 15h30) ; une exposition des portraits réalisés par le photographe Pierre Dupin (Au Merle Moqueur, du lundi au samedi, de 14h à 18h). Plusieurs tables rondes et conférences, dont l’une par notre ami José María Velázquez-Gaztelu, accueillies par la Villa Mirasol et les librairies Caractères et Masset (visites recommandées) et des projections au cinéma Le Grand Club complèteront le programme — informations précises non encore communiquées. Pour conclure festivement cette trente-sixième édition, des peñas flamencas de la région animeront la journée du samedi place Saint-Roch et sur la scène de l’Esplanade du Midou — sevillanas et rumbas au programme.

Festival Arte Flamenco

Claude Worms