samedi 25 septembre 2021 par Claude Worms
Avant le centenaire, il y eu un cinquantenaire... Grenade commémora en 1972 le demi-siècle du Concurso del Cante Jondo. Les quotidiens locaux (Patria, La Hoja del Lunes) rendirent compte sporadiquement de l’événement. Mais c’est El Ideal qui s’y associa le plus régulièrement. Nous devons à nos amis Michèle et Claude Emmanuel Delmas d’avoir pu consulter les précieuses archives du journal...
... Dès le 28 mars, El Ideal annonce son engagement en ces termes :
[...] IDEAL quiere estar presente en este acontecimiento, sirviendo de pregón y de cartel a cuanto suceda sobre este particular. Brinda sus páginas para evocar pasajes importantes — quizás un poco muertos — del viejo arte andaluz por los pueblos escondidos, por los cortijos donde pueda estar esa voz de ayer que, en un momento determinado, sale al primer plano de la actualidad en estos momentos [...]
A partir de mañana, iniciamos esta sección de "Aula del Cante Jondo", por donde pasará todo lo importante que en esta faceta tan nuestra interese al lector. [...] Queremos ser un poco el portavoz de la conmemoración que se va a celebrar en junio, organizada por el Centro Artístico y Literario, con la colaboración de la Peña "La Platería" y bajo el patrocinio del Ayuntamiento de Granada.
Contamos con la colaboración, para esta sección, de prestigiosas plumas especializadas en flamencología. Con la ayuda de las peñas andaluzas de arte flamenco, principalmente las de nuestro pedazo oriental de la región : "La Platería", "Frasquito Yerbabuena" y "Fosforito", de Granada ; "El Taranto" y Los Tempranos", de Almería ; "Juan Breva", de Málaga y la de "Arte Flamenco" de Jaén.
Pretendemos presentar en esta sección las lecciones populares del cante, las figuras de ayer y de hoy en la historia del flamenco, las ilustraciones de este mundo tan entrañable, tan metido en nuestras raíces que es la enjundia de unas tradiciones que no pueden morir. Pero también hay que tener en cuenta que si Manuel de Falla quería en el año 1922 salvar el primitivo canto andaluz — que esto es lo trascendental de aquel concurso de la plaza de los Aljibes de la Alhambra —, ahora vuelve a ser necesaria la intervensión de todos para purificarlo, quitando las mixtificaciones y velando por su pureza, porque vuelve a estar en peligro.
NB : toutes les citations de cet article sont tirées de l’Ideal.
Cette déclaration d’intentions reprend donc expressément l’objectif du concours de 1922. Par delà l’hommage rendu à ses promoteurs, il s’agit à nouveau de sauver un art en péril en restaurant sa pureté originelle. On ne sait d’ailleurs trop comment le qualifier : "vieil art andalou", "flamenco" ou "chant andalou primitif" (lire : "cante jondo") ? En tout cas, il semble aller de soi qu’il est "peut-être un peu mort" (ce en quoi il persiste en son être, puisqu’il était déjà moribond en 1881 selon Antonio Machado y Álvarez "Demófilo") et qu’il ne subsiste que dans "quelques villages cachés". Comme en 1922, le texte s’en tient au seul chant, ignorant la guitare et la danse. Remarquons également une allusion (fortuite ?) à la séculaire rivalité flamenca entre l’axe Sevilla/Jerez/Cádiz et l’Andalousie orientale ("notre portion orientale de la région"), dûment représentée par les peñas associées à l’évènement (Granada, Jaén, Almería et Málaga). Il va de soi que la pièce maîtresse de la commémoration est l’organisation d’un nouveau concours de Cante Jondo. S’y adjoignent des conférences, des concerts et spectacles et des hommages, notamment aux deux survivants du concours de 1922, Andrés Segovia, qui faisait partie du jury et Carmen Salinas, qui y avait été primée (cf. ci-dessous).
Caricature d’Antonio López Sancho — 1922
Caricature de Rafael Vega — 1972
Le concours
La caricature de Rafael Vega reprend le célèbre dessin réalisé par Antonio López Sancho en 1922. On y voit 35 figures marquantes du cinquantenaire, artistes, participants au concours, organisateurs, journalistes, etc. Pour nous en tenir aux artistes : Calixto Sánchez et Juan Habichuela (sur scène) ; Manuel Cano (personnage debout du groupe situé à l’extrême gauche, au pied de la tour) ; au premier rang : Pepe de la Matrona, Fosforito, Andrés Segovia, Sabicas et Carmen Salinas — premier personnage à lunettes assis, troisième personnage après Pepe el de la Matrona, cinquième personnage à lunettes assis, personnage avec lunettes noires et dernier personnage à l’extrême droite (en robe rouge). On ne saurait mieux signifier que le concours du cinquantenaire sera un remake de celui de 1922. C’est pourquoi la médaille commémorative commandée au sculpteur Francisco López Burgos reprend le portrait du premier vainqueur, Diego Bermúdez "el Tenazas" (selon un dessin de López Sancho).
El Ideal publie le 30 mars l’appel à candidatures du Centro Artístico pour le Concurso de Cante Jondo du cinquantenaire. Outre les dispositions concernant l’inscription, la sélection et la participation des candidats, trois règles retiennent l’attention :
• Seuls les aficionados pourront concourir, quels que soient par ailleurs leur âge, leur sexe et leur nationalité (articles 5 et 6). Si nous rapprochons ces articles de l’article 2, selon lequel la compétition a pour "finalité le cante dans sa pureté", il semble que, comme en 1922, le professionnalisme implique toutes sortes de déviances suspectes. Cependant, le statut d’aficionado étant attesté par le fait de ne pas détenir la carte professionnelle attribuée par le Syndicat National du Spectacle, l’organisation se ménage une confortable marge de manœuvre : nombre d’artistes flamencos ne se soucient guère de posséder un tel document...
• La notation prendra en compte l’aptitude à inscrire au programme des "chants oubliés ou sur le point de disparaître et qui, par leur ancienneté et leur pureté, ont appartenu à des cantaores disparus" (article 12). Outre le souci de distinguer le "canto primitivo andaluz" du cante flamenco, c’est ce même objectif d’exhumation de chants en voie d’extinction qui avait conduit Manuel de Falla à restreindre le répertoire admis en 1922 aux trois catégories suivantes : 1) seguiriyas et martinetes ; 2) carceleras, cañas, polos et medios polos ; 3) saetas, soleares et serranas.
• Or, les trois catégories définies en 1972 en diffèrent si nettement que Falla aurait certainement refusé que l’on mêle sous la dénomination de Cante Jondo des "chants primitifs andalous" et des "chants flamencos "— partiellement pour le deuxième groupe et totalement pour le troisième groupe, selon l’article 13 : 1) tonás, martinetes, siguiriyas et serranas ; 2) soleá, polo ou cañas, tangos, cantiñas et bulerías ; 3) malagueñas, tarantas et granaínas. L’édition de 1972 prend ici en compte la nomenclature du répertoire telle qu’elle a été établie par les anthologies qui ont proliféré depuis 1954 et l’initiative Ducretet-Thomson/Hispavox — notamment l’Archivo del Cante Flamenco, 1968, et l’Antología del Cante Flamenco y Cante Gitano, 1971 (respectivement dirigées par José Manuel Caballero Bonald et Antonio Mairena). Bien que les catégories aient varié en nombre et en contenu pour chacune de ses éditions triennales (première en 1956), le concours de Cordoue manifestait la même tendance — en 1968, les quatre groupes étaient ainsi constitués : 1) siguiriyas, tonás, livianas et serranas ; 2) soleares, polos, cañas et bulerías ; 3) malagueñas, granaínas, fandangos de Lucena, tarantas et cantes de Levante ; 4) alegrías de Cádiz, mirabrás, caracoles et romeras. Le concours du cinquantenaire innove cependant : alors qu’à Cordoue les cantaores peuvent opter pour un groupe à l’exclusion des autres, les candidats doivent à Grenade présenter un programme comportant un cante de chacun des trois groupes et un cante de leur choix (article 13).
A cette date, il est prévu de décerner trois prix, de 75000, 50000 et 25000 pesetas. La dotation apparaît confortable, ramenée au salaire nominal journalier moyen en Andalousie, calculé en 1971 à 121 pesetas. Encore convient-il de tenir compte des inégalités provinciales : pour un revenu moyen par habitant sur l’ensemble de l’Espagne ramené à une base 100, le revenu moyen en Andalousie est de 69,9, et, par province, 54 (Jaén), 56 (Grenade), 61 (Almería), 72 (Cordoue et Málaga), 77 (Huelva et Cadix) et 82 (Séville) (cf. Juan A. Lacomba, Historia contempóranea de Andalucía. De 1880 a la actualidad, Séville, Editorial Almuzara, 2006 — page 213).
L’article 16 stipule que le jury sera composé de membres de la Peña de la Platería, mais que leurs noms ne seront connus qu’à la fin des phases éliminatoires. Il semble qu’un tel secret ait immédiatement suscité quelques débats. Le même jour et sur la même page, El Ideal questionne : "Una pregunta a la comisión : ¿ Qué pasa con el jurado ? Convendría ir conociendo los nombres de los que ahora van a ocupar los puestos que tuvieran hace cincuenta años Manuel Torres "Niño de Jerez", Antonio Chacón y La Niña de los Peines entre otros. Hemos oído un nombre que ya sueña : Pepe "El de la Matrona". Tiene 85 años y vive actualmente en Madrid".
Le 14 avril, la commission organisatrice tient sa première réunion et invite, à sa demande, le recteur de l’Université de Grenade à se joindre à ses travaux. Les grandes lignes du calendrier sont alors fixées : la commémoration se déroulera du 12 au 18 juin, avec un cycle de conférences au Corral del Carbón, et, comme en 1922, une fête flamenca donnée en l’honneur des organisateurs (16 juin). Les demi-finales et la finale du concours sont programmées les 17 et 18 juin. Le lieu fait encore l’objet de débats : Campo del Príncipe, Plaza de San Miguel el Bajo, Paseo de los Tristes ou Plaza de San Nicolás (cette dernière sera choisie le lendemain). Le journal ajoute à ces festivités l’annonce du traditionnel Festival del Cante Jondo des fêtes du Corpus. Artistes pressentis : Gitanillo de Vélez, José Sorroche, Enrique Morente, et Curro Mairena — cante ; Manolo de Badajoz (coquille savoureuse, le guitariste étant décédé en 1962) et Paco Antequera — toque ; Teresa Luna — baile. Pour sa part, El Ideal suggère également El Lebrijano et sa mère, La Perrata, El Chozas et Camarón de la Isla.
La Peña La Platería avait commencé les auditions éliminatoires cette même semaine. Le quotidien nous apprend qu’elle dut les suspendre dès le samedi 15 avril, faute de candidats. C’est sans doute pour cette raison que Manuel Ávila et Victorino de Pinos, qui ne s’étaient pas manifestés, sont sollicités par la commission. El Ideal précise qu’ils ne sont pas titulaires de la fameuse carte professionnelle (29 avril) : sage précaution, les deux cantaores étant connus de longue date, au moins dans la région de Grenade. Peut-être le premier, qui avait soixante ans, a-t-il été convié également pour évoquer le souvenir du vétéran vainqueur en 1922, El Tenazas.
El Ideal poursuit ses articles quotidiens sur le flamenco, mais aucune information importante sur le concours n’est publiée en mai. Gageons cependant que les polémiques et les rumeurs sur la composition du jury allaient bon train. Un entrefilet en fait état de 29 mai : sous réserves, il serait question de Pepe el de La Matrona, Fernando Lastra, Manolo Caracol, Aurelio Sellés, Manuel Soler "Faquillas" ("un destacado flamencólogo madrileño"), Manuel Cano, Antonio Mairena, auquel se joindrait le président de la peña Juan Breva.
Le 7 juin, nous apprenons que les prix financés par la municipalité cumuleront un montant total de 150000 pesetas. S’y ajouteront deux prix de 50000 pesetas offerts par l’Université de Grenade et la Fondation Rodríguez Acosta. Pour assister à la demi-finale et à la finale, les place numérotées seront vendues 400 pesetas, les non numérotées 200 — sommes rondelettes, les places pour le Festival del Cante Jondo du Corpus étant à 25 pesetas. Surtout , un récital de Sabicas clôturera la finale.
Le 14 juin, le jury auditionne les enregistrements des 47 candidats. Finalement, il est présidé par Pepe el de la Matrona et réunit, "entre autres" selon El País, Manuel Salamanca (fondateur de la Peña La Platería), Antonio Fernández Díaz "Fosforito", Manuel Soler "Faquillas", Emilio Fuentes, Manuel Martín Liñan (président de la Peña La Platería) et Manuel Zarzo "Perete" (un torero retiré).
Sans surprise, seules six cantaoras ont fait acte de candidature : l’issue plus que probable des éliminatoires aura sans découragé nombre de postulantes. La répartition des concurrents par provinces s’établit ainsi : Granada : 20 ; Córdoba : 10 ; Málaga : 6 ; Sevilla : 4 ; Jaén et Huelva : 2 ; Cádiz : 1 ; USA : 1 (María "la Marrurra", une élève de Joselero). Seuls les cantaores de Grenade, évidemment, de Cordoue et de Málaga se sont intéressés à l’évènement, qui ne semble guère avoir enthousiasmé ailleurs, notamment en Andalousie orientale.
Après une première phase qui retint 22 candidats, une seconde session arrêta à 10 la liste des demi-finalistes : 1) Diego Andrades Martagón "Diego Clavel" (La Puebla de Cazalla) ; 2) Calixto Sánchez Marín (Mairena del Alcor) ; 3) Luis Torres Cádiz "Joselero" (Morón de la Frontera) ; 4) Antonio Pérez Jiménez "el Perro de Paterna" (Paterna de la Ribera) ; 5) Rafael Montilla Moya "el Chaparro" (Córdoba) ; 6) Manuel Ávila Rodríguez (Montefrío) ; 7) Antonia Reyes Gamito (Málaga) ; 8) Francisco Andrés Andrés "Paco el Curro" (plus tard, "Curro Andrés") (Granada) ; 9) Manuel Chicano Guzmán (Puente Genil) ; 10) Victorio Campo Fernández "Victorino de Pinos" (Pinos Puente) — dans l’ordre du tirage au sort pour la demi-finale.
Le même jury, augmenté de Fernando Lastra et Agustín Gómez Pérez (Radio Popular de Córdoba), recala le 17 juin les numéros 3, 7, 8, 9 et 10. La finale se déroula le 18 juin, Plaza de San Nicolás, en présence de l’invité d’honneur, Sabicas, et d’Andrés Segovia et Carmen Salinas. Les trois frères Habichuela, Juan, Pepe et Luis, accompagnaient les cantaores. La proclamation du palmarès ne fut pas du goût du public, qui, comme toujours en pareil cas, manifesta énergiquement son mécontentement. Selon le chroniqueur d’El Ideal, Gómez Montero, on espérait plutôt la victoire de Diego Clavel (20 juin) :
1) Calixto Sánchez (26 ans), Premio de l’Ayuntamiento de Granada (75000 pesetas)
2) Diego Clavel (26 ans), Premio Universidad de Granada (50000 pesteas)
3) El Perro de Paterna (47 ans), Premio Rodríguez Acosta (50000 pesetas)
4) Manuel Ávila (60 ans), Premio de l’Ayuntamiento de Granada (25000 pesetas)
5) El Chaparro (24 ans), Premio de l’Ayuntamiento de Granada (15000 pesetas)
Les cinq autres demi-finalistes reçurent chacun 10000 pesetas.
"Carte professionnelle" ou pas, aucun finaliste ne pouvait à cette date être sérieusement considéré comme aficionado.
Suite à la bronca, le jury publiait le même jour, dans le même journal, une mise au point que l’on sent un peu gênée, signée Emilio Fuentes. En substance, Calixto Sánchez chanta excellemment et régulièrement au cours de toutes les sessions. Diego Clavel également, mais on décela quelques légers défauts que le jury se ferait un devoir de lui expliquer en cas de demande. On apprécia l’"identification pleine et totale" de Perro de Paterna aux cantes de Manuel Vallejo. La différence entre Manuel Ávila et El Chaparro était minime, mais ils n’étaient pas au mieux ce soir-là. Sans autres explications : "la puntuación se inclinó hacia el de Montefrio, en esa fase final" — parce qu’il représentait Grenade, parce qu’il était le seul vétéran de la finale ? Mystère...
Retenons en tout cas qu’aucune cantaora n’accéda à la finale, et une seule à la demi-finale — pas même Rosario López, qui ne passa pas les éliminatoires (!!!). Sur ce plan, le cinquantenaire s’avère singulièrement en retrait du concours de 1922. Au moins quatre cantaoras y avaient participé : María "la Gazpacha", Conchita Moya, Conchita Sierra "la Goya" et Carmen Salinas. Selon les chroniques de l’époque, on loua fort les siguiriyas et les saetas de La Goya. Surtout, Carmen Salinas remporta la première catégorie (deuxième prix, mais le premier ne fut pas décerné). Selon ses propos (interview par Manuel de Lucas, El Ideal, 30 mars 1972), elle avait treize ans à l’époque. La jeune fille se présenta au concours en mentant à son père, prétendant qu’elle allait au cinéma avec un de ses frères (à l’époque, on y présentait souvent des feuilletons à plusieurs épisodes). Auditionnée par Antonio Chacón, elle provoqua son admiration au point qu’il interrompit le guitariste médiocre qui l’accompagnait et convoqua Ramón Montoya pour lui donner la réplique (Montoya et Manolo de Huelva étaient les deux guitaristes officiels du concours). Ignacio Zuloaga et Antonio Chacón lui proposèrent de financer un enregistrement et de prendre à leur charge les frais de son apprentissage pour en faire une grande professionnelle. Mais son père s’opposa fermement à ce que Carmen embrasse une carrière si déshonorante : le concours de 1922 fut sa première et sa dernière apparition sur scène.
Manuel Gallego Morell, Enrique Morente et Ramón de Algeciras
Conférences, hommages et concerts
Le cycle de confrénces commença le 12 juin au Corral del Carbón : "50 años de cante en la voz del granadino Morente", par Manuel Gallego Morell, exposé logiquement suivi par un récital d’Enrique Morente et Ramón de Algeciras.
Suivirent : "Fantasía y realidades en el mundo flamenco" (13 juin) , par Manuel López Rodríguez — illustrations musicales par Juan et Manuel Campos Romero (venus de Sabinillas-Manilva, Málaga, âgés respectivement de 12 et 9 ans), accompagnés par Antonio de Marchena ; "El cante jondo y flamenco a través de a canción andaluza" (14 juin), par Pedro Echevarría Bravo ; "Cante Jondo y Canción Popular" (15 juin), par Luis Rosales Camacho ; "La guitarra, su evolución instrumental y técnica dentro del flamenco" (16 juin), par Manuel Cano Tamayo (illustrations musicales par le conférencier). Ce fut la seule conférence présentée, non au Corral del Carbón, mais dans le grand amplithéâtre de la Faculté des Sciences parce que, le même jour, l’Ayuntamiento organisait au Corral une fête flamenca en l’honneur des organisateurs du concours et de quelques invités de marque, dont Andrés Segovia et Sabicas : récital de Manuel Gerena, accompagné par Manuel Martín Liñán. Ce fut également l’occasion d’un hommage à Manuel Cano. Deux jours plus tard, Andrés Segovia reçut la "Granada do oro" ("en tamaño natural"...) au Centro Artístico y Literario.
Manuel Cano, Andrés Segovia et Sabicas / Andrés Segovia
Après plusieurs modifications, le festival clôturant les fêtes du Corpus (10 juin, Paseo del Padre Manjón) programma finalement La Paquera de Jerez, Antonio et Curro Mairena, Fosforito, Enrique Morente, José Sorroche, Gitanillo de Vélez (cante), Juan Habichuela, Paco de Antequera et Manolo Sanlúcar (toque) et Teresa Luna (baile).
Le 25 juin, José Menese donna un récital dans le Patio de los Arrayanes de l’Alhambra en compagnie de Manolo Brenes, dans le cadre du XXIe Festival de Música y Danza : cantes del Piyayo, soleares, tientos, marianas, siguiriyas, romance de Juan García et taranta (les deux extraits qui suivent méritent le détour, malgré leur piètre qualité sonore). Emilio Fuentes semble s’être passablement ennuyé, et préfère apparemment les festivals programmant plusieurs cantaore(a)s. Surtout, on devine entre les lignes qu’il a modérément apprécié les textes de Francisco Moreno Galván. N’oublions pas que nous sommes en 1972 : à cette époque, la ligne éditoriale du journal n’est pas franchement hostile au franquisme (El Ideal, 27 juin).
Calixto Sánchez et Juan Habichuela
Enfin, le 8 juillet, le Festival de Música y Danza s’associa au cinquantenaire par un concert des cinq lauréats, accompagnés par les frères Habichuela, avec en intermède le cuadro de Mercedes Quesada — ils succédaient à l’Orquesta Nacional de España (dir. Rafael Frühbeck de Burgos), Paul Badura-Skoda et Rafael Puyana (respectivement, les 5, 6 et 7 juillet). Emilio Fuentes, qui rendit compte de la soirée pour El Ideal (9 juillet), en retint, dans l’ordre de leur entrée en scène, les soleares et siguiriyas de Chaparro, la cartagenera de Manuel Ávila, les granaínas et les siguiriyas de Perro de Paterna, les siguiriyas de Diego Clavel et de Calixto Sánchez et la malagueña del Mellizo de ce dernier.
NB Nous n’avons trouvé aucun enregistrement de ce concert. Pour l’évoquer, nous avons donc choisi des enregistrements aussi proches que possible de 1972.
La revue littéraire Calle Elvira publia sous le titre "Pregón granadino" un numéro d’été qui aurait pu conclure le cinquantenaire. Mais un serpent de mer avait parcouru les colonnes d’El Ideal depuis mars : l’opportunité de l’érection d’un momument au Cante Jondo, avec appels en sa faveur de diverses personnalités des arts et des lettres, controverses sur ses caractéristiques, le lieu qui devait l’accueillir, etc. Il fut finalement inauguré le... 15 novembre 2013, Paseo de Violón. Signe des temps, ce n’était plus un monument au Cante Jondo, mais au Flamenco.
Monumento al Flamenco — œuvre du sculpteur Juan Antonio Corredor
El Aula del Cante Jondo d’El Ideal
Caricature de Rafael Jofré par López Sancho, 1922
De mars à juin 1972, El Ideal publia quotidiennement, non seulement des articles sur l’actualité de la commémoration du concours de 1922, mais aussi des interviews d’artistes et de flamencologues, des portraits d’artistes disparus, des échos des activités des peñas associées (Jaén, Almería et Málaga), des articles didactiques, etc. Il serait fastidieux d’en faire ici la liste exhaustive, mais le journal attachait une grande importance à la publication de textes jusqu’alors inédits de Rafael Jofré, esquisses d’un livre qui resta inachevé. Nous offrons à nos lectrices et lecteurs l’intégralité des 28 pages publiées entre le 7 mai et le 8 juillet 1972. L’ouvrage est divisé en quatre partie : "La copla", "La comunidad gitana y Andalucía", "El eterno poema del ’Cante Jondo’" et "La verdad sobre el Cante Jondo y los diferentes Cantes Flamenos" — on découvrira dans cette dernière partie la description de cantes méconnus... dont une improbable siesta. Beaucoup d’affirmations apparaissent évidemment pour le moins constestables à la lumière des recherches récentes, mais, en l’état, ce texte est un précieux document sur l’état de la "flamencologie" au début des années 1970. La comparaison des deux arbres généalogiques du cante (un exercice obligé à l’époque) publiés par El Ideal (29 mars et 7 mai) en donne déjà un savoureux aperçu.
Claude Worms
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