Flamencas por derecho (5) : Cantaoras sevillanas (1929-1943)

mercredi 13 juillet 2022 par Claude Worms

Nous empruntons le titre de cette série d’articles, ainsi qu’une grande partie des informations biographiques et de l’iconographie, au blog d’Ángeles Cruzado Rodríguez (Flamencas por derecho) que nous ne saurions trop vous conseiller de consulter assidûment. Pour les enregistrements, nous sommes grandement redevable à Pedro Moral — Sociedad Pizarra & Flamendro.

La Niña de la Alfalfa cantando por saeta en Sevilla — également, photo du logo

NB : nous ne reviendrons pas dans cet article sur la biographie et le legs discographique fondamental de Pastora Pavón "Niña de los Peines", cantaora sevillana s’il en fut, savamment étudiés par Cristina Cruces Roldán (La Niña de los Peines. El mundo flamenco de Pastora Pavón. Sevilla, Editorial Almuzara, 2009) et Manuel Bohórquez Casado (La Niña de los Peines en la casa de los Pavón. Sevilla, Signatura Ediciones, 2000).

Rocío Vega Farián "Niña de la Alfalfa" (Santiponce, 1894 - Séville, 1975)

Lors de la Semaine Sainte sévillane de 1916, les saetas d’une jeune chanteuse totalement inconnue, Rocío Vega Farián, sont saluées avec enthousiasme par le public. Selon le Correo de Andalucía du 21 avril : "Al pasar la cofradía de San Bernardo por la plaza de Mendizábal, una joven vecina del barrio llamada Rocío Vega cantó irreprochablemente desde uno de los bancones de la cita plaza varias saetas que produjeron el entusiasmo en el público que allí se aglomeró, el cual hizo que volvieran los pasos dando frente a la citada joven.". Le lendemain, à la demande du Círculo de Labradores, elle chante pour la procession du Señor del Gran Poder, puis pour celle de la Virgen de la O. Le journaliste Agustín López Macías "Galerín", qui rend compte de l’évènement, la baptise alors "Niña de la Alfalfa". Pendant un demi-siècle, elle restera l’une des reines incontestées de la Semaine Sainte.

Dès lors, le Círculo de Labradores soutient la carrière de la jeune artiste, et l’engage d’abord pour un récital de cante dans sa caseta de feria, en l’honneur de la visite du couple royal. La presse nous donne un premier aperçu de son répertoire : guajiras, malagueñas, peteneras, tangos et tientos, accompagnés par l’un des guitaristes les plus renommés de l’époque, Antonio Moreno. En mai 1916, elle est sollicitée par les frères Álvarez Quintero pour chanter les saetas de leur œuvre "Malvaloca" lors de ses représentaions au Teatro Cervantes de Séville.

Cependant, la Niña de la Alfafa espère faire son chemin dans le chant lyrique, plutôt que dans le cante. Grâce à des bourses accordées par le Círculo, elle étudie avec le ténor Luis Álvarez Udell qui espère la faire débuter à l’opéra de Madrid. Après trois ans de travail assidu, elle remporte brillamment le concours de troisième année : "Se examinaba la joven Rocío del tercer año de canto. El público era numerosísimo y al terminar la futura diva la Cavatina del ‘Barbero’ y el aria de la ‘Traviata’, dos piezas dificilísimas, lo hizo de tal forma, cautivó el auditorio de tal modo, que la concurrencia rompió en atronadora ovación, faltando a la prohibición de hacer manifestaciones, siendo inútiles los campanillazos de la presidencia." (El Liberal de Sevilla, 8 juillet 1919). Deux ans plus tard, son cursus achevé, Rocío Vega enchaîne les succès prometteurs : début comme tiple au Círculo en 1921 (Traviata, Tosca, Barbier de Séville, etc.) ; audition triomphale au Teatro Real de Madrid en 1922 ; rôle de Rosine du Barbier de Séville au Teatro Llorens de Séville en 1923 (pour l’occasion, l’affiche la présente comme "María D’Rocío"). En juin, ses mécènes organisent un gala à son bénéfice pour financer un voyage d’étude en Italie. Mais, malade (grippe avec complications pulmonaires), elle y renoncer et utilise le bénéfice de la soirée pour ses frais de convalescence dans la sierra, à Castilblanco.

Remise, Rocío Vega tente en 1924 une reconversion dans la zarzuela, dont elle étudie le répertoire avec la soprano Magdalena Díaz. Elle réussit d’abord à s’y imposer, essentiellement à Séville : "Marina", d’Emilio Arrieta, avec la compagnie de Diego Valero (Teatro del Duque, juin 1924) ; "La verbena de la paloma", de Tomás Bretón , puis le sainete "La copla Andaluza", d’Eduardo Rodríguez "Dubois", avec Manuel Centeno (Teatro de San Fernando, décembre 1924). Mais, après un bref retour à l’opéra-comique (Barbier de Séville au Teatro Llorens en 1926), il semble qu’elle ait été contrainte de renouer avec son premier répertoire. En 1927, elle chante des saetas lors de la projection d’ "El niño de las monjas" du cinéaste Antonio Calvache (Teatro San Fernando de Séville, puis Teatro Enrique de la Cuadra d’Utrera). Lors de ses tournées en Estrémadure, elle est régulièrement présentée comme "cancionista et chanteuse d’airs régionaux" En 1930, au Teatro del Duque, elle chante des soleares, des fandangos et des saetas pour la revue " ¡ Por algo será !", de José García Rufino.

Au début des années 1930, la presse ne mentionne plus que ses apparitions, rituelles mais toujours aussi attendues, lors de la Semaine Sainte. En 1936, sa carrière reprend vigoureusement, mais brièvement : dès janvier, à Cordoue, avec le spectacle théâtral "Al pie de la Giralda", avec Niña de Marchena, Encarnita Pérez, Canalejas de Puerto Real, Niño de Fregenal, El Peluso et Sr Revoltoso ; puis avec "Trianarías", de Pedro Muñoz Seca et Pedro Pérez Fernández, au Teatro Cervantes de Séville. En juin 1938, avec Eloísa Albéniz, elle se produit une fois de plus au Teatro Cervantes dans la revue "Luces de España".

La Niña de la Alfalfa n’apparaît plus ensuite sur scène qu’en de rares occasions. En 1943, elle est l’artiste invitée du concours de saetas organisé par Radio Sevilla. Enfin, en juillet 1947 (Plaza de Toros del Triunfo, Grenade), elle fait partie des "plus de quarante artistes" à l’affiche de "Pasan las Coplas", de et par Pepe Marchena. Selon la saetera Angelita Yruela, elle aurait chanté pour la dernière fois lors de la Semaine Sainte en 1969.

La carrière de la Niña de la Alfalfa a sans doute été pénalisée par ses multiples revirements : le "métier" et le public préfèrent les étiquettes stables à l’insécurité des surprises. La cantaora est cependant passée à l’histoire comme l’une des grandes saeteras du XXe siècle. Sa discographie en témoigne en effet, mais, si son répertoire enregistré s’avère limité aux fandangos, peteneras et sevillanas, ses interprétations n’en sont pas moins délicieuses.

Niña de la Alfalfa : Saeta 1
Niña de la Alfalfa : Saeta 2
Niña de la Alfalfa : Saeta 3
Niña de la Alfalfa : Saeta 4
Niña de la Alfalfa : Fandangos 1
Niña de la Alfalfa : Petenera 1
Niña de la Alfalfa : Fandangos 2
Niña de la Alfalfa : Fandangos 3
Niña de la Alfalfa : Sevillanas 1
Niña de la Alfalfa : Petenera 2
Niña de la Alfalfa : Sevillanas 2
Niña de la Alfalfa : Fandangos 4
Niña de la Alfalfa : Fandangos 5
Niña de la Alfalfa : Sevillanas 3

Niña de la Alfalfa (1929-1930) — guitare : Niño Ricardo.

Consuelo Ródenas Oliver "la Trianita"

Nous n’avons trouvé aucune information sur les dates de naissance et de décès de Consuelo Ródenas Oliver "La Trianita", parfois confondue avec une autre "Trianita" nommée Encarnación Sánchez. C’est d’autant plus surprenant que de nombreux articles de presse nous informent sur son activité professionnelle soutenue pour la décennie 1925-1934 :

—  1925 : première tournée documentée avec "la Agrupación Sultanita", une troupe réunie par l’imprésario Carlos Hernández "Vedrines" autour de son épouse "la Sultanita", une vedette de variétés, avec entre autres El Canario, El Mochuelo, Luis Yance, le Trío Genil (trio de guitares) et, pour la danse, Aurorita Imperio, Nieves Daris, María Morera et le duo Las Romanitas (Teatro Mora de Huelva, Salón Ramírez et Teatro Stadium de Cordoue, Salón Olimpia d’Écija, Teatro Cervantes d’Albacete, Teatro Guerra de Lorca, etc.). La même année, La Trianita participe à deux concours de cante à Cordoue. Au Salón San Lorenzo avec El Canario, elle chante por taranta et por fandango accompagnée par Luis Yance. Dans les arènes de la ville, pour la Copa Córdoba, elle est la seule cantaora concurrente et affronte Niño de Tetuán, El Canario, Niño de Bronce, Pena Hijo et Niño de Valdepeñas, les artistes invités étant El Mochuelo et Niño de Marchena. Le public est appelé à voter : le Trianera est avant-dernière, avec 7 suffrages sur 1302…

—  1926 : en mars, elle chante des saetas lors de la projection de "El niño de las monjas", d’Antonio Calvache, au Teatro Chapí de Villena (Alicante). En mai, elle initie une fructueuse série d’engagements dans le nord de l’Espagne, au Bar Azul de La Corogne, avec Ramón Montoya. Entre le 5 et le 26 mai, El Noroeste rend compte de ses récitals, et nous informe sur son vaste répertoire : bulerías, bulerías por soleá, caracoles, cartageneras, fandangos, granaínas, jotas, malagueñas, soleares, tangos, tarantas, tientos et zambra. En juin, elle participe à la zambra du spectacle "El Niño de Oro", de José María Granada, à La Corogne (Teatro Rosalía de Castro), Vigo (Teatro Tamberlick) et Lugo (Teatro Principal). En septembre, elle chante au Parque de la Alamedilla de Salamanque, puis au Monumental Cinema de Madrid, dans un spectacle mené par Antonio Chacón et Ramón Montoya, avec Carmen Espinosa "La Lavandera", Angelillo, El Americano, Niño de Alcalá, Niño de Utrera, Niño de Valdepeñas et Emilio "el Faro" (guitares : Enrique Mariscal, Manuel Martell et Patena Hijo). Le 27 septembre, elle est à nouveau la seule artiste féminine concurrente de la première "Copa Pavón". Le jury décerne le prix à Manuel Centeno, et des accessits à La Trianita, Angelillo et El Chata. Sa présidente, Pastora Imperio, engage la cantaora dans son cuadro, à l’affiche du Teatro Nuevo de Vitoria en décembre.

—  1927 : débuts en janvier au Salón Imperial de Séville ; retour au Teatro Pavón de Madrid avec Niña de Linares, José Cepero, Chato de las Ventas et Manuel Escacena ; Teatro Nuevo de Zamora avec Niña de Linares, Manuel Parrondo "el Macareno", Niño de Triana et Niño de Tetuán.

—  1929 : en mars, au Teatro Price puis au Ciné Martínez de Madrid, La Trianita chante dans une compagnie d’Ópera Flamenca, qui réunit rien moins que Pastora Pavón "Niña de los Peines", Niña de Écija, Niño de Marchena, Pena Hijo, Chaconcito, Guerrita, Emilio "el Faro", El Pescadero, Luquitas de Marchena et les guitaristes Ramón Montoya, Luis Yance, Serapio Gutiérrez, Marcelo Molina et Julio Álamo. A partir d’avril, elle se produit pour la première fois à Barcelone, d’abord à la salle Ba-Ta-Clan, puis, en décembre, à l’Éden Concert qui annonce "plus de trente artistes de variétés et deux ‘étoiles’", La Trianita et la bailaora Pilar Molina. Par une publicité publiée dans l’Heraldo de Madrid, le label discographique La Voz de su Amo annonce en décembre l’entrée de La Trianita et de Manuel Vallejo dans la liste de ses artistes en exclusivité, à la suite de Niño Marchena, Niño del Museo, Angelillo, José Cepero et Pena Hijo. La cantaora enrgistre en 1929-1930 treize disque double-face avec Ramón Montoya.

—  1930 : nouvelle tournée avec la compagnie théâtrale de Carlos Martín, qui représente "¡ Córdoba, la sultana !", de Salvador Mauri et Antonio Prada. L’affiche change selon les représentations (Teatro Pavón de Madrid, arènes et Teatro Albuquerque de Badajoz, etc.) : citons, entre autres, Niña de los Peines, Niña de Chiclana, El Gloria, Niño de Almaden, Diego Moreno "el Personita" et le jeune Niño Sabicas.

—  1931 : en février, Café de la Concha de Gijón, avec El Personita et Jorge López "Petaca" (guitare) ; en mars, spectacle d’Ópera flamenca aux cinémas Pardiñas et Metropolitano de Madrid, avec, entre autres, Manuel Vallejo, El Personita et les guitaristes Ramón Montoya, Habichuela Hijo et Rafael Nogales.

Avec divers engagements à Valence (théâtres Éden Concert, Civico España, Apolo), 1933 et 1934 sont les ultimes années fastes de La Trianita. Sa dernière apparition documentée est une modeste participation à une fin de fiesta clôturant une projection au Ciné Hollywood de Madrid, en 1938. Ses enregistrements donnent pourtant à entendre une cantaora attachante par l’élégance de ses varsions d’un vaste répertoire de cantes. Diffuser plus amplement son œuvre et poursuivre les recherches biographiques initiées par Ángeles Cruzado Rodríguez ne serait que justice..

La Trianita : Fandangos 1 (de Alosno)
La Trianita : Fandangos 2 (José Rebollo / José Cepero))
La Trianita : Levantica (Cojo de Málaga)
La Trianita : Caracoles
La Trianita : Fandangos 3 (de Alosno / José Rebollo)
La Trianita : Malagueñas 1 (Juan Breva)
La Trianita : Soleares (Enrique "el Mellizo" / Antonio Frijones)
La Trianita : Granaína 1
La Trianita : Granaína 2 (Manuel Vallejo)
La Trianita : Siguiriyas (Manuel Molina)
La Trianita : Malagueña 2 (Antonio Chacón)
La Trianita : Fandangos 4

La Trianita (1929) — guitare : Ramón Montoya

Josefa Ramos Martín "Niña de Marchena" (Marchena, 1915 - Caracas, 1980)

Nous n’avons presque aucune information sur cette artiste, si ce n’est qu’elle remporta le prix de saetas de la Semaine Sainte de Séville en 1935. Sans doute à la suite de cette soudaine consécration, elle fut engagée la même année pour la tournée d’une troupe d’Ópera flamenca réunie par l’imprésario Alberto Monserrat, le beau-frère de Vedrines (représentaions au Circo Price de Madrid en juillet, selon l’A B C de Sevilla du 3 juillet) — Pepita Ramos "Niña de Marchena" est le premier nom qui figure sur l’affiche, suivi de Regadera, El Peluso, Canalejas de Puerto Real, la Niña de los Peines, Guerrita et El Americano, dans cet ordre... En tout cas, ses fandangos et ses bulerías, dans un style dérivé de ceux Manuel Vallejo ou de Canalejas de Puerto Real, méritent le détour.

Niña de Marchena : Fandangos 1
Niña de Marchena : Bulerías 1
Niña de Marchena : Bulerías 2
Niña de Marchena : Fandangos 2 (Manuel Vallejo)
Niña de Marchena : Fandangos 3 (Manuel Vallejo)
Niña de Marchena : Bulerías 3 (cuplé)
Niña de Marchena : Fandangos 4
Niña de Marchena : Bulerías 4 (cuplé)
Niña de Marchena : Siguiriya (El Viejo de La Isla)
Niña de Marchena : Alegrías
Niña de Marchena : Granaína (Manuel Vallejo)

Niña de Marchena (1943) — guitare : Manuel Moreno.

Claude Worms


Niña de la Alfalfa : Saeta 1
Niña de la Alfalfa : Saeta 2
Niña de la Alfalfa : Saeta 3
Niña de la Alfalfa : Saeta 4
Niña de la Alfalfa : Fandangos 1
Niña de la Alfalfa : Petenera 1
Niña de la Alfalfa : Fandangos 2
Niña de la Alfalfa : Fandangos 3
Niña de la Alfalfa : Sevillanas 1
Niña de la Alfalfa : Petenera 2
Niña de la Alfalfa : Sevillanas 2
Niña de la Alfalfa : Fandangos 4
Niña de la Alfalfa : Fandangos 5
Niña de la Alfalfa : Sevillanas 3
La Trianita : Fandangos 1 (de Alosno)
La Trianita : Fandangos 2 (José Rebollo / José Cepero))
La Trianita : Levantica (Cojo de Málaga)
La Trianita : Caracoles
La Trianita : Fandangos 3 (de Alosno / José Rebollo)
La Trianita : Malagueñas 1 (Juan Breva)
La Trianita : Soleares (Enrique "el Mellizo" / Antonio Frijones)
La Trianita : Granaína 1
La Trianita : Granaína 2 (Manuel Vallejo)
La Trianita : Siguiriyas (Manuel Molina)
La Trianita : Malagueña 2 (Antonio Chacón)
La Trianita : Fandangos 4
Niña de Marchena : Fandangos 1
Niña de Marchena : Bulerías 1
Niña de Marchena : Bulerías 2
Niña de Marchena : Fandangos 2 (Manuel Vallejo)
Niña de Marchena : Fandangos 3 (Manuel Vallejo)
Niña de Marchena : Bulerías 3 (cuplé)
Niña de Marchena : Fandangos 4
Niña de Marchena : Bulerías 4 (cuplé)
Niña de Marchena : Siguiriya (El Viejo de La Isla)
Niña de Marchena : Alegrías
Niña de Marchena : Granaína (Manuel Vallejo)




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