samedi 25 juin 2022 par Claude Worms
Nous empruntons le titre de cette série d’articles, ainsi qu’une grande partie des informations biographiques et de l’iconographie, au blog d’Ángeles Cruzado Rodríguez (Flamencas por derecho) que nous ne saurions trop vous conseiller de consulter assidûment. Pour les enregistrements, nous sommes grandement redevable à Pedro Moral — Sociedad Pizarra & Flamendro.
María de los Ángeles Eduarda de Jesús Moreno Vargas María "la Moreno" (Rota, 1892 - Séville, années 1950)
NB : nos lectrices et lecteurs ne manqueront pas de remarquer dans cet article l’absence de d’Isabel Ramos Moreno "Isabelita de Jerez" (Jerez, 1895 - Zamora, 1942). Nous les renvoyons à l’article consacré à la réédition de sa discographie par l’Instituto Andaluz de Flamenco : Flamenco y Universidad, vol. L (2016). María "la Moreno", à laquelle nous devons une grande partie du répertoire des bulerías por soleá, n’a hélas jamais enregistré.
• María Valencia "La Serrana" (Jerez, 1863-1940)
María Cayetana Valencia "la Serrana" est la fille aînée de l’un des compositeurs de siguiriyas les plus célèbres de Jerez, Paco la Luz. Sa sœur cadette, Juana Valencia "la Sordita", fut une bailaora réptutée. La Serrana débuta au Café Novedades de Séville en 1900, et fut l’une des vedettes des cafés cantantes de la ville jusqu’à leur déclin dans les années 1920, qui marquèrent aussi celui de sa carrière. Dès lors, elle survécut en chantant dans les fêtes privées de sa ville natale.
Nous n’avons trouvé que quatre — quatre cantes magnifiques — des onze faces qu’elle enregistra avec Juan Gandulla "Habichula" pour Odeon en 1909. Le catalogue de la firme montre clairement les préférences de la cantaora, insolites, du moins au disque, pour l’époque : siguiriyas (4) et soleares (4). Les trois autres enregistrements sont étiquetés "saeta", "tango" et "malagueña" (en fait, fandando de Lucena).
La Serrana (1909) — guitare : Juan Gandulla "Habichuela".
• Luisa Carrasco "Niña de Jerez" (? - ?)
Niña de Jerez (1911) — guitare : Ramón Montoya.
• Pastora de Jerez (? - ?)
Pastora de Jerez (1912) — guitare : Gaspar (?)
• Luisa Ramos Antúnez "la Pompi" (Jerez, 1883-1958)
Luisa Ramos Antúnez forme avec Rafael "el Gloria" et Manuela "la Sorda" une fratrie cantaora exceptionnelle. Elle débute à dix-huit ans aux cafés cantantes La Primera (Jerez) et La Bombilla (Séville). En 1913-1914, elle fait à nouveau partie du cuadro de La Primera, avec Antonia "la Coquinera" et Javier Molina, qui sera l’un de ses guitaristes de prédilection. Ces mêmes années, elle chante les saetas de "Malvaloca", une œuvre des frères Álvarez Quintero.
Au cours des années 1920, elle poursuit l’essentiel de sa carrière à Séville : cuadro dirigé par Caracol Padre el El Maestro Percicet, avec José Cepero et les guitaristes jérézans Baldomero Ojeda et Javier Molina (Ideal Concert, 1919-1920) ;cuadro dirigé par le guitariste Antonio Moreno (Venta de Villa Rosa et Salón Variedades, 1919-1920) ; cuadro de Caracol Padre à nouveau, avec María "la Moreno", José Cepero, Carlota et Rita Ortega, Baldomero Ojeda, Antonio Ramírez et Eloísa Albéniz (La Barqueta, 1921) ; Salón Olimpia (avec Antonio Moreno et Juana "la Macarrona", 1925) ; Venta de Eritaña (avec El Gloria, José Rodríguez, Carmelita Borbolla et Lola "la Guapa", 1926). En 1922, elle revient sur la scène théâtrale (Teatro Cervantes de Séville) pour la pièce "Trianeras" dans laquelle elle figure aux côtés de sa sœur La Sorda, Manuel Torres et Manuel Centeno dans le concours de saetas qui clôt le spectacle.
Elle fait régulièrement partie des professionnels engagés pour les concerts qui accompagnent les Concours de Cante Jondo, très à la mode depuis celui de Grenade : concours de la Velá de San Juan de la Palma à Séville en 1922, avec Manuel Centeno, Niño Medina, Cojo Pomares, La Sorda, El Gloria, Currito de la Jeroma et Manolo de Huelva ; concours de Huelva en 1923, avec avec Caracol Padre, Niño Caracol, Manuel Centeno, Manuel Vallejo, El Gloria, Manuel Torres, Antonio Chacón, Currito de la Jeroma, Manuel Morales et Manolo de Huelva.
En 1929, pour profiter de l’afflux touristique engendré par l’Exposición Iberoamericana de Séville, le Kursaal Central ajoute à ses artistes habituels (La Macarrona, Rita et Rosario Ortega, Juana Junquera, María "la Roteña", La Quica, Antonio Ramírez et Javier Molina) un cartel de rêve, dont font partie les deux sœurs "Pompi" : Juan Mojama, Diego Antúnez, Cojo de Málaga, La Rubia de Jerez, Rafael Ortega, La Malena, Estampio et Ramón Montoya, entre autres. A l’automne de cette même année, nous retrouvons Luisa à Barcelone en compagnie de sa fille, la bailaora Tomasa "la Pompi", et de La Macarrona, Regla Ortega, Rafaela "la Tanguera" et Paco Aguilera — cabarets Viña P. et Villa Rosa dirigés par Julia Borrull. Elle revient dans la capitale catalane en 1930, avec la troupe de Pastora Imperio qui présente "Una fiesta en Sevilla" au Circo Barcelonés, puis en 1933, pour la soirée d’adieu de La Niña de la Puebla au Circo Barcelonés.
L’un des derniers grands événements flamencos auxquels elle participe est la fête organisée pour le deuxième centenaire de la Maison Domecq (1930) à la finca El Majuelo de Jerez, avec Luisa Requejo, Isabelita de Jerez, El Gloria, Manuel et Pepe Torres, Aurelio Selles et Perico "el del Lunar". Elle avait d’ailleurs été régulièrement invitée à la plupart des fêtes luxueuses données par l’aristocratie et les cercles intellectuels : soirée de l’Asociación de la Prensa (Madrid, 1924) ; fête en l’honneur des frères Álvarez Quintero (Venta Eritaña, Séville, 1925), deux fêtes données par les ducs d’Albe en l’honneur d’Alfonso XIII et Victoria Eugenia (Palacio de las Dueñas, Séville, 1925 et 1927), etc.
La Pompi (1930) — guitare : Miguel Borrull Hijo.
La Pompi (années 1950, enregistrements pour l’Archivo Zayas) — guitare : Manolo de Huelva.
NB : les siguiriyas sont une synthèse personnelle des styles de Joaquín La Cherna, Paco la Luz, Diego "el Marrurro" et Tío José de Paula, un manuel abrégé des siguiriyas jerezanas.
• Luisa Requejo Víctor "Luisa equejo" (Jerez, 1898 - Madrid, 1940)
Luisa Requejo débute à treize ans au Salón Variedades de Rota, avec le guitariste José Crévola. En 1912-1913, elle chante à Jerez, Alcalá de Guadaira, La Isla de San Fernando, Puerto de Santa María, Algeciras, Barbate, Vejer de la Frontera, Arcos de la Frontera, etc., accompagnée par José Crévola, Javier Molina ou Cristobal Salazar. Le quotidien El Guadalete, qui rend compte régulièrement de ses concerts, note déjà les influences d’Antonio Chacón et de Pastora Pavón "Niña de los Peines", et nous renseigne sur son répertoire de prédilection : bulerías, malagueñas, peteneras, tangos et tarantas. Sa renommée croissante lui permet dès lors d’être engagée dans les grandes capitales andalouses (Séville, Kursaal Central et Salón Imperial en 1915 ; Cordoue et Málaga en 1917-1918), à Madrid (Salón de la Magadalena) et même à Vigo.
En 1921, Luisa Requejo participe, dans la troupe de Benito Cebrián et Pepita Meliá, à la création de Trianeras, de Pedro Muñoz Seca et Pedro Pérez Fernández, au théâtre Eslava de Jerez. Elle revient à Madrid en 1924 au Kursaal Imperial, avec El Gloria, Cojo de Málaga et Ramón Montoya. A ce propos, un article du quotidien La Libertad (8 novembre 1924) fait l’éloge de ses siguiriyas et de ses saetas, ces dernières d’une qualité "comparable à celles de la Niña de la Alfalfa". En avril 1925, elle participe à la Fiesta del Cante y Baile Andaluz, un concours organisé à l’hôtel Alfonso XIII de Séville (jury présidé par Antonio Chacón). Elle y est invitée en tant que professionnelle (donc hors concours) avec Niño de marchena, Fernando "el Herrero", Currito de la Jeroma, Baldomero Ojeda, Niño Ricardo, Juana "la Macarrona" et Soledad "la Mejorana" ; elle chante à cette occasion por soleá, malagueña, granaína et siguiriya.
A la fin des années 1920, elle est à l’affiche des premières tournées d’Ópera Flamenca de l’imprésario Vedrines, notamment en 1926 avec rien moins que Pastora Pavón "Niña de los Peines", La Perla de Triana, Cojo de Málaga, Manuel Centeno, El Canario de Madrid, Victoria de Miguel, Javier Molina, Luis Yance, Ramón Montoya, La Macarrona, Paula "la Flamenca," Carmelita "la Guapa" et Estampio. Sa période faste semble s’achever au tournant des années 1920-1930, avec des engagements aux théâtres Chueca, Price et Eslava de Madrid et quelques fêtes retentissantes : à l’hôtel Ritz de Séville en l’honneur des frères Machado qui célèbrent le succès de La Lola se va a los Puertos (avec Isabelita de Jerez, Angelillo, Niño del Museo, El Guerrita et Ramón Montoya) ; à Jerez pour le bicentenaire de la Maison Domecq (cf. ci-dessus, La Pompi), etc. On perd ensuite sa trace jusqu’à son décès à Madrid en 1940.
Luisa Requejo (1928) — guitare : Ramón Montoya.
• Manuela Cauqui Benítez "Manolita de Jerez" (Jerez, 1935-2010)
Bien que la discographie de Manolita de Jerez soit plus récente que les précédentes, elle est actuellement tout aussi oubliée. Née dans le quartier Santiago de Jerez, elle vécut ensuite dans l’autre territoire flamenco emblématique de la ville, San Miguel. Après avoir chanté dans divers tabancos, elle débute au théâtre Villamarta (Jerez) à quinze ans et remporte l’année suivante le prix d’un concours de saeta organisé par Radio Jerez.
Comme tant d’autres artistes, elle s’établit ensuite à Madrid, où elle se produit d’abord dans les ventas de la périphérie. C’est dans cette ville qu’elle est engagée par plusieurs compagnies successives, celles de Pepe Iglesias "el Zorro", de Rafael Farina, d’Ana Esmeralda (tournées en Turquie, en France et dans d’autres pays européens) et finalement celle de José Greco, dans laquelle elle travaille une vingtaine d’années : tournées au Japon, en Europe, à Cuba, en Amérique centrale et aux États-Unis, où elle reste jusqu’à la fin des années 1980. Atteinte d’iritis, une maladie infectieuse qui la rend presque aveugle, elle subit également une opération de la gorge et doit mettre fin à sa carrière. Elle revient alors à Jerez et où elle vivra dans le quartier de La Palma jusqu’à son décès.
Avec la compagnie de José Greco, elle a figuré dans deux films (Around the World in Eighty Days, Michael Anderson, 1956 ; Ship of Fools, Stanley Kramer, 1965) et a enregistré deux albums pour MGM Records (Flamenco Fury, 1958 ; Noche de Flamenco, 1959). Sa spécialisation dans le cante pa’trás et surtout sa carrière "à l’étranger" auront sans doute grandement contribué à l’effacer de l’histoire du flamenco jerezano.
Manolita de Jerez (1952) — guitare : Manuel Bonet.
Manolita de Jerez (1954) — guitare : Niño Ricardo.
Claude Worms
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