vendredi 12 juin 2009 par Claude Worms
Année noire pour la guitare flamenca... : après le décès de Ramón de Algeciras en janvier dernier, nous apprenons avec tristesse la disparition de Manuel Fernández Molina "Parrilla de Jerez", survenue le 6 juin 2009 au sanatorium Santa Rosalla de Jerez. Avec Parrilla de Jerez, né le 21 septembre 1945 au n° 25 de la calle Campana, à Jerez (il a dédié à sa rue natale une superbe Siguiriya - cf : "Galerie sonore"), nous perdons un pan essentiel de la mémoire du flamenco jérézan.
Parrilla comptait parmi ses ancêtres deux cantaores légendaires : Antonio Fernández "Frijones" (créateur de plusieurs Soleares et Tientos), et Juan Fernández Carrasco "Juanichi el Manijero" (créateur d’ un célèbre cambio por Siguiriya). Il était le fils du cantaor Manuel Fernández Moreno "Tío Parrilla de Jerez", et le neveu des cantaores Juana Fernández "Tía Juana la de El Pipa", Gregorio Fernández "Parrilla", Juan Fernández "Tío Juanichi Parrilla", et Manuel Fernández "El Sernita". Cousin de Fernando Fernández Monje "Terremoto", il comptait parmi ses neveux Fernando Terremoto Hijo, Manuel Molina, Antonio Cortes "Chiquetete", et Isabel Pantoja. La saga familiale ne s’ arrête pas là, puisque trois autres de ses neveux sont aussi des musiciens émérites : Manuel (guitariste), Juan (flûtiste), et Bernardo (violoniste).
avec La Paquera de Jerez
Avec un tel arbre généalogique, on ne s’ étonnera pas que Parrilla de Jerez ait été l’ un des meilleurs accompagnateurs de sa génération : il nous lègue une cinquantaine d’ albums, avec La Paquera (sa partenaire privilégiée), La Piriñaca, El Borrico, Manuel Agujetas, Zapata de Arcos, El Juanata, Manuel de Paula, Curro Malena, Pansequito, José Menese, Enrique Morente, Fernando Terremoto Hijo, Manuel Moneo, Diego Rubichi... Il consacra aussi ses dernières années à la préservation du patrimoine musical des gitans de Jerez, et notamment du répertoire des Villancicos.
Nous ne reviendrons pas ici sur la biographie de Parrilla de Jerez, que nous avons déjà évoquée dans un récent article (cf : "Soniquetes jerezanos", 1ère partie - rubrique "Articles de fond"). Soulignons cependant la qualité de son oeuvre de compositeur, que l’ on pourra apprécier avec ses quatre enregistrements solos : deux LPs des années 1970, qui ne sont malheureusement toujours pas réédités, et deux CDs des années 1990 (cf : discographie).
Sans avoir jamais rien renié du toque traditionnel, notamment sur le plan harmonique (il se limita toujours volontairement aux stricts accords de l’ accompagnement du cante), Parrilla reste à notre avis le guitariste le plus original de l’ école de Jerez, doué d’ une imagination mélodique et rythmique intarissable, notamment pour les Soleares, Tangos, Siguiriyas, et Bulerías, et pour des pièces de concert inclassables, souvent basées, avec quelques licences, sur des rythmes de Jaleos / Bulerías ("Camino de las nieves", "Mañana de feria", ou "Mirando el río", dont nous vous proposons la transcription - notez la cambio conclusif original qui est une de ses "marques de fabrique" : non vers la tonalité relative majeure, La Majeur, mais vers la tonalité relative mineure de sa dominante E7, soit Do# mineur).
Une esthétique volontiers ascétique qui va droit à l’ essentiel, et donc une musique intemporelle. Puisse cette rivière couler encore longtemps sous les doigts de nombreux guitaristes...
Claude Worms
Discographie solo
"Jondura" : JON 2215 (1996)
"Nostalgia" : VDE - Gallo 985 (1999)
Transcription
"Mirando el río" (ritmo buleaero) : extrait du CD "Nostalgia"
Galerie sonore
"Siguiriyas de la calle Campana" : extrait du LP "Guitarra gitana", CBS S 64306
"Mirando el río" : extrait du CD "Nostalgia"
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