samedi 24 juin 2017 par Claude Worms
"Veneno", CBS S 82275 (1977)
Pata Negra : "Inspiración y locura", Nuevos Medios 15508 CD (1990)
Kiko Veneno : "Puro veneno", BMG 7432162421 (1998)
Au commencement était "Veneno", un objet insolite qui tomba en 1977, comme une météorite, sur un rock andalou qui déjà cherchait un second souffle. Après un coup d’ envoi dévastateur mais sans lendemain (le premier et unique disque de Smash, en 1971, suivi de la dissolution prématurée du groupe), les formations sévillanes peinaient à renouveler leur inspiration : Triana, pour son troisième album, se dirigeait vers un rock progressif boursouflé ; Lole y Manuel avait livré l’ essentiel de leurs "canciones por Bulería" réactualisées ; Gualberto, ex "Smash", bricolait son deuxième opus solo ("Vericuetos")... Le tout avec l’ infatigable Ricardo Pachón à la production (il allait aussi produire "Pata Negra", et le mythique "Leyenda del tiempo" de Camarón, en 1979). Seul Imán, par le professionnalisme de ses musiciens, proposait une relève crédible, dans un esprit proche de Pink Floyd.
La rencontre miraculeuse entre Kiko Veneno et Raimundo Amador allait produire l’ équivalent andalou des premières années du punk rock anglophone, dont 1977 est une année clé, avec les premiers albums de Clash, Jam, Sex Pistols, Elvis Costello, Ian Dury, Television..., précédés en 1975 par Patti Smith, et en 1976 par The Ramones et Modern Lovers.
"Veneno", enregistré à Madrid dans des conditions improbables, devint immédiatement un disque culte. Le groupe éponyme qui accompagne Kiko Veneno (auteur, compositeur, chant, et guitare) est formé de Antonio Moreno "el Tacita" (batterie, ex Nuevos Tiempos), Pepe Lagares (basse, ex Goma), Luis Cobo "el Manglis" (guitare électrique, de Guadalquivir) ; et de quelques musiciens du "Poligono Sur", banlieue misérable de Séville où ont été reléguées les familles gitanes de Triana : Raimundo et Rafael Amador (guitare électrique et guitare flamenca) ; et "El Bizco Eléctrico" et Juan "el Camas" aux palmas - ce dernier conclura "Inspiración y locura", de Pata Negra, par une reprise d’un cante por bulería hautement surréaliste co-signé avec Kiko Veneno, "Mi mechero blanco", de l’album"El pueblo guapeao". C’ est le son du disque qui fera durablement école : un mixage sombre et opaque de guitares flamencas ( jouées au médiator par les frères Amador), de guitares électriques ou électro acoustiques, sur fond de basse et de batterie (écoutez notamment l’ instrumental "Indiopole" : solos de rock de Raimundo Amador, sur un compás de bulería, avec des contrechants de Luis Cobo "Manglis" - guitare Ovation -, et un taconeo d’ el Bizco Eléctrico). Les textes des chansons croquent la vie quotidienne de la jeunesse andalouse de l’ époque, avec une touche de "surréalisme andalou" caractéristique de l’ écriture de Kiko Veneno, sur des musiques iconoclastes mêlant rap et pasodoble ("Los delicuentes"), rock et rumba ("San José de Arimatea")... Sans aucun projet esthétique concerté, totalement spontanément, Kiko Veneno et Raimundo Amador ont créé un idiome musical suburbain qui colle parfaitement au vécu quotidien de leur public, qui est aussi le leur.
San José de Arimatea
A la caída de la tarde
San José de Arimatea
dejó la radio en el suelo y se puso a bailar.
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No pensaba en el trabajo que había puesto en su hacienda
y siempre había sospechado quién le robaba las almendras
pero esta vez lo vio y le invitó a fumar.
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No tenía ningún callo
que lo avisara de tormenta
nunca supo distinguir la estrella polar.
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Sentado bajo la higuera recogía con cuidado
el fruto que los pájaros habían ya picoteado
y guardaban para él su mayor dulzor.
..........
Y si a veces ayunaba
no era que nadie lo tentaba
era sólo por ver nuevos colores en el sol.
..........
Bajaban por el monte turbas evangelizantes
que habían hallado el camino de la salvación.
..........
San José que era muy viejo y se lo hacía de incógnito
levantó la cara al cielo y lo abrazó con los ojos
guardó la piedra en la bolsa y se fue a descansar.
José María López Sanfeliú,"Kiko Veneno", est né à Figueres (Catalogne) en 1952, mais a passé son enfance et son adolescence à Cádiz, puis à Séville au gré des affectations de son père, militaire de carrière. Un parcours typique d’ un fils de la bourgeoisie, dans l’ Espagne de la fin du franquisme et de la "transition démocratique" : études secondaires et universitaires (sciences humaines à Séville et Barcelone) ; petits boulot et "la route" pendant les vacances d’ été (Europe, puis USA, nous y reviendrons) ; affiliation aux "Jeunesses étudiantes du PCE", chanson et théâtre engagés... Son enfance est marquée musicalement par la chanson populaire de l’ époque (Joselito, Juan Valderrama, Sara Montiel...), et surtout par le répertoire des "chirigotas" du carnaval de Cadíz, auquel il restera durablement fidèle : une musique authentiquement populaire, dont on retrouve la créativité verbale délirante dans sa propre écriture. Sa vocation d’ auteur - compositeur - interprète date de sa découverte de Bob Dylan, avec "John Wesley Harding" (premier disque de Dylan distribué en Espagne), et sera confirmée par son admiration pour Paco Ibañez et Joan Manuel Serrat (il reprendra "Balada pera un trobador" dans le disque hommage "¡Serrat... eres único !"). Sa formation musicale suit l’ histoire de sa génération, au gré des programmes de la radio, des échanges de disques avec les amis, et des voyages : Beatles, Rolling Stones, Who, Small Faces, Jimi Hendrix, Grateful Dead, Jefferson Airplane, Frank Zappa..., et surtout Miles Davis. Il est significatif que Kiko Veneno n’ ait vraiment découvert le flamenco que lors de son séjour en Californie, dans un cercle d’ élèves américains de Diego del Gastor (le pélerinage à Morón était alors de rigueur), réunis autour du guitariste Agustín Ríos : donc, un flamenco très "roots", en phase avec la vague du folk et du blues revival. De retour en Espagne, Kiko s’engage dans une carrière musicale qui restera longtemps erratique. Son intérêt croissant pour le flamenco (essentiellement la nébuleuse de Morón - la dynastie del Gastor, Joselero, Fernanda et Bernarda de Utrera...), sa rencontre avec Raimundo et Rafael Amador et ses nombreuses accointances avec le rock sévillan aboutissent à l’enregistrement de "Veneno" (cf. ci-dessus). Mais les tentatives de formation d’un groupe stable à partir des musiciens ayant participé aux sessions resteront sans lendemain.
En 1980, pour les premières élections du Parlement de la Région Autonome d’Andalousie, le PSOE organise une gigantesque tournée à laquelle participent Camarón, Silvio, Pata Negra, Tabletom, Alameda, La Susi, María Jiménez, Carlos Cano et Manuel Gerena. Son directeur, Ricardo Pachón, engage Kiko Veneno en tant que régisseur, et non en tant que musicien - ses anciens partenaires de "Veneno" sont à l’affiche, mais pas lui. Sans doute amer et décidé à reprendre seul le chemin des studios, il passe deux années à composer de nouvelles chansons, réalise une maquette artisanale avec neuf titres (dont "Pata palo", qui sara au programme du LP "Guitarras callejeras" de Pata Negra) et finit par négocier un contrat avec CBS. "Seré mecánico por ti" (1982) est le premier véritable album de Kiko Veneno, et contient déjà quelques futurs classiques, dont "Catalán fino", "Ratitas divinas", "Farmacia de guardia" (Kiko dit s’être inspiré de Ian Dury & The Blockheads...) et surtout une magnifique ballade, "Más al Sur". La limpidité mélodique et la variété rythmique des chansons (bulería-funk, rumba, reggae...) sont remarquablement servies par une production signée José Luis de Carlos, l’inventeur du son rumbero "Caño Roto" (Las Grecas, Los Chorbos...) et par un groupe d’excellents musiciens issus de la connexion sévillane : Manolo Rodríguez et Andrés Olaegui (guitare - respectivement membres de Imán et Guadalquivir), el Tacita (batterie), Manuel Aguilar (basse), Marcos Mantero (claviers - Imán également) et Raimundo Amador sur deux titres, "Más al sur" et "Ratitas divinas". Surtout, Kiko Veneno a définitivement trouvé sa veine de parolier, entre humour caustique, surréalisme andalou-dylanesque (il signera plus tard une belle adaptation de "Stuck inside of Mobile with the Memphis Blues Again") et chronique douce-amère de la vie quotidienne - le ton de ses vignettes-tranches de vie rappellera peut-être aux auditeurs français celui de Jacques Higelin ou de Vincent Absil.
"Más al Sur" / version de l’album "Puro Veneno"
Más al Sur
Si me persiguen
me iré más al Sur
mis zapatos no sirven
para todos los terrenos
te diré lo que me está pasando :
no tengo norte
se me olvida de noche
por dónde sale el sol
y los manteles están servidos
mirando hacia el sur.
..........
Si me persiguen
me iré más al Sur
delante una isla
que me oculta otra isla
los cangrejos de detrás
deberán sentirse
doblemente bien amparados
a veces me hizo daño
la Madre Naturaleza
y no vale la pena
pensar en si merezco
el tiempo mal pasado
por no estar en el sur de la cuestión
si me persiguen me iré más al Sur.
..........
Puedes pensar que
lo digo sólo por mí
pero también sienten lo que yo siento
los que no saben
qué es un camino derecho
y no me olvido de la espuma de tus olas
cuando te enalteces ante mí.
"Farmacia de guardia" / version de l’album "Puro Veneno"
Farmacia de guardia
Anda, corre y ve
a la farmacia de guardia
y pregunta si
el negocio va bien.
..........
Y ya que esta allí
que te diga el boticario
si se acuesta también
con el babi blanco.
..........
Traígame Ansiloválium diez
me duele la cabeza
dame un Hemicraneal.
..........
Mire usted doctor que tengo un grave problema :
se me perdió la receta que me dio
de Ansiobas grageas.
..........
Por favor doctor
recéteme usted un sedante
que me quite la velocidad
que cogí con lo de antes.
..........
Me duele la cabeza
anda, corre y ve
a la farmacia de guardia.
Après deux disques plus inégaux ("Pequeño salvaje" - Nuevos Medios, 1987 ; "El pueblo guapeao" Twins, 1989), Kiko Veneno signe avec "Échate un cantecito" (BMG-Ariola, 1992) un album de référence, un sans-faute en dix titres mémorables qui resteront d’ailleurs au programme de la plupart de ses concerts ultérieurs - entre autres, "Lobo López", "Echo de menos", "Joselito", "En un Mercedes blanco" et "Reír y llorar" qui est sa discographie ce que "Rock Ballad" est à celle d’Elliott Murphy. Il a enfin trouvé en l’anglais Jo Dworniak le producteur idéal, qui est aussi le bassiste des séances, avec Andrés "el Pájaro" ("Silvio y Sacramento") et Lolo Ortega ("Caledonia Blues Band") aux guitares, Nigel Roberts aux claviers, Frank Tontoh à la batterie et Karl van den Bosch aux percussions. En prime : la rumba "Volando voy" écrite pour Camarón (album "La leyenda del tiempo" interprétée par son auteur et compositeur.
Joselito
Por ahí viene Joselito
con los ojos brillantitos
por la calle Peñon.
..........
Se ha toado tres botellas
de Coca-Cola llenas
de vino de Chiclana
..........
Ya tiene las ganas
y ahora sólo busca un sitio
donde le dejen cantar
ponme otra copa
tú ya sabes que mañana
voy a la mar.
..........
¡Ay ! Joselito ¡Ay !
Vigilancia reforzada
en el puente el ambiente
es en technicolor.
..........
Esto era muchos grados
de marea al sur
de Fernando Poo.
..........
Ya llegó la hora
de la zarzamora y sube
la atmósfera del bar.
..........
En el tubo traqueado
el salitre le ha dejado
rumor de alta mar.
..........
¡Ay ! Joselito ¡Ay !
Yo soy Joselito
el de la voz de oro
que de puerto en puerto
voy dejando mi cuplé.
..........
Siete novias tuve
más novias que un moro
me salieron malas
y a las siete abandoné.
En un Mercedes blanco
En un Mercedes blanco llegó
a la feria del ganado
diez duros de papel Albal
y el cielo se ha iluminado.
..........
Viene desde muy lejos y ya
no le queda ni memoria
dice que un duende se la cambió
por un ratito de gloria.
..........
En un Mercedes blanco llegó
de lunares el pañuelo
todos los chiquillos detrás de el
siempre va mirando al suelo.
..........
¡Que pena de muchacho !
le dicen la gente en los bares
cuando juegan a las máquinas
y recogen lo que les sale.
..........
Tres reyes van en un barco
son tres leyes y un secreto
ni ruinas ni cenizas
ni papel que lleve el viento.
..........
Ponme, ponme la cinta otra vez
pónmela hasta que se arranquen
los cachitos de tierra y cromo
a cantar como tú sabes.
Publié en 1998, "Puro Veneno" est un impeccable best-of de cette première période discographique, avec de nouveaux arrangements immaculés dont la qualité rappelle certains albums de Steely Dan : Charlie Cepeda (guitare électrique), Raúl Rodríguez (guitare flamenca, saz et tres), Antonio Rodríguez (guitare acoustique), Juan Ramón Caramés (basse), Rafaem Montañana (batterie) - et quelques invités "de lujo" : Raimundo Amador (guitares), Diego Amador et Tito Dávila (clavier) et Rogerio Da Souza (percussions). En prime,
"Lobo López" / version de l’album "Puro Veneno"
Lobo López
Un día Lobo López
se encontró a su amada
hace cuánto tiempo
y me alegro tanto
no me lo esperaba.
..........
Ella le pregunta
nada personal
¿Qué has estado haciendo ?
Lobo le responde :
todo sigue igual.
..........
¡Qué día más bueno
como pica el sol !
¿No es un poco raro
para el mes que estamos
ya tanto calor ?
..........
Bueno, bueno Lobo
tengo que dejarte
me están esperando
nos encontraremos
en alguna parte.
.........
Iba el Lobo López
Tragando saliva
por no hablar a tiempo
estaba sufriendo :
su amor se le iba.
..........
Y pensar que ahí fuera
hay todo un plantel
de chicas hermosas
flores temblorosas
por dejarse comer.
..........
Tengo que decirle
que la echo de menos
lo he dejado todo
por no hacerle daño
soy un lobo bueno.
..........
No puedes negarme
tu frasco de amor
he entrenado duro
ahora estoy dispuesto
a comerte mejor.
..........
Vamos, Lobo López
me has llegado al alma
estoy toda ansiosa
por ver esas cosas
que tus ojos me hablan.
..........
Un día Lobo López
se encontró a su amada
hace cuánto tiempo
y me alegro tanto
te veo muy cambiada.
("Reír y llorar" / version de l’album "Puro Veneno"
Reír y llorar
Lloran las ramas
azotadas por el viento
las raíces se están riendo
en la oscuridad
sentado en la fuente
me mojo la cara
y un aire caliente... malditas palabras.
..........
La Coca-Cola siempre es igual
pero yo no, yo puedo cambiar
ya no quiero más
tener buena suerte
abrázame fuerte
y hazme volar
hazme reír, hazme llorar
reír y llorar.
..........
Mirando a los cielos
con los pies en la maceta
yo también tengo
mi fórmula secreta.
..........
La Coca-Cola siempre es igual
yo a veces tampoco
puedo cambiar
ya no quiero más
tener buena suerte
abrázame fuerte
y hazme volar
hazme reír, hazme llorar
reír y llorar.
Contrairement à Kiko Veneno, les deux fondateurs et piliers de Pata Negra, Raimundo et Rafael Amador sont avant tout des instrumentistes, guitaristes et bassistes, éclectiques qui affectionnent autant le blues et le rock que le flamenco dont ils ont hérité dès leur naissance : leur père Luis Amador et leurs oncles, Diego et Ramón, étaient tous les trois tocaores, et ils ont ensuite fait leurs premières armes avec la Familia Montoya. Il est donc logique que leurs premiers enregistrements, réalisés en 1978, un an après la sortie de "Veneno", mais qui ne sortiront commercialement qu’en 1986 sous le titre "Guitarras callejeras" (Nuevos Medios), soient à nette dominance instrumentale. Le style des deux musiciens, qui ont une longue expérience professionnelle derrière eux, est déjà clairement défini : chorus de guitare explosifs sur rocks-blues, rumbas et bulerías, de préférence sur tempo ultra rapide. Les deux frères y alternent guitare électrique et guitare flamenca, jouée fréquemment au médiator. Ce n’est pas par hasard qu’ils seront les premiers à introduire les "bends" dans l’arsenal expressif des tocaores, imités ensuite par Paco de Lucía, Tomatito ou Vicente Amigo.
En 1981, même si Raimundo et surtout Rafael se sont mis au chant (et Rafael à l’écriture), leur premier album pour Mercury, "Pata Negra", comporte encore cinq instrumentaux "Guitarras callejeras", avec Jorge Pardo (flûte) et Carles Benavent (basse) ; "La Llaga", avec Pepe Ramírez (flûte), Manolo Aguilar (basse) et Antonio Moreno (batterie) ; et trois duos de guitare Raimundo / Rafael, "Bulerías al aire", "Tarántula" et "Bulerías de Menorca" (avec à nouveau la flûte de Pepe Ramírez pour ce dernier titre). Mais ce sont les quatre chansons du programme qui assurent le succès du disque : "Mama", "Rock del Cayetano", "Blues de los niños" et surtout une reprise de "Los managers" de Kiko Veneno, dont le texte corrosif sur fond de pasodoble parodique est sans doute très autobiographique, qui entrera au hit-parade de "Los 40 Principales".
Los managers
Teníamos unos managers
que eran de Huelva
uno medio calvo
y otro con coleta
y el Nono decía
qué es lo que pasa
qué oscuridad tan grande
qué es esta guasa.
..........
El Perico con su moto
el Matías con la coleta
el Rafa con su tofito
y el Nono lleva la mesa.
..........
Cogieron un conjunto
de corte moderno
con las intenciones
de formarse en el momento
pero vaya conjunto
conjunto estiércol
por poco le roban
los instrumentos.
..........
En el Mercedes del padre
de uno de ellos
fueron a Chipiona
a dar un concierto
y la gente decía
qué es lo que pasa
qué no se yoe
será de tanto cubata
y tanto polen.
..........
Ni médico ni botica
ni sellos ni cosas de esas
no hay quien le quite a mi niño
esa dichosa cabeza.
C’est peut être encouragé par ce succès que Pata Negra laisse une large place au chant dans le programme de "Rock gitano" (Mercury, 1983) - le titre tend à démarquer la musique des frères Amador de la vague du "rock andalou", sans doute jugé trop mièvre. Si l’option "hard" reste immuable, la palette littéraire et musicale du groupe s’élargit considérablement, avec des adaptations de textes de Federico García Lorca ("Baladilla de los tres ríos") et de Miguel Hernández ("Compañero del alma") ; une version "rock por taranto" de letras traditionnelles de la levantica del Cojo de Málaga et de deux cartageneras ; une interprétation légèrement moins iconoclaste de tangos extremeños ("Badajoz", citation du "Obi, obá" d’ El Principe Gitano comprise, sans le succès planétaire des Gipsy Kings) ; une gamme plus variée de blues-rocks - classique avec "El partido" et "El Tardón", plus jazzy avec "Las Vegas", et blues-rumba avec une reprise du "Jessica" de Dicky Betts (Allman Brothers Band, album "Brothers and sisters") ; et un énigmatique "Nasti de plasti", dont la ritournelle acide et entêtante nous a toujours évoqué "Ekkoleg", de la bande sonore du film d’Arrabal, "Viva la muerte". Pour le casting : deux nouveaux membres de la famille Amador, le cousin Juan José (chant, pour les titres les plus flamencos, dont "Levante") et le frère cadet Ramón (batterie), Jorge Pardo (saxophones) et Antonio Galicia (batterie).
Le moment était venu de tenter une ouverture vers un plus large public, sans pour autant renier l’identité musicale du groupe. "Blues de la Frontera" (Nuevos Medios, 1987) atteint brillamment cet objectif, avec quelques titres certes plus "commerciaux", mais une finition musicale qui restait jusque là étrangère au groupe. Tous mériteraient d’être cités. Les quatres premiers enregistrés s’inspirent tour à tour du jazz et du flamenco le plus "con raíces" : l’emblématique "Blues de la Frontera", à partir d’une falseta por bulería de Diego del Gastor, lui-même redevable à une guajira de Manolo de Badajoz (duel de guitares entre Raimundo Amador et Antonio Carmona) ; une version jazzy de la sevillana "Pasa la vida" de Romero Sanjuán (vocaux "swing" surprenants de Rafael Amador) ; le standard "How high the moon" par Raimundo, avec Manolo Rodríguez à la guitare-synthétiseur, Joe Mitchell à la basse et Carlos Carli à la batterie ; et une nouvelle adaptation de Federico García Lorca illuminée par les parties de guitare de Rafael Riqueni ("Bodas de sangre"). La formation d’un nouveau groupe pendant l’été 1987, avec Juanjo Pizarro (ex "Dogo y los Mercenarios" - guitare), Jesús Arispont à la basse et Samuel Rodríguez (ex "Smash" - batterie) va permettre la réalisation du reste du programme : un blues-shuffle sur des letras por fandango de La Fernanda et La Perrata de Utrera ("Lindo gatito") ; trois textes de Carlos Lencero magnifiquement mis en musique : "Calle Bétis", le tango-rumba "Yo me quedo en Sevilla" et le reggae "Lunático". Enfin, le disque est complété par un émouvant hommage à Camarón, sur un autre poème de Carlos Lencero reproduit sur la pochette du premier "live" du cantaor "Camarón en vivo" : por tanguillo, avec refrain inspiré du "Lay down Sally" d’Eric Clapton.
Yo me quedo en Sevilla
Dicen que vengo de lejos
que andando pasé la vida
desde la India a Triana
desde Triana a Sevilla.
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Eucaliptos de Chapina
callejones de Triana
plaza la de Doña Elvira
plaza la de Santa Ana.
..........
Si tú te vas, si tú te vas
yo me quedo en Sevilla
hasta el final.
..........
Me acuesto en Sevilla
por el gusto
no me mudo de barrio
por un beso
canto para sentir
que estoy cantando
vivo para saber
que estoy viviendo.
..........
Vente pacá y déjate de frio
luna y rama
en todos los rincones
me pasaré
te pasarás conmigo
Sevilla
seguirá de vacaciones.
Fort du succès de son dernier album, le groupe se produit sur scène dans sa nouvelle formation. Le disque "Pata Negra. El directo. Zeleste 16 de febrero 1989", publié par Nuevos Medios en 1994, est un fidèle témoignage des derniers concerts de Raimundo et Rafael. Raimundo part poursuivre la carrière soliste que l’on sait, et Rafael hérite donc du label Pata Negra, sous le nom duquel il enregistre un nouvel opus, et non des moindres : "Inspiración y locura" (Nuevos Medios,1990). Privé de la guitare de Raimundo, Rafael fait appel à trois tocaores de poids, José Manuel Roldán, Moraíto et surtout Juan Manuel Cañizares. Aux musiciens des tournées précédentes (Juanjo Pizarro, Jesús Arispont et Antonio Rodríguez), s’ajoutent selon les titres quelques renforts appréciables : Manglis (guitare électrique), Jesús Bola (claviers), Tino Di Geraldo (batterie et percussions), Manuel Soler (percussions), Diego Carrasco, Las Peligros et Dr. Kelly (chœurs), le Sevilla Big Band (cuivres)... Le programme est un merveilleux kaléidoscope musical qui résume la diversité d’inspiration de Pata Negra : rock ("Romance de pago"), reggae ("Genoveva"), tangos extremeños ("Tu madre tuvo la culpa"), tanguillo burlesque ("Todo lo que me gusta es ilegal"), rumba ("Tengo que volar"), bulería de Morón ("Bulerías de Juan el Camas" - strict duo chant - guitare, non sans une falseta bluesy de Rafael qui restera dans les annales). Si la plupart des textes sont signés Carlos Lencero, le blues "Anónimo jerezano" mérite une mention spéciale : texte effectivement anonyme, des années 1940, en forme de règlement de compte au premier degré (et d’autant plus réjouissant) avec les grands propriétaires des vignobles de Jerez (les Domecq en particulier), et par-delà tous les latifundiaires andalous - toujours d’actualité.
Anónimo jerezano
Horda del sur
enriquecida y no más
que llegaís con el pelo de la dehesa
a tutear estúpidas marquesas
a cambio del dinero de la alcoba.
..........
Viajeros de la falsa Andalucía
que teneís como blasones la tajá
presumiendo de genealogía
en vuestro escudo una marca registrada.
..........
Lleváis en vuestra corte de adulones
putas, tortilleras y maricones
un elenco florido y cortés
símbolo de una España en pandereta
ir con vuestro dinero a hacer puñetas
o Borgias de los vinos de Jerez.
Todo lo que me gusta es ilegal
Dicen aquí por el sur
que la belleza es morena
luce como la canela
la menta y el orozú
y quita toítas las penas.
..........
Todo lo que me gusta
es ilegal, es immoral o engorda.
..........
De los gachés de Triana
era el Godino el más vacilón
candela en el Altozano
y en la plazuela tomando el sol
bailaba por bulería
en lo alto de una escoba
cuando el Godino quería
la escoba bailaba...
..........
Dicen allí por el sur
noches de luna llena
una gitana morena
pasea por Santa Cruz
entre naranjos su pena.
Claude Worms
Bibliographie
Luis Clemente : "Kiko Veneno. Flamenco Rock", Editorial La Máscara, Valencia, 1995
Luis Clemente : "Raimundo Amador y Pata Negra. Rock Gitano", Editorial La Máscara, Valencia, 1996
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