Le cuplé est un genre de chansons exclusivement féminin qui prospéra de la deuxième moitié des années 1910 à la fin des années 1920 pendant la mode des "variétés" (ou variedades) importées de France, comme leur nom l’indique. Représentés dans les cabarets et les théâtres, ils mêlaient numéros de chant, de danse, de cirque, de prestidigitation, de transformisme, etc. dont les cuplés étaient les plus attendus. Les chansons légères étant depuis longtemps désignées comme genero chico, les critiques inventèrent pour les stigmatiser une étiquette plus péjorative encore, genero mínimo et un néologisme pour vilipender les artistes qui s’y adonnaient, les sicalípticas...
Il semble que Félix Limendoux (Málaga, 1870 – Madrid, 1908), ait été l’inventeur, ou du moins le principal propagateur, de ce terme. Il l’utilise au moins deux fois en 1902, pour la promotion du bimensuel "Portfolio al desnudo" de l’éditeur barcelonais Ramón Sopena puis pour celle de sa propre revue, "Las Mujeres Galantes". On peut lire dans le cahier n°1 : "Vaya usted a oír cantar el ‘tango de los lunares’ a una tiple que excede en picardía y en atención a la letra de este número y que acompaña a la música con movimientos lascivos sin que llegue, sin embargo, a lo indecente, y convendrá usted conmigo en que aquella artista le entusiasma por lo que tiene de... SICALÍPTICO". — cité par Durán, cf. bibliographie. Son étymologie reste incertaine mais, selon la thèse la plus répandue, il s’agirait de l’association de deux racines grecques. Dans l’édition de 1966 de son "Diccionario de uso del español", María Moliner le définit ainsi (merci à Maguy Naïmi) : "Palabra al parecer creada para anunciar una obra pornográfica pensando en las griegas : ‘sycon’, vulva y ‘aleiptikós’, excitante ; ver ‘higo, sico’. Se usó sin conocer exactamente su significación literal hace treinta o cuarenta años ; ahora es desusada. Escabroso. Sexualmente malicioso". Pour "sicalipsis", l’auteur ajoute [...] "malicia o picardía sexual."
C’est que ces dames jouaient volontiers de leurs charmes, chantaient des textes ouvertement érotiques ou du moins à double-sens et joignaient complaisamment le geste (costumes et danses compris) à la parole. Un exemple : l’un des hits de l’époque, "La pulga", mettait en scène une femme cherchant une puce dans ses vêtements, dont elle ne manquait donc pas de se défaire avec application. Les titres des spectacles ou des chansons étaient sans équivoque : "Hay gente debajo de la cama", "La noche de novios", "La vaselina", "La Arabia feliz", "Enseñanza libre", "El corsé de Venus", "Miss Full", "La diosa del placer", etc. Les cupletistas se comptaient par centaines, l’une chassant l’autre en haut de l’affiche dans une surenchère permanente. Elles n’en étaient pas moins ce que nous nommerions des meneuses de revue, chanteuses, danseuses et "diseuses" aguerries. Leurs répertoires montrent une large et rapide ouverture à l’actualité musicale étrangère, notamment venue des États-Unis et de France. C’est ainsi que "El último cuplé" (La Fornarina, 1914) ou "Palafox 22" (La Chelito, 1915) relèvent plus de Tin Pan Alley et de Broadway que de la Gran Vía madrilène. De même, "El Sanjuanjo" (La Chelito, ?) présente une ressemblance frappante avec "Dans la vie faut pas s’en faire", de l’opérette "Dédé" (Henry Christiné et Albert Willemetz — 1921) — cf. Galerie sonore. Explicitement ou non, toutes assumaient une rupture provocatrice avec la morale et les "bonnes mœurs", par leur répertoire comme par leur statut de femmes économiquement indépendantes — certaines s’affirmèrent ouvertement (et courageusement) comme féministes. A de rares exceptions près, elles menèrent des carrières similaires dans un métier qui était pour elles l’une des rares possibilités d’échapper à la pauvreté de leurs familles : débuts fulgurants à Madrid et Barcelone suivis de tournées nationales et internationales pour les plus renommées (Mexique, Cuba, États-Unis et Europe, France notamment) ; avec le déclin rapide du cuplé au cours des années 1930, oubli, déchéance et souvent misère pour les moins avisées.
Malgré leurs personnalités bien affirmées, on peut classer sommairement les cupletistas en deux catégories. Bien que chanteuses et danseuses estimables, les plus nombreuses misèrent surtout sur le scandale et la provocation, façon Mae West : Consuelo Portella Audet "La Chelito" (Cuba, 1885 - Madrid, 1959), Consuelo Vello Cano "La Fornarina" (Madrid, 1884 - Madrid, 1915), Antonia Cachavera y Aguado "La Cachavera" (Madrid 1883 - ?), etc. Une minorité abandonna rapidement cette veine, indispensable pour se faire un nom, et construisirent des carrières plus durables sur la qualité musicale, chorégraphique et scénographique de leurs spectacles : Pastora Rojas Monje "Pastora Imperio" (Séville, 1887 - Madrid, 1979), Amalia Molina Pérez "Amalia Molina" (Sevilla, 1885 - Barcelona, 1956 — cf. notre article : Flamencas por derecho (9) Amalia Molina) et Francisca Romana Marqués López "Raquel Meller" (Tarazona, 1888 - Barcelona, 1962 — cf. l’article de Nicolas Villodre : Raquel Meller).
La Chelito : "Debajo de la cama hay gente" (1912)
La Chelito : "El Sanjuanjo" ( ? )
La Chelito : "Palafox 22" (1915)
La Chelito : "Debajo de la cama hay gente"
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La Chelito : "El Sanjuanjo"
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La Chelito : "Palafox 22"
Consuelo Portella La Bella Chelito
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Raquel Meller : "El relicario" (1922)
Raquel Meller : "La violetera" (1926)
Raquel Meller : "Bajo los puentes del Sena" (1936)
Raquel Meller : "El Relicario"
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Raquel Meller "la Violetera"
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Raquel Meller : "Bajo los puentes del Sena"
Raquel Meller/Bajo los puentes del Sena (2023)
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La Fornarina : "Clavelitos" (1912)
La Fornarina : "La machicha" (1912)
La Fornarina : "El Polichinela" (1913)
La Fornarina : "El último cuplé" (1914)
La Fornarina : "Clavelitos"
Clavelitos
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La Fornarina : "La machicha"
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La Fornarina : "El Polichinela"
La Fornarina
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La Fornarina : "El ultimo cuplé"
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Félix Mayol : "La matchiche" (1906)
Maurice Chevalier : "Dans la vie faut pas s’en faire", de l’opérette "Dédé" (1921)
Mitchell’s Jazz Kings : "Dans la vie faut pas s’en faire" (1922)
Félix Mayol : "La Matchiche"
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Maurice Chevalier : "Dans la vie faut pas s’en faire"
Maurice Chevalier/L’Opérette Française par ses créateurs (1921-1934) (2014)
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Mitchell’s Jazz Kings : "Dans la vie faut pas s’en faire"
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Carmen Pereira Barrera "Carmen Flores" est née le 28 décembre 1896 à Almendralejo (province de Babajoz). Sa famille s’établit à Séville où elle passe son enfance et prend des cours de danse. A dix-sept ans, elle débute comme tiple cómica au Teatro Tívoli de Barcelone puis au Teatro de la Zarzuela de Madrid. Elle se produit ensuite à Buenos Aires où elle reste deux ans et chante dans plusieurs zarzuelas, dont " Molinos del viento" de Pablo Luna. De retour à Madrid, elle est engagée au Teatro Romea puis au Trianón Palace, temple du genero mínimo. Son succès y est tel qu’elle opte définitivement pour le cuplé, en version madrilène canaille ("chula"), dont elle devient la reine incontestée pendant les années 1920. Elle est entre autres réputée pour les monologues décapants qu’elle insère dans ses chansons, si prisés qu’elle en fait la marque de fabrique de son abondante discographie — de cing ans sa cadette, La Bella Dorita reprendra le procédé dans un veine plus salace mais moins caustique. Après une longue tournée en Amérique latine, elle se retire une première fois en 1927 et ouvre une maroquinerie. Elle revient sur scène en 1935 pour une tournée en Andalousie, à Barcelone et aux Baléares avec sa propre troupe, "Espectáculo Carmen Flores". Mais son répertoire n’étant pas précisément du goût de la censure franquiste (cf. ci-dessous), elle n’apparaît plus que dans quelques rares spectacles à partir de 1940 et met définitivement fin à sa carrière en 1962. Elle gère dès lors une pension de famille et une confiserie jusqu’à sa mort à Madrid, le 26 février 1969.
Carmen Flores est d’abord une cupletera unique par son style. A en juger par ses enregistrements, elle possédait une excellente intonation une puissance vocale exceptionnelle qu’elle utilisait pour des interprétations explosives et de virulentes apostrophes à destination du public masculin. Selon le thème de ses chansons, elle passait avec aisance de la gouaille de Mistinguett à la véhémence vériste de Fréhel ou au monologue façon Yvette Guibert. Mais ce sont surtout ses textes qui la démarquent de ses collègues. Commençons par un exemple éloquent, "La sindicalista", vraisemblablement de 1918-1919 (il est piquant de constater que la musique est de Manuel Font y de Anta, plus connu pour ses marches processionnelles de la Semaine Sainte...) :
"Si pa’ dentro de dos meses a lo sumo / no funciona un sindicato de castizas, / que me metan en un horno en traje de Eva / y que arrojen al arroyo mis cenizas."
Si dans deux mois tout au plus / un syndicat de femmes d’ici ne marche pas, / qu’on me mette dans un four en costume d’Eve / et qu’on jette mes cendres à la rivière.
"Lo que está pasando aquí es una vergüenza, / no hay un Dios que tenga ya moralidad. / La mujer debe de ser como yo pienso /ni soltera, ni viuda ni casá."
Ce qui se passe ici est une honte, / pas un Dieu qui ait de la moralité. / La femme doit, selon ce que je pense, / n’être ni célibataire, ni veuve, ni mariée.
"Todo el que quiera vivir se sindicotaliza, ni más ni menos. / Y el que no lo haga va a comer bacilus o aires de Guadarrama. / Señor es lo que dice Lenin : ’que tú tienes diez pues me da cinco, / que el otro que tiene veinte pues me da diez.’ / Y así por lo menos se va haciendo un capitalito decente. / ¿ Qué usted no está conforme ?"
Quiconque veut vivre doit être syndiqué, ni plus ni moins. / Et celui qui ne l’est pas va se nourrir de bacilles ou de de l’air de Guadarrama. / Monsieur, comme le dit Lénine : ’si tu as dix tu me donnes cinq, / et l’autre qui a vingt, qu’il me donne dix.’ /Ainsi au moins on va faire un petit capital décent. / Vous n’êtes pas d’accord ?
"Y oiga usted, usted es de Maura o de Romanones, / usted es de Puente de Vallecas, nos han aplicado los rayos X. / El que no llora no mama / y el que mama usted calcule lo que le alimentará / con lo que se come hoy día."
Et écoutez-moi, vous êtes partisan de Maura ou de Romanones, / vous êtes du pont de Vallecas, ils nous ont appliqué les rayons X. / Celui qui ne pleure pas ne tète pas / et pour celui qui tète, imaginez comment le nourrira / ce que l’on mange aujourd’hui. (cf. ci-dessous, NB)
"Así es que vamos a formar un sindicato que tenga por lema : / ’¡ Igualdad, fraternidad, legalidad, / reparto de los bienes !’ / Y aquí no ha pasao na’."
Aussi allons-nous créer un syndicat avec pour slogan : / ’Égalité, fraternité, légalité, répartition des richesses !’ / Et ici tout va bien.
"Antes iba usted a la plaza con un duro / y compraba usted jamón a roscatina. / Ahora lleva tres duros y se viene / con dos hojas de laurel y una sardina."
Avant, vous alliez au marché avec un sou / et vous achetiez du jambonneau. / Maintenant vous prenez trois sous et en revenez / avec deux feuilles de laurier et une sardine.
"Las patatas y los huevos de los pueblos / por vagones se les ve llegar aquí. / Pero claro si luego los almacenan, luego dicen que no hay huevos en Madrid."
On voit les patates et les œufs des villages / arriver ici par wagons entiers. / Mais après évidemment, comme ils les stockent, / ils disent qu’il n’y a plus d’œufs à Madrid.
"Y de todo esto tiene la culpa el acaparador, / el exportador, el despertador. / Y el despertador del proletariado que no suena / para despertar al pueblo que padece sueño crónico."
Et tout ça, c’est la faute de l’accapareur, / de l’exportateur, du réveil. / Du réveil du prolétariat qui ne sonne pas / pour réveiller le peuple qui souffre de sommeil chronique.
"Al que madruga Dios le ayuda ¿ verdad ? / Pues yo me levanto a las seis y no me ayuda ni Dios. / ¿ Se puede pasar esto sin protesta ? / ¡ No ! Pues a luchar por la idea."
Dieu aide celui qui se lève tôt, n’est-ce pas ? / Hé bien, moi je me lève à six heures du matin et même Dieu ne m’aide pas. / Peut-on supporter ça sans protester ? / Non ! Alors luttons pour nos idées.
¿ Se puede pasar ? ¡ Sí ! adelante ... / Nosotros nos iremos a hacer una bandera de ese lema que dice : / ’¡ Igualdad, fraternidad, legalidad, / reparto de los bienes ! / Y aquí no ha pasao na’.
Ça peut arriver ? Oui ! en avant... / Nous autres allons faire un drapeau avec ce slogan qui dit : / Égalité, fraternité, légalité, répartition des richesses ! / Et ici tout va bien.
NB : Antonio Maura (1853-1925) fut l’un des leaders du parti conservateur, cinq fois président du Conseil sous Alphonse XIII. L’un de ses gouvernements décréta en 1909 la mobilisation de troupes de réservistes pour la guerre du Rif, majoritairement des ouvriers. Les syndicats lancèrent une grève générale à Barcelone et dans d’autres villes de Catalogne. La répression des manifestations fut particulièrement sanglante ("Semana trágica", du 26 juillet au 2 août 1909). Leader du parti Libéral, le comte de Romanones (1863-1950) fut président du Sénat, président des Cortés et trois fois président du Conseil sous Alphonse XIII. L’un des plus grands latifundiaires d’Espagne, il fut aussi un affairiste décomplexé, lié en tant qu’actionnaire au grand capitalisme français (mines de Peñarroya, mines du Rif, diverses compagnies de chemin de fer et d’électricité, banques, etc.), il est resté comme le symbole proverbial du clientélisme et de la corruption endémiques des gouvernements conservateurs-libéraux. La quartier de Vallecas était à l’époque un quartier populaire, majoritairement ouvrier.
Ne manquent ni la référence à la Révolution française, donc à la République, ni la dénonciation des accapareurs, un thème récurrent des révoltes de femmes qui gèrent au quotidien le budget familial. Si, comme il est probable, ce cuplé a été enregistré quelques mois après la Révolution d’ Octobre, l’ allusion à Lénine est particulièrement précoce. D’autres cupleteras ont traité occasionnellement le thème du féminisme politique (Emilia Bracamonte : "La chulata política", 1918 ; Amalia Molina : "La diputada", 1932), mais aucune autre ne l’a jamais lié explicitement à celui de la révolution sociale. Carmen Flores récidivera avec "La pequeña bolchevique" et "La presidenta" :
Cuplé : “Como hace tiempo España necesitaba / un gobierno de fuerza que le aliviara, / después del resultado mis pareceres, / he conformado uno con todas las mujeres. / Y a mí me ha tocado ser la presidenta / y por eso vengo a daros cuenta."
Monologues : "Así que, señores míos, ya tengo las riendas del poder y lo primero que he hecho al coger las riendas ha sido decir : ‘¡ alto el carro ! Se acabó ya esto de cargar con todo.’ Mi lema es este : moralidad, igualdad y un poquito de cotilleo. Y la que me desobedezca, le digo, toma de inserción obligatoria."
"Y por último lo que queremos es la emancipación total de la mujer. ¡ Libertad ! ¡ Libertad ! Porque es una vergüenza que se quede una por la noche fuera de casa y al regresar le diga el marido : ‘ ¿ De donde vienes ? De aquí no se sale más sin mi permiso.’ ¡ Muy bonito ! [...] Además ya se acabó eso de decir y decir : ‘bueno, con permiso de mi esposo’ [...] Estaré en la casa cuando me dé la real gana, quiera o no quiera mi marido. Que por eso soy una emancipada." (extraits de "La Presidenta", 1932).
Il faut mesurer l’impact de ces cuplés à l’aune des salles combles qui l’acclamaient. Par leur enracinement dans le parler et la vie quotidienne populaires et par leurs interprétations pugnaces, ces appels à la révolution et ces proclamations féministes sont de fait plus radicales et efficaces que ceux des "élites" intellectuelles et des avant-gardes artistiques. Plus encore quand elles sont résolument comiques. Dans "Guasa viva" (1920), Carmen Flores incarne une femme de la "classe laborieuse", sans éducation sans doute, mais disposant avec son solide sens de l’humour d’une redoutable arme de rébellion et capable de mener sa vie comme elle l’entend. Elle s’en prend frontalement aux fondements du patriarcat (le mariage et pire encore à l’époque, la maternité) et se "ferait bolchévique" plutôt que de se marier :
Cuplé : "Cuando algún mocito viene a pretenderme,/ en tomarle el pelo suelo entretenerme./ Pero al darse cuenta de esa guasa mía, / lleno de coraje sale de estampía.
Que eso está muy mal, ya lo sé, / pero me es igual. / Si alguno me dice que se está muriendo por mi personilla /, yo con mucha guasa le digo riendo : ’¡ que te den morcilla !’
Y si se molestan, ellos pierden más, / tiren por arriba, tiren por abajo, / tiren por delante, tiren por detrás..."
Monologue : "Bueno, a mi mare todo se le vuelve decir : ’chiquilla, mira que esto va siendo mucha guasa y me parece que te vas a quedar pa’ vestir santos’. Pero es lo que yo digo, ¿ qué es el matrimonio ? Na’, una pura guasa, bueno, y si encima te sale un marido borracho y también un chiquillo... vaya guasa que tiene la cosa. Vamos hombre, ¡ que no me caso, primero me hago bolcheviquí !"
Cuplé : "¡ Guasa viva, vaya guasa ! / ¡ Cómo me chungueo / de todo lo que pasa ! / Y nadie se extrañe de que yo saliera tan chirigotera, / ya dijo mi mare cuando me parió, / y si me critican mejor que mejor." (cité par Anastasio).
Comme dans le répertoire des chanteuses réalistes françaises, l’un des thèmes récurrents des cuplés est le mari violent, ivrogne, coureur, souteneur, etc. — le truculent "¡ Evaristo, agáchate que te han visto !" en est un épatant condensé. Mais, contrairement à la plupart de ses consœurs espagnoles ou d’outre-Pyrénées, Carmen Flores ne se laisse pas faire et est de taille à renverser les rôles, par exemple dans "La gachí del bastonero" (1917). Gloria G. Durán nous informe que, depuis le XVIIIe siècle, le bastonero était chargé de maintenir l’ordre dans les bals populaires, "fijar las normas que debían imperar en bailes y contradanzas con arreglo a los funciones del bastonero". (El Censor, 1781). La fonction n’étant ni officielle ni rémunérée, les candidats l’exerçaient pour le plaisir de bastonner, de préférence des femmes (Durán, page 269). Carmen Flores envisage l’affaire un peu différemment :
Cuplé : "Es mi novio el bastonero del baile de Covarrubias / y le gustan igualmente las morenas / que las rubias de Covarrubias.
Tiene una mirada, tiene un nosequé, / me las deja heladas / ’oséasé frappé’.
Bueno, pero todo esto es hasta que / yo me decida a tomar el tranvía / de las ’quatre chemins’ / que decimos en francés.
Y penetrando en el aludido templo bailable, / organillesco le agarre / por una guía del bigote / y le diga ¡ sin ver-gon-zón !
So gran vergonzón, / te voy a dar así con el bastón / y es preciso golferante que comprendas / que para ti no hay en el mundo más que menda. / Y no olvides esta recomenda / menda mendación."
Monologue : "Porque una mujer en un momento de debilidad pasional se deje caer en los brazos del hombre que la fascina, no quiere decir que tenga que resignarse con el papel de la Dama de las Camelias ¿ De dónde ? Por eso, en cuanto lo vea le digo" [...] "Ya le tengo preparado para muy pronto una encerrona que para un escandalazo se las pinta mi persona retechulona. Y no va a tardar mucho en ocurrir que para algo soy hija de Madrid." [...] "No se lo digan ustedes a nadie pero ahora mismo me voy a buscarlo y como me lo encuentre petrificando a alguna paloma tortaz, mañana ven ustedes sus residuos mortales en un barríl de escabeche." (cité par Durán, page 266).
Un siècle plus tard, Rosalía enregistrait "A ningún hombre" (album "El mal querer", 2018) :
"A ningún hombre consiento / que dicte mi sentencia. / Sólo Dios puede juzgarme, / sólo a Él debo obediencia.
Hasta que fuiste carcelero / yo era tuya, compañero, / hasta que fuiste carcelero.
Voy a tatuarme en la piel / tu inicial, porque es la mía / para acordarme para siempre / de lo que me hiciste un día.
Voy a tatuarme en la piel / tu inicial, porque es la mía / para acordarme para siempre / y recordarlo toda la vida / de lo qu me hiviste un día"
Rocío Márquez chantait un an plus tard :
"Muera Cupido / si lanza flechas a corazones / sin más permiso / que la romantica idea del mito.
Muera Cupido / el día que me dijiste : / ‘Esto no es para tanto’.
Cambié la cerradura y tambien el cuarto. / Que la vida es muy corta / y no consiento / quedarme a tu verita con sufrimiento.
‘Las llamas llegan al Cielo’ / como en la coplilla aquella. / Pero si te crees mi dueño / cambio pasión por maleta / y no me ves más el pelo." ("Muera Cupido" — single, 2019).
Dans ses flashmobs, le collectif Flo 6/8 aurait aussi pu reprendre nombre des cuplés de Carmen Flores. Elle a été bien oubliée entretemps, mais son œuvre reste d’actualité... et délectable.
Claude Worms
Bibliographie :
Anastasio, Pepa : La temerosa palabra : feminismo en los escenarios populares en la España de los años 1910 - 1920. New York, Hofstra University, Revista Hecho Teatral (n°17), 2017.
Durán, Gloria G. : Sicalípticas. El gran libro del cuplé y la sicalipsis. Madrid, Editorial La Felguera, 2021.
Galerie sonore :
Carmen Flores : enregistrements, 1917 - 1932.
"La sindicalista" / "Guasa viva"
"La sindicalista"
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"Guasa viva"
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"La gachí del Bastonero" / "La Presidenta"
"La gachí del Bastonero"
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"La Presidenta"
Carmen Flores
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"Pa’ alterná" / "Todos vienen a lo mismo"
"Pa’ alterná"
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"Todos vienen a lo mismo"
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"Chulona" / "El suicidio de la Balbina"
"Chulona"
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"El suicidio de la Balbina"
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"¡ Evaristo, agáchate que te han visto !" / "La cencerro"
"¡ Evaristo, agáchate que te han visto !"
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"La cencerro"
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"La chalá" / "La despreocupada"
"La chalá"
Carmen Flores
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"La despreocupada"
Carmen Flores
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"La Manolo" / "La penetración pacífica"
"La Manolo"
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"La penetración pacífica"
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"Coral, la gitana" / "Mucha vista"
"Coral, la gitana"
Carmen Flores
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"Mucha vista"
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