René Robert : "Les Flamencos. Rage et Grâce"

mardi 15 décembre 2015 par Claude Worms

Exposition d’oeuvres du photographe René Robert, au Cháteau de Ladoucette - Drancy, du 9 janvier au 7 février 2016, du mardi au dimanche de 12h à 17h.

Renseignements : 01.48.96.50.87

Drancy

La municipalité de Drancy présentera en janvier prochain une vaste rétrospective des photographies de René Robert. Dans le magnifique cadre du Château de Ladoucette, sur cinq salles, et dans une scénographie très soignée que nous ne vous dévoilerons pas, l’exposition regroupera 150 oeuvres
de l’un des maîtres de la photographie flamenca. On y admirera naturellement l’art d’un portraitiste-musicien (comment ne pas entendre la musique matérialisée sur les visages qu’il saisit toujours à l’instant décisif ?), mais aussi quelques clichés plus insolites - là encore, nous garderons le secret...

Comment mieux commencer l’année 2016 ?


Le point de vue de Nicolas Villodre

René Robert - Les flamencos : Rage et grâce

Le Château de Ladoucette, à Drancy, vient de présenter, sur cinq de ses vastes salles, une importante rétrospective consacrée à l’œuvre du photographe René Robert, dont le flamenco et les plus grandes figures l’incarnant est un des thèmes, sinon le sujet principal.

Aux trois expressions de l’art andalou – le chant ou cante, la danse ou baile, la guitare ou toque – occupant chacune un considérable espace, s’en ajoutent deux, auxquelles l’auteur fait un sort, l’un général – la catégorie “divers”, un champ fourre-tout qu’on déconseille aux documentalistes professionnels de créer –, l’autre particulier, voué à la mémoire du génie de la guitare, Paco de Lucia, mort au Mexique, il y a à peine deux ans.

Plusieurs générations d’artistes sont fixées et accrochées aux cimaises pour une relative éternité, voire, de leur vivant, postérité, des seconds couteaux aux plus grandes pointures. De la deuxième moitié des années soixante, un échantillon de la production de “double R” nous est livré, dans un style à la fois photojournalistique et composé qui correspond à ce qu’on pourrait qualifier de moment de passage artistique – du scolaire au solaire. Peu de prises de vue des années 70 : c’est à partir du milieu des années 80 que se constitue peu à peu, dirait-on, le corpus de la production.

Si tu ne vas pas à René Robert, René Robert ira-t-à toi : au lieu de les faire défiler dans son studio ou de leur demander de figurer dans leur cadre quotidien, le photographe préfère faire le déplacement pour les prendre ou surprendre dans un cadre qui n’est pas moins naturel, celui du concert avec, hors champ, le principal destinataire de ce qu’ils ont eu à communiquer, le public. Proche des artistes, accrédité, badgé, backstage ou à leur contact par téléobjectif interposé, de face, de trois-quarts, de profil, voire de dos, généralement en format “portrait”, René Robert les détache et les détaille un à un, les extrait de l’obsucrité et, sauf exception, de tout le reste du groupe.

Il n’est que le noir et blanc pour rendre la rage dont fait état le titre de l’exposition, emprunté à celui de l’ouvrage publié par l’auteur en 2001. Quant à l’élégance, Marlène Dietrich, experte en la matière, conseillait à ses admiratrices de se doter de peu de vêtements pourvu qu’ils fussent sobres et sombres. En couleur, les photos eussent probablement été de purs “clichés” – touristiques, stéréotypiques – et autres lieux communs. Le noir et blanc de R.R. n’a plus le clinquant des débuts, celui du plein air ou des instantanés facilités par l’usage immodéré du flash. Il a le grain qu’il faut, ni trop ni trop fin. Le bon contraste – l’exception confirmant la règle. Surtout, le photographe a le sens du cadrage (quelquefois, les danseurs semblent d’ailleurs, littéralement, se plier à celui déterminé par la focale choisie) qui, allié à celui du meilleur moment à fixer, permet de restituer un peu de l’essence du flamenco.

On garde en tête quelques images qui estompent les autres : Cristina Hoyos en robe à traîne, en paysage, en 1970 ; Israel Galván en va nu pied, à Nîmes, en 2006 ; Rafaela Carrasco dans une magnifique robe, en 2011, à Chaillot ; Maria Pagès, à Lyon, en 2005, en plein effort, cadrée on ne peut plus serré ; Antonio Gades le danseur ailé, à Versailles en 70 ; Chano Lobato légèrement flouté en 2001 ; le très beau et gros plan de Moraíto en 2006 ; l’inaltérable Sabicas en 1983 ; Paco de Lucía au sommet de son jeu, en 84-85 et 87 et le même photographiant le photographe au moyen d’un Canon numérique ; Enrique Morente nous faisant face, en 88 ; le facétieux Camarón en 87 jouant de la guitare ; le beau visage d’Aurora Vargas, en 87 ; l’inégalable composition de Rocío Molina devant des piliers en bois en 2013...

Nicolas Villodre


Pour vous préparer à cette exposition indispensable, vous pouvez lire le bel article de Corinne Savy, "René Robert, le charme discret du portraitiste" - Corinne Savy... ou visiter les "galeries" qu’il nous fait l’amitié de nous confier depuis 2013 :

Galerie 1
Galerie 2
Galerie 3
Galerie 4
Galerie 5
Galerie 6
Galerie 7

Photo : Midi Libre

Sa modestie dut-elle en souffrir, nous ne saurions mieux présenter le travail de René Robert qu’en reproduisant un texte dans lequel il présente ses choix esthétiques, et surtout sa conception et son amour du flamenco - des flamencos :

"Donner à voir est mon travail de photographe et faire des images n’est pas seulement, pour moi, une recherche esthétique, mais surtout un moyen de faire connaître et peut-être comprendre, en partie, un être humain à un moment décisif.

Les artistes flamencos me fascinent parce qu’ils vivent "flamencos" dans la vie et sur scène avec une intensité, une vérité, une rage étonnantes. Je pense que le succès actuel et universel de leur art tient à ce qu’ils expriment l’ensemble des réactions humaines face au destin : acceptation douloureuse ou joyeuse, autodestruction, violence ou sérénité. En effet, on ne chante pas flamenco distraitement en exhibant son nombril : on crie sa joie ou ses peines.

Le public est emporté, séduit, voire effrayé par cette quasi indécence, cette vitalité et, parfois, cet état de grâce du chant, de la guitare ou de la danse. La musique et les rythmes complexes emmènent le spectateur dans un monde particulier, mi-oriental, où les forces de vie s’exaspèrent.

Il m’est apparu alors que seul le noir et blanc avec ses contrastes pouvait rendre ce climat et que les effets photographiques devaient s’effacer devant l’intensité de ces instants magiques. J’ai tenté de les fixer avec affection et sincérité, mais aussi avec l’humilité de celui qui montre le chant et la guitare avec des images muettes, la danse avec des mouvements figés.

Art vivant s’il en est, le flamenco supporte mal d’être mis en boîte. De transmission orale jusqu’à récemment, il faisait dire aux gitans : "Ce qui est écrit est mort...". Il évolue naturellement à chaque génération, puisant sa force dans ses racines andalouses, gitanes, profondes, et sa grandeur ne doit rien à des ajouts de modes éphémères.

Je rends donc hommage à ces artistes, qui sont adulés ou brocardés, quelquefois, hélas, encore méprisés.

Moi, j’aime les flamencos..."

René Robert





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