Festival flamenco de Nîmes 2009

Du 17 au 24 janvier, une semaine de spectacles.

mardi 3 février 2009 par Maguy Naïmi

Comme nous l’ espérions (voir notre article "Nîmes, avant-première"), cette semaine fut riche en émotions, en découvertes, et en surprises. L’ édition 2010, pour le vingtième anniversaire du Festival, est déjà en préparation, et devrait être grandiose....

MALGAMA

Samedi 17 janvier, au Théâtre de Nîmes : spectacle Malgama, création de la compagnie Varuma Teatro ( pour enfants, à partir de sept ans )

Pour rien au monde nous n’aurions voulu manquer le premier rendez-vous du Festival de Flamenco de Nîmes, car celui-ci s’est ouvert sur un spectacle pour enfants qui n’avait pas, comme celui de l ‘année dernière, une volonté pédagogique affichée, mais plutôt le désir de faire partager un moment d’humour et de poésie à son jeune public.

Pour tout décor, des cubes blancs, un porte- manteaux, et un portique où évoluera une acrobate. Costumes et accessoires complètement décalés : smoking blanc de la chanteuse, guitariste de blanc vêtu,un parapluie, un mégaphone, casquettes de poulbot à l’envers pour les jongleurs, énormes chaussures pour le danseur- clown. La robe à volants de la danseuse rappellera celle des poupées flamencas qui trônait sur la télé de nos parents, et ses apparitions en ombre chinoise donneront plus d’une fois l’impression d’un automate sorti d’une boîte à musique.

Mais tout n’était pas dans Malgama volonté de décalage, la poésie, la magie du cirque ont fait leur apparition dès le début, grâce aux jeux de lumière,

découpant les silhouettes sur des fonds très colorés, faisant briller le costume chatoyant de l’acrobate, qui, suspendue à un filet, répandra sur la scène, une pluie scintillante.

Le guitariste, Raul Cantizano et la chanteuse, Alicia Acuña, passeront avec talent des Bulerías à la Soleá, tandis que la danseuse, Asunción Pérez, les jongleurs, Ruben Barroso, Rafael Díaz, et l’acrobate Laura Bolón évolueront conjointement sur la scène.
Les cubes blancs déplacés feront varier le décor et permettront aux artistes de bouger en constante harmonie avec lui.

Un des moments forts du spectacle et particulièrement apprécié du public sera celui où le visuel et le sonore s’équilibreront en parfaite symbiose dans un numéro virtuose : Jongleurs et danseuse exécuteront un zapateado de Bulería . La trajectoire des balles en dessin harmonieux répondra au dessin des bras et du corps de la danseuse, tandis que le bruit des balles rebondissant en rythme, résonnera à contretemps sur son zapateado.

La deuxième partie sera plus comique. Les interruptions répétées du clown sur les solos du guitaristes ( Petenera, d’abord, puis Guajira ) seront du goût du jeune public sollicité par des « sí » et des « no » .

Suivront des Tanguillos humoristiques avec jeux de chapeaux, et la poésie reprendra ses droits avec las Malagueñas del Mellizo : l’acrobate dessinera sur fond coloré sa chorégraphie, répondant ainsi dans les airs , à la danseuse sur la scène, et le trapèze à la fin du spectacle, se transformera par la magie des paroles de la Bambera, en balançoire.

Merci aux artistes de nous avoir évité les sempiternels taconeos interminables, d’avoir éxécuté à la guitare et au chant avec un goût certain et une certaine élégance, les palos et les toques que nous aimons tant, et aux techniciens de nous avoir régalé d’un son particulièrement soigné qui ont contribué au succès de ce spectacle, auquel nous souhaitons bonne chance.

Maguy Naïmi


DIEGO CARRASCO / ANTONIO REY : « Le gourou de Jerez et le fils prodigue… »

Mardi 20 janvier, à l’Odéon

Le récital de Diego Carrasco aura été un de ces moments privilégiés dont on se souvient longtemps. Accompagné des seules percussions d’ Ané Carrasco, d’ une rare intuition musicale, Diego parcourut la quasi totalité de sa discographie, à l’ exception de son dernier album, « Mi ADN flamenco, sans doute effectivement le moins dense. Le répertoire était essentiellement extrait de trois enregistrements devenus des classiques, « A tiempo » (1991), « Voz de referencia » (1993), et « Inquilino del mundo » (2000), avec quelques incursions dans les plus anciens « Tomaketoma » (1978) et « Cantes y sueños » (1984).

Le début du concert donnait déjà le ton :une introduction récitative empruntée à « El cachorro me dijo » (« Voz de referencia »), dont l’ intensité vocale et le recueillement faisaient oublier les très beaux arrangements orchestraux (Jesús Bola) de la version originale, suivie d’ une Bulería (« Ay, mi amor », de « Tomaketoma ») d’ une étincelante polyrythmie voix / guitare (Diego doit disposer de plusieurs cerveaux synchronisés…). Suivirent, sans la moindre baisse de qualité et d’« entrega » :

_ Les Cantiñas « Oliva y Naranja » (« A tiempo »).

_ Des Fandangos de Huelva associant « La mariposilla verde » (« Inquilino del Mundo ») et « Pa’ mi Manuela » (« Cantes y sueños ») : belle preuve de continuité stylistique, à près de vingt ans de distance.

_ Des Cabales extraites de « Voz de referencia » (de l’ album éponyme), suivies d’ esquisses de Bambera et de Polo, et d’ une coda citant une Bulería traditionnelle de Jerez, « La Tana y la Juana ». En quelques minutes, un parcours quintessenciel du cante, que Diego dédia à Ramón de Algeciras, dont il nous annonça avec émotion la disparition (« voz de referencia »…).

_ L’ hommage à Fernanda de Utrera « por Tanguillo » (« A tiempo »).

_ Deux thèmes, parmi les plus beaux, empreints d’ une intense poésie quotidienne, d’ « Inquilino del mundo » : « Latero », por Soleá, et « Vida y gloria del gitano », Tango « por Taranta ».

_ Le concert s’ acheva dans la frénésie rythmique, avec la Bulería « Cinco toreros » (« Voz de referencia »), et, en bis, l’ inénarrable « Olina » (« Cantes y sueños »).

Les mots prennent dans la voix de Diego Carrasco un poids rythmique qui les rend presque concrets. Chaque répétition de vers est phrasée différemment,

avec une imagination et une sûreté sans limites. Les textes sont ainsi éclairés au travers de prismes de compás sans cesse renouvelés. Le toque de Diego prouva constamment, s’ il en était encore besoin, que la qualité musicale ne se mesure pas d’ abord à la virtuosité et au nombre de notes par seconde, mais surtout à l’ intelligence sensible de la forme (par exemple, les extraordinaires introductions des Fandangos et de la Soleá).

On affecte couramment à certaines formes ou à certains paramètres musicaux des équivalences psychologiques. Le mode mineur est ainsi réputé triste ou mélancolique. De même, pour le flamenco, les Bulerías seraient forcément « festeras », et les Siguiriyas « jondas ». Rien de plus réducteur. Il nous semble plutôt que l’émotion que nous ressentons à l’audition d’un disque ou d’un concert ne se laisse pas si aisément nommée, fût-ce métaphoriquement. C’est que la musique ne renvoie qu’à elle-même. Peut-être notre émotion nait-elle du processus mystérieux qui, par les sons et par l’aisance avec laquelle l’ artiste joue (et se joue) de la forme, rend sensible la pensée, par essence abstraite. Le « duende » serait alors précisément cela, et, en ce sens, le Tanguillo ou la Bulería ne sont ni plus, ni moins « profonds » que la Siguiriya ou la Soleá. Certains musiciens , tels Friedrich Gulda ou John Coltrane, ont le privilège d’ incarner sur scène cette matérialisation de la pensée. Diego Carrasco fait partie de ces rares élus, jusque dans la manière dont il berce sa guitare a compás , en esquissant quelques pas de Bulería.

Merci au Festival de Nîmes de nous avoir offert ce moment, dont nous emporterons le souvenir sur l’ île déserte.

Occuper la scène après Diego Carrasco est assurément un défit risqué. Antonio Rey releva crânement le gant, avec un programme essentiellement issu de son unique et excellent enregistrement, « A través de tí » (cf : nos rubriques « Nouveautés CD », et « La critique des musiciens »).

Le concert commença sous les meilleurs auspices, avec une Taranta (« Recuerdos ») et une Soleá (« A mi padre Antonio ») en solo. Le guitariste y donna toute la mesure de son talent de compositeurs (avec quelques falsetas inédites en prime) et d’ interprète.

Solidement accompagné par Isidro Suarez (percussions), et avec quelques jolis contrechants et chorus de Bernardo Parrilla (violon), il joua

ensuite brillamment la carte de la séduction mélodique (une suave ballade ternaire chantée par Mara Rey) et rythmique, avec des Tangos en mode flamenco de Do# et la Rumba « por Minera » « A través de tí ». Nous attendions, après cet épisode léger, un retour à quelques compositions substantielles, par exemple la Rondeña et la Siguiriya de l’album. Hélas, le dernier tiers du récital fut entièrement dévolu à une interminable Bulería, avec plusieurs cantes corrects (sans plus), et surtout un très long et dispensable baile, taconeo frénétique et poses « à la gitane » compris.

Nous comprenons bien le souci légitime des artistes de « plaire au public ». Mais ils gagneraient aussi à comprendre qu’ une bonne partie du public flamenco aime tout simplement la musique, ne se distingue en rien des autres mélomanes sur ce point, et mérite donc des programmes plus exigeants.

Nous sommes donc un peu restés sur notre faim, tant était (et reste) grande notre estime pour Antonio Rey.

Claude Worms


ALFREDO LAGOS / ALICIA GIL

Mercredi 21 janvier, à l’ Odéon

Les organisateurs du festival nous proposaient ce 21 janvier une affiche qui n’avait certes pas l’ambition d’être le sommet de ce crû 2009, mais qui avait le bonheur de susciter la curiosité au travers de la personnalité des artistes qu’elle présentait.

Dans l’ordre de passage, Alfredo Lagos, dont le passé artistique est déjà constellé du nom des prestigieux artistes qu’il a accompagnés sur scène tant pour la danse que pour le chant (Israel Galván, Terremoto hijo, Estrella Morente...), nous faisait l’honneur de déployer ses talents de soliste, événement plutôt rare, sinon une première, peut-être l’amorce d’une évolution dans sa carrière.

Rien de mieux pour conquérir la salle que de débuter par une Rondeña toute en majesté, aux sonorités profondes. La suite du récital nous laissa cependant quelque peu sur notre faim, non pas que le talent de l’artiste soit en quoi que ce soit remis en cause, car il est manifestement considérable, mais parce qu’il n’e s’est pas encore totalement défait de son rôle d’accompagnateur.

C’est peut-être par effet de compensation que les introductions aux différents "toques" interprétés occupent autant de place que la partie principale de

l’exposé musical ; la Soleá qui a fait suite à la Rondeña en est le plus bel exemple. Autant Alfredo Lagos tient parfaitement sa place lorsqu’il accompagne, autant ce type de composition peut le desservir en tant que soliste. C’est sans doute ce rôle qui explique un manque de contact avec le public, qui a été maintenu à distance pendant presque tout le concert. Les "toques" interprétés manquent parfois de moments de respiration, sans doute parce que l’accompagnateur doit se charger de maintenir la tension et l’attention du public quand il relaie l’artiste qu’il accompagne, alors qu’ici il est totalement maître du jeu.

Ces réserves faites, sur des défauts de jeunesse qui pourront être facilement corrigés, félicitons-nous de la qualité de ce que nous avons entendu : sous ses airs de jeune homme tranquille, Alfredo Lagos dissimule une énergie qu’il a totalement libérée dans une Alegría et une Bulería conduites sans faille à un tempo endiablé. La Siguiryia, de facture très classique, placée dans le récital après la Soleá, a donné à celui-ci un grand moment de solennité. Entre l’Alegría et la Bulería finale, nous avons été gratifiés d’un Fandango et d’un Tango tout à fait dans l’air du temps.

Saluons la richesse harmonique de ses interprétations, l’amplitude de ses ressources techniques, un toucher puissant et précis.

Nul doute que si Alfredo Lagos met tous ces avantages au service d’un jeu plus affirmé en tant que soliste, il n’a pas fini de nous étonner.

N’oublions pas non plus l’intervention remarquable dans l’Alegría et la Bulería, du percussionniste José Carrasco et le soutien actif des palmas de Dr Kelly et "Chupete".

L’entracte nous a laissé le temps de nous préparer à l’entrée d’ Alicia Gil sur la scène.

Ainsi que le souligne le dossier de presse, cette jeune cantaora est portée par sa seule passion pour l’art flamenco et on peut facilement deviner que son parcours n’a pas été facile pour se frayer un chemin jusqu’à cette notoriété naissante. On sent chez elle une douce mais inébranlable détermination à faire partie de ceux qui comptent, condition nécessaire pour se hisser encore plus haut.

Elle a donc tout mis en œuvre pour nous convaincre, ce qui n’était pas acquis d’avance, qu’elle n’avait pas usurpé la place qui lui était consacrée ce soir-là. C’est ce qui explique sans doute le choix d’une Toná pour débuter son récital. Montrer ce que l’on peut faire de sa seule voix sans les artifices d’un accompagnement est un exercice périlleux mais gratifiant s’il est réussi, comme ce fut le cas.

Pour rompre en douceur avec cette atmosphère solennelle, des Tientos / Tangos dont elle s’est acquittée avec beaucoup d’aisance, étaient parfaitement indiqués. Retour à un climat plus austère avec une Taranta plutôt convaincante, même si on peut regretter un léger manque de souffle lyrique dans l’expression.

Nouvelle rupture d’ambiance avec ce qui, annoncé un peu prématurément comme "cante de ida y vuelta" se révèle être une Bambera suivie

effectivement d’une Guajira interprétée avec légèreté et grâce. Enchaînement sur une Soleá por Bulería de bon aloi.

Pour terminer sur une note plus rythmée, Alicia Gil interprètera une Alegría sacrifiant par moments un peu trop aux canons d’un répertoire plus proche de la chanson de variétés, pour terminer sur une Bulería qui aurait gagné en efficacité en étant un peu raccourcie.

Son aisance naturelle sur scène et le plaisir évident qu’elle communique gomment largement ces petits défauts qu’elle parviendra sans aucun doute à surmonter. On retiendra de son passage au théâtre de l’Odéon cette voix au timbre chaleureux, qui sait transmettre l’émotion au moment opportun. La prestation de Lito Espinosa, le guitariste, est également plus qu’honorable. Il a su apporter à tout moment le soutien qui convient et la connivence entre les deux artistes n’a fait que renforcer le plaisir d’assister à ce spectacle. Bonne chance pour la suite, Alicia.

Jean-Claude Ruggieri


JUAN JOSÉ AMADOR / FERNANDO TERREMOTO / CHIQUETETE

Jeudi 22 janvier, au Théâtre de Nîmes

Trois noms prestigieux, chacun pour des raisons différentes, s’inscrivaient sur l’affiche de ce 22 janvier : Juan José Amador, apparenté à la famille au sein de laquelle beaucoup d’artistes de renom ont fleuri, Fernando Terremoto, fils d’un cantaor passé dans la légende et José Antonio Pantoja "Chiquetete", célèbre par lui-même pour un parcours artistique qui l’a conduit parfois loin du chant flamenco.

Le premier à se présenter sur la scène du théâtre fut Juan José Amador, que l’auteur de ces lignes n’avait jusqu’à présent jamais croisé dans un spectacle.

Sa prestation fut tout à fait convenable, mais n’a réservé aucune surprise, bonne ou mauvaise. Il a égrené les différents styles qu’il a abordés : Murciana, Soleá, Fandangos, Cantiñas et Bulerías, certes avec la maîtrise que peut avoir un professionnel accompli tel que lui, mais il manquait, ce soir-là en tout cas, cette petite étincelle qui jaillit au détour d’un geste, d’une mimique ou d’une phrase chantée. Le guitariste Eugenio Iglesias qui l’accompagnait mérite une mention particulière pour l’inventivité de son accompagnement.

La fin du spectacle était réservée à J.A. Pantoja, "Chiquetete", qui était également accompagné par le même Eugenio Iglesias, qui a confirmé ses talents d’accompagnateur en s’adaptant avec aisance à un cantaor au tempérament très différent de celui de Juan José Amador. Autant le premier était resté réservé dans son contact avec le public, autant le second affichait une volonté de le conquérir dès son apparition sur scène, dans sa tenue élégante et avec son sourire enjôleur, à la manière d’un Calixto Sanchez.

Pour Chiquetete, il s’agit d’un retour aux sources de sa carrière artistique. Le récital débute par une Toná chantée avec conviction, et d’ une voix

puissante. Suivront : Soleá, Tientos / Tangos interprétés avec décontraction, Fandangos de Huelva, Alegrías, et de nouveau des Tangos au rappel. Beaucoup de charme déployé, un professionnalisme affirmé, une voix par moments de grande qualité. Si la soirée lui avait été entièrement consacrée, sans doute aurait-il laissé un excellent souvenir. Mais Fernando Terremoto était passé avant lui et la haute qualité du récital de son prédécesseur a quelque peu terni l’éclat de sa prestation.

Venons-en au troisième compère, porteur d’un nom qui place la barre des exigences très haut. En quelques années, Fernando Terremoto a réussi à

devenir ce qu’il est, et à ne plus être seulement "fils de", comme il était surnommé au début de sa carrière. Dès son entrée en scène il prend le public à bras le corps avec une Soleá por Bulería interprétée d’une voix puissante mais contrôlée, accompagné avec maestria par Alfredo Lagos. Dans la Malagueña del Mellizo qui suit, il enchante par la finesse des nuances qu’il peut exprimer. La Siguiriya qui succède montrera à quel point il maîtrise ce style. Et pour marquer la salle d’une empreinte sonore indélébile, il chantera sur le devant de la scène, sans micro, por Fandango et por Bulería. Cette partie du spectacle, la meilleure, même si les autres n’ont pas démérité, sera gravée comme un grand moment dans l’esprit du public qui y a assisté

On peut regretter, tout en comprenant les contraintes des organisateurs, que ces trois artistes n’aient pas disposé d’un peu plus de latitude pour montrer l’étendue de leur connaissance du cante, car leur prestation était visiblement minutée à l’avance. Dommage, car celle ci aurait pu faire partie des événements inoubliables.

Jean-Claude Ruggieri


LOS GALVANES : « DANSEURS SORCIERS »

Venredi 23 janvier, au Théâtre de Nîmes

Dans la famille Galván, je demande….le père.

Cette soirée était en effet un hommage au talent de José Galván, que lui ont rendu son épouse, Eugenia de los Reyes, et ses enfants Israel et Pastora.

Il s’agissait de variations sur un même thème, chacun exécutant une chorégraphie sur différents palos : Tangos, Soleares, Alegrías, Fandangos, Siguiriyas…

Les trois chanteurs (David Lagos, José Valencia et Javier Rivera), et les trois guitaristes (Alfredo Lagos, Rafael Rodríguez et Pedro Sierra) se sont succédés avec talent, apportant un soutien sans faille à un Israel fidèle à lui même, iconoclaste et décalé, à sa sœur Pastora, et à José, dont le style classique contraste avec celui de ses enfants plus volontiers dans la caricature et l’humour.

La Soleá por Bulería fut éxécutée de main de maître par José Galván, qui, tel les grands danseurs de Tablaos, habitués à danser dans un mouchoir de poche, a produit une danse toute de sobriété. Présence corporelle plus forte, geste plus signifiant, déplacements volontairement pus restreints ont aboli les barrières de la grande salle du Théâtre, faisant de lui un danseur de proximité…Un véritable concentré de danse.

Si les danseurs se sont succédés abordant chacun avec son style, un même palo, il faut souligner le travail accompli par les trois guitaristes et les trois chanteurs qui ont joué et chanté en continu. La présence constante de la musique a donné son unité au spectacle, et même si parfois la caricature

nous semble poussée à l’excès par Pastora sur les Alegrías ( abus des arrêts sur image ), l’originalité des prestations l’emporte. Alegrías finissant en Tangos, virtuosité d’Israel qui n’a rien à envier aux grands Mimes, et aux danseurs de rue adeptes de la « break dance », Fandangos naturales, exécutés en face à face ( chanteur / danseur ou danseuse ) où le zapateado répond au chant en imitant le roulement de la guitare rappelant à quel point il existe un rythme interne à ces styles dits »libres ». Pastora, toujours dans la dérision, nous a rappelé les danseuses de l’Antiquité, costume orientalisant, crotales, sur une Danza Mora, mais ce qui a emporté l’adhésion du public, ce fut la prestation d’Israel sur un « mini tablao » ( une pièce de bois de la dimension d’un grand tambour oriental ) et la Siguiriya de José Galván exécutée avec maestria et qui a fait l’objet d’une véritable ovation.
Bien entendu, le « Fin de fiesta por Bulerías » réunit sur la scène tout le clan Galván, enfants et petits enfants entourant José Galván et Eugenia de los Reyes, son épouse.

Nous tenons à remercier les sonorisateurs du spectacle qui ont réalisé un travail de qualité et nous ont permis d’apprécier voix, guitares, taconeos, et claquements de doigts, et ont contribué au succès de cette soirée.

Maguy Naïmi.


MUJERES : « LA GRÂCE, LA CLASSE ET LA VIRTUOSITE »

Samedi 24 janvier, au Théâtre de Nîmes

« Mujeres » déjà joué en Espagne et en France, était particulièrement attendu, car il s’agissait du dernier spectacle signé par Mario Maya, ce grand danseur et chorégraphe de Grenade, qui nous avait tant bouleversé en signant un chef d’œuvre, « Camelamos naquelar », que tous ceux de ma génération ont eu la chance de voir. Tout, dans ce spectacle, est placé sous le signe de la trilogie : trois femmes, trois générations, trois styles, mais également, trois chanteurs ( plus précisément, deux chanteurs et une chanteuse ) et trois guitaristes.

Sur la scène, dans la lumière, se reconstituent trois « mini-scènes » où, à chaque duo, guitariste / chanteur vient s’ajouter la danse, Belén Maya , Merche Esmeralda, puis Rocío Molina se succèderont dans des Soleás por Bulería.

Les trois chanteurs se retrouveront pour chanter ensemble, ensuite Belén dansera seule sur des Tangos : danse gracieuse et ondulante de Belén qui

inclut, comme le faisait son père, le zapateado dans la chorégraphie, dans le mouvement.Les deux chanteurs se succèderont, chacun exécutant ce palo dans son style, sinueux pour Jesús Corbacho, plus direct pour Antonio Campos et c’est avec plaisir que le public a retrouvé les Tangos de Málaga et ceux de Triana, popularisés par la Niña de los Peines. Mais ce qui nous semble particulièrement réussi, c’est le fait que tout soit lié, en harmonie, chant, guitare, danse.

Ce qui frappe également, c’est la variété des styles (Granaínas, cantes « abandolaos » ) et des accompagnements : Merche, seule avec la guitare, Belén et Merche avec le percusionniste, et aussi avec Jesús Corbacho.

Mais ce qui nous a paru le plus intéressant, c’est que lorsque elles dansent ensemble, chacune garde sa personnalité ; il n’est pas question de lever le bras avec la précision des automates, mais d’être ensemble dans le mouvement.

Inclinaison du buste, gestes démultipliés,renversement du corps, des bras en symétrie constante, Merche, en solo, impose son style classique, hiératique, sur des Soleares, tandis que Belén et Rocío se retrouveront au centre d’un tir croisé chant / guitare ( les deux chanteurs et deux des guitaristes occupant les quatre coins de la scène ) dans une chorégraphie plus contemporaine.

Rocío Molina, quant à elle, en solo,sur des Siguiriyas, se montrera plus à l’aise dans les parties au tempo plus enlevé. Elle fait montre de virtuosité mais nous semble abuser du taconeo, et des temps morts.

Le spectacle s’achèvera sur des Caracoles. Merche et Belén avec leur bata de cola, cachées derrière les deux chanteurs ( seule l’extrémité de la traîne dépasse ) débuteront cette chorégraphie. Elles seront rejointes ensuite par Rocío : la grâce de Belén, la classe de Merche, la virtuosité de Rocío seront réunies dans une danse festive. Les trois femmes incluront les chanteurs dans leur mise en espace, les entourant, les sollicitant, chacune avec un accessoire ou instrument, Belén et son éventail, Merche et son mantón, Rocío et ses castagnettes, elles finiront au centre de la scène tel un groupe de statues, chacune dans une pose personnelle, mais toutes trois soudées, à l’image du spectacle, différentes mais ensemble : trois générations, trois styles, au service d’une même chorégraphie.

Maguy Naïmi





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