Transcription intégrale de la composition d’Antonia Jiménez.
Antonia Jiménez (Puerto de Santa María, Cádiz — 1972) est l’une des compositrices-guitaristes les plus originales de sa génération. Comme celui de Pedro Barragán ou d’Alejandro Hurtado, son style réalise une synthèse féconde des marqueurs historiques de la guitare flamenca traditionnelle et des innovations harmoniques de la guitare flamenca contemporaine. Sans faire de concessions "grand public", elle parvient à concilier densité du discours musical et facilité d’accès à des compositions dont le palo de référence est clairement identifiable dès les premières notes — la suite s’écartant cependant résolument des sentiers battus.
Cette pièce en est un remarquable exemple. Notons d’abord que la petenera fut et demeure fort rare dans le répertoire de la guitare flamenca soliste : à notre connaissance, on n’en trouve nulle trace dans les discographies (solistes, répétons-le) de Ramón Montoya, Niño Ricardo, Víctor Monge "Serranito", Manolo Sanlúcar, Paco de Lucía, etc. Parmi ses contemporains, seul Pedro Barragán en a enregistré récemment une version, d’ailleurs également délectable ("Chinitas", 2021).
La construction de la composition d’Antonia Jiménez est d’une rigueur exemplaire. Un bref choral (introduction et coda) encadre une forme rondo. Le refrain (noté [A] [B] sur la partition), repris trois fois, peut être divisé en deux sections qui se conforment, quant à leur harmonie, au paseo traditionnel. D’abord, sur deux mesures, séquence Am - E7 (6/4) - Am (3/2), développée en Am - E7 - F(#11) - Am(9) ; puis, sur deux mesures, séquence G(7) - F (6/4) - E (3/2), ici transformée par une basse chromatique descendante et une belle et surprenante suspension harmonique finale : G7 - F(7M)/Gb - F13(7M) - Bb7(9#11). Puis, sur trois mesures, la séquence Am - G(7) - F - E devient ici Am - G7 - F7(#11) - E — notez, pour le "cierre" sur E, la superposition des accords de E et F, d’abord à la basse, puis à la voie aigüe.
Le premier couplet (page 1, dernière mesure à page 2, troisième système), enchaîné au refrain, ne s’écarte pas non plus de l’harmonie fondamentale de la petenera : séquence E7 - Am - E7 - Am9 - E7 (+ picado sur une gamme diminuée) - Am. La cadence conclusive est harmoniquement plus dense : Dm - Am/C -G9/B - Am - G6 - C7/G - F7(b5#11) - E. Le deuxième couplet est encadré par deux libres évocations du paseo traditionnel (page 2, dernière mesure à page 3, deuxième système ; puis page 3, deuxième système, deuxième mesure à page trois, dernier système, première mesure). Entre les deux, la variation reprend, cette fois en triolets de croches et non en doubles croches comme pour le premier couplet, une séquence harmonique similaire : Am - E7 - Am - G - C9 - F7/Eb - E7 (une nouvelle gamme diminuée en picado sur ce dernier accord — page 4, mesure scindée entre le premier et le deuxième système — renforce le lien avec le premier couplet).
Rigueur de la forme, respect des fondamentaux et de l’ethos du palo, sobriété harmonique, sensibilité de l’interprétation (du bon usage du rubato) mais originalité de la réalisation : ¡ Hay que quitarse el sombrero !
Claude Worms
Photo du logo : Paco Villalta
NB : notre transcription est basée sur une captation en public lors d’un concert donné par Antonia Jiménez en 2019 au Centro Flamenco Fosforito de Cordoue.
Photo : Paco Lega / Aire Flamenco
Transcription (Claude Worms)
"Materna" (petenera — composition et guitare : Antonia Jiménez.
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