dimanche 6 mai 2018 par Maë l Goldwaser
L’auteur : Maël Goldwaser est un guitariste flamenco français neÌ en 1992. Il a eÌ tudieÌ la guitare flamenca aupreÌ€s de professeurs renommeÌ s tels que JoseÌ Antonio RodriÌ guez, Manolo SanluÌ car, Juan Manuel Cañizares ou Kiko Ruiz. Il est titulaire du DiploÌ‚me d’Etat de professeur de musiques traditionnelles ainsi que d’un Master de recherche en musicologie. Son travail de guitariste soliste a eÌ teÌ reÌ compenseÌ par deux prix internationaux : premier prix au concours d’Albi en 2016, troisieÌ€me prix au Certamen Internacional de Guitarra Flamenca de l’Hospitalet en 2017.
INTRODUCTION
L’ouvrage theÌ orique de Manolo SanluÌ car, Sobre la guitarra flamenca. TeoriÌ a y sistema para la guitarra flamenca, a eÌ teÌ publieÌ en 2005 par une petite maison d’eÌ dition de la ville de Cordoue et comporte environ deux-cents pages. Il reÌ pond au besoin de Manolo SanluÌ car de comprendre les eÌ leÌ ments musicaux qui diffeÌ rencient le flamenco des autres musiques. Curieusement, et malgreÌ la notorieÌ teÌ de son auteur, ce livre n’a pas eu un grand retentissement : il est presque passeÌ inaperçu dans le milieu du flamenco. Il n’a pas eÌ teÌ traduit en français et de plus il n’existe pas, à notre connaissance, de compte-rendu critique de cet ouvrage - d’ouÌ€ l’inteÌ reÌ‚t du preÌ sent article. Nous ne nous contenterons pas ici de reÌ sumer la penseÌ e de Manolo SanluÌ car, nous essayerons aussi de discuter certaines de ses theÌ€ses et de reÌ fleÌ chir aÌ€ la place qu’occupe cet ouvrage dans l’Å“uvre globale de Manolo SanluÌ car.
CONTENU DU LIVRE
Pourquoi la theÌ orie chez Manolo SanluÌ car ?
Au-delaÌ€ de la description des speÌ cificiteÌ s du langage harmonique de la guitare flamenca, un des objectifs secondaires de ce livre est de montrer que le flamenco est une musique savante qui se base sur un systeÌ€me complexe. Ainsi, deÌ€s le deÌ but du livre, Manolo SanluÌ car nous invite aÌ€ rompre avec l’image romantique du flamenco qui l’associe au monde de la nuit et aÌ€ la magie. Selon lui, il est preÌ feÌ rable d’appreÌ cier et d’eÌ tudier son contenu artistique et non pas ce qui l’entoure. Les dangers des "mysteÌ€res" qui entourent le flamenco sont multiples :
• consideÌ rer que la musique ne doit pas eÌ‚tre expliqueÌ e et sombrer ainsi dans l’ignorance.
• penser que le flamenco est une manifestation artistique supeÌ rieure aux autres.
• deÌ courager les personnes qui souhaitent s’approcher de cet art.
Au-delaÌ€ de l’approche romantique du flamenco, d’autres dangers existent : l’influence parfois excessive qu’exercent des cultures musicales exteÌ rieures sur le flamenco ; l’homogeÌ neÌ isation des modes de vie qui pousse aÌ€ une homogeÌ neÌ isation des diffeÌ rentes cultures musicales ; le fait que les apprentis guitaristes apprennent la musique sur des disques ouÌ€ des guitaristes reconnus expriment un langage personnel qui ne correspond pas toujours aux canons de la tradition. Les reÌ€gles qui sont le fondement et la base du flamenco, selon SanluÌ car, ne peuvent eÌ‚tre conserveÌ es et respecteÌ es si on ne les connaiÌ‚t pas. Il s’agit donc, dans son livre, d’exposer les origines et les eÌ leÌ ments caracteÌ ristiques de cette musique. Leur connaissance est essentielle pour la survie du flamenco dans un monde globaliseÌ .
Dans la theÌ orie de Manolo SanluÌ car, les justifications de ses hypotheÌ€ses ne sont ni historiques, ni anthropologiques mais bien musicologiques. Pour l’auteur, le fait de pouvoir deÌ finir sa culture musicale permet de reÌ sister aux faciliteÌ s de la mondialisation sans tomber dans l’immobilisme. Au-delaÌ€ du domaine du flamenco, nous pensons que la deÌ marche de Manolo SanluÌ car illustre de nombreuses probleÌ matiques propres aÌ€ l’eÌ poque contemporaine. La mondialisation et l’homogeÌ neÌ isation culturelle qu’elle entraiÌ‚ne partout dans le monde poussent de nombreux artistes aÌ€ s’interroger sur la manieÌ€re de conserver des particulariteÌ s culturelles sans les figer. Pour continuer aÌ€ faire avancer sa tradition musicale, Manolo SanluÌ car a duÌ‚ se retourner et chercher les origines du systeÌ€me musical sur lequel se base le flamenco. Les recherches theÌ oriques, neÌ cessaires pour continuer aÌ€ creÌ er sa musique tout en l’inscrivant dans la tradition du flamenco, teÌ moignent d’une eÌ volution dans la manieÌ€re de penser la musique chez les acteurs du flamenco, mais aussi, plus geÌ neÌ ralement, chez les musiciens de tradition orale.
CaracteÌ ristiques du flamenco et de la guitare flamenca.
Manolo SanluÌ car insiste sur l’importance de la guitare, du point de vue organologique, sur l’eÌ volution du flamenco. Ce sont les particulariteÌ s de cet instrument qui permettent de creÌ er les harmonies et les dissonances traditionnelles de la guitare flamenca. Dans le cas de l’accord de Fa# caracteÌ ristique de la taranta, par exemple, la septieÌ€me mineure (Mi), la neuvieÌ€me mineure (Sol) et la quarte (Si) correspondent aux trois cordes les plus aigües de la guitare joueÌ es aÌ€ vides [1].
Exemple 1 : accord traditionnel de la taranta avec les trois cordes les plus aigües de la guitare joueÌ es aÌ€ vide.
L’auteur explique aussi que, dans le flamenco, ce sont les accords utiliseÌ s par les guitaristes qui deÌ terminent le style et non pas la tonaliteÌ , c’est-aÌ€-dire la hauteur de la tonique. Le capodastre [2] permet aux guitaristes de changer la hauteur des notes sans changer les positions de la main gauche. Par conseÌ quent, si on place le capodastre aÌ€ la deuxieÌ€me case et que l’on joue l’accord traditionnel de la taranta, cet accord, bien que ce ne soit plus un Fa# mais un Sol# (puisqu’en mettant le capodastre aÌ€ la deuxieÌ€me case la hauteur des notes est hausseÌ e d’un ton), reste un accord de taranta.
Une grande partie de l’ouvrage est consacreÌ e aÌ€ une critique de l’analyse que l’eÌ cole acadeÌ mique occidentale fait du flamenco en l’observant depuis le systeÌ€me tonal : en inscrivant la cadence andalouse dans le mode mineur, ces theÌ oriciens consideÌ€rent que la tonique n’est pas l’accord de Mi, qui a alors la fonction de dominante, mais l’accord de La mineur. Cette analyse a pour meÌ rite d’expliquer pourquoi, aÌ€ la fin de la cadence, l’accord de Mi est majeur et non pas mineur, comme le voudraient les caracteÌ ristiques de la gamme utiliseÌ e. En effet, dans les deÌ veloppements meÌ lodiques le Sol est le plus souvent beÌ carre tandis qu’il est dieÌ€se lorsque l’on joue l’accord de Mi.
Exemple 2 : cadence andalouse.
Cette explication reste neÌ anmoins inexacte puisque dans le flamenco, la tonique est bel et bien le Mi et non pas le La d’apreÌ€s Manolo SanluÌ car. C’est d’ailleurs cela qui lui permet de distinguer la chanson andalouse et la musique "savante" andalouse (Manuel de Falla, JoaquiÌ n Turina, etc.) du flamenco : les premiers utilisent la cadence andalouse aÌ€ partir du systeÌ€me tonal tandis qu’elle est utiliseÌ e aÌ€ partir du mode dorien grec (c’est-aÌ€-dire du mode phrygien moderne ou de ce qu’on appellera ici le "mode de Mi" pour eÌ viter les confusions) dans le flamenco.
L’auteur essaie par la suite de lister les eÌ leÌ ments parfois utiliseÌ s dans le flamenco qui proviennent d’une utilisation tonale de la cadence andalouse afin de corriger ces "erreurs". Par exemple, il vaut mieux utiliser l’accord de Si diminueÌ comme accord de transition vers l’accord de La mineur plutoÌ‚t que celui de Mi septieÌ€me (dans une tonalité Mi mode de Mi ou "por arriba" - nous nous baserons sur ce mode pour expliquer les caracteÌ ristiques harmoniques du flamenco). En effet, en ce qui concerne les fondamentales des accords, les mouvements de quarte ascendante sont propres aÌ€ la musique tonale tandis que la musique modale favorise les mouvements conjoints.
L’emploi du mode de mi dans le flamenco.
Pourquoi le dernier accord de la cadence andalouse est-il majeur et non pas mineur ? Pour Manolo SanluÌ car, on peut theÌ oriquement exeÌ cuter la cadence en terminant avec un accord de Mi mineur, bien que l’on n’obtienne pas de cette manieÌ€re le meÌ‚me sentiment de repos que lorsque l’accord de tonique est majeur. L’explication de l’auteur est plutoÌ‚t historique : il s’agirait d’une part de l’influence de la musique arabo-andalouse [3] et de ses nombreux chromatismes ; et d’autre part, de celle de la musique eccleÌ siastique dans laquelle l’on avait coutume de conclure par un accord majeur des meÌ lodies baseÌ es sur une gamme mineure (cadence en "tierce picarde"). Selon SanluÌ car, le flamenco est indissociable de sa terre d’origine, l’Andalousie. Cette musique a donc eÌ teÌ influenceÌ e par de nombreuses cultures et le fait de jouer un accord de Mi mineur aÌ€ la fin de la cadence, serait faire comme si "l’histoire n’avait pas existeÌ "" [4].
Dans son livre, l’auteur nous offre quelques observations sur le systeÌ€me modal du flamenco. Les mouvements de quarte ascendante n’eÌ tant pas propres aÌ€ ce systeÌ€me, la dominante de la tonique Mi n’est pas l’accord de Si septieÌ€me (Ve degreÌ de la gamme) mais l’accord de Fa (IIe degreÌ de la gamme). Il est inteÌ ressant de remarquer que, eÌ tant donneÌ que la lecture du mode se fait de manieÌ€re descendante, la note Fa est la sensible de Mi. La tonique Mi exerce donc une force d’attraction treÌ€s puissante sur l’accord de dominante Fa puisque la sensible ne correspond pas aÌ€ la tierce de l’accord, comme c’est le cas pour l’accord de dominante du systeÌ€me tonal [5], mais aÌ€ sa fondamentale.
Exemple 3 : Cadence parfaite majeure avec le mouvement ascendant de la tierce de l’accord de dominante vers la fondamentale de l’accord de tonique et cadence "parfaite flamenca" avec le mouvement descendant de la fondamentale de l’accord du IIe degreÌ vers la fondamentale de l’accord de tonique.
L’origine grecque du flamenco…
Comme HipoÌ lito Rossy avant lui [6], Manolo SanluÌ car est partisan d’une origine grecque du flamenco. Les deux auteurs utilisent des arguments similaires pour le deÌ montrer : ils accordent une place centrale aÌ€ la cadence andalouse et font une analogie entre celle-ci et le teÌ tracorde dorien grec [7]. Pour Manolo SanluÌ car, le fait que les quatre degreÌ s de cette cadence suffisent aÌ€ faire de la musique sans utiliser tous les degreÌ s de l’eÌ chelle diatonique, comme chez les Grecs qui n’utilisaient qu’un teÌ tracorde, et que les meÌ lodies du flamenco soient majoritairement descendantes, et non pas ascendantes comme dans la musique tonale, permet de justifier l’origine grecque du flamenco. Son raisonnement repose donc sur le syllogisme suivant : l’essence du flamenco est la cadence andalouse, or la cadence andalouse possède les meÌ‚mes caracteÌ ristiques que le teÌ tracorde dorien grec, donc le flamenco a pour origine la musique de la GreÌ€ce antique.
Afin de comprendre le systeÌ€me de la guitare flamenca, Manolo SanluÌ car remonte au systeÌ€me musical qu’il juge eÌ‚tre aÌ€ l’origine du flamenco, c’est-aÌ€-dire aux modes de la GreÌ€ce antique. Pour l’auteur, le systeÌ€me modal grec se base sur le teÌ tracorde dorien qui apparaiÌ‚t dans cette partie du livre avec les notes Mi ReÌ Do Si. Pour former la gamme compleÌ€te, on place un second teÌ tracorde identique au premier un ton en dessous de celui-ci, ce qui nous donne :1 ton - 1 ton - 1â „2 ton (Mi-ReÌ -Do-Si) + 1 ton - 1 ton - 1â „2 ton (La-Sol-Fa-Mi).
Exemple 4 : Gamme compleÌ€te dorienne composeÌ e de deux teÌ tracordes descendants identiques.
On peut creÌ er trois autres modes aÌ€ partir du premier teÌ tracorde : phrygien (ReÌ ), lydien (Do) et mixolydien (Si). Ensuite, en inversant les teÌ tracordes de ces modes on obtient les modes hypotonaux : mode hypodorien (La), mode hypophrygien (Sol), mode hypolydien (Fa) et mode hypomixolydien (Mi).
Exemple 5 : Tableau des quatre principaux modes grecs et des quatre modes hypotonaux obtenus en inversant les teÌ tracordes des modes principaux.
Le mode hypomixolydien est le meÌ‚me que le mode dorien, le systeÌ€me se referme donc sur lui-meÌ‚me, ce qui teÌ moigne, selon Manolo SanluÌ car, de sa perfection et de son autonomie.
LES LIMITES DE LA PENSEE THEORIQUE DE MANOLO SANLÚCAR
Bien que Manolo SanluÌ car soit une figure d’autoriteÌ et l’un des plus grands guitaristes qu’ait connu la tradition du flamenco, sa penseÌ e theÌ orique preÌ sente neÌ anmoins certaines limites. En effet, l’explication qui lui permet de preÌ senter la cadence andalouse comme l’heÌ ritage du teÌ tracorde dorien grec peut sembler insuffisante pour relier deux traditions musicales qui sont seÌ pareÌ es par plus de deux milleÌ naires. Par ailleurs, Manolo SanluÌ car deÌ fend l’ideÌ e que la cadence andalouse est "l’essence du flamenco", ce qui ne va pas de soi. Or, c’est l’analogie qu’il fait entre cette cadence et le mode dorien grec qui lui permet d’affirmer que le flamenco provient du systeÌ€me musical de la GreÌ€ce antique.
Le problème des origines
L’hypotheÌ€se de l’origine grecque du flamenco pose de nombreux probleÌ€mes qui ont deÌ jaÌ€ eÌ teÌ souleveÌ s par certains auteurs, en reÌ ponse aux eÌ crits de HipoÌ lito Rossy notamment. Salvador Valenzuela est le seul auteur, aÌ€ notre connaissance, aÌ€ la remettre en cause en citant directement le livre de Manolo SanluÌ car [8]. Les probleÌ€mes de cette hypotheÌ€se sont principalement l’ancienneteÌ de la tradition musicale de la GreÌ€ce antique vis-aÌ€-vis des premiers teÌ moignages dont nous disposons sur le flamenco et le fait que les pratiques musicales de la GreÌ€ce antique sont peu connues. Ainsi peut-on lire dans le prologue de La llave de la muÌ sica flamenca :
"En GreÌ€ce, il y avait une gamme de Mi que l’on appelait dorienne, et une de ReÌ appeleÌ e phrygienne. D’autre part, dans le systeÌ€me des modes eccleÌ siastiques meÌ dieÌ vaux il y avait deux modes de mi – le deuterus (authente et plagal) – que les theÌ oriciens meÌ dieÌ vaux, en essayant de les mettre en relation avec la theÌ orie musicale de l’AntiquiteÌ classique, appeleÌ€rent, en se trompant, phrygien et hipophrygien, respectivement. Mais deÌ trompons-nous : aÌ€ part ça, le mode phrygien ou de Mi, dans le flamenco, n’a absolument rien aÌ€ voir ni avec les modes grecs – dont nous ne savons presque rien de la pratique et desquels on parle beaucoup – ni des huit modes eccleÌ siastiques meÌ dieÌ vaux. De la meÌ‚me manieÌ€re, ces deux types de systeÌ€mes – grec et meÌ dieÌ val – n’ont rien aÌ€ voir entre eux". [9]
Le point de vue des freÌ€res Hurtado Torres nous semble exageÌ reÌ puisque les diffeÌ rents modes dont il est question dans l’extrait partagent tout de meÌ‚me une structure commune et une disposition des intervalles longs et courts similaires (le ton et le demi-ton dans le systeÌ€me tempeÌ reÌ moderne). Nous pensons que l’origine grecque du flamenco n’est ni juste ni fausse, elle est indeÌ montrable et donc irreÌ futable. Cependant, les origines de certaines speÌ cificiteÌ s propres au flamenco peuvent se retrouver dans des traditions musicales plus reÌ centes, comme le souligne Salvador Valenzuela :
"Manolo SanluÌ car fera appel au teÌ tracorde descendant de l’ancien mode dorien grec [...]. Mais nous ne voyons pas la neÌ cessiteÌ de recourir aÌ€ la theÌ orie de la GreÌ€ce antique pour cela, les sources musicales se trouvent beaucoup plus proches". [10]
La cadence andalouse…
Selon Manolo SanluÌ car, la cadence andalouse est l’essence du langage musical utiliseÌ dans le flamenco : "Notre essence musicale est la cadence andalouse et elle est absolument parfaite" [11], peut-on lire dans une de ses interviews. L’importance qu’il lui accorde nous paraiÌ‚t excessive, nous nous appuierons sur les recherches de Salvador Valenzuela pour démontrer cela. Ce chercheur ne pense pas qu’il soit neÌ cessaire d’octroyer aÌ€ la cadence andalouse une place si importante dans le flamenco et remet ainsi en cause non seulement les theÌ€ses de Manolo SanluÌ car, mais aussi celles de Manuel Granados et des freÌ€res Hurtado Torres :
"Une autre tendance dans ces meÌ‚mes eÌ crits [les eÌ crits theÌ oriques sur le flamenco] est de se limiter au teÌ tracorde descendant comme matrice du flamenco. Nous ne nions pas l’importance de ce teÌ tracorde, ni la relation treÌ€s eÌ troite entre les notes "Mi-La↔La-Mi", comme nous l’avons deÌ jaÌ€ mentionneÌ . Mais ce n’est qu’une variante parmi d’autres et elle n’explique pas aÌ€ elle seule le deÌ veloppement complet des meÌ lodies baseÌ es sur le mode de Mi." [12]
Le fait de consideÌ rer la cadence andalouse, avec ses enchaiÌ‚nements de secondes, comme eÌ tant l’essence du flamenco, va conduire Manolo Sanlúcar aÌ€ s’eÌ loigner de certains enchaiÌ‚nements harmoniques. En particulier les enchaiÌ‚nements de type V-I (aussi appeleÌ dominante- tonique) qui sont caracteÌ ristiques de la musique tonale. Ces enchaiÌ‚nements ne concernent pas uniquement le Ve et le Ie degreÌ du mode de Mi mais tous les degreÌ s de la gamme, l’enchaiÌ‚nement du IIIe degreÌ (Sol) vers le VIe (Do), par exemple, est consideÌ reÌ comme un enchaiÌ‚nement de ce type. De manieÌ€re plus geÌ neÌ rale, le fait de rechercher une essence au langage musical du flamenco en dehors des Å“uvres nous semble deÌ jaÌ€ questionable. Manolo SanluÌ car semble avoir besoin d’un modeÌ€le pur pour deÌ velopper sa penseÌ e theÌ orique, modeÌ€le qu’il a trouveÌ avec la cadence andalouse.
Un système derrière chaque comportement musical.
Dans son ouvrage theÌ orique, Manolo SanluÌ car deÌ conseille l’utilisation d’enchaiÌ‚nements d’accords dont se servent certains guitaristes reconnus. Pour l’auteur, les compositions des guitaristes ne constituent pas toujours des exemples scolastiques :
"Dans les cours internationaux de guitare que je donne, j’observe comment les jeunes aficionados de plusieurs pays (et aussi les andalous) entrent dans le monde de la guitare aÌ€ travers le disque, c’est-aÌ€-dire en eÌ coutant les enregistrements des concertistes reconnus, sans prendre en compte que ceux qui, comme moi, partagent leur musique sur sceÌ€ne, ne s’ajustent pas toujours aux canons qui deÌ finissent la tradition. Puisque lors d’un concert, ou dans un disque, il n’est pas habituel que l’on preÌ tende donner une classe magistrale." [13]
On comprend bien Manolo SanluÌ car lorsqu’il dit que les guitaristes ne composent pas toujours de manieÌ€re scolastique et ne respectent pas systeÌ matiquement les conventions et les reÌ€gles du flamenco. Mais on peut deÌ€s lors se poser la question de savoir quels sont les exemples scolastiques, si ce ne sont pas les compositions des guitaristes. De fait, on ne trouve qu’un seul exemple musical provenant du reÌ pertoire d’un autre guitariste dans Sobre la guitarra flamenca. Pour le reste, on retrouve beaucoup d’exemples musicaux qui sont composeÌ s par Manolo SanluÌ car pour l’occasion et des falsetas traditionnelles ou des exemples musicaux dont la source n’est pas indiqueÌ e.
Comment peut-on consideÌ rer que la musique des compositeurs reconnus ne constitue pas de bons exemples aÌ€ enseigner aux eÌ leÌ€ves ? Nous pensons que cela provient de la croyance en un systeÌ€me anteÌ rieur aÌ€ la composition qui constituerait une essence du langage musical. Manolo SanluÌ car sent lui-meÌ‚me le besoin de rappeler l’objectif de son livre dans les dernieÌ€res pages :
"Je rappelle que cette analyse musicale veut montrer la nature pure de ce systeÌ€me musical. Elle est donc penseÌ e depuis la theÌ orie scolastique et je ne parlerai pas du traitement qu’en fait, selon sa liberteÌ artistique, le compositeur, qui, dans un tel cas, est guideÌ par son gouÌ‚t." [14]
On peut lire dans Sobre la guitarra flamenca : "Les reÌ€gles scolastiques, fondement et base du flamenco, ne peuvent pas eÌ‚tre respecteÌ es et conserveÌ es si nous ne les connaissons pas." [15] On pourrait cependant se demander si de telles reÌ€gles existent vraiment si personne ne les connaiÌ‚t. On comprend que Manolo SanluÌ car pense qu’elles sont connues des interpreÌ€tes mais qu’ils ne sont pas capables de les expliquer puisqu’ils les auraient apprises de manieÌ€re inconsciente. De la meÌ‚me manieÌ€re, Simha Arom a pu montrer l’existence de "reÌ€gles" dans les polyrythmies d’Afrique Centrale que les interpreÌ€tes de cette musique ne pouvaient pas expliquer [16]. Mais dans ce cas-laÌ€, s’agit-il vraiment de reÌ€gles et pas plutoÌ‚t de codes ou de constantes ? Ce n’est pas uniquement un probleÌ€me terminologique puisque l’ideÌ e de reÌ€gle induit un aspect prescriptif et que cela est palpable dans l’ouvrage theÌ orique de Manolo SanluÌ car. De manieÌ€re geÌ neÌ rale, nous pensons qu’il est important de souligner que, pour Manolo SanluÌ car, il existe un systeÌ€me et des reÌ€gles en amont des Å“uvres, et donc que les Å“uvres musicales ne constituent pas en elles-meÌ‚mes les reÌ€gles.
Les oublis de Manolo SanluÌ car
Dans son livre, Manolo SanluÌ car ne parle pas des fandangos qui constituent une grande part du reÌ pertoire du chant flamenco. Ils sont aÌ€ l’origine des verdiales, des chants du Levant, des granaiÌ nas, des malagueñas, et d’autres styles qui partagent la meÌ‚me trame harmonique. Ces chants sont en grande majoriteÌ composeÌ s de six phrases meÌ lodiques. Nous faisons apparaiÌ‚tre ci-dessous l’harmonisation traditionnelle de celles-ci aÌ€ partir de la tonaliteÌ de Mi mode de Mi (cette harmonisation est transposeÌ e aÌ€ la tonaliteÌ de Si mode de Mi pour la granaiÌ na, de Fa# mode de Mi pour la taranta, etc.) :
Première phrase | Sol7 → Do |
Deuxième phrase | Do7> → Fa |
Troisième phrase | Sol7 → Do |
Quatrième phrase | Ré7 → Sol |
Cinquième phrase | Sol7 → Do |
Sixième phrase | Fa → Mi (b9) |
Les successions d’accords aÌ€ distance de quarte ascendante, ou enchaiÌ‚nements de type V-I, sont preÌ sents dans les cinq premieÌ€res phrases. Cela nous montre que SanluÌ car s’eÌ loigne de la reÌ aliteÌ musicale de sa tradition lorsqu’il les consideÌ€re impropres au flamenco. La seule façon de justifier cette opinion serait de revenir aÌ€ une division du reÌ pertoire flamenco en diffeÌ rentes cateÌ gories plus ou moins pures selon le degreÌ d’influence de la musique populaire rurale andalouse sur le chant. En effet, selon toutes vraisemblances, les fandangos proviennent de la musique populaire rurale d’Andalousie. Mais dans ce cas, il n’y aurait que les siguiriyas qui seraient ainsi majoritairement sauveÌ es, puisque les enchaiÌ‚nements de type V-I sont utiliseÌ s dans l’accompagnement de tous les autres styles. On comprend donc pourquoi SanluÌ car preÌ feÌ€re ne pas parler de certains pans du reÌ pertoire du flamenco : sans cela il ne pourrait justifier ses theÌ€ses qu’en revenant aÌ€ une seÌ paration entre les eÌ leÌ ments plus ou moins purs du flamenco heÌ riteÌ e de la flamencologie traditionnelle et d’une conception romantique de cette musique, de laquelle il souhaite s’eÌ loigner.
Par ailleurs, Manolo SanluÌ car traite avant tout d’aspects harmoniques dans Sobre la guitarra flamenca, et ne s’inteÌ resse pas, ou treÌ€s peu, aux autres parameÌ€tres de la musique. La conception rythmique propre au flamenco est treÌ€s singulieÌ€re, comme le montrent les cycles rythmiques sur douze temps, le fait que les premiers temps soient souvent des temps faibles ou encore les liens entre la musique et la danse. Ces diffeÌ rents eÌ leÌ ments ainsi que d’autres lieÌ s au timbre auraient aussi pu lui permettre de prendre conscience de certaines particulariteÌ s du flamenco et de se proteÌ ger de la mondialisation.
LA THEORIE D’UN POINT DE VUE EXTRA-MUSICAL
Nous avons montreÌ que la penseÌ e theÌ orique de Manolo SanluÌ car preÌ sente de nombreuses limites, cependant certaines erreurs peuvent eÌ‚tre fertiles et on peut eÌ‚tre tenteÌ de penser comme Pierre Boulez : "[...] peu m’importe que l’analyse soit fausse si elle est productive." [17] Si les theÌ€ses exposeÌ es par Manolo SanluÌ car ne vont pas soi, elles peuvent donc nous apprendre des choses sur ce musicien. Par ailleurs, nous avons deÌ jaÌ€ dit que la theÌ€se centrale de Manolo SanluÌ car, celle de l’origine grecque du flamenco, ne nous semble ni juste ni fausse, juste indeÌ montrable. Il nous paraiÌ‚t donc tout aussi important de s’interroger sur la symbolique de cette ideÌ e que sur sa validiteÌ musicologique. Nous allons voir dans la dernieÌ€re partie de cet article que certains aspects extra-musicaux jouent un roÌ‚le central dans la penseÌ e theÌ orique de Manolo SanluÌ car.
La theÌ orie comme conseÌ quence du rejet des eÌ motions hors de la "matieÌ€re musicale".
Une des valeurs fondamentales de l’estheÌ tique traditionnelle du flamenco est l’expressiviteÌ du musicien, pousseÌ e aÌ€ l’extreÌ‚me avec le concept de "duende". Or, dans la dernieÌ€re partie de sa carrieÌ€re illustreÌ e par le disque Locura de brisa y trino [18], Manolo SanluÌ car semble se meÌ fier des eÌ motions que procure la musique. Il ne nie pas le fait que la musique puisse procurer des eÌ motions, mais celles-ci ne sont pas l’essence de la musique et ne doivent pas, selon-lui, constituer le moteur de la creÌ ation musicale au risque, pour l’artiste, de tomber dans un conformisme narcissique. Cet extrait d’un livre autobiographique nous semble reÌ veÌ lateur :
"Je dois reconnaiÌ‚tre que depuis mes deÌ buts et pendant de nombreuses anneÌ es, les sentiments m’ont servi de reÌ feÌ rence pour ma creÌ ativiteÌ artistique, mais je n’en peux plus. Maintenant ils me deÌ goutent presque. Oui, ils me reÌ vulsent. Tout du moins, ceux qui se placent comme l’alpha et l’omega pour justifier l’art. Je m’en meÌ fie parce que j’ai deÌ couvert que, pour l’artiste, l’eÌ motion est une faciliteÌ qui nous pousse au conformisme et aÌ€ la passiviteÌ . En ayant les sentiments comme moteur principal, il n’y aura pas de veÌ ritable eÌ volution" [19]
Cette position rappelle celle du critique musical Edouard Hanslick, exprimeÌ e dans son livre Du Beau dans la Musique [20], ou celle du compositeur Igor Stravinsky qui eÌ crit dans Chroniques de ma vie :
"Car je consideÌ€re la musique par son essence, impuissante aÌ€ exprimer quoi que ce soit : un sentiment, une attitude, un eÌ tat psychologique, un pheÌ nomeÌ€ne de la nature, etc. L’expression n’a jamais eÌ teÌ la proprieÌ teÌ immanente de la musique." [21].
Si cette posture nous semble difficile aÌ€ tenir pour tous types de musiciens et en particulier pour les compositeurs-interpreÌ€tes, cela l’est peut-eÌ‚tre encore plus pour un musicien de flamenco, compte tenu de l’importance accordeÌ e aux eÌ motions dans cette culture musicale. Nous pensons qu’une des raisons d’eÌ‚tre des recherches theÌ oriques de Manolo SanluÌ car peut trouver son origine dans cette mise aÌ€ distance de l’eÌ motion musicale. EÌ tant donneÌ la difficulteÌ que repreÌ sente assureÌ ment cette prise de position, la theÌ orie pourrait eÌ‚tre, pour Manolo SanluÌ car, un moyen de redonner du sens aÌ€ sa musique. Bien que cela puisse paraiÌ‚tre paradoxal, la theÌ orie musicale dote certains eÌ leÌ ments musicaux d’une force poeÌ tique dont ils eÌ taient deÌ pourvus auparavant. Cela nous semble assez flagrant dans le cas de la cadence andalouse, qui n’est plus simplement une succession de quatre accords, mais le symbole de l’heÌ ritage grec et de l’histoire de l’Andalousie. Cette cadence contient les traces de l’histoire et c’est cela qui fait dire aÌ€ Manolo SanluÌ car que jouer un accord de Mi mineur aÌ€ la fin de la cadence serait faire comme si "l’histoire n’avait pas existeÌ ". Si Manolo SanluÌ car s’eÌ loigne des eÌ motions, il ne deÌ fend pas pour autant l’indeÌ pendance du mateÌ riau musical : il met en musique des poeÌ€mes de Federico GarciÌ a Lorca dans Locura de brisa y trino et s’inspire de la peinture de Baldomero Romero Ressendi dans sa suite de pieÌ€ces La voz del color. [22]
Un geste politique.
L’originaliteÌ principale de Sobre la guitarra flamenca semble eÌ‚tre avant tout son auteur, l’une des figures les plus importantes de l’histoire du flamenco. Avec ce livre, l’artiste prend la parole et aÌ€ travers lui c’est le flamenco qui prend la parole. Il s’agit d’un geste politique que l’on peut mettre en paralleÌ€le avec certains discours issus de la penseÌ e post-coloniale et deÌ -coloniale qui insistent, entre autres choses, sur la neÌ cessiteÌ pour les anciennes colonies, d’eÌ crire elles-meÌ‚mes leur propre histoire et de ne pas se contenter de "l’histoire des vainqueurs". Manolo SanluÌ car compare d’ailleurs, dans son ouvrage, les relations entre l’Andalousie et l’EÌ tat espagnol aÌ€ celles qui peuvent exister entre un empire et ses colonies :
"Dans le pays du flamenco, culture d’inteÌ reÌ‚t universel, celui qui veut connaiÌ‚tre et eÌ tudier la guitare flamenca n’a presque pas d’endroits ouÌ€ aller. S’il existe quelques centres publics d’enseignement qui reÌ pondent aÌ€ cette neÌ cessiteÌ , c’est l’exception qui cache une situation lamentable causeÌ e par une politique honteuse, qui meÌ prise la culture autochtone en cherchant sa digniteÌ dans des cultures eÌ trangeÌ€res qu’on appelle culture de tous, pour justifier un comportement qui n’a pas d’explication, au regard de la neÌ cessaire direction eÌ galitaire et pluraliste de l’EÌ tat, si ce n’est dans les privileÌ€ges d’une classe qui favorise sa culture et l’impose, releÌ guant la culture autochtone aÌ€ une consideÌ ration coloniale aÌ€ la marge de l’EÌ tat." [23]
AÌ€ travers sa theÌ orie, Manolo SanluÌ car deÌ fend le fait que l’on puisse eÌ laborer un discours depuis l’inteÌ rieur de sa culture d’origine. Cela est non seulement possible, mais neÌ cessaire puisque les discours provenant de l’exteÌ rieur commettent de graves erreurs, en analysant cette musique aÌ€ partir du systeÌ€me tonal par exemple. La deÌ marche de Manolo SanluÌ car nous montre que le musicien de flamenco peut parler de sa musique et qu’il n’a pas besoin de preÌ‚ter sa voix au journaliste ou aÌ€ l’acadeÌ micien. C’est ainsi que les recherches pourront se concentrer sur le contenu musical du flamenco et pas seulement sur la poeÌ sie ou certains aspects socio-anthropologiques de cette culture. Il y a cependant des limites aÌ€ cette deÌ marche puisque Manolo SanluÌ car utilise la notation solfeÌ gique et de nombreux concepts issus de la theÌ orie musicale acadeÌ mique occidentale (les concepts de dominante et sous-dominante ou d’accords relatifs par exemple).
Il convient de rappeler que le flamenco est une culture qui est souvent deÌ valoriseÌ e par les institutions et certains intellectuels espagnols [24]. Manolo SanluÌ car, doteÌ d’un fort sentiment de responsabiliteÌ vis-aÌ€-vis de sa culture, exprime son opinion aÌ€ ce sujet de manieÌ€re poleÌ mique aÌ€ chaque fois qu’il a en l’occasion. Or, le discours lui permet non seulement de deÌ fendre le flamenco mais aussi de le valoriser, comme le souligne Salvador Valenzuela :
"La reÌ feÌ rence qu’il [Manolo SanluÌ car] fait au teÌ tracorde grec comme eÌ tant la matrice du flamenco est purement theÌ orique et speÌ culative, meÌ‚me si cela contient une eÌ norme charge symbolique en unissant le monde de la musique modale au flamenco comme musique populaire. On connaiÌ‚t le meÌ pris qu’ont les institutions musicales pour cette musique, SanluÌ car opeÌ€re un tournant substantiel en dirigeant le regard vers la theÌ orie modale grecque." [25]
Pour Manolo SanluÌ car, le flamenco est la musique classique d’Andalousie. Or, en prenant pour origine la theÌ orie modale grecque, il revendique l’heÌ ritage d’une culture prestigieuse. Par ailleurs, cela lui permet de s’opposer d’une manieÌ€re positive aÌ€ une analyse tonale du flamenco - ce qui va aussi de pair avec des revendications d’ordre politique, la musique tonale repreÌ sentant un pouvoir central, tandis que le systeÌ€me modal symbolise les speÌ cificiteÌ s de l’Andalousie.
Le discours comme justification.
Après sa trilogie Mundo y Formas de la Guitarra Flamenca [26] et jusqu’aÌ€ aujourd’hui, les eÌ leÌ ments novateurs sont nombreux dans l’Å“uvre de Manolo SanluÌ car, qui semble bien souvent s’eÌ loigner de la tradition du flamenco. MalgreÌ cela, l’appartenance aÌ€ la "famille" du flamenco est d’une importance capitale pour le compositeur qui consideÌ€re son travail comme la continuiteÌ de la tradition :
"Je consideÌ€re que je poursuis le travail de mes aiÌ‚neÌ s, de Javier Molina, de Niño Ricardo, de Diego del Gastor. Ce que beaucoup ne savent pas, c’est que je suis le Diego del Gastor, le Niño Ricardo, le Javier Molina du XXIe sieÌ€cle, et ils ne veulent pas le comprendre. Ils ne comprennent pas que Diego del Gastor aujourd’hui ne serait pas le meÌ‚me que celui qu’il fut, il serait le Diego del Gastor du XXIe sieÌ€cle." [27]
Manolo SanluÌ car propose, dans son discours theÌ orique (son ouvrage mais aussi ses prises de parole en public, ses livrets de disque et ses interviews), une nouvelle deÌ finition du flamenco qui lui permet d’inclure son travail au sein de cette tradition. Comme l’a fait le compositeur Arnold Schoenberg avec son TraiteÌ d’Harmonie [28], Manolo SanluÌ car va eÌ crire une histoire du flamenco qui montre que ses compositions musicales sont la conseÌ quence logique de l’eÌ volution de cette tradition musicale : "La solution aÌ€ laquelle je suis parvenu finira par s’imposer d’elle-meÌ‚me, non parce que j’en suis l’inventeur, mais simplement parce qu’il n’y en a pas d’autre." [29], dit-il dans une interview datant de 2006. C’est en particulier aÌ€ la musique du disque Locura de brisa y trino que Manolo SanluÌ car fait ici reÌ feÌ rence. Pour le compositeur, l’aspect novateur de la musique de ce disque tient aÌ€ l’utilisation du mode de Si (c’est-aÌ€-dire le mode Locrien moderne) qu’il nomme "mode mixolydien" en reÌ feÌ rence aÌ€ la theÌ orie musicale grecque. L’utilisation de ce mode peut sembler arbitraire eÌ tant donneÌ qu’il n’a pas eÌ teÌ utiliseÌ avant lui dans le flamenco traditionnel. Dans un premier temps, la reconnaissance de cette sonoriteÌ comme eÌ tant propre au flamenco se fait de manieÌ€re purement intuitive. Ce n’est que plus tard qu’il va trouver une justification theÌ orique qui lui permettra de rattacher cette nouvelle sonoriteÌ aÌ€ sa tradition musicale. Il lui faudra pour cela remonter jusqu’aÌ€ l’AntiquiteÌ . En effet, en eÌ tudiant les modes de la GreÌ€ce antique, Manolo SanluÌ car se rend compte d’une part du lien entre le teÌ tracorde dorien grec et la cadence andalouse, et d’autre part des similariteÌ s entre la sonoriteÌ qu’il eÌ tait en train d’explorer et le mode mixolydien grec. Il comprend deÌ€s lors pourquoi cette sonoriteÌ lui semblait si proche du flamenco : elle appartient en reÌ aliteÌ au meÌ‚me systeÌ€me musical que la cadence andalouse, c’est-aÌ€-dire au systeÌ€me modal de la GreÌ€ce antique. Manolo SanluÌ car explique tout cela dans le livret de Locura de brisa y trino :
"Jusqu’aÌ€ ce que, enfin, j’eus trouveÌ la clef qui allait m’ouvrir la porte de son espace musical : la gamme en question [le mode mixolydien grec] eÌ tait la matrice creÌ atrice d’une autre fondamentale dans le flamenco, celle qui conclut et ferme les bases de notre systeÌ€me cadentiel. Mon obsession eÌ tait doreÌ navant justifieÌ e et, en pensant cette musique, je pouvais la comprendre et la deÌ velopper, en la faisant vivre avec les formes traditionnelles comme une seule famille, en ajoutant de nouvelles couleurs et des chemins modulants qui, naturellement, enrichissent notre musique. Tout cela se faisant, et c’est peut-eÌ‚tre ce qui est le plus positif, depuis l’inteÌ rieur." [30]
Depuis des anneÌ es, Manolo SanluÌ car avait le sentiment que les explications des caracteÌ ristiques du flamenco depuis une approche tonale n’eÌ taient pas satisfaisantes. Il dispose doreÌ navant d’un systeÌ€me paralleÌ€le au systeÌ€me tonal qui lui permet d’expliquer le flamenco traditionnel. De plus, apreÌ€s avoir montreÌ que le flamenco se base sur le systeÌ€me modal grec, Manolo SanluÌ car peut doreÌ navant utiliser tout son potentiel. C’est ce qu’il fait en explorant le mode mixolydien grec. Ayant montreÌ dans Locura de brisa y trino que ce mode fonctionne non seulement pour la guitare mais aussi pour le chant, il consideÌ€re que celui-ci offre une nouvelle manieÌ€re de composer qui a enrichi le flamenco. Ce mode pourra donner naissance aÌ€ de nouveaux styles : de la meÌ‚me manieÌ€re qu’une alegriÌ a est une soleaÌ qui est passeÌ e du mode de Mi au mode majeur, on peut appliquer le meÌ‚me processus avec le mode mixolydien et creÌ er de nouveaux styles pour la guitare et le chant flamenco. Cette culture musicale peut ainsi continuer aÌ€ eÌ voluer sans perdre son identiteÌ .
CONCLUSION
La principale originaliteÌ de l’ouvrage theÌ orique de Manolo SanluÌ car est l’importance de son auteur au sein de sa tradition musicale, le flamenco. Les theÌ€ses deÌ fendues dans l’ouvrage ne sont pas nouvelles et Manolo SanluÌ car semble devoir beaucoup aÌ€ la TeoriÌ a del Cante Jondo de HipoÌ lito Rossy. Ce livre nous renseigne cependant sur le deÌ veloppement d’une nouvelle approche de leur art chez les guitaristes de flamenco, bien qu’ici aussi Manolo SanluÌ car ait ses preÌ deÌ cesseurs (nous pensons en particulier aÌ€ Manuel Cano). Manolo SanluÌ car va plus loin que les guitaristes qui taÌ‚chent de transmettre leurs connaissances peÌ dagogiques aÌ€ travers des ouvrages qui font appel aÌ€ la theÌ orie musicale puisque, pour lui, la theÌ orie est aussi un moyen de creÌ er, de donner du sens aÌ€ sa musique et de sortir le flamenco de la torpeur qu’il connaiÌ‚t actuellement (selon Manolo SanluÌ car). Si cet ouvrage preÌ sente des limites d’un point de vue musicologique, il est neÌ anmoins preÌ cieux pour aborder sous un nouvel angle l’Å“uvre de Manolo SanluÌ car et en particulier la musique du disque Locura de brisa y trino.
Maë l Goldwaser
NOTES
1 Les notes correspondant aux cordes aÌ€ vide de la guitare lorsqu’elle est accordeÌ e de manieÌ€re standard sont, de la plus grave aÌ€ la plus aigüe : Mi – La – ReÌ â€“ Sol – Si – Mi.
2 Accessoire que l’on place sur le manche de la guitare et qui permet de changer les hauteurs des cordes aÌ€ vide.
3 L’Andalousie, terre d’origine du flamenco, a eÌ teÌ musulmane pendant environ huit sieÌ€cles, de l’an 711 jusqu’aÌ€ 1492.
4 SANLUÌ CAR, Manolo, Sobre la guitarra flamenca. TeoriÌ a y sistema para la guitarra flamenca, CoÌ rdoba, La Posada, 2005, p. 145. "No sostenizar la nota Sol en el acorde de Mi, es como si la historia no hubiera existido".
Toutes les traductions de cet article sont de l’auteur.
5 Dans la tonaliteÌ de Do majeur par exemple, la sensible ascendante Si est la tierce de l’accord de dominante Sol.
6 ROSSY, HipoÌ lito, TeoriÌ a del cante jondo, Barcelona, CREDSA, 1998 (premieÌ€re eÌ dition : 1966).
7 Un teÌ tracorde est un ensemble de quatre notes. Le teÌ tracorde dorien est constitueÌ de quatre notes joueÌ es de manieÌ€re descendante et espaceÌ es respectivement d’un ton, d’un ton et d’un demi-ton (ex : La-Sol-Fa-Mi).
8 VALENZUELA LAVADO, Salvador, ArmoniÌ a Modal, Modo de Mi y Flamenco : AproximacioÌ n al “Modo de Mi ArmoÌ nico†como Sistema Musical de TradicioÌ n Hispana, theÌ€se, UniversiteÌ de Grenade, 2016.
9 HURTADO TORRES, David y Antonio, La llave de la muÌ sica flamenca, Sevilla, Signatura, 2009, p. 17. "En Grecia habiÌ a una escala de Mi a la que llamaban doÌ rica, y una de Re llamada frigia. Por su parte, en el sistema de modos eclesiaÌ sticos medievales habiÌ a dos modos de Mi – el deuterus (authentus y plagalis) – a los que los teoÌ ricos medievales, al tratar de vincularlos con la teoriÌ a musical de la antigüedad claÌ sica, llamaron, de forma equivocada, frigio e hipofrigio, respectivamente. Pero desengañeÌ monos : aparte de esto, el modo frigio o de Mi, en el flamenco, no tiene absolutamente nada que ver ni con los modos griegos – de cuya praÌ ctica se sabe muy poco y se habla mucho – ni con los ocho modos eclesiaÌ sticos medievales. A su vez, estos dos tipos de sistemas – griego y medieval – tampoco tienen nada que ver entre siÌ ".
10 VALENZUELA LAVADO, Salvador, op.cit., p. 43. "Manolo SanluÌ car acudiraÌ al tetracordio descendente del antiguo modo doÌ rico griego [...]. Pero no vemos necesario recurrir a la teoriÌ a de la antigua Grecia para tal fin, las fuentes musicales se encuentran mucho maÌ s cercanas".
11 CURAO, Manuel, Los flamencos hablan de siÌ mismos, vol. 1, Sevilla, UniversiteÌ Internationale d’Andalousie, 2007, p. 63. "Nuestra esencia musical es la cadencia andaluza y es absolutamente perfecta."
12 VALENZUELA LAVADO, Salvador, op. cit., p. 334. "Otra tendencia en esos mismos escritos es limitarse al tetracordio descendente como matriz del flamenco. No negamos la importancia de dicho tetracordio, ni la relacioÌ n tan estrecha entre las notas “Mi-La↔La-Mi†como ya hemos mencionado, pero eÌ sta es una variante de entre muchas y no explica por siÌ sola el completo desarrollo de las melodiÌ as en el modo de Mi."
13 SANLUÌ CAR, Manolo, op. cit., p. 20-21. "En los cursos internacionales de guitarra que imparto, observo coÌ mo los joÌ venes aficionados, de muÌ ltiples paiÌ ses (tambieÌ n andaluces), entran en la guitarra a traveÌ s del disco, es decir, escuchando las grabaciones de los concertistas destacados, sin tener en cuenta que quienes exponemos nuestra muÌ sica en un escenario no siempre nos ajustamos a los caÌ nones que marca la tradicioÌ n. Pues en un concierto, o en un disco, no es habitual que alguien pretenda dar una clase magistral."
14 SANLUÌ CAR, Manolo, op. cit., p. 200. "Recuerdo que este anaÌ lisis musical quiere mostrar la naturaleza pura de este sistema musical. EstaÌ visto, pues, desde la teoriÌ a escolaÌ stica y no interferireÌ en el trato que, desde la libertad artiÌ stica, haga el compositor que en tal caso seguiÌ a por el gusto."
15 SANLUÌ CAR, Manolo, op. cit., p. 21. "Las reglas escolaÌ sticas, fundamento y base del flamenco, no pueden ser respetadas y conservadas si no las conocemos."
16 AROM, Simha, Polyphonies et polyrythmies instrumentales d’Afrique Centrale : structure et meÌ thodologie, Paris, S.E.L.A.F, 1985.
17 BOULEZ, Pierre, Quoi ? Quand ? Comment ? La recherche musicale, Paris, IRCAM / Ch. Bourgeois, 1985, p. 275.
18 SANLUÌ CAR, Manolo, Locura de brisa y trino, Mercury, 2000, Espagne.
19 SANLUÌ CAR, Manolo, El Alma Compartida, Almuzara, 2007, p. 377. "Debo reconocer que desde mis principios y durante muchos años, los sentimientos han sido para miÌ un referente impulsor en mi creatividad artiÌ stica, pero ya estoy harto de ellos. Ahora casi me repelen. SiÌ , me rebotan. Al menos, aquellos que se colocan como principio y fin en la justificacioÌ n del Arte. Sospecho de ellos porque descubriÌ que la emotividad para el artista es una alcahueta aduladora que despierta en nosotros conformismo y pasividad. Poniendo los sentimientos como motor principal, no habraÌ verdadera evolucioÌ n."
20 HANSLICK, Edouard, Du Beau dans la Musique, traduit par Charles Bannelier, Paris, Ch. Bourgeois, 1986 (premieÌ€re eÌ dition : 1854).
21 STRAVINSKY, Igor, Chroniques de ma vie musicale, Paris, Denoël, 2000 (premieÌ€re eÌ dition : 1935), p. 63.
22 Cette suite a eÌ teÌ preÌ senteÌ e lors de la quinzieÌ€me Biennale de SeÌ ville en 2008. Elle n’a pas encore eÌ teÌ enregistreÌ e aÌ€ l’exception de l’alegriÌ a "La danza de los Pavos" que l’on peut eÌ couter dans le film Flamenco Flamenco de Carlos Saura et de la buleriÌ a "El Majareta y el Serio" qui a eÌ teÌ enregistreÌ e pour une seÌ rie documentaire dirigeÌ e par Manolo SanluÌ car. La seÌ rie a pour titre La guitarra flamenca. Manolo SanluÌ car. Elle n’a pas encore eÌ teÌ diffuseÌ e.
23 SANLUÌ CAR, Manolo, op. cit., p. 13-14. "En el paiÌ s del Flamenco, cultura de intereÌ s universal, quien quiere conocer y estudiar la guitarra flamenca apenas tiene donde acudir. Si existe alguÌ n centro puÌ blico de enseñanza que responda a esta necesidad, vendriÌ a a ser la excepcioÌ n que descubre un estado bochornoso causado por una poliÌ tica vergonzante, que menosprecia la cultura autoÌ ctona, buscando dignidades en culturas extranjeras y a las que denomina Cultura de todos, para justificar un comportamiento que no tienen explicacioÌ n ante la necesaria direccioÌ n equitativa y pluralista del Estado, sino en el privilegio de una clase que favorece a su cultura y la impone, relegando la autoÌ ctona a una consideracioÌ n colonialista, al margen del Estado."
24 AÌ€ propos du meÌ pris de certains intellectuels espagnol pour le flamenco voir : LEBLON, Bernard, L’estheÌ tique du flamenco : une contre-estheÌ tique ?, Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], n° 7, 1994, http://ethnomusicologie.revues.org/1286 (consulteÌ le 15 septembre 2017).
25 VALENZUELA LAVADO, Salvador, AproximacioÌ n a la Modalidad como Sistema de ComunicacioÌ n Musical. El Modo Frigio en la obra "Locura de Brisa y Trino" de Manolo SanluÌ car, meÌ moire non publieÌ , UniversiteÌ de MaÌ laga, 2007, p. 43. "La referencia que hace sobre la matriz del flamenco al tetracordo griego es puramente teoÌ rico y especulativo, aunque ello contenga una enorme carga simboÌ lica al unir el mundo de la muÌ sica modal al flamenco como muÌ sica popular. Es sabido el menosprecio de esta muÌ sica por parte de instituciones musicales, SanluÌ car da un giro sustancial poniendo la mirada en la teoriÌ a modal griega."
26 SANLUÌ CAR, Manolo, Mundo y formas de la guitarra flamenca, 3 vol, CBS,1971-1973, Espagne.
27 CURAO, Manuel, Los flamencos hablan de sà mismos, vol. 1, Sevilla, Université Internationale d’Andalousie, 2007, p. 67. "[(...] me considero una continuacioÌ n de mis mayores, de Javier Molina, del Niño Ricardo, de Diego del Gastor. Lo que muchos no saben es que yo soy el Diego del Gastor, el Niño Ricardo, el Javier Molina del siglo XXI ; y no quieren entenderlo. No entienden que Diego del Gastor ahora no seriÌ a el mismo que el que fue, seriÌ a el Diego del Gastor del siglo XXI."
28 SCHOENBERG, Arnold, TraiteÌ d’harmonie, traduit par GeÌ rard Gubisch, Paris, J.C. LatteÌ€s, 1983.
29 WORMS, Claude, Entretien avec Manolo SanluÌ car, Flamenco Magazine, avril / mai 2006, p. 26.
30 SANLUÌ CAR, Manolo, Locura de brisa y trino, Mercury, 2000, Espagne. "Hasta que por fin encontreÌ la llave que me abririÌ a la puerta de su espacio musical : la escala en cuestioÌ n era matriz engendradora de otra fundamental del flamenco, la que concluye y cierra las bases de nuestro sistema cadencial. Ahora quedaba justificada mi obsesioÌ n y razonando esta muÌ sica podiÌ a comprenderla y desarrollar su aÌ mbito de influencia, hacieÌ ndola convivir con las formas musicales tradicionales como una sola familia, sumando colores nuevos y caminos modulantes que con naturalidad enriquece nuestra muÌ sica. HacieÌ ndose ademaÌ s, y tal vez sea esto lo maÌ s positivo desde dentro."
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WORMS, Claude, La deÌ cade prodigieuse / 2 , Flamencoweb, 2009, http://www.flamencoweb.fr/spip/spip.php?article210 (consulteÌ le 20/06/2016). / Entretien avec Manolo SanluÌ car, Flamenco Magazine, avri l/ mai 2006.
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