« Les faiseurs d’images » du Festival de Mont-de-Marsan 2010

mardi 10 août 2010 par Manuela Papino

L’idée est particulièrement intéressante. On est habitué à côtoyer les photographes de flamenco, très souvent de véritables connaisseurs, qui partagent le travail du critique en nous offrant ces photos qui font d’un article un travail complet, restituant ce que les mots ne peuvent décrire. Cette fois, la mise en place de résidences dans le temps même du festival, revêt un aspect singulier, attrayant voir curieux : les photographes et plasticiens invités ne connaissent absolument pas le flamenco et deviennent donc des regards innocents, capteurs d’instants magiques, souvent différents de ceux qui attirent l’attention des initiés.

Depuis l’année dernière, Mont-de-Marsan invite en résidence ces « faiseurs d’images », amenant un véritable souffle nouveau sur le flamenco. On pouvait, cette année, tout au long de la semaine, rencontrer les créateurs d’images de trois projets différents : tout d’abord Mat Jacob et Gilles Coulon du Collectif Tendance Floue, qui venaient présenter le spectacle de clôture 2010 résultant de leur résidence l’année précédente ; Christophe Dabitch et Benjamin Flao, auteurs des deux tomes Soleá 1 et Soleá 2 de la bande dessinée « Mauvais Garçons » ; et enfin le maestro Peter Knapp, grand nom de la photographie et de la vidéo (entres autres), directeur artistique et photographe du magazine Elle pendant 20 ans, réalisateur de l’émission Dim Dam Dom et photographe des plus grands top-models mondiaux.

Leur travail questionne a priori… Que peut-on comprendre du flamenco en une semaine, sans en avoir la moindre connaissance préalable ? Comment ne pas tomber dans des clichés, qui parfois font eux-mêmes partie intégrante de ce milieu ? Le visuel seul, est-il capable de rendre une profondeur parfois si complexe ? Ces artistes reconnus vont-ils simplement passer le flamenco dans le filtre de leur propre art, ou seront-ils être capables d’en saisir l’essence et l’âme en si peu de temps ?

Lorsqu’on a passé sa vie à comprendre, connaître et apprivoiser le flamenco, on ne peut qu’ être intrigué par cette démarche et souhaiter bonne chance à ces « faiseurs d’images » courageux. Vont-ils retomber dans des clichés, persuadés de s’ en être libérés ? Vont-ils comprendre les différents publics et artistes fréquentant le Festival de Mont-de-Marsan dont la passion peut éventuellement les manipuler tel le chant des sirènes ? Les artistes de flamenco présents cette semaine-là représentent-ils un panel suffisant pour comprendre quelque chose à ce milieu si complexe ? Ne vont-ils pas se laisser séduire par les courbes et les volants, la fête et la joie de vivre, au détriment d’un regard qui perce l’âme dans toute sa complexité ? Que vont-ils entendre d’une langue qui n’est pas la leur et qui pourtant leur parle dans les yeux ? Que vont-ils restituer de ce rythme ancestral qui n’a que faire de la beauté ? Vont-ils apercevoir ce mélange de cultures enchevêtrées qui a fait du flamenco un labyrinthe inextricable où mêmes les puristes se perdent. Car s’il est sûr qu’ils nous apportent un souffle nouveau, il est légitime de se demander si ce n’est qu’une pirouette qui attire le flamenco dans la toile de l’appareil photo, ou bien un véritable saut dans le vide à la rencontre de cet art qui fascine le monde entier, réfléchissant, questionnant, brisant alors peut-être, avec toute l’innocence retrouvée, les tabous et les polémiques habituels que peu d’entre nous osent encore aborder.

¡ Rencontre magique avec Peter Knapp !

Peter Knapp n’est pas seulement ce très grand professionnel respecté dans le monde entier, c’est également un homme distingué, avenant et très

chaleureux, qui n’hésite pas à rencontrer ceux qui souhaitent le connaître et à échanger avec générosité avec eux. On a pu le croiser tous les jours dans les rues de Mont-de-Marsan, déjeuner à sa table et profiter de ses commentaires pertinents et sympathiques à la fois. Sa présence a sans aucun doute contribué à faire de cette semaine un moment inoubliable dans l’histoire des Festivals flamencos de Mont-de-Marsan. Peter Knapp prend le fauteuil de Carlos Saura, présent l’année passée à Mont-de-Marsan, et répond, ici, à Lionel Niedzwiecki (Directeur de la communication du Conseil Général des Landes et du Festival Arte Flamenco de Mont-de-Marsan), lors de la conférence de presse sur les « faiseurs d’images ».

Lionel Niedzwiecki : - Présenter Peter Knapp en quelques mots, ce n’est pas très facile. On ne peut pas le mettre dans une case : il est graphiste, il a été directeur artistique de magazines et d’ éditions ; il est photographe, vidéaste, plasticien ; il est surtout un « faiseur d’images ». Il est né en 1931 en Suisse, dans une commune dont je ne prononcerai pas le nom ; il a été formé dans une des plus prestigieuses écoles d ’Europe, à Zurich, au début des années 50 ; il a été élève des Beaux-arts à Paris, et très vite, en 1953, il est devenu le directeur artistique des Galeries Lafayette.

Peter Knapp : - Tout le monde avait envie de modifier la typographie, et ils faisaient donc appel aux graphistes suisses de Zurich, parce que la guerre avait un peu arrêté l’enseignement en France.

LN : - De 1959 à 1966, vous devenez le directeur artistique du magazine Elle, dont vous redessinez le logo. A l’époque, la directrice Hélène Lazareff souhaitait que l’hebdomadaire évolue un peu à l’américaine, dans l’esprit du Harper’s Bazaar. Et là, vous avez véritablement révolutionné la photo de mode, les mannequins bougeaient enfin, ils se libéraient, faisaient vivre les vêtements, et ça a été une époque charnière pour la photographie de mode. En tant que directeur artistique, vous preniez souvent l’appareil photo, mais vous avez aussi fait appel à des photographes prestigieux, tels Sara Moon ou Oliviero Toscani, qui est devenu célèbre pour ses campagnes de publicité pour Benetton. De 1965 à 1970, vous avez réalisé une quarantaine de films pour une émission très connue qui s’appelait Dim Dam dom. Mais dès la fin des années 60, votre rapport à la mode évolue, vous explorez d’autres territoires d’expressions artistiques, et même si vous faites un nouveau passage à la tête de la Création de Elle de 74 à 78, vous vous êtes déjà engagé dans l’ édition de livres, en particulier de livres d’art. Vous avez notamment édité un très bel ouvrage sur Giacometti, et sur la photographie plasticienne. On se souvient de vos célèbres « Ciels », vous vous êtes impliqué dans des expositions d’art contemporain, et dans la dimension multimédia, avec la vidéo, le documentaire, le film, avec notamment au début de l’année 2000 un superbe documentaire sur « Les 70 derniers jours de Van Gogh », diffusé sur la 5 et sur Arte. Et, cher Peter Knapp, vous voilà sur le chemin du flamenco. Vous êtes connu comme un des plus grands photographes de mode, mais à la fin des années 70, vous avez décidé de tirer un trait sur la mode. Que s’ est-il passé ?

PK : - Il y a avait deux raisons à cela. D’ abord, ce n’était pas mon intention de rentrer dans la mode. J’ étais à New-York, et je cherchais une galerie, c’était comme ça qu’on démarrait dans les années 50-60, pour avoir un contrat. Je suis resté deux mois, et puis je suis tombé amoureux à Paris, j’ai reçu un contrat d’ Hélène Lazareff pour être directeur artistique. Ces deux raisons m’ont entraîné dans l’expérience du journal où je me suis occupé d’abord spécialement de la mise en forme et de la typographie. Hélène Lazareff, qui était pendant la guerre aux Etats-Unis, où elle avait travaillé avec Brodovitch, pour Harper’s Bazaar, m’ avait dit qu’en France on était toujours trop élégant et que les mannequins étaient utilisés comme support de vêtement. Elle voulait que je trouve une autre équipe que celle qui s’ occupe de la couture et du chic. Elle avait compris qu’ il y avait besoin d’une pensée sociale, elle avait compris que le comportement pouvait remplacer une partie de l’ élégance, qu’ il n’y avait pas besoin de 20.000 francs pour être élégant. C’est sur cette demande que j’ ai mis mes collaborateurs en mouvements au quotidien. Mais effectivement, quand quelqu’ un a une demande de liberté, personne ne va louper ça ! De faire marcher une fille pieds nus, dans la nuit, les chaussures à la main et sans chapeau… ce sont ces photos là qui font dire de moi maintenant que j’ai inventé la chose en mouvement. Mais c’ était quand même d’ abord un souci de s’ éloigner de la haute couture, pour que la mode appartienne un peu tout le monde. Voilà comment je suis entré dans ce journal : c’ était la « dans le fond, être amoureux », et accepter un contrat pour bien vivre. On était extrêmement bien payé, il faut bien l’avouer. A l’époque on roulait en Ferrari quand on était un peu doué. Et puis les temps ont changé, moi aussi je roule en Golf maintenant.

Au bout de 6 ans, et après la rencontre avec Courrège, j’ai modifié ma pensée, j’écoutais moins les autres, et j’ai commencé à m’ écouter moi-même. J’ai rencontré Courrège, et je me suis dit : « voilà quelqu’un qui fait les choses dans

la mode autrement ». Je lui ai parlé, et j’ai compris qu’il avait un peu mon esprit : quand la fonction est juste pour les objets, le tout est juste. Il me disait : « Moi je fais les robes courtes, parce que les voitures sont basses et que, pour monter dedans, il ne faut pas avoir besoin de soulever sa jupe. » C’est un peu anti flamenco. Ou pour monter un escalier, si la robe est courte, on voit la fin des pas. C’est une histoire esthétique, donc il faut inventer le collant. Ensuite il disait que si la robe était bien coupée, on n’avait pas besoin de soutien-gorge. Sinon, c’ est que le travail est mal fait. J’ai vu un homme qui réfléchissait autrement. Dans le fond, ce n’ était pas un gars de la mode. C’est tout. Il donnait un privilège à la fonction, or la mode, c’est toujours aller dans le sens contraire de ce qui est. Nous avons vu des nombrils pendant 10 ans, et maintenant, quand je feuillette le Elle d’ aujourd’hui, je ne vois plus de nombrils. Le pantalon est descendu, maintenant il remonte. Les manches sont larges, elles vont être étroites. Et c’est ça l’ esprit mode. Et ça, je ne l’ avais pas compris... et Courrège non plus ! Il n’empêche qu’il a inventé un style très fort qui a eu une influence mondiale. Mais le constat était que la mode n’était pas un progrès, et surtout qu’on ne fait pas de la photo de mode sans idéaliser. Et c’est évidemment une limite terrible quand la beauté est la seule direction. C’est comme ça qu’en 68, je crois – il y a d’autres gens qui ont fait des choses bien plus importantes que moi – j’ai décidé d’une coupure radicale. Pendant plusieurs années, j’ai photographié le ciel bleu, sans nuage, sans oiseaux, sans avions. Je voulais tout simplement faire un constat de bleu dans différents lieux, en bord de mer, en haute montagne... C’est cette démarche que j’ai finalement proposée à Denise René, et qui a motivé l’exposition à laquelle Lionel a fait allusion. Dans ce ciel bleu, il y avait peut-être des réponses que nous cherchons tous : « Qu’ est-ce que l’ infini ? ». Dans l’ objectif d’ un appareil photo c’est assez bien, c’est un petit 8 qui est couché, en soi c’est sympathique. Mais pour moi, c’est toujours une notion que je ne comprends pas. On a beau me raconter Big Bang, ou 1 ou 2 ou 3, mais avant ? Qu’est-ce qu’ il y avait avant ? Moi qui suis né dans une vallée, je me rappelle très bien avoir demandé à ma grand-mère : « Qu’est-ce qu’il y a derrière cette montagne ? ». Elle me disait : « une autre montagne ». Et après cette montagne ? « Il y a encore des montagnes ». Et puis, et puis… « Et puis on revient chez nous ! ». Oui mais chez nous, ce n’est pas l’infini… et donc ce problème de l’infini était un peu confondu avec ce que faisait Yves Klein. Il y avait des gens qui me disaient : « mais ce sont des monochromes ? ». Oui, vu d’une certaines manière, ce sont des monochromes, mais c’est quand-même un constat extrêmement réaliste du ciel. Il n’a absolument pas le même bleu si je suis en haut du Mont Cervin, ou si je suis au bord de la mer en Côte d’ Ivoire. Ce côté « espace » m’ a plu, et continue à me plaire, surtout en projection. Et si infini il y a, c’est peut-être ça Dieu ! Je ne suis pas allé plus loin que ça.

LN : - Vous parlez d’infini, mais là (en résidence sur le Festival de Flamenco de Mont-de-Marsan), les gens ne le savent pas, vous n’êtes pas dans un espace infini, vous êtes dans un espace très limité puisque vous avez installé, dans un algeco, un studio, où depuis le début du festival, défilent des artistes ou des gens du public.

PK : - Je n’ accepte en réalité plus de commande depuis un moment. Mais quand on me propose un projet, je suis curieux. Et comme mes collègues, je n’avais jamais fait une photo de flamenco, je trouvais même que c’était impossible, puisque déjà depuis Degas, c’était limité à cette silhouette, féminine certes, bras levé, volants en bas ; je veux dire un cliché plutôt très très usé. Alors quand je suis venu voir les gens d’ici, ils m’ont dit : « non, ça existe depuis 20 ans ». Ils m’ont cité Carlos Saura, et je me suis dit : « tiens, tiens, il faut que je me renseigne un peu mieux ». Je me suis mis à regarder les livres existants, et surtout j’ai regardé le film de Carlos Saura. Très impressionnant ! Je me suis demandé ce que celui qui venait après moi allait faire ; parce que, à force d’ avoir des gens assis sur un siège, extrayant de leur présence un son, un sérieux, il y a aussi un aspect éthique. Il y a ensuite ces danseuses qui dégagent une énergie fantastique, et dont on se dit que si elles étaient ailleurs, elles seraient un bon batteur. Ill y a beaucoup de choses qui se mélangent : avec l’ image fixe, après avoir travaillé réellement quatre jours là-dessus, je peux vous le dire, c’est impossible.

Parce que ce qui vous séduit, c’est tout de même le déroulement du tout. Quand elles lèvent le bras, qu’ elles reviennent, la rapidité du pied, tout ça, on a beau faire un coup de flash un peu flou, qui indique un mouvement : ce n’est pas ça ! C’est une addition de tout, visuellement, et puis voilà. Ce n’est pas possible de le photographier. C’est mon point de vue. Ils ont triché (Mat et Gilles), ils nous ont donné une atmosphère très sympathique, et on se dit : « tiens, c’est festif et un peu mystérieux ». Ils ont fait un reportage là-dessus. Pour la proposition que j’ ai faite, on m’a montré le château en me disant qu’on pouvait projeter sur le château ; La projection, c’est la nuit, et je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire : je vais essayer de relier mes images avec la nuit. Faire apparaître dans la nuit, des mains, des détails extrêmement agrandis, d’ une certaine manière comme on regarde les choses, parce que notre regard n’a rien à voir avec la photographie. La photographie est un instant dans notre regard, qui est un laser. Si nous faisons une photo de la salle qui est ici, sur l’ image, nous avons la salle, mais moi qui suis à six mètres de vous, je ne peux pas voir plus que votre moustache, sans cela, je dois déjà déplacer mon regard. Donc j’ essaye, cette fois-ci, sur le flamenco, de faire le constat d’un regard. Quand je fais le REC, la lecture du mouvement de la danseuse, à un moment donné, avec un 100e de seconde, je m’arrête. Et ça, c’est quasiment comme une coupure du hasard. La photo, heureusement, nous donne un aperçu : ça veut dire que ce que dans la réalité nous ne voyons pas, est additionné. L’ image fixe a cette qualité, elle ne donne pas seulement à voir votre instant du regard, elle additionne ce que vous apercevez quand vous faite la lecture du tout. Donc, de cette projection de nuit, en détails, j’ai gardé le fond noir, mais ce n’est pas du tout sûr qu’on va projeter sur le mur la nuit.

LN : - Donc le point d’arrivée ne sera pas forcément le point de départ, mais le point de départ, c’est sur fond noir. Vous avez déjà amené des artistes sur votre lieu de travail. J ’aimerais savoir comment ils ont réagi.

PK : - Je crois que, pas seulement l’artiste, l’homme tout court, quand on lui propose de faire une photo, n’a pas la même attitude que quand il se sent photographié. On se rend compte de ça surtout quand on est en Afrique : il y a une extrême méfiance de celui qui quelque part est visé. Je me dis toujours que ce moment, que personnellement j’ aime beaucoup, est un moment d’observation. Chaque fois qu’il y a un objectif qui se promène dans le public, ma femme, qui est tout de même assez visuelle, me dit : « je n’aime pas ça ». Même quand elle voit le résultat. Et personnellement, moi, j’ aime ça. Quand une optique passe sur des visages, je me dis : "qu’est-ce qu’ ils regardent, comment le ressentent- ils ?" Je trouve ça bien. Et donc, au contraire, quand je te souris, Lionel, et que je dis : " mets ton chapeau, un peu comme-ci ou comme-ça, regarde plutôt ma main", ça t’intéresse. Tu deviens un complice de ta propre image et j’ai l’impression que les acteurs, ça les intéresse encore beaucoup plus que toi ou que n’importe qui. Ils espèrent que je suis gentil, honnête, que je ne prends pas un grand angle, que je mets une bonne lumière, et que s’ils ne sont pas photogéniques, j’arriverai malgré tout à les mettre en valeur. Et malgré tout, ça se passe souvent très mal. Surtout quand on est dans le flamenco, parce que l’ acteur, ou l’ actrice, qui n’est souvent même pas avantagé par le physique, devient magique dans son action, dans sa sueur. Et je dois dire que je n’ai jamais fait de meilleures photos en studio, où pourtant tout était préparé pour bien faire, que ce que j’ai pu réalisé pendant l’action sur scène.

LN : - Le fait de se mettre à nu, puisqu’ils ne sont pas en action dans le studio... comment réagissent-ils ?

PK : - Ils sont en attente. Ils attendent tout de moi. Et même, ils veulent trop bien faire et arrêtent l’action que je leur demande. Quand je leur demande de faire comme sur scène, ils n’y arrivent pas. Quand ils croient que leur main est bien positionnée, ils prennent la pose pour que je déclenche. C’est pour ça que c’est très difficile, je me dis que photographier le flamenco… alors je fais un peu comme eux (Mat et Gilles), je le détourne. Mais c’est aussi parce qu’il y a beaucoup de photos qui existent et qui sont aussi très belles ! Et donc quand je pense au candidat qui va me suivre, je lui souhaite du bonheur !

LN : - L’ autre partie du projet, c’est de recevoir non pas les artistes, mais le public.

PK : - J’essaye de faire des portraits qui parlent. Et là, c’est quand même un peu la même chose que pour un artiste en action : une fois qu’il parle, il va oublier que je suis devant lui ; et à travers son action, qui ne peut être que parler, j’ espère faire un autre portrait, tout en gardant son opinion auditive.

LN : - C’est un regard neuf sur le flamenco. Depuis lundi, qu’ avez-vous ressenti en voyant les spectacles, en vous immergeant dans le festival ?

PK : - Comme ça, en étant débutant en flamenco, en écoute et en vision, j’ai été hier absolument séduit par le solo (récital d’ Arcángel) : que devant 1500 personnes silencieuses, il ait envoyé ses mots (Arcángel a enregistré en direct différentes voix, pitos, compás), et puis qu’ il ait récupéré leur écho, qu’ il enrichissait avec ses mains... Et puis ça monte, ça monte, ça monte, et cette sonorité plus haute... Il entre dans une octave au-dessus des autres chanteurs, ça m’a plu.

LN : - Sur la danse, il y a eu un autre moment fort, le spectacle de Juana Amaya.

PK : - Ah oui, oui, j’ai pleuré.

Question du public : - Vous avez beaucoup travaillé sur le bleu, on dit que le rouge et le noir sont les couleurs du flamenco, qu’est ce que ça provoque en vous ?

PK : - Ça ne me semble pas nouveau du tout. Et le noir et le rouge, quand on a travaillé pas mal dans le graphisme, c’est quand même un des raccords ; la couleur rouge a tellement de signification, j’ai déjà fait un film sur le rouge, et c’est aussi le cadre qui entoure tous les interdits. Le rouge est presque trop évident. Si je prends position, il y a des chances pour que toutes mes photos en noir et rouge, je les transforme en noir et blanc.

Le travail de Peter Knapp sera visible l’an prochain au Festival de flamenco de Mont-de-Marsan 2011.

Attention : « tout ce que je vous dis-là », conclut Peter Knapp, « ce n’est pas du tout sûr que ce soit ça ! ».

L’ interviewé intervieweur

Peter Knapp a poursuivi son travail, le dernier jour du festival, en enregistrant en vidéo des portraits du public, des gens de la rue et de quelques professionnels du festival. Nous le retrouvons ici en plein travail, interviewant Benjamin Flao, dessinateur de bandes dessinées, également en résidence sur le Festival de Flamenco de Mont-de-Marsan 2010.

Peter Knapp : - Raconte-moi ton parcours.

Benjamin Flao : - J’ aime la BD, les jeux d’enfants et le dessin ; j’ aime me raconter des histoires avec des petits personnages. Après la 3e, par chance, on m’a envoyé en Belgique dans une école incroyable, pendant 2 ans, de 14 ans à 16 ans. Ensuite j’ai fait un an et demi de publicité à Nantes ; ça m’ a appris à être très soigneux, et c’est tout. Ensuite j’ai fait une école d’ illustration. Pendant dix ans j’ai fait des caricatures dans la rue, des fresques…

PK : - Pourquoi es-tu à Mont-de-Marsan ?

BF : - Avec Christophe Dabitch, on a fait une bande dessinée autour du flamenco, d’après une histoire vécue. On est ici en résidence pour poursuivre le travail. C’est curieux, j’ai passé une année entière à fantasmer sur le flamenco à travers des documents, et aujourd’ hui, je viens vérifier ce que j’ ai compris.

PK : - Quels sont pour toi les trois moments forts de ce festival ?

BF : - Tout d’ abord le concert de Juana Amaya, dont j’ai oublié le nom de famille. Je suis un peu empêtré avec les noms… J’ai même versé une petite larme. Oui, les concerts dans la tradition. Il y a un grand respect. Même dans la fête, ils restent dans le respect. Et puis le concert de guitare avec Juana la del Pipa. Il y a avait de l’humour et on voyait une histoire entre eux.

PK : - Oui, on avait l’impression que c’ était elle le chef, même si en fait c’ était le guitariste.

BF : - Lui-même avait beaucoup d’ affection pour elle, il y avait une écoute réciproque. On perçoit les mécanismes de l’émotion dans le flamenco, même s’il y a une théâtralité un peu forcée. Quand ils sont dans le domaine de la gravité, ils le poussent à l’extrême.

PK : - Qu’est-ce que tu vas faire de tes dessins ?

BF : - Je vais les donner, les jeter... les donner aux musiciens plutôt, et puis en garder quelques-uns.

Benjamin Flao a dessiné tous les jours avant le premier spectacle du soir, une « planche » d’environ 50cm sur 70cm, une petite BD sur la journée, ses rencontres flamencas accompagnées d’une letra de Soleá collectée par son compère Christophe Dabitch. Cette letra quotidienne avait la particularité d’être inscrite sur le dessin, comme une bulle de BD, traduite en français, et venant d’un artiste se produisant sur la scène du Festival 2010. La « planche » était exposée tous les soirs au point presse place Saint Roch, visible par tous, et nous avons ainsi pu profiter d’ une letra de Manuel Molina, Arcángel, Juana la del Pipa, Torombo, Bobote, etc… Christophe et Benjamin possèdent un petit carnet que beaucoup aimeraient avoir, où les artistes eux-mêmes ont écrit leur letra favorite de Soleá. Ce travail est une partie de ce que l’ on pourra voir l’année prochaine lors du festival 2011 de Mont-de-Marsan.

Benjamin qui n’ a effectivement pas cessé de croquer tout ce qu’il voyait, jusqu’ aux spectacles dans l’ ombre de la salle, a offert toute la semaine la plupart de ses dessins à tous ceux qui le lui demandaient. On a même entendu dire qu’ une serveuse du bistrot « Chez Marcel » aurait volé la nappe un certain soir…

Plus ingrate était la tâche de Christophe Dabitch qui se chargeait de « récolter » et traduire ces fameuses « letras de Soleá ». Il faut dire que les deux complices commencent à en avoir une sacrée collection ! Deux volumes de bandes dessinées sont déjà parus chez Futuropolis, tous deux intitulés « Mauvais garçons ». Les deux personnages principaux - Manolito, d’ origine française, et Benito, gitan d’ Utrera - ont une vie bien flamenca. Cette BD est inspirée de deux personnes réelles, et au tout début, Christophe Dabitch avait d’abord pensé à un film. « Mais avec la BD, c’est plus simple » dit-il, « la posture héroïque et un peu cow-boy se prêtait bien à la BD. Il a fallu comprendre l’ atmosphère et trouver comment le réel s’ interpénètre avec le chant. Ces moments où la musique arrive et où le chant explose sont fascinants ». Une des grandes difficultés a été de représenter la musique en dessin et de « faire sonner l’image ». Finalement, le fait que le scénario ne soit pas fait pour la BD a suscité une recherche d’ intensité dans le dessin. Curieuse cette BD, dont le dessinateur n’avait jamais mis les pieds en Espagne et dont le scénariste s’ est mis à collectionner les letras de Soleá comme un trésor ! « Les Soleares ressemblent à des Haïkus » dit Christophe Dabitch, « elles sont existentielles, et l’ on voit vite qu’elles ne sont pas réservées à une élite ». Effectivement, c’ est réussi. On a parfois l’impression d’ être à Utrera, dans l’ intimité du village. Les images sonnent, le mouvement de la danse est là et les quelques incongruités orthographiques que l’ on trouve ça et là dans les letras donnent un caractère authentique, comme si les chanteurs eux-mêmes les avaient écrites sur le petit carnet de Christophe… Deux volumes couleur sépia, dont le texte n’est pas là pour résoudre les problèmes du dessin, et dont le dessin n’est pas redondant avec le texte !

« Dans la BD, le chant flamenco guide l’action et l’ intensité des personnages », ajoute l’ auteur. Travail à suivre : il semblerait que Flao et Dabitch y aient pris goût. Les deux premiers tomes vont sortir en espagnol d’ ici peu, et ils semblent plutôt partants pour un troisième tome… En attendant nous sommes sûrs de les rencontrer à nouveau à Mont-de-Marsan en 2011. Et avec un peu de chance, on pourra peut-être avoir un petit dessin de Benjamin…

Première restitution de ce travail de résidence : « Tendance floue »

En se rendant au bord de la Midouze, le vendredi soir à 23h30, pour voir le spectacle, fruit de la résidence des deux photographes de « Tendance Floue », on pouvait encore s’ arrêter pour regarder la magnifique exposition de photographies « Prohibido el cante », présentée tout d’abord du 3 avril au 30 août 2009 à Séville au Centro Andaluz de Arte Contemporáneo, et visible tout au long du festival de Mont-de-Marsan au musée Despiau-Wlérick. Quelques pièces manquaient, mais les photographies exposées faisaient rapidement oublier le reste : entres autres, la Niña de la Puebla (1931), une affiche avec Lola Flores dans les rue de Barcelone (1954) photographiée par Francesc Catalá Roca, les mains de Carmen Amaya dans les années 60 par Gyenes, Juan Morilla par Ibanéz, la célèbre photo de Gille Larrain avec Potito et Changuito à la Carbonería, la non moins célèbre photo des mains de Camarón par Jean-Louis Duzert, ou encore la photo qui n’ a pas séjourné dans les rues de Séville lors la dernière biennale, mais qui fait bien partie du travail de Ruben Afanador : le portrait de Falete (et non pas la mystérieuse photo de son postérieur qui, elle, a certainement séjourné devant la cathédrale sévillane …).

Il ne fallait pas être en retard ce vendredi soir, dernier spectacle du Festival de Flamenco de Mont-de-Marsan 2010, puisque José Valencia, Eugenio Iglesias et Bobote étaient chargés de la lourde responsabilité du spectacle accompagnant le travail des photographes en résidence l’année passée. Spectacle gratuit sur les bords de la rivière, grande première du Festival : le public était nombreux au rendez-vous.

Ce spectacle a été construit à partir d’ un travail de Gilles Coulon et Mat Jacob du Collectif « Tendance Floue ». C’ est un collectif important dans le monde de la photographie, non seulement parce qu’ il a une marque d’ indépendance et de liberté très forte, mais aussi parce qu’ il a été récompensé par de nombreux prix internationaux. Mat et Gilles répondent aux questions de Lionel Niedzwiecki.

Lionel Niedzwiecki : Gilles Coulon est photographe depuis 1991. Il a réalisé plusieurs reportages, notamment en Afrique ; il a reçu un Press Photography Award, une des plus grandes distinctions en matière de photographie, pour son travail sur les peuples transhumants entre le Mali et la Mauritanie. Il a cette particularité de saisir l’esprit communautaire qui anime les peuples, en particulier en Afrique.

Mat Jacob est un des membres fondateurs du collectif « Tendance floue ». Il est photographe depuis 1989 ; il a travaillé sur de nombreux sujets qui oscillent entre les Terres lointaines et les Territoires intimes, et c’est leurs rapports qu’il interroge dans ses sujets. En matière musicale, il a notamment travaillé sur la renaissance du Tango à Buenos-Aires.

Mat et Gilles étaient en résidence l’ an passé au Festival. Ils présentent cette année l’ aboutissement de ce travail, sous deux formes : la publication d’un livre aux Editions Atlantica, « Voyage en flamenco » ; et pour la clôture du festival, une création originale, à 23h30 sur les berges de la Midouze, ouvert à tous, où ils nous projetteront des photos prises l’an passé, accompagnées au chant par José Valencia, à la guitare par Eugenio Iglesias et aux palmas par Bobote.

J’aimerais que vous nous racontiez la genèse du projet de ce livre et sa particularité, puisqu’ il n’y a pas que vos photos qui sont publiées…

Gilles Coulon : - Nous avons photographié l’ année dernière tout ce que nous avions envie de faire autour du flamenco, mais pas seulement. C’ est pour cela que nous l’ avons intitulé « Voyage en flamenco ». Nous avons d’ abord eu un ensemble d’ échanges de mails avec Mat, et finalement nous nous en sommes servi comme structure pour le livre : ce sont deux personnes qui voyagent et qui échangent autour du flamenco. Pour nous, la difficulté était de restituer cette notion de voyage et ces échanges très forts, un peu comme lorsqu’ un spectacle se termine. Il y a un sorte de souffle qui nous accompagne et on en recherche les moments d’ intensité. Ensuite nous nous sommes posé la question des textes, parce que nous avions vécu le flamenco, mais nous n’ avions pas vraiment échangé nos impressions. Nous avons fait des allers et retour de textes avec des gens que nous avons croisés ici, et au final, c’ est Rodrigo qui a écrit le texte qui vient en appui aux différentes images que nous avons pu faire ici.

LN : - Est-ce que vous avez construit le livre comme un récit ?

Mat Jacob : - Nous n’ avons pas vraiment réfléchi sur la façon dont nous allions définir le récit, puisqu’ en tant que photographes naïfs ne connaissant pas le flamenco, mais par contre professionnels du voyage, notre immersion a été spontanée, et le livre est construit sur cette découverte du flamenco. C’ est assez simple : nous nous sommes laissé portés porter, nous avons fait beaucoup de coulisses ; nous souhaitions pénétrer derrière les portes, mettre le pied dans la porte. Nous l’ avons fait très naïvement, parce qu’ on nous avait prévenus que le monde du flamenco était très particulier, très fermé : « vous allez avoir quelques difficultés ». Mais je pense que nous n’ avons eu aucune difficulté parce que nous sommes restés comme des voyageurs, ennous disant : « mettons d’ abord les pieds dans la porte, et nous verrons bien ce qu’ il va se passer ». Et nous avons eu un très bel accueil.

LN : - Est ce que vous avez senti qu’ à Mont-de-Marsan il y a une intimité entre les artistes et leur environnement ?

GC : - Bien sûr, d’ autant plus que c’est la deuxième année que nous venons. On découvre qu’il y a encore les mêmes visages, et on imagine qu’ ils étaient là avant et qu’ ils seront là les années suivantes. Je parle des artistes et des habitués du festival : on a l’ impression de se retrouver une grande famille ; tout ça dans une ambiance décontractée, très séduisante, très épanouie.

LN : - L’autre partie de votre travail est tout autre chose. Pouvez-vous nous parler de sa naissance et de son évolution ?

MJ : - C’ est quelque chose que nous pratiquons assez souvent. Nous sommes assez sensibles à ce que la photographie soit remise dans le contexte d’ événements, de rencontre avec un public. A chaque fois nous essayons d’ imaginer des possibilités de mettre en action, parce que la photographie a quelque chose d’ un peu passé, d ’un peu « à froid ». Nous avons donc essayé de remettre notre travail dans un contexte « à chaud ». Nous avons souhaité être dans le contexte du voyage. Nous jouons beaucoup avec les images : il y a trois écrans qui associent les images entre elles, comme une sorte de danse. C’ est une projection qui a été montée avec la partie improvisation des musiciens avec lesquels nous travaillons.

LN : - Comment avez-vous conçu la collaboration avec les musiciens ?

GC : - Ce qui nous intéressait, c’ était de retrouver cet aspect spontané du flamenco. Tous nos travaux avaient été accompagnés préalablement d’ un son en studio, et quand nous arrivions, tout était prêt. Malgré les difficultés techniques liées à la projection sur la Midouze, nous voulions garder ce côté « on ne sait pas où l’on va », un peu ce qu’ on peut vivre dans le flamenco. Quand on sort des spectacles, un moment dans la rue, quelqu’ un prend une guitare et commence à jouer. Il se passe quelque chose que l’ on n’ attendait pas. Nous avons voulu garder au maximum ce côté « on va découvrir ensemble », le public, les musiciens et nous. Nous avons eu un échange avec les musiciens depuis un peu plus d’ un mois, et avant-hier nous avons visionné les images avec eux. Nous avons commencé à nous caler, à proposer des choses, et aujourd’hui c’ est encore en construction, pour arriver demain soir à une réalisation aboutie.

Dans ce type de restitution, ce qui est intéressant est ce côté unique. Il y a un gros travail, pour UN moment, et on est là ou on n’ est pas là. Ça a le même caractère qu’ un spectacle : on est dans la salle ou on n’ y est pas. Le choix du lieu est important, parce que l’ année dernière nous avons beaucoup traîné en ville... Nous avons trouvé cet endroit magique, sur l’eau : il y a une circulation, un échange, qui pour nous est très symbolique par rapport au flamenco, qui est cette idée de rencontre. Les deux rivières se rencontrent et n’en font qu’une. Nous sommes passés ce matin pour voir avec la technique ; ça commence à être concret et nous commençons à être excités. J ’espère que vous le serez autant que nous.

LN : - Il ya trois écran ; ça ne doit pas être facile de trouver le rythme, le choix de la bonne photo...

GC : - Pour la première fois, nous sommes revenus au cinéma muet des origines. Nous avions des sons dans la tête. Mais ce n’ est qu’ après la construction que nous avons recommencé à écouter du flamenco. Sans savoir quelle serait la musique, puisque nous la découvrons encore. De la même façon que dans le livre nous n’ avons pas cherché à mettre en valeur certaines personnes plutôt que d’autres, ici aussi, notre naïveté nous permet ça : nous ne rentrons pas dans les codes du flamenco ; nous nous en inspirons, nous travaillons avec, mais nous ne sommes pas obligés de les respecter, nous pouvons les casser un peu. Sur la projection, nous avons beaucoup joué avec ça : un échange entre un visage, une danse, un moment plus long ou plus doux... Les images donnent un rythme, la musique donne un autre rythme qui ne sera pas exactement synchrone... C’est dans ces petits moments-là qu’ on peut avoir quelque chose de très riche.

LN : - Qu’est ce qu’il vous reste du flamenco au bout d’un an ; comment tout cela a-t’ il mûri ?

MJ : - Hors festival… J’ ai découvert un univers, un autre monde. Ça ne veut pas dire que j’ écoute du flamenco tous les jours, au contraire... Surtout que je pense que c’ est une musique tellement forte et mystérieuse que mieux vaut la vivre que l’ écouter. A vrai dire, je n’ en ai pas tellement écouté cette année, mais depuis que nous sommes ici, j’ai l’impression d’ avoir en permanence le flamenco dans un petit coin de la tête. C’ est un voyage de plus parmi mes voyages.

GC : - Ce qui m’ a troublé, c’ est que j’ ai l’ impression qu’ on se ressemble pas mal... le flamenco et la photographie… dans cette notion d’urgence à exister. Comme si ça devait s’ arrêter demain. On est un peu obsédé de faire une image de ce moment là, c’ est important ; on peut nous taper dessus pendant une heure en nous disant "arrête de faire une photo", si on a vraiment envie de la faire, on va la faire. Dans le chant et la danse, cette énergie, tout le monde la ressent. On dirait que tout va s’ arrêter demain, si eux ne dansent pas ou ne chantent pas. Mais, pour beaucoup de gens, ça paraît dérisoire, pas si important, pas si vital.

José Valencia parlait lui aussi, dans une autre conférence de presse, de ce même travail : « C’ est totalement nouveau, c’ est surprenant et émouvant. Finalement j’ ai souvent été présent à côté de l’ appareil photo quand les deux photographes travaillaient, et donc, leur donner ma voix est quelque chose d’ hallucinant ! C’ est très risqué, tout est en direct, mais c’ est gratifiant et le cadre est incomparable. Chanter à côté d’ une rivière n’ est pas commun. Il y a trois moments, restitués par le rythme et par des photos en couleur, en noir et blanc et en sépia. Nous avons fait un scénario et essayé de le respecter. Les trois écrans géants de trois mètres sont derrière moi, et je ne vois pas les images. La technique est très lourde, la table de mixage est de l’ autre côté de la rive. » « Les techniciens ont même utilisé un canoë pour régler le son », ajoute Sandrine Rabassa, la directrice artistique du Festival. "La répétition générale s’ est faire à 2h du matin", reprend José Valencia, "sans micro pour ne pas réveiller les gens qui dormaient". "Nous n’ avons finalement répété qu’ une partie pour laisser un peu de surprise. Cela ne dure que 20mn mais la difficulté est de ne pas être monotone. Il faut donc bien structurer le déroulement. Les protagonistes sont ceux qui sont sur les photos, pas nous. C’est un hommage à Mont-de-Marsan. Il vaut mieux ne jamais le refaire ailleurs, c’ est unique".

Finalement, le grand moment est arrivé. L’ air était légèrement frais en cette fin de semaine caniculaire, le léger bruit de l’eau berçait le public, et l’ installait dans une écoute du silence que la nuit venait accompagner peu à peu. Des photos se projetaient curieusement sur les murs de la Minoterie et se reflétaient partiellement dans la rivière, proposant déjà un spectacle paisible et stimulant pour l’imagination. Puis soudain, la voix de Valencia, dont la puissance légendaire se perdait parfois dans les échos de l’ eau indisciplinée, se fit entendre de l’ autre côté de la rive, et les trois écrans de 3 mètres de haut s’ illuminèrent de toutes une série de photos, dans une chorégraphie annoncée.
Le temps sembla s’ arrêter, le flamenco se fondait dans les bruits de la nature, les images dansaient seules de l’ autre côté de la rive ; l’ endroit était effectivement magique, d’ autant plus que personne n’ oubliait que nous vivions les derniers instants du Festival 2010. Mais que tout cela n’ était qu’ un « au revoir, et à l’ année prochaine »…

Manuela Papino

Photos : Jérôme Combe

Dessins : Benjamin Flao





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