mardi 7 avril 2020 par Claude Worms
Miguel Vargas : "Haciendo camino" - LP Discophon 27.035, 1982.
Diego Clavel : "A golpes de corazón" - LP Pasarela PSD 5025, 1987.
Nés entre 1942 et 1946, quatre cantaores importants - José Menese (La Puebla de Cazalla, 1942- 2016), Manuel Gerena (La Puebla de Cazalla,1945), Miguel Vargas Rubio "Miguel Vargas" (La Puebla de Cazalla,1942 - Paradas, 1997) et Diego Andrade Martagón "Diego Clavel" (La Puebla de Cazalla, 1946) - symbolisent ce que nous serions tenté d’appeler l’"école de cante de La Puebla de Cazalla". Tous partagent un même fond de répertoire, les "cantes básicos" tels que définis, de manière quelque peu arbitraire, par Ricardo Molina et Antonio Mairena - soleares, siguiriyas, tientos-tangos et tonás. A l’exception de Manuel Gerena, tous ont été parrainés par Francisco Moreno Galván, et ont chanté ses letras. Mais chacun a suivi ensuite son propre chemin, et a connu une notoriété plus ou moins durable.
Miguel Vargas, sans doute du fait de son décès précoce, est malheureusement le plus méconnu. Il apprend d’abord le cante de manière totalement autodidacte, en écoutant la radio et des disques - ce qui tendrait à prouver que ces vecteurs de transmission orale en valent bien d’autres. Révélé en 1968 par le prix de siguiriyas qu’il remporte au concours de Mairena del Alcor, il participe à diverses expériences de théâtre populaire flamenco, notamment à des spectacles écrits et réalisés par Alfonso Jiménez Romero, qui fit également appel à Diego Clavel ("Diálogo del Amargo" et "Verde que te quiro verde", d’après Federico García Lorca, sont les plus connus). Il reviendra à ce type de collaborations à la fin de sa vie, avec Mario Maya et le Centro Andaluz de Danza, ou, quelques mois avant sa mort, avec la Fundación Cristina Heeren qui produit "Lances del Arenal" pour la Biennale de Séville de 1996. Entre temps, il avait été engagé au tablao "La Zambra" de Madrid, où il se produisit pendant six ans aux côtés de Rafael Romero, Juan Varea, Pepe "el Culata" et Pericón de Cádiz.
"Haciendo camino" est son quatrième enregistrement, après un premier EP en 1969 (RCA 3-21089) et deux LPs en 1971 et 1974 (respectivement, Movieplay S-21.405 et RCA SCL 1-2227). En 1982, José Luis Postigo succède à Melchor de Marchena et Manolo Brenes pour l’accompagnement, de facture tout aussi traditionnelle. Là encore, on remarquera que ces deux derniers guitaristes étaient aussi les invités habituels de José Menese et de Diego Clavel, tant pour leurs disques que pour leurs concerts. De ses années Zambra, et surtout de Rafael Romero, Miguel Vargas est débiteur d’une sobriété de style qui le distingue de l’expressionnisme de l’école d’Antonio Mairena, et donne à ses siguiriyas et soleares une tension retenue singulière (cf. la siguiriya del Marrurro et la soleá de La Serneta - premier cante de chacune de ces séries), que l’on retrouve dans des rondeñas et des peteneras de Rafael Romero, une malagueña del Mellizo et une taranta exemplaires. Notons enfin que Miguel Vargas fut l’un des premiers cantaores à avoir ajouté aux bamberas de Pastora Pavón "Niña de los Peines" (por soleá) un chant folklorique d’Arcos de la Frontera, depuis nommé improprement "bambera de Arcos".
Nous ne reviendrons pas ici sur la biographie de Diego Clavel, que nous avons déjà traitée à l’occasion d’un article dans cette même rubrique, consacré à des extraits de ses deux premiers albums Ariola de 1973 et 1974 (cf. "Cantes vividos" / "La raíz del grito“. On pourra également se reporter à la longue interview qu’il nous avait accordée en 2009 : Entretien avec Diego Clavel (version en français) et Entrevista a Diego Clavel (version en espagnol).
Diego Clavel fur l’une des têtes d’affiche incontournables des festivals andalous des années 1970-1980, célèbre notamment par sa stupéfiante version de la siguiriya de cambio de Manuel Molina, qu’il devait répéter à chacun de se concerts - tout autre que lui y aurait laissé ses cordes vocales et/ou ses poumons. Il l’avait naturellement enregistrée dès 1973 (cf. lien ci-dessus) et y revient ici en conclusion de siguiriyas de Tomás "el Nitri". Sa longueur de souffle est tout aussi spectaculaire - et musicale - dans les bulerías por soleá, la farruca et les soleares (cf. le cante initial de Joaquín "el de la Paula"). "A golpes de corazón" succède à deux autres LPs de 1976 et 1981 (respectivement, "Encuentros", BASF Española et "Cantes y pensamientos", Columbia). Il y est accompagné par Pedro Peña et Pedro Bacán, dont c’est la première collaboration discographique avec le cantaor. Tel n’est pas le cas de Pedro Peña, présent dès son deuxième album, successivement associé à Manolo Brenes (seul guitariste pour "Cantes vividos"), Enrique de Melchor et Juan Habichuela).
La très rare (encore plus à l’époque) malagueña de Paca Aguilera donne un avant-goût d’une future anthologie, intitulée "La malagueña a través de los tiempos" (2 CDs Cambayá CD.012.F.2, 2000), qu’il avait donc préparée de longue date. Suivront quatre autres anthologies de même format, encore disponibles et que nous ne saurions trop vous recommander : "Por los rincones de Huelva (sueño cumplío" (Cambayá/Karonte BB-462, ; 2003) ; "Por Soleá" (Cambayá/Karonte KAR-712, 2005) ; "Por Levante" (Cambayá/Karonte KAR-719, 2007) ; et "¡ Y por fin, por Seguiriyas !" (Cambayá/Karonte KAR-722, 2008).
Claude Worms
Programme des disques :
"Haciendo camino" - Miguel Vargas (chant) / José Luis Postigo (guitare)
"La quiero porque la quiero" (rondeñas) / "Y verás mis penas" (siguiriya et cabal) / "El castigo" (malagueña del Mellizo) / "La luz de mis noches" (tientos) / "Cosa propia me parece" (soleares) / "Serás mi paraeña" (peteneras) / "Cuando te veo" (liviana et siguiriya de Tomás "el Nitri") / "Yo no soy menos ni más" (tangos del Piyayo) / "Ese sentir" (taranta) / "Por San Pedro hará un año" (bamberas)
"A golpes de corazón" - Diego Clavel (chant) / duo Pedro Bacán et Pedro Peña (bulerías por soleá, alegrías, farruca, tangos) / Pedro Bacán seul (tientos, malagueña) / Pedro Peña seul (soleares, siguiriyas)
"Si tengo que renegar" (bulerías por soleá) / "A mis enemigos" (tientos) / "Si llora mi corazón" (soleares) / "Ni a la cara te miraba" (malagueña de Paca Aguilera et fandango de Lucena) / "Me apresan y me llevan" (alegrías) / "Grandes tormentos" (farruca) / "Esperando yo estaba" (siguiriyas) / "Como los ríos" (tangos de Pastora Pavón "Niña de los Peines")
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