Polo ? Caña ?? Policaña ???

mercredi 16 février 2011 par Claude Worms

L’ un des rituels ponts aux ânes infligés aux impétrants aficionados est l’ identification du Polo et de la Caña... Les deux "palos" sont en effet encore actuellement très proches, et semblent avoir été plus ou moins identiques dans leur période de gestation - la seconde moitié du XIX siècle. A tel point que la tradition affirme qu’ à l’ époque de El Fillo (l’ un des pères putatifs du Polo et de la Caña), il était habituel de lier la Caña au Polo. C’ est d’ ailleurs ce que fit Pepe de la Matrona dans ses enregistrements de 1947 pour Manuel García Matos, en dépit des censeurs qui, ultérieurement, décrétèrent que c’ était là un péché majeur.

Quant à la "Policaña", nul n’ a jamais rencontré cette créature fabuleuse, sauf Enrique Morente (cf : "El pequeño reloj"), jamais à cours de facéties... Peut - être faut- il entendre par "Policaña" une référence au vieil usage de lier en une même interprétation le Polo et la Caña.

1) Antécédents

Le terme Polo apparaît, associé à des airs à danser, dès la fin du XVIII siècle, dans les "Cartas marruecas" de José Cadalso (1773). Serafín Estebanez Calderón le mentionne, comme d’ ailleurs la Caña, dans ses "Escenas andaluzas" (1847), puis Charles Davilliers dans son "Voyage en Espagne" (1862).

Les premières partitions intitulées "Polo" sont des arias de diverses oeuvres lyriques de type opéra comique ou opérette ("sainetes", "piezas en un acto", zarzuelas..). Les deux plus célèbres dates de 1804 et 1805, respectivement "Cuerpo bueno, alma divina" (de "El criado fingido") et "Polo del contrabandista" (de "El poeta calculista"). Leur auteur, Manuel García (1775 - 1832), était un célèbre ténor lyrique, compositeur et professeur de chant, dont l’ enseignement, encore tributaire du bel canto baroque, fut résumé par son fils Manuel "junior" en un traité qui resta d’ usage courant jusqu’ à la fin du XIX siècle. Le "Polo del contrabandista" fut en son temps un hit européen, popularisé par La Malibran, diva et digne fille de Manuel García. "Cuerpo bueno, alma divina" était un incontournable de toute anthologie d’ "airs nationaux", ou "andalous" : on en trouve des transcriptions pour piano et voix, par exemple, dans "Flores de España. Album de cantos y aires populares para piano, con letra" (Isidoro Hernández - Pablo Martín Editor, Madrid, 1883), ou dans "Cantos españoles. Colección de aires nacionales y populares" (Eduardo Ocón - Málaga -Leipzig, 1874). D’ autres compositions du même genre se succèderont dans la première moitié du XIX siècle, par exemple dans "La noticia feliz" de Ramón Carnicer (1823). Inutile d’ analyser les partitions pour se convaincre que ces Polos n’ ont rien à voir avec le Polo flamenco que nous connaissons. Il vous suffira d’ écoutez les deux exemples sonores reproduits ci - dessous. De même, le logo du présent article, une gravure intitulée "El baile del Polo", n’ évoque pas vraiment notre actuel baile flamenco.

On peut certes y déceler ça et là des velléités d’ hémioles implicites (alternance binaire / ternaire suggérée par la carrure harmonique), et de nombreuses cadences andalouses. Mais ce sont là des caractéristiques récurrentes de la musique populaire ibérique, de la Folia de la Renaissance au Fandango galant ou classique, en passant par les Jácaras baroques, qui ne sauraient suffire à établir une quelconque parenté entre ces Polos romantiques et le Polo flamenco. Pour nous en tenir aux aspects harmoniques, tous ces Polos restent résolument tonaux, en général en mineur (Ré mineur très fréquent), voire en majeur : le Polo attribué à Francisco de Borja Tapia, compilé par Eduardo Ocón (opus cité) est en Fa Majeur. Dans tous les cas, la cadence andalouse reste une cadence à la dominante, et l’ on n’ y trouve pas trace du mode flamenco, ni de la structure bimodale, du futur Polo flamenco (cf : ci-dessous).

Polo / Manuel García
Caña / Isidoro Hernández

"Cuerpo bueno, alma divina" (Polo de "El criado fingido")

Manuel García - 1804

Ernesto Palacio (ténor) / José Chuquisengo (piano)

Extrait de "Manuel García : Canciones para tenor" - CD Almaviva / Junta de Andalucia DS 0114, collection "Documentos sonoros del Patrimonio Muusical de Andalucia", 1998

"Caña" ((extrait de "Flores de España)

Isidoro Hernández - 1883

Susana Casas (soprano) / Aníbal Soriano (guitare romantique)

Extrait du CD accompagnant l’ ouvrage de Antonio et David Hurtado, "La llave de la música flamenca" - Signatura Ediciones, Séville, 2009

La même remarque vaut pour les Cañas, nettement moins nombreuses, dont nous avons aussi des partitions : notamment la Caña du recueil d’ Isidoro Hernández (n° 3 de "Flores de España" - opus cité) ; ou "La Caña y Bolero a dúo", figurant dans un recueil co-signé par José Melchor Gomis et Pablo del Moral ("Regalo lírico. Colección de Boleras, Seguidillas, Tiranas y demás canciones españolas. Por los mejores autores de esta nación" - Pacini, Paris, entre 1819 et 1846) ; ou encore la composition de A. Moreno : "La Caña. Canción andaluza con acompañiamiento de piano" - Cansino Martín Editor, Madrid, 1883. Une partie du texte de cette dernière nous donne peut être l’ origine de la dénomination de ce cante : "Caña dulce / De mi dulce caña / Que tarde o nunca las pierde / El que tuvo malas mañas".

Parallèlement, la presse andalouse se fait l’ écho d’ un autre genre de Polos populaires, et, moins souvent, de Cañas populaires, qui préfigurent sans doute le Polo et la Caña flamencos. Nous nous en tiendrons à quelques exemples tirés du précieux blog de Faustino Nuñez, "El afinador de noticias" (cf : bibliographie) :

_ 21 novembre 1812 : le quotidien "El Conciso" (Cádiz) publie le texte d’ un "Polo con Jaleos", qui relate la situation politique et militaire : les Cortés de Cádiz et la guerre contre les français... L’ association au Jaleos, et les textes d’ actualité, suggèrent fortement un caractère populaire et festif, dans la lignée des chansons du carnaval gaditan.

_ Juillet 1824 : le quotidien El Mercantil (Cádiz) annonce que Manuel Bernal (chanteur et guitariste) interprétera le Polo de Tobalo. Le même artiste, toujours à Cádiz, chantera le Polo de Ronda et le Polo de Cádiz en 1826, puis le Polo de Jerez en 1827.

_ En 1826, Antonio López (peut - être en fait Antonio Monge, "El Tío Carando), chante au Teatro del Balón (Cádiz) le Polo de Ronda et le Polo de Cádiz. Six mois plus tard, il présente le Polo de Jerez au n° 10, calle Compañía (Cádiz).

_ En 1846, le futur grand créateur de Soleares de Cádiz, Paquirri El Guanter, chante (et accompagne à la guitare) les chansons "El Currillo" et "Los boquerones", et le Polo (il n’ a alors que dix ans...). L’ année suivante, au Teatro Principal de Cádiz, il interprète le Jaleo de la Gariana et le Polo andaluz.

_ 19 septembre 1849 : El Comercio, quotidien gaditan, annonce la pièce en un acte "La cigarrera de Cádiz". José Vergara (chanteur et guitariste) y interprétera la Caña de Pepe Paradas, le Polo de los pregones, des Seguidillas gitanas (Siguiriyas ?) et les Mollares sevillanas.

_ 3 septembre 1853 : El Nacional, quotidien de Cádiz, annonce une représentation de la "Escena española" "El Majo de Rumbo", au cours de laquelle le "ténor flamenco" Belart chantera le Polo de Muñoz, la Caña, la Rondeña, et la Soledad.

_ 29 juillet 1864 : El Comercio annonce un concert de Silverio Franconetti (le premier que nous connaissions après son retour de Montevideo), au Circo Nuevo Gaditano. Accompagné par José Patiño "Maestro Patiño", il interprétera des Seguidillas, des Cañas y Polos, le Polo de Tobalo et la Rondeña del Negro.

_ juin 1869 : A Cádiz, Teodoro Guerrero "El Quiqui" chante le Polo de Tobalo, des Cañas, la Rondeña del Negro, et "por alegre" - Alegrías, accompagné par José Patiño. Au même programme, les cantaores Manuel Vives et Manuel Monge, et les bailaores Vicente El Colorado et El Raspador.

Toutes ces archives sont sans doute autant de traces de la gestation du "Polo agitanado", dont la première mention apparaît en 1779 dans le poème "La Quincaida", de Gaspar de Moría de Nava Álvarez, comte de Noroña : il le qualifie de "quejumbroso Polo agitanado". Nous ne savons rien des caractéristiques musicales de ce Polo, mais le blog de Faustino Nuñez suggère quelques hypothèses. D’ abord, l’ importance de Cádiz comme creuset de genres musicaux populaires. D’ autre part, le fait que le terme Polo désigne sans doute à l’ époque toutes sortes d’ airs à danser, tout comme le terme Jaleo (l’ écriture quasi systématique en 3/8 des Polos "romantiques" indique d’ ailleurs elle aussi un tempo rapide). Polo et Jaleo sont souvent associés (on parle aussi à l’ époque de Jaleo del Polo), et Faustino Nuñez recense plus d’ une cinquantaine de Jaleos, seulement pour Cádiz, entre 1800 et 1860. Les multiples Polos sont identifiés soit par leur lieu d’ origine supposé, soit par leur auteur (Tobalo semble bien être le premier en date, ou en tout cas le plus célèbre).
Enfin, la plupart de ces interprétations font partie de représentations d’ oeuvres théâtrales et / ou lyriques, ou font office d’ intermèdes entre elles (c’ est le cas, par exemple, pour Silverio Franconetti).

Polo, Caña, et Soleá ("Soledad") sont souvent associés : Silverio chante des Cañas y Polos (notez le pluriel), mais le Polo de Tobalo semble être nettement dissocié du reste du répertoire (c’ est le cas pour le programme de Silverio Franconetti). Le pluriel indique peut être des airs à danser de type Jaleo, et, dans ce cas, le Polo de Tobalo serait plus nettement différencié - le premier maillon d’ une chaîne qui aboutirait à notre "Polo natural". De même, Juan Cansino intitule "Soledá. Polo gitano" la dernière pièce (n° 13) de sa suite "La joya de Andalucia. Mísclaneas de aires característicos para piano" (Carrafa y Sanz Hermanos, Madrid, 1865). La liste de ces "Míscelaneas" est d’ ailleurs révélatrice du répertoire "flamenco" de l’ époque : Polo (différent, donc, du Polo gitano "Soledá" / Bolero / Vito / Jaleo / Caña / Ole / Fandango / Rondeña / Malagueña / Granadina / Tirana / "Soledá". Polo gitano.

La Caña est souvent aussi désignée Playera : Manuel Fernández Grajal publie une réduction pour piano de la "Playera o Caña" dans son "Album de aires populares de España puestos para piano" (D. Antonio Romero Editor, Madrid, 1866). De même, dans sa Playera pour violon et piano (opus 23, n° 1), Pablo de Sarasate utilise la version de la Caña d’ Isidoro Fernández (opus cité), à peine modifiée, comme second thème. Rien d’ étonnant : le cantaor Pepe de La Matrona, généralement bien informé, nous avait indiqué lors d’ une interview que, dans sa jeunesse, le terme Playera désignait n’ importe quel chant flamenco.

Les partitions de la seconde moitié du XIX siècle utilisent de plus en plus fréquemment l’ adjectif "gitan" pour désigner des transcriptions (plus ou moins fidèles) du répertoire flamenco naissant : "Soleá gitana" (Isidoro Hernández - "Flores de España" ; "Polo gitano o flamenco" - notez la synonymie (Eduardo Ocón - "Cantos españoles") ; "Seguidillas gitanas" (M. S. Fuertes - " La gitanilla de Madrid") ; "La Soledá. Polo gitano" (Juan Cansino - La joya de Andalucia") ; "Seguidillas gitanas. Arregladas para canto y piano)" (Ramón Sezac - 1880) ; "Farruca gitana", "Gitana (Tango)"et "Soleares gitanas" (Modesto y Vicente Romero - Colección de cantos y bailes populares españoles. Para piano y canto y piano" - Ildefonso Añer Editor, Madrid, cerca 1909).

Progressivement, apparaissent dans ces arrangements des traits qui évoquent, avec des moyens pianistiques, les falsetas des premiers guitaristes figurant dans la discographie flamenca. Et certains guitaristes compositeurs "éclectiques" composent au même moment des pièces stylisant le jeu des tocaores. Pour le thème de cet article, nous nous limiterons à Juan Parga, qui utilisera à deux reprises le Polo, dans des versions très proches des premiers enregistrements "flamencos" ("Polo gitano y Panaderos", opus 2 - les Panaderos évoquant d’ ailleurs la future version de la "Rosa" de Ramón Montoya / "Polo y Soleá", opus 4 - notez, à nouveau, l’ association de Polo à la Soleá) ; et Oscar de la Cinna, qui inclut un "Polo sevillano" dans ses "Brisas de España".

Polo gitano y Panaderos

Juan Parga (1843 - 1899) : "Polo gitano y Panaderos", opus 2

Guitare : Juan Francisco Ortiz

CD Plectrum PL 029

Tentons une hypothèse... Les multiples Polos peuvent, pour partie, être des adaptations andalouses d’ airs à danser d’ Amérique latine, importés par Cádiz, comme tant d’ autres : il existe, par exemple, un Polo vénézuélien. La parenté de la structure harmonique bimodale du Polo avec celle des Fandangos et autres Seguidillas (cf : ci - dessous) suggère des "fusions" entre folklores andalous et latino - américains. Singulièrement, le début de la mélodie de ce que nous connaissons actuellement comme "Polo natural"(de El Fillo ?) est très proche de celui du cante por Rondeña. Selon la tradition, Tobalo serait précisément originaire de Ronda : l’ un des Polos les plus célèbres du milieu du XIX siècle pourrait donc correspondre à ce scénario. Cependant, la seule version enregistrée du Polo de Tobalo (Pepe de La Matrona) ne correspond précisément pas à la caractéristique essentielle des Fandangos, dont la Rondeña : la modulation initiale du mode flamenco de Mi vers la tonalité relative majeure, Do Majeur (par une cadence intermédiaire V - I : G7 - C) - cf : ci -dessous.

Le caractère répétitif et plutôt fruste du Polo de Tobalo (cf : ci - dessous) semble le désigner comme le tronc commun d’ un long processus de développements et réaménagements successifs, qui aurait pu engendrer aussi bien le "Polo natural" que la (les ?) Caña, ce qui expliquerait leur association tout au long de la seconde moitié du XIX siècle. On ne trouve en effet pas trace, dans le Polo de Tobalo, de la montée au troisième degré du "Ay" qui fait fonction d’ estribillo, caractéristique du "Polo natural", mais inexistant dans la Caña (cf : ci - dessous).

On peut donc supposer qu’ une longue liste de cantaores ont apporté leur touche personnelle, et ont fait évoluer le Polo de Tobalo vers des formes plus complexes. La tradition assigne effectivement tour à tour leur paternité à divers compositeurs :

_ El Fillo pour le "Polo natural".

_ El Fillo, Curro Paula ou Pabla (le frère de El Fillo), Tío José El Granaíno et Curro Dulce pour la Caña (ce qui confirme la filière gaditane).

On remarquera que la longue liste des (re)créateurs de la Caña implique une élaboration beaucoup plus complexe que pour le Polo, ce que confirme l’ analyse musicale (cf : ci - dessous).

Pepe de La Matrona / Jacinto Almaden

Enfin, quelques compositeurs majeurs auraient pu opérer des synthèses successives de ces différents apports : Silverio Franconetti d’ abord, puis Antonio Chacón. Ni l’ un, ni l’ autre, n’ ont jamais enregisré le Polo ni la Caña (ce qui peut surprendre pour Antonio Chacón, titulaire d’ une abondante discographie), mais on peut considérer que Pepe de La Matrona est un fidèle transmetteur du répertoire de Chacón (dans une moindre mesure, Jacinto Almaden est aussi une source fiable, pour le Polo).

Enfin, dernière "réforme" en date : en 1935, Pedro del Valle "Perico el del Lunar" et Genaro Monreal publient aux éditions "El momento musical’ (appartenant à Monreal) un arrangement pour piano de la Caña. Gageons qu’ il s’ agit d’ une version pour piano, réalisée par le Maestro Monreal, de l’ accompagnement et des falsetas de Perico el del Lunar. L’ oeuvre a été réalisée pour Carmen Amaya, qui en crée la chorégraphie au théâtre Coliseum de Madrid (1935). L’ arrangement pour la danse implique une clarification (et une simplification) des différentes phases du chant, et notamment des césures entre les estribillos ("Ay") et les différentes périodes de la ligne mélodique ("tercios"), qui n’ existaient pas dans les rares versions enregistrées antérieurement (El Tenazas de Morón, et Cayetano Muriel "Niño de Cabra"). C’ est cet arrangement qui est devenu le modèle actuel : Perico el del Lunar l’ a enseigné à Rafael Romero, dont les multiples (et remarquables) interprétations feront école à partir de l’ anthologie Hispavox / Ducretet Thomson de 1954.

Poussons l’ hypothèse un peu plus avant : certaines Soleares de Triana pourraient être des compositions issues du Polo, travaillées dans une direction de plus en plus modale : la modulation du mode flamenco de Mi ("por arriba") vers la tonalité majeure relative (Do Majeur, par une cadence V - I : G7 - C), caractéristique du "Polo natural" (cf : ci - dessous), aurait été remplacée par une première période sur les quatre premiers degrés du mode flamenco, avec une brève modulation implicite vers la tonalité relative mineure, La mineur (E7 - Am - (G) - F - E). ll est dès lors logique que le remate traditionnel du Polo (et de la Caña) soit une Soleá de Triana (Soleá "apolá", ou autre).

Il y aurait là une piste intéressante sur l’ évolution mélodico - harmonique de quelques formes fondamentales du cante : de la tonalité à la modalité, et non l’ inverse. On peut à ce propos remarquer que la chronologie traditionnelle des Siguiriyas suggère un parcours similaire : de la Siguiriya del Planeta, en tonalité de La Majeur (E7 - A) aux Siguiriyas "modernes" de Jerez (El Marruro, Joaquín La Cherna...), intégralement modales - mode flamenco de La (Bb - A, ou Bb - C79 - Bb - A) ; en passant par les diverses Cabales (tonales : (D) - E7 - A ; ou alternant périodes tonales et périodes modales homonymes : E7 - A + Bb - A) ; et les Siguiriyas de El Nitri, Curro Dulce ou Manuel Molina, dont certaines périodes concluent sur le relatif mineur (Dm) ou le relatif majeur (F) du mode flamenco de La ("por medio").

2) Caractères musicaux du Polo et de la Caña

A) Les transcriptions de Rafael Marín

La troisième partie de la méthode de guitare de Rafael Marín ("Método de guitarra por música y cifra"), publiée en 1902, est consacrée à des transcriptions d’ accompagnements de danses et de chants. Sur les douze cantes proposés, quatre concernent notre sujet : Polo de Tobalo, Polo del Fillo, Caña del Fillo et Caña de Curro Paula (autres cantes : Granadina, Malagueña, Fandango, Tango (Tientos), Soleares, Petenera, Sevillana et Serrana). Un quart du sommaire : Polos et Cañas semblent être des formes majeures de l’ époque.

La mention "Paseo" indique une courte transition de la guitare, en général sur un compás de Soleá, soit entre le "temple" initial et le cante, soit entre les périodes du cante.

On ne trouve malheureusement pas de transcriptions des lignes mélodiques, peut - être parce qu’ elles sont supposées connues des éventuels acquéreurs. Une imprécision de vocabulaire technique ne nous facilite pas non plus la tâche : la partie antérieure au cante proprement dit est nommée tour à tour "introducción", "salida" ou "entrada". On peut donc y voir, soit une introduction instrumentale, soit l’ accompagnement du "temple" introductif. Nous penchons personnellement pour la seconde hypothèse, tant la parenté avec l’ accompagnement du cante est grande. Nous pouvons cependant tirer quelques enseignements de ces transcriptions :

_ D’ abord, la similitude de la structure harmonique des quatre cantes. Pas de modulation interne vers la tonalité de La mineur, et un même caractère bimodal, qui évoque les Fandangos : modulation immédiate vers la tonalité relative majeure (Do Majeur), par une séquence V - I (G7 - C), aussi bien dans les cantes que dans les "temples". Seule la Caña de Curro Paula fait légèrement exception : la modulation vers la tonalité de Do Majeur est effectuée par une séquence E - F - C. Il faut sans doute y voir la conséquence d’ une singularité de la ligne mélodique. Le retour au mode flamenco relatif (mode de Mi flamenco) se fait, en général à partir d’ un accord de C, sur tout ou partie d’ une cadence III - II - I (G - F - E ).

_ Les différentes périodes du cante développent le même type de schéma harmonique bimodal, avec de forts appuis sur l’ accord de tonique (C - réitéré en général par une séquence C - F - G - C), et sur l’ accord de dominante ( G - abordé par une séquence C - G - D7 - G, puis réitéré par une séquence D7 - G). Après une pause sur l’ accord de G (seul passage réalisé en rasgueados), on revient au mode flamenco de Mi par une séquence de matrice G - F - E, plus ou moins longue et variée (de dominante de la tonalité de Do Majeur, l’ accord de G devient troisième degré du mode flamenco).

_ Tous les accompagnements sont construits sur des medios compases de 6 temps : accentuations correspondantes à celles des temps 7 à 12 de la Soleá
- (8), 10 et 12, équivalents à (2), 4 et 6. La plupart sont réalisés par des lignes mélodiques dans les basses (ou par des trémolos) sur les trois premiers temps, suggérant les accords de passage, et conduisant à un "cierre" (pause harmonique) sur l’ accord principal aux temps 4 à 6. Les mêmes modules sont répétés à l’ identique pour les quatre accompagnements. On les retrouve aussi dans les accompagnements des plus anciennes Soleares enregistrées. Le medio compás D7 - G en barré III restera un classique d’ l’ accompagnement du Polo et de la Caña. Par contre, sa transposition au ton inférieur en barré I (C7 - F), elle aussi courante par la suite, n’ apparaît pas encore dans les transcriptions de Rafael Marín. L’ accompagnement à medio - compás restera une caractéristique du Polo et de la Caña, notamment pour les "ayes" qui font fonction d’ estribillos dans les versions postérieures.

_ Les rasgueados ne sont jamais utilisés, sauf pour souligner, dans les quatre cantes, la pause sur l’ accord de G qui marque le noeud entre partie tonale (Do Majeur) et partie modale (mode flamenco de Mi). La tradition en fera une règle impérative (même si elle est de moins en moins respectée actuellement...), et Ramón Montoya l’ appliquera à la lettre dans l’ un des rares solos enregistrés intitulés "Caña" (séances pour Gramófono, entre 1928 et 1933).

Notons pour finir deux absences :

_ Rien, dans les structures harmoniques des quatre accompagnements, n’ évoque les futurs "Ay - estribillos", au moins dans leur configuration classique depuis les enregistrements de Pepe de la Matrona, Jacinto Almaden et Rafael Romero.

_ On ne voit pas non plus se profiler dans ces transcriptions la future structure de la Caña.

NB : Les transcriptions de Rafael Marín sont accompagnées de quelques avertissements au lecteur. A propos des Polos et Cañas (pages 178 et 179) :

_ 249 : Le Polo del Fillo, la Caña del Fillo et le Polo de Tobalo ont une durée fixe, et l’ accompagnateur devra donc jouer seulement ce qui est écrit pour l’ accompagnement de chacun de ces chants. Leur compás est identique à celui de la Soleá, mais leur tempo est plus lent. Pendant que le chanteur se prépare à exécuter le "temple" et la "salida", l’ accompagnateur joue "por Soleá".

_ 250 : Je considère que la Caña de Curro Paula est plus difficile que les autres, pour qui n’ est pas habitué à accompagner ces chants ; sa structure étant libre, le chanteur interprète les tercios à sa guise et avec la durée qu’ il juge convenable, l’ accompagnateur se limitant à être attentif aux changements de tercios.

_ 255 : Pour la Caña de Curro Paula, j’ ai écrit une croix entre deux mesures. Elles doivent être répétées jusqu’ à ce que le cantaor change de tercio (NDT : il s’ agit du medio compás G7 - C).

Il semble donc que seule la Caña de Curro Paula offrait déjà la flexibilité de phrasé propre au cante flamenco. Les trois autres restaient plutôt de type chanson populaire : des mélodies verrouillées quant à leurs durées et à leurs lignes mélodiques, susceptibles tout au plus de variations ornementales.

Accompagnements / Polos et Cañas / Selon Rafael Marín
Medios compases / Réalisations selon Rafael Marín

B) Le Polo de Tobalo

Les seules versions enregistrées dont nous disposions, intitulées clairement "Polo de Tobalo", sont celles de Pepe de La Matrona (1947 et 1970). Le texte est un fragment du Romance del Conde Sol : "Tu eres el diablo, romera / Que me viene a tentar / Yo no soy el diablo, romero / Soy tu mujer natural".

Surprise... Cette version ne ressemble en rien à l’ accompagnement proposé par Rafael Marín, sauf pour son caractère répétitif et le mode de référence, Mi flamenco. Les deux auteurs étant également bien informés, le mystère reste entier...

_ Nous ne trouvons aucune modulation vers la tonalité de Do Majeur, mais, par contre, une nette modulation vers la tonalité relative mineure, La mineur, qui intervient à la fin du premier compás de la première période du cante (séquence F - E7 - Am), et est maintenue jusqu’ à la fin de la ligne vocale, la guitare assurant seule le retour au mode flamenco de Mi. La deuxième période reprend un schéma identique, sur une ligne mélodique très proche. Ces deux premières périodes apparenteraient le Polo de Tobalo à certaines Soleares "cortas", plutôt qu’ aux autres Polos et Cañas.

_ La troisième période fait apparaître un "ay - estribillo" qui n’ existait pas dans la version de Rafael Marín. Les medios compases qui le constituent concluent sur les deux premiers degrés du mode (F et E), ce qui ne sera pas le cas dans la version du "Polo natural" que nous connaissons actuellement. De même, la première partie de cet estribillo du Polo et de la Caña actuels sont omis (cf : ci - dessous).

_ Enfin, l’ accompagnement est ici réalisé en rasgueados, sauf pour la troisième période.

NB : La deuxième partie du cante est identique à celle que nous avons transcrite, sur une durée légèrement plus courte. Pour la deuxième période, une partie de l’ accompagnement est inaudible. Nous en avons reconstitué l’ harmonie en fonction du chant.

Il semble donc que ce Polo de Tobalo par Pepe de La Matrona soit un Polo primitif "fossilisé", qui aurait pu servir de point de départ aussi bien à certaines Soleares qu’ au "Polo natural", ou à la Caña (le "Ay - estribillo", limité aux deux premiers degrés du mode quant ses résolutions harmoniques, est identique à celui de la Caña). C’ est peut - être pour cette raison que le cantaor l’ interprète isolément, alors qu’ il chante consécutivement le "Polo natural" et la Caña.

Polo de Tobalo / 1
Polo de Tobalo / 2
Polo de Tobalo

Polo de Tobalo : Pepe de La Matrona (guitare : Manolo El Sevillano) - 1947

C) Le "Polo natural" (de El Fillo ? )

Le modèle actuel du "Polo natural" correspond aux versions de Rafael Romero et de Jacinto Almaden. Nous retrouvons ici, pour les trois premières périodes, la structure du Polo de El Fillo, telle qu’ elle apparaît dans la version de Rafael Marín :

_ Modulation initiale vers la tonalité relative majeure (Do Majeur)

_ Insistance (ici prolongée) sur l’ accord de dominante, G (medios compases D7 - G)

_ Retour au mode flamenco de Mi par une séquence III - II - I (G - F - E)

_ Répétition de ce shéma pour la deuxième partie du cante.

Par contre, le "Ay - estribillo" (quatrième période), est nouveau :

_ Premier medio compás : || E / F / G | F / E . ||. Obervons que la carrure harmonique est binaire, avec arrêt sur le temps 5, comme pour l’ accompagnement des Fandangos de Huelva, ou encore pour les transitions instrumentales entre les différentes phases des Sevillanas.

_ Deuxième medio compás : || E / F / D | G ||

_ Troisième medio compás : || G / D7 / D7 | F ||

_ Quatrième medio compás : || F / C7 / C7 | F ||

_ Cinquième medio compás : || Am / G / F | E ||

Chaque medio compás, sauf le dernier, peut être répété (en cas de répétition, le cierre du troisième se fait sur l’ accord de G). Observons que la carrure harmonique des quatre derniers est ternaire, comme celle de l’ accompagnement des Fandangos "abandolaos". Nous retrouvons ici la parenté entre Polo et Fandangos (nous ferons la même constatation pour la Caña) : le "Ay - estribillo" du Polo peut être analysé comme un "collage" des carrures harmoniques des accompagnements des Fandangos de huelva et des Fandangos "abandolaos".

Rafael Romero avec Felix de Utrera / Andrés Heredia

Andrés Heredia, qui accompagne Rafael Romero, est le fils d’ Andrés Heredia Pacheco "El Bizco" (1900, Linares - 1966, Madrid) lui - même guitariste, et, avec Perico el del Lunar, l’ un des meilleurs connaisseurs de la Caña et du Polo.

Polo natural / 1
Polo natural / 2
Polo / Falsetas / 1
Polo / Falsetas / 2
Polo / Falsetas / 3
Polo natural et Soleá de Ramón el Ollero / Rafael Romero

Polo natural et Soleá de Ramón el Ollero : Rafael Romero (guitare : Andrés Heredia / baile : Rafael Heredia) - 1955

Nous ne disposons que de deux enregistrements anciens du Polo, par La Rubia de Málaga en 1910, et par El Mochuelo (antérieur de quelques années). Les deux versions sont relativement identiques. Rien d’ étonnant, puisque La Rubia était une disciple d’ El Mochuelo (ils ont souvent enregistré en duo).

Le cante de La Rubia est une sorte d’ amalgame du Polo de Tobalo et du "Polo natural". Après le "temple", la première période module vers la tonalité relative mineure (La mineur), comme le Polo de Tobalo, version Pepe de La Matrona. Après un "paseo" de guitare, la deuxième période monte rapidement vers l’ accord de G. Puis la guitare scande, seule, trois medios compases sur une séquence D7 - G, reprise une fois sur le chant, avant que la troisième période n’ amorce le retour au mode flamenco de Mi, par une séquence G - C - F - E. Le "Ay - estribillo" - quatrième période - est lié à la précédente (contrairement au modèle actuel), et sa ligne mélodique est beaucoup moins définie harmoniquement qu’ actuellement (le guitariste passe par un accord de C, puis esquisse une ligne de basses ambiguë évoluant entre accords de C (notes Mi - Do - Mi) et de F (notes Fa - Do - Fa).

Une dernière remarque : pour les "paseos" de guitare, la séquence harmonique sur les trois premiers temps du compás est E - E7 - Am, et non E - E7 - F, comme ce sera ensuite l’ usage jusqu’ à nos actuelles "llamadas". Le remplacement progressif de IM - IVm par IM - IIM indique, là encore, une évolution du tonal vers le modal dans les harmonisations de guitare. De même, pour les formes en mode de La flamenco, ou "por medio" (Siguiriyas et Soleares, "por Bulería" ou non), les guitaristes ont longtemps joué IM - IVm, A - Dm, avant d’ opter définitivement pour IM - IIM, A - Bb (c’ est encore le cas de Niño Ricardo dans certains de ses enregistrements des années 1930).

Il est possible que cet enregistrement reflète les multiples expérimentations de l’ époque. Dans ce cas, en l’ absence de jalons intermédiaires, il faudrait créditer Antonio Chacón de la configuration définitive du Polo, transmise par Perico el del Lunar, qui fut son dernier guitariste. Hypothèse probable : le souci de la cohérence et de la clarté dans la définition mélodique des formes est la principale caractéristique de ses compositions (cf : ses Malagueñas, Tarantas, Cartageneras, Tangos - Tientos...)

Polo / Rubia de Málaga

Polo : La Rubia de Málaga (guitare : Joaquín "Hijo del Ciego") - 1910

D) La Caña

Les versions de Rafael Romero et Perico el del Lunar se sont imposées comme le modèle définitif de la Caña.

Il s’ agit d’ une composition de grande ampleur, qui utilise le "Ay - estribillo" comme élément structurant de quatre parties dessinant une forme A / B / B’ / C.

La partie A ("Entrada") module vers la tonalité majeure relative (Do Majeur), puis revient au mode flamenco de Mi, comme le "Polo natural". Mais ces deux premières périodes concluent sur un premier exposé du "Ay - estribillo" (troisième période). Cet "estribillo" reprend le "collage" du Polo (Fandango de Huelva / Fandango "abandolao") quant à sa carrure harmonique, mais ses medios compases ternaires restent centrés sur le deuxième degré (C7 - F), sans monter au troisième degré (ce qui est le cas pour le Polo).

Les parties B et B’ (cante A et cante B, variante du précédent) sont une élaboration mélodique raffinée du schéma du Polo que nous venons d’ analyser à propos du cante de La Rubia d Málaga : première modulation vers la tonalité relative mineure (La mineur), puis montée vers le troisième degré, G (avec un mouvement mélodique insistant sur la séquence D7 - G), et retour au mode flamenco de Mi par une cadence III - II - I (G - F - E). Ce vaste arc mélodique conduit à une reprise conclusive du "Ay - estribillo".

La partie C (cante C) est un condensé magistral de tout ce qui précède, une sorte de réexposition des thèmes de la composition. La première période reprend la modulation vers la tonalité relative majeure de la section A, mais reste en suspension mélodique sur la dominante (G). La deuxième période revient au mode flamenco de Mi, mais par une modulation intermédiaire vers la tonalité relative mineure (cadence V - I : E7 - Am), puis annonce la reprise du "Ay - estribillo" par un compás insistant sur les deux premiers degrés du mode (F / E). Suit une idée mélodique proprement géniale : la mélodie, sur le souffle, développe le compás E / F précédant, en mouvement ascendant, sur une séquence E - F - G - C - F, qui assure le lien avec la reprise conclusive des medios compases ternaires du "Ay - estribillo", lointain écho de celui du Polo de Tobalo, version Pepe de La Matrona ( || F / C7 / C7 | F || Am / G / F | E||).

Caña / 1
Caña / 2
Caña / 3
Caña / 4
Caña / 5
Caña / Falseta
Caña / Rafael Romero

Caña : Rafael Romero (guitare : Perico el del Lunar) - 1959

El Tenazas de Morón / Cayetano Muriel "Niño de Cabra"

En somme, cette Caña est une magnifique synthèse de la totalité des structures mélodico - harmoniques des cantes antérieurs. Nous retrouvons le même plan d’ ensemble dans la Caña enregistrée en 1929 par Cayetano Muiel "Niño de Cabra", à l’ exception, pour la partie C, de la séquence E - F - G - C - F conduisant à la reprise de la partie ternaire du "Ay - estribillo". La seule version enregistrée antérieure, par El Tenazas de Morón, en 1922, apparaît nettement moins complexe (nous vous épargnerons son analyse, l’ audition suffira...)

Caña / El Tenazas de Morón
Caña et Soleá de Ribalta / Cayetano Muriel

Caña : El Tenazas de Morón (guitare : Hijo de Salvador) - 1922

Caña et Soleá de Ribalta : Niño de Cabra "Cayetano Muriel" (guitare : Ramón Montoya) - 1929

La généalogie de notre Caña actuelle pourrait donc être la suivante :

_ Une première composition de Silverio Franconetti, correspondant plus ou moins à celle d’ El Tenazas, vainqueur du Concours de Grenade de 1922 (d’ où ses enregistrements), qui affirmait avoir été son disciple (facultés vocales en moins, cependant...)

_ Une deuxième composition, beaucoup plus aboutie, d’ Antonio Chacón : sans doute l’ un de ses chefs d’ oeuvre. La remarquable interprétation de Cayetano Muriel devrait lui être fidèle, compte tenu de son excellente technique vocale, et de sa proximité esthétique et professionnelle avec Chacón.

_ Une dernière composition, remaniant la partie C, avec un mouvement mélodique de grande ampleur unissant la dernière période à la reprise tronquée du "Ay - estribillo" : Perico el del Lunar et Rafael Romero.

PS A qui voudrait écouter des versions plus récentes, nous conseillerons les enregistrements de Fosforito, Naranjito de Triana et Enrique Morente, ce dernier étant le seul à avoir apporté à la Caña quelques variantes innovantes de qualité (cf : notre récent hommage).

Claude Worms

Bibliographie

Pedro Callealta Barroso : "A propósito de la Playera de Sarasate" - Revista Mina III, Conservatorio Manuel de Falla, Cádiz, 2010

Mina III

José Manuel Gamboa : Rafael Romero ¡Cantes de época !... y el nacimiento del microsurco flamenco en España" - El Flamenco Vive, Madrid, 2010

José Miguel Hernández Jaramillo : "La música preflamenca" - Junta de Andalucia, Séville, 2002

Antonio et David Hurtado Torres : "La llave de la música flamenca" - Signatura Ediciones, Séville, 2009

Faustino Nuñez : "El Afinador de noticias" (blog)

El afinador de noticias


Polo / Manuel García
Caña / Isidoro Hernández
Polo gitano y Panaderos
Polo de Tobalo
Polo natural et Soleá de Ramón el Ollero / Rafael Romero
Polo / Rubia de Málaga
Caña / Rafael Romero
Caña / El Tenazas de Morón
Caña et Soleá de Ribalta / Cayetano Muriel
Accompagnements / Polos et Cañas / Selon Rafael Marín




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