dimanche 1er décembre 2019 par Claude Worms
Dans nos critiques de disques et de concerts, il nous arrive fréquemment de faire allusion à tel ou tel cante attribué à un chanteur-compositeur. De nombreux lectrices et lecteurs nous ont suggéré d’en publier une anthologie. Nous nous attelons donc à cette tâche interminable, en plusieurs parties.
Dessin : Miguel Alcalá
INTRODUCTION
Le flamenco a longtemps été, et reste pour une large part, un art de tradition orale. Pour le cante, la transmission de maître à disciple est particulièrement importante. Elle induit inévitablement, et heureusement, un processus permanent de modifications des modèles mélodiques. La frontière entre imitations inexactes (selon les facultés vocales et musicales de chacun) et créations plus ou moins volontairement originales est donc perméable et incertaine. De plus, la plupart des cantaores mentionnés dans les nomenclatures n’ont jamais enregistré eux-mêmes leurs compositions. Nous n’avons donc d’autre possibilité que de nous référer à leurs plus proches héritiers - la "proximité" étant selon les cas affaire de chronologie, de liens familiaux ou d’appartenance à une aire stylistique aussi circonscrite que possible (ces conditions n’étant pas exclusives les unes des autres). Enfin, il conviendra de ne pas minimiser l’influence des enregistrements, autre source de transmission orale largement utilisée par les artistes professionnels dès le début du XXe siècle.
Dans ces conditions, on conçoit que l’attribution d’un cante, du moins tel que nous le connaissons aujourd’hui, est toujours incertaine et sujette à controverses et à révisions. Il n’en demeure pas moins que renvoyer à une soleá de Joaquín el de la Paula, ou à une malagueña del Mellizo, fait sens pour la plupart des aficionados, et permet en gros de savoir de quoi l’on parle - pour les amateurs de cante, quelque chose comme les "standards" pour les jazzmen. Quelles qu’en soient les limites et les imperfections - voire les erreurs -, il nous semble donc qu’une anthologie de cantes peut être utile, au moins pour clarifier dans la mesure du possible les termes des discussions d’après concert - pour "refaire le match" selon un minimum de règles communes.
La distinction entre variantes d’un même modèle et créations s’avérant délicate, nous nous sommes limité aux cantes les plus nettement individualisés. Rappelons que Faustino Nuñez a déjà publié une telle anthologie (Flamencopolis) en s’en tenant, prudemment mais efficacement, à l’ordre alphabétique. Les extraits sonores sont accompagnés de brefs commentaires (modes rythmiques, modes mélodiques, harmonies etc.) dont nous nous abstiendrons ici : les lecteurs intéressés pourront trouver ces informations dans d’autres articles de cette même rubrique. Pour les siguiriyas et les soleares, il suit la nomenclature établie par Luis Soler Guevara et Ramón Soler Díaz ("Los cantes de Antonio Mairena Comentarios a su obra discográfica)". Séville, Ediciones Tartessos, 2004). C’est également le cas des "Fonoteca de soleares" et "Fonoteca de siguiyas" publiées par Norman Paul Kliman (Cante y Toque).
Par commodité, notre anthologie suivra également un ordre alphabétique, mais nous opèrerons quelques regroupements pour éviter une liste interminable et fastidieuse - sans nous dissimuler le caractère hétérogène de nos critères : c’est ainsi que, pour ce premier article, les fandangos "abandolaos" sont regroupés en fonction du rythme de leur accompagnement et de leur structure harmonique sur six périodes (tercios), identiques ; les chants a cappella, uniquement du fait de l’absence d’accompagnement instrumental. Nous évitons les numérotations du type "Serneta 1", "Serneta 2" etc., cette nomenclature numérique par compositeur ne renvoyant à aucun critère clair d’ordre chronologique ou stylistique, et les regroupements par aires géographiques, plutôt confus. Par exemple, les compositions de la même Merced "la Serneta" sont usuellement réparties entre Utrera et Triana, sans raisons esthétiques convaincantes. Compte tenu de la mobilité professionnelle des artistes, il est logique qu’ils aient été perméables à toutes sortes d’influences, et les aient refondues dans leurs cantes personnels : il nous semble donc plus simple de fonder notre anthologie sur les seuls compositeurs auxquels sont attribués régulièrement, à tort ou à raison, tel ou tel modèle mélodique. Il va de soi qu’elle ne saurait être exhaustive. Si nécessaire, nous adjoignons des numéros à nos exemples sonores, mais ils n’ont d’autre utilité que de différencier des compositions d’un même chanteur, ou des chants appartenant au même genre ("palo").
NB : de nombreux cantes sont restés anonymes, ou ne disposent pas de variantes nettement différenciées. Dans ces deux cas, nous ne mentionnons pas de nom de compositeur. Pour chaque extrait sonore, nous indiquons le nom de l’interprète et celui du guitariste qui l’accompagne, si nécessaire.
Claude Worms
I : "ABANDOLAOS" (de type fandango)
1) Málaga
Verdiales - La Jimena de Coín
Malagueñas de Juan Breva, 1, 2 et 3 - Juan Breva / Ramón Montoya
Jabera - Juan Villodres / Antonio Vargas
Cante de jabegotes - Naranjito de Triana / Manolo Sanlúcar
Rondeñas 1 et 2 - Rafael Romero / Perico el del Lunar (1) - Carmen Linares / Paco et Miguen Ángel Cortés (2)
2) Córdoba
Fandangos de Lucena 1 (attribué à Dolores la de La Huerta), 2 (attribué à Rafalillo Rivas, 3 (attribué à Cayetano Muriel) - Curro de Lucena / Manolo Franco (1 et 2) - Manuel Ávila / Manolo Sanlúcar (3)
Verdial de Córdoba - Curro de Utrera / Rafael "el Cordobés"
Zangano de Puente Genil - Fosforito / Paco de Lucía
3) Granada
Fandango de África Vázquez "la Peza" - El Mochuelo / Joaquín "hijo del Ciego"
Fandango de Paquillo "el del Gas" - Manuel Celestino Cobitos / Manuel Cano
Fandango de Frasquito Yerbabuena - Enrique Morente / Félix de Utrera
4) Huelva
Fandango de Pérez de Gúzman - Paco Dávila / José Luis Postigo et José Antonio Conde
II : CHANTS A CAPELLA
1) Romances
Romance de Bernardo el Carpio - Alonso "el del Cepillo" / Romance de la monja - José de los Reyes "Negro del Puerto"
2) Martinetes
Martinetes 1, 2 et 3 - El Gloria (1) - El Diamante Negro (2) - Pepe "el Culata" (3)
3) Tonás
Tonás 1, 2 et 3 - Rafael Romero
Tonás 4, 5 et 6 - Fernando "Terremoto padre" (4) - Antonio Mairena (5) - Roque Montoya "Jarrito"
4) Debla - Tomás Pavón
5) Pregones
Pregón de Zápico - Niño de las Moras / Pregón de Macandé (ou "de los caramelos") - David Palomar
6) Chants de travail ruraux
Temporera de Montefrío - Rogelio de Montefrío
Cantes "de gañaneras", "de siega", "de arriero" et "de trilla" - Miguel Burgos "el Cele"
7) Saetas
Saetas 1 à 3 - Manuel Torres - Isabelita de Jerez - Niña de la Alfalfa
Saetas 4 à 6 - Tomás Pavón - Pastora Pavón "Niña de los Peines" - Manuel Vallejo
saetas 7 et 8 (de Arcos de la Frontera) - Manuel Centeno - Manuel Zapata
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