jeudi 8 août 2019 par Claude Worms
Transcriptions intégrales des deux compositions de Enrique de Melchor.
"Cae la tarde" (granaína) : album "La noche y el día" - Fonomusic CD-1079, 1991.
"Aguardiente" (fandangos de Huelva) : album "Cuchichi" - Fonomusic CD-1171, 1992.
Après "A mi padre Melchor" (album "Sugerencias", Zafiro, 1983), "Cae la tarde" est la seconde granaína composée par Enrique de Melchor. On y retrouve les "paseos" en arpèges qui sont l’une des signatures du guitariste pour les "toques libres", que nous avions déjà notés à propos de la taranta et de la minera. Le premier, en introduction, met en valeur deux dissonances de seconde mineure caractéristiques du mode flamenco sur Si, d’abord Do/Si, puis Sol/Fa#. Sur un mouvement de basses conjointes, la séquence harmonique réserve quelques surprises : l’accord de C7M qui vient s’immiscer dans la cadence Vm-I sur une basse descendante chromatique (F#m7/C# - C7M - Bm6) ; la ligne mélodique conjointe Mi - Ré - Do -Si - La# (suspension sur l’accord de F#7(b5)), harmonisée par la séquence C(b5) - Bm7 -Am7 -G. La saut de corde dans la technique d’arpège (i, a), peu fréquent dans la toque flamenco, provoque un contraste lumineux entre la voix supérieure et les voix inférieure et médiane. Le second (page 4) est une transition dynamique entre les deux parties de la pièces, après une longue falseta traditionnelle en arpèges, et avant les traits en picado sur l’accord de D7/F# qu’Enrique de Melchor affectionnait particulièrement (on les trouve aussi dans la taranta. L’harmonie utilise abondamment la substitution de l’accord du troisième degré par son relatif mineur (Am7 au lieu de C), déjà usuelle à l’époque. On notera une cadence secondaire V-I sur l’accord de Am7, très intéressante par la note Fa bécarre, étrangère au mode - page 2, deuxième système (E7(b9)/G# - Am7). L’accord de Bb est beaucoup moins fréquent dans le toque por granaína. Il sert ici, à deux reprises, à harmoniser l’encadrement cadentiel du premier degré par les demi-tons supérieur et inférieur, inversés par rapport à la réalisation traditionnelle : Sib - Do - Si bécarre, au lieu de Do - Sib - Si bécarre. L’harmonisation usuelle C - C7/Bb - B est remplacée par une séquence Bb - C - B (page 2, premier système, puis page 7, dernier système). Enfin, on notera une belle idée dans le trémolo, l’interruption du mécanisme par le glissando F#/A# - G/B - F#/A#, souligné par deux points d’orgue expressifs, avant la cadence secondaire V-I sur le troisième degré, A7 - D79/F# (page 7, deuxième système).
Pour la transcription d’"Arguardiente", nous écrivons le compás du fandango de Huelva en deux mesures à 3/2, pour mettre en évidence la carrure harmonique binaire (un temps = une noire, donc carrure sur trois blanches) - mais la battue du pied doit rester ternaire, à la blanche pointé (6/4). Nous plaçons ainsi les deux accords fondamentaux du compás en rasgueados, Am et E, en début de mesure (cf : première occurrence page 2, deux premiers système). Soit :
3/2 | / / / / E7 (temps 1 et 2 du compás) | Am (temps 3 à 6) F (temps 7 et 8) | E (temps 9 à 12) E7 (temps 1 et 2) | Am (temps 3 à 6) etc.
L’introduction nous plonge immédiatement dans le vif du sujet, avec un motif E - F - E, développé en marches harmoniques sur des cadences secondaires V-I : B7 - E7 / A7 - Dm (substitué à son relatif majeur, F) / G7 - C7 / A7 - Dm (puis cadence II-I, F - E). La première longue falseta (page 2 à 4) alterne de manière très efficace jeu "a cuerda pelá" (pouce et picado) et jeu en arpèges. La cadence secondaire Bb - Dm7(6) (page 2, deuxième système) est une alternative intéressante à l’usuelle A7 - Dm. On notera également la gamme diminuée du picado ascendant (page 3, troisième système), qui crée une tension similaire au jeu "out" du jazz, et que nous retrouvons pour conclure les deux compases en rasgueados suivants (pages 4, deux derniers systèmes) - leurs cadences secondaires (E7 - Am7 / D7 - G7 / C7 - F7) sont inspirées de Paco de Lucía, tout comme le "remate" de la page 5 (F(b5) - E, troisième système) est inspiré de Rafael Riqueni. Du dernier système de la page 6 au deuxième système de la page 8, Enrique de Melchor se livre à la figuration du cante qui ne saurait manquer à une composition "por Huelva". Celle-ci est magnifique et en tout point digne de son modèle, là encore Paco de Lucía. Enfin, un nouveau motif en marches harmoniques répond à l’introduction, cette fois dans les graves (C - Bb - Am - G - F - E, page 9, du premier au troisième système), conduit à un brillant dernier passage en arpèges, très développé et conclu vigoureusement par un "remate" en alzapúa.
Claude Worms
Enrique de Melchor (6) : Sierra Bermeja (rondeña)
Enrique de Melchor (5) : Sonando (soleá)
Enrique de Melchor (4) : Vivencias (taranta)
Enrique de Melchor (3) : Amanecer (minera)
Enrique de Melchor (1et2) : De Santiago a Triana (bulerías)/Solera (bulerías)
La décade prodigieuse.4 / Enrique de Melchor - avec une transcription intégrale de la granaína "A mi padre Melchor", extraite du LP "Sugerencias" Zafiro MPL-179, 1983).
Hommage à Enrique de Melchor - avec une transcription intégrale de la siguiriya "Raíz flamenca", extraite du CD de même titre (East West 5046760732, 2005).
Transcriptions (Claude Worms)
"Cae la tarde"
"Aguardiente"
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