La Perla de Cádiz et Paco Cepero : bulerías - extrait du double CD "Ellas dan el cante - double CD de la collection "Actuaciones históricas", RTVE Música, 62095, 2007.
Transcription intégrale des falsetas jouées par Paco Cepero.
Les bulerías de La Perla de Cádiz enregistrées en public en 1975 sont l’un des sommets du double album "Ellas dan el cante" (Ellas dan el cante). A cette véritable anthologie du répertoire des cantes de La Perla, Paco Cepero répond par une leçon magistrale de toque por bulería, en une introduction et cinq falsetas - sans parler de son accompagnement...
Le guitariste est alors l’une des stars incontestées de la guitare flamenca, et déchaîne régulièrement l’enthousiasme du public des festivals andalous par son style inimitable, une synthèse diabolique du "toque a cuerda pelá" de Jerez et des innovations rythmiques de Paco de Lucía, telles qu’on peut les écouter notamment dans ses disques avec Camarón de la Isla de la première moitié des années 1970. Il faut dire que Paco Cepero a beaucoup fréquenté les deux artistes, remplacé plusieurs fois Ramón de Algeciras pour les accompagnements en duo de ces albums (même s’il n’en est pas crédité officiellement) et accompagne régulièrement Camarón sur scène. Les falsetas dont nous vous proposons les transcriptions sont fondées sur quelques recettes redoutablement imparables, que Paco Cepero met également en œuvre pour les enregistrements de quelques jeunes artistes qui se disputent à l’époque sa collaboration, tels Pansequito, Rancapino, El Turronero, Juan Villar, Chiquetete... Voici donc quelques ingrédients nécessaires au mitonnage d’une bonne falseta por bulería de Paco Cepero - liste non exhaustive, et présupposant une attaque butée du pouce aussi puissante que fulgurante :
_ de courts motifs mélodiques accrocheurs et aisément mémorisables, souvent traités en marches harmoniques plus ou moins symétriques, sur des progressions très simples (intro, page 3, trois premiers compases).
_ des traits, en général descendants, par degrés conjoints ou chromatiques, pour assurer les transitions entre ces motifs. Quelques notes de passages suggèrent fréquemment des cadences secondaires V-I. Par exemple, le Mib quatrième corde pour une cadence sue l’accord du premier degré (F7 - Bb), ou le Fa# sixième corde pour une cadence sur l’accord du septième degré (D7/F# - Gm).
_ des contretemps et syncopes "automatiques", obtenus par un mécanisme de main droite ou un trait répétitif de main gauche. Dans le premier cas, par exemple, l’inversion du mécanisme P / i alternés, de telle sorte que l’attaque pincée de l’index (faible) tombe sur la pulsation, et l’attaque butée du pouce (forte) sur sa levée (falseta n°5, page 3, deux premiers compases). Dans le second cas, les fameuses liaisons en cascades descendantes : l’attaque de la première note en levée par rapport à la pulsation et la note liée sur la pulsation. Combiné à un déluge de chromatismes, l’effet est garanti par son créateur, surtout s’il est exécuté crescendo pour les codas (intro, page 3, dernier compás).
_ le "tapping flamenco", pour ne pas interrompre les enchaînements de liaisons (cf. ci-dessus) lors d’un changement de corde. Par exemple, entre un Ré (quatrième corde à vide) et un Do# (cinquième corde, quatrième case), on frappera le Do# sans attaque du pouce de la main droite. Si de plus, comme il est fermement déconseillé par la Faculté, l’auriculaire qui frappe le Do# est un peu raide et non arqué "en marteau de piano", le défaut technique se mue en qualité : la résonance du Ré est ainsi coupé, et l’effet de syncope nettement valorisé (falseta n° 5, page 3, dernier compás).
_ sur fond de débit régulier en doubles croches, distiller avec parcimonie des "accidents" de phrasé : des croches ou des noires pour souligner les articulations mélodiques et / ou harmoniques ; de longs silences pour tenir le public en haleine ; ou au contraire des ornements, des triolets de doubles croches, voire des triples croches pour tendre le discours.
Enfin, deux procédés relevant de l’influence de Paco de Lucía :
_ la division syncopée des noires pointées du medio compás à 6/8 : croche pointée + croche + double croche ; ou, moins fréquemment, croche + double croche + double croche + croche.
_ pour rompre la monotonie de la symétrie des medios compases, les motifs mélodiques débordent de part et d’autre des six temps fatidiques. Par exemple, pour les temps 12 à 5 : incipit en anacrouse dans l’espace de la dernière noire du medio compás binaire précédent (temps 10 et 11) + conclusion mélodique dans l’espace de la première noire du medio compás binaire suivant (temps 6 et 7). La fin sur le temps 7 est de plus à contretemps par rapport à la battue binaire du pied (temps 6, puis 8), et l’effet d’autant plus efficace si le temps 6 est phrasé en doubles croches, voire en triolets de doubles croches.
La valeur de ces falsetas de Paco Cepero repose donc surtout sur la virtuosité rythmique de leur compositeur. Comme la main gauche ne pose pas de problème, vous pourrez vous concentrer sur l’exactitude de vos phrasés - attention notamment à ne pas précipiter les liaisons. Nous vous conseillons de travailler d’abord lentement au métronome, jusqu’à ce que vous entendiez à l’avance mentalement les phrasés que vous allez jouer. Vous pourrez alors passer au contrôle par la battue du pied :
_ pour les medios compases binaires (2/4) : battues sur la première croche de chaque noire.
_ pour les medios compases ternaires (6/8) : battues sur la première croche de chaque noire pointée ; ou, à l’inverse, battues sur les deux dernières croches de chaque noire pointée. Notez cependant que certains motifs mélodiques ou certains mécanismes de main droite "objectivement" ternaires s’accommodent très bien d’une battue binaire, surtout à Jerez : par exemple, le motif des trois premiers compases de la page 3 de l’intro, ou l’alzapúa (falseta n° 5, page 1, dernier compás). Testez la battue binaire sur ces deux exemples, et vous constaterez que votre perception rythmique en est modifiée.
Claude Worms
NB : nos lectrices et lecteurs peu familiers du compás (ou plutôt des compases) de la bulería, ou désireux de mieux connaître le toque jerezano, pourront également consulter :
La bulería dans tous ses états. Première partie
Transcriptions (Claude Worms)
Intro
Falseta n°1
Falseta n°2
Falseta n°3
Falseta n°4
Falseta n°5
Galerie sonore
Bulerías : La Perla de Cádiz (chant) / Paco Cepero (guitare) - enregistrement public, "Primera jornada de cante, baile y toque", Teatro Monumental de Madrid, 21 février 1975.
Nous ajoutons à ces cinq falsetas une sixième extraite de la composition "De pura cepa" :
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