Le terme générique "Zambras" désigne les groupes de chants, danses, et guitares des gitans du Sacromonte, à Grenade. Leur répertoire comprenait entre autres des danses attachées aux traditions des noces gitanes, parmi lesquelles l’ Alboreá, répandue dans toute l’ Andalousie, et d’autres plus autochtones : la Cachucha (ou "El perdón de la novia"), la Mosca, "La chinita y el petaco", et la Danza (ou Zambra) Árabe, étroitement apparentée aux Tangos del Sacromonte.
Si la Danza Árabe n’ a pas donné naissance à un cante bien défini (quelques créations célèbres, de Juan Varea, Rafael Farina..., et surtout Manolo Caracol, sont plutôt des "coplas andaluzas" à compás de Tientos, ou de Tangos lents), elle est par contre devenue dans le deuxième tiers du XXème siècle l’ un des piliers du répertoire de la guitare flamenca de concert, avec de multiples compositions de Niño Ricardo, Luis Maravilla, Pepe Martínez, Estebán de Sanlúcar, Paquito Simón, Andrés Heredía, Mario Escudero, Sabicas, Manuel Cano... Elle semble depuis être tombée en désuétude : la dernière pièce notable, "Herencia oriental", de Manolo Sanlúcar, remonte à 1972.
La Danza Árabe est, avec la Rondeña créée par Ramón Montoya, la seule forme de la guitare flamenca totalement détachée du cante (le Zapateado entre aussi dans cette catégorie, mais sa forme dérive du baile). C’ est pourquoi la structure des compositions a toujours échappé à la succession traditionnelle de compases en rasgueados, "paseos", falsetas... Elle s’apparenterait plutôt aux "diferencias" du répertoire pour luth, vihuela, ou guitare, de la Renaissance et du premier Baroque : forme "variations" sur un thème mélodique ou une basse harmonique.
Dans le cas de la Danza Árabe, les variations reposent sur un bourdon évoluant par marches harmoniques, et alternent diverses techniques de main droite (picado, trémolo, technique d’ attaque butée du pouce...) sur une vigoureuse pulsation binaire, qui n’ exclut pas les changements de tempo et / ou le rubato.
Il convient donc de saluer l’ initiative des éditions Affédis, qui fait opportunément revivre un aspect malheureusement oublié de l’ histoire de la guitare flamenca. Nos lecteurs connaissent déjà, naturellement, la qualité et la précision des transcriptions d’ Alain Faucher. Le recueil "Danzas arabes" propose, en solfège et tablature, trois pièces de Sabicas (le plus prolifique en ce domaine), et une de Pepe Martínez, une de Mario Escudero, et une de Manuel Cano. La sélection est particulièrement judicieuse, dans la mesure où elle présente des compositions sur des modes ou des tonalités très variées (ce qui induit aussi divers accordages : "standard" ; sixième corde en Ré ; sixième corde en Ré et cinquième en Sol). Malgré la rigidité de la forme, l’ auteur évite ainsi la monotonie, et rend hommage à l’ imagination inépuisable des guitaristes (on pourra le vérifier par l’ audition de trois des titres du recueil, en "galerie sonore").
Ajoutons enfin que ce livre devrait aussi séduire les guitaristes classiques en quête de pièces de genre, et de "bis" : pas de compás complexe, ni de techniques de main droite spécifiques (peu de rasgueados, et pas d’ "alzapúa").
Claude Worms
Sabicas : "Noches de Arabia"
Pepe Martínez : "Zambra granadina"
Manuel Cano : "Alcaicería mora"
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