mercredi 13 février 2008
Juan Carmona fait partie des guitaristes virtuoses qui ont confirmé leur place dans le monde du flamenco, en alternant la précision dans la tradition et des aventures audacieuses dans l’ouverture musicale. Son parcours est jalonné de récompenses qui sont autant de témoignages de son immense talent – diplômé des mains de Manolo Sanlúcar de la "Fondation Flamenca de Jerez", premier prix du concours Paco de Lucía de Madrid – et sa carrière s’appuie sur une discographie riche de 12 albums qui l’ont vu côtoyer les plus grandes figures du flamenco – Agujetas, Duquende, Moraíto Chico – et expérimenter des rencontres avec d’autres styles, comme la musique marocaine ("Orillas") et plus récemment la musique classique ("Sinfonía flamenca").
La renommée de ce Gitan français – Juan Carmona est né à Lyon en 1963 – s’étend un peu partout dans le monde : nominé en 2003 au "Latin Grammy Award" pour le meilleur album flamenco, il effectue depuis 2007 une tournée qui l’a transporté de Memphis à Alger, de la Macédoine à Vienne et, pour notre plus grand bonheur, lui a fait poser ses bagages aux Lilas les 7 et 8 février, pour deux représentations dans le cadre des "Nuits Flamencas" du Triton.
Flamencoweb l’a rencontré à cette occasion au deuxième soir de ses prestations, pour évoquer avec lui ses rapports à la création, les identités musicales du flamenco, ses projets.
Echange avec un guitariste hors norme dont la réflexion aiguisée sur son art donne un souffle nouveau et authentique au flamenco.
Flamencoweb Comment as-tu ressenti l’ambiance dans cette petite salle ?
Juan Carmona Tu sais il ne faut pas oublier que le flamenco, au départ, ne se jouait pas dans les théâtres, mais dans les cafes cantantes et les tablaos. Donc, il est évident que c’est une musique qui passe plus facilement dans des lieux comme ceux-là plutôt que dans des lieux plus grands où elle se perd un petit peu.
Ça faisait très longtemps que je n’avais pas joué dans des petites salles et je suis ravi. Je demande à la production de revenir un peu dans les petites salles, pour avoir cette chaleur du public. J’ai l’impression que le message passe plus facilement. Je te donne un exemple : j’ai joué cet été à "Jazz à Vienne" devant 3000 à 4000 personnes. Même si c’était un projet un peu particulier, ce n’était pas évident. Quand tu rentres, tu rentres comme dans une arène et tu te dis : "comment vais-je arriver à faire passer le message ?". Alors qu’ici, c’est beaucoup plus facile. Donc, je suis ravi d’être là.
FW En parlant avec les personnes de ton staff, je leur demandais l’accueil qui t’ était réservé à l’étranger, ils me disaient qu’il était fabuleux, que les gens étaient très réceptifs.
J C Nous, on a la chance de parcourir le monde. On a joué à Hawaï dernièrement. Je crois que le public ressent l’art quel qu’il soit. Si ton message est clair et net, il l’est avec émotion et sentiment et je crois que, peu importe comment, ça passe. Donc, je ne peux pas dire qu’il y a un coin de la planète où ça se passe mieux ou moins bien. Contrairement à ce que l’on peut croire, l’« étranger » est quelqu’un qui perçoit très, très bien le flamenco.
FW Je voulais te demander, d’une manière générale, ce que tu ressentais (ça peut te paraître simple) quand tu joues du flamenco ? Est-ce que ça dépend du public justement ou est-ce que, en toi, de toute manière, il y a quoi qu’il arrive une flamme sacrée qui est présente ?
J C Il est clair que c’est quelque chose qui est en moi et que, justement, il serait dangereux que j’attende trop de choses du public, même si c’est très important, c’est même fondamental le public. Mais heureusement que c’est un moteur en moi que j’ai, parce que sinon cela voudrait dire que le jour où je ne ressentirai pas le public, ça ne passera plus. Le flamenco, je l’ai en moi depuis tout petit, il me suit partout et me suivra partout. Je suis gitan et le flamenco, depuis tout petit, je l’ai appris dans les fêtes gitanes, chez moi. La première rencontre avec le flamenco, c’était à l’occasion de Noël. J’attendais plus Noël pour le flamenco que pour les cadeaux.
FW Je le vois bien parce que j’observais tes réactions pendant que tu jouais. Il y a des moments où tu partages complètement, tu regardes tes musiciens et il y a des moments où tu es très en toi. On a du mal à ce moment à sonder ce qui se passe. C’est pour ça que je me disais qu’il devait y avoir quelque chose qui est là en permanence.
J C De toute façon le flamenco, ce n’est pas une musique… (silence) C’est une bonne remarque que tu fais parce qu’on me l’a souvent faite. Quand tu interprètes des palos qui sont allègres, tu peux effectivement te permettre de sourire mais quand tu joues por Minera ou por Taranta, c’est quelque chose d’assez tragique. Là je me recueille et j’ai besoin de vraiment sentir l’instrument et le morceau. C’est la raison pour laquelle je me replie un petit peu.
FW Pour pousser plus dans l’introspection, si tu permets, en parlant d’émotion, quelles sont les émotions que tu ressens quand tu joues seul, dans l’intimité ? Ça peut paraître bizarre, on imagine mal un guitariste flamenco jouer seul, mais pourtant dans la création c’est essentiel.
J C Bien sûr.
FW Il y a bien un moment où la création doit venir. Je pensais à des chanteurs qui chantent seuls comme pour se battre avec le chant. Quel est ton rapport à l’intimité créatrice ?
J C En fait, l’intimité est pour moi essentielle. Pourquoi ? Parce que, à partir du moment où tu te retrouves avec toi, il n’y a plus de complexes, il n’y a plus rien. C’est difficile de transmettre ton art quand il y a du public parce qu’il peut y avoir un complexe, une gêne, une retenue. Quand tu te retrouves tout seul devant ta cheminée, j’ai envie de dire qu’il n’y a plus de frein. Ces moments-là, ils sont fondamentaux pour moi, parce que c’est à partir de là que naît la création. Donc, j’en ai énormément besoin. Je suis parfois tellement habité par cet aspect que, lorsque je suis en public, je veux me retrouver. Car j’ai passé tellement d’heures à me retrouver que j’ai du mal à être « sociable ».
FW C’est comme si tu te reconcentrais en toi, que tu retrouvais ton essence même.
J C Tout à fait.
FW Je voudrais en savoir davantage sur ta démarche artistique. Comment te vient l’inspiration ? Est-ce que c’est un concept, tu te dis "je vais travailler un thème" ? Est ce que c’est dans la vie de tous les jours, au hasard, ou en jouant ?
J C Je crois qu’il n’y a pas de règles. La création c’est quelque chose de tellement abstrait, ça peut être là comme ça peut ne pas être là. Je pense que c’est en vivant que ça vient. Quand tu viens la chercher elle ne vient peut-être pas, et quand tu ne t’y attends pas, elle sera peut-être là. Chaque fois que je me dis que je vais me concentrer, que je vais essayer d’être inspiré, je n’y arrive pas. L’inspiration c’est quelque chose de naturel. Je pense qu’il ne faut pas trop la provoquer. Maintenant, il est évident que prendre son instrument, ça aide bien sûr. Moi, je sais que je suis très sensible à la nuit. La nuit, c’est plus facile.
FW Il y a quelque chose de magique ?
J C Pour moi c’est inexplicable. Tu ne sais pas pourquoi à un moment donné, il y a tel son qui vient, il y a telles mélodies qui viennent. Comment tu veux l’expliquer ?
FW Pour poursuivre dans l’aspect création mais dans son volet enregistrement, est-ce que tu t’enregistres dès que tu as une idée musicale, pour être sûr de ne pas l’oublier, ou est-ce que tu attends d’avoir une longue séquence cohérente ?
J C C’est marrant que tu me parles de ça parce que j’en parlais tout à l’heure. En fait maintenant, le portable devient facilement un dictaphone. Je l’ai toujours sur moi et en fait dans mon portable il y a sûrement le prochain disque. Il y a plein de petites variations, de petites falsetas et après je réécoute ça et je reconstruis mon morceau à partir de là.
FW Donc c’est en permanence, parce que tu sais que ça peut venir et puis j’imagine que tu joues beaucoup ?
J C Enormément. Tu sais, il n’y a pas de secret. C’est comme un sportif. S’il ne s’entraîne pas il n’y arrive pas. Des fois, je me dis : "est-ce que c’est bien, est ce que je ne devrais pas un peu plus vivre ?".
FW Je trouve par exemple qu’il est curieux de voir comment Paco de Lucía peut être amer par rapport à toutes ces années d’enfance qu’il a passées à jouer.
J C Eh bien oui, parce que tu sacrifies beaucoup de choses.
FW Tu ressens ça aussi ?
J C Tu sais, sans vouloir bien sûr me comparer à ce génie, à mon niveau je passe énormément de temps à la guitare, peut être 5 à 6 heures par jour. C’est beaucoup, tu vois. Pendant ce temps-là tu ne fais pas autre chose. Il y a plein de choses à faire dans la vie. J’en parlais dernièrement avec Miguel Poveda et Juan Carlos Romero ; il faut que nous, les flamencos, on se relaxe un peu.
FW C’est peut-être purement le syndrome de l’artiste ?
J C Non, je vais te donner mon opinion là-dessus. Le niveau du flamenco aujourd’hui est très, très haut. Il y a plein d’explications à ça. Je vais parler de ce que je connais le mieux, la guitare. A l’époque, les trois grands maîtres étaient Paco de Lucía, Manolo Sanlúcar et Serranito. Je pense que si ces trois guitaristes venaient maintenant, à part Paco qui est un génie, je doute que ces mêmes guitaristes auraient le même impact. Parce que, aujourd’hui, il y a de très bons guitaristes que l’on connaît moins. Le niveau est très haut aujourd’hui. C’est pour ça qu’on est tous là à pousser. Pour ça, il faut du travail.
FW Pour continuer sur cet aspect de la création, j’ai lu que tu avais dit que c’était naturel pour un guitariste flamenco de jouer différemment une séquence. Par rapport à tes compositions, quand elles sont finies, sont-elles différentes de tes premiers jaillissements ?
J C Ah oui, complètement. Le thème est composé, il est "écrit". Mais, le seul repère qu’on a, c’est la mémoire, parce qu’on n’écrit pas. Un flamenquiste ne sait pas, moi, je ne sais pas écrire, je n’ai aucune théorie. Mais après, il y a un autre paramètre qui rentre en compte, c’est l’émotion. Et l’émotion peut te faire changer un phrasé, peut te faire interpréter d’une autre façon, peut donner une autre idée. Je sais que ce soir je suis parti dans des directions que je ne prends pas d’habitude. Notamment dans la Minera. Parce que je me suis senti bien, j’avais envie un peu de m’évader de ce que je fais d’habitude. Il y a la composition bien sûr, tu as le fil conducteur, mais à l’intérieur je bouge énormément.
FW Je voudrais qu’on aborde maintenant une autre facette de ta démarche artistique, liée à ton identité. Tu disais tout à l’heure que tu étais gitan. Certains disent qu’il faut être gitan pour jouer vraiment le flamenco. Cette revendication identitaire, est-ce que c’est quelque chose d’abstrait ou de présent dans ta recherche artistique ?
J C En fait, moi je revendique mon identité gitane mais parce que je suis gitan. Est-ce que c’est une revendication de dire : "je suis français" ? Oui, mais tu es français. Il y a eu beaucoup ce débat gitano / payo, est ce que c’est mieux ou pas... Moi, je ne veux pas rentrer dans cette polémique-là. Ce qui est certain c’est qu’il y a un style gitan et un style payo. C’est clair. Après, moi, je suis plus sensible au style gitan mais ça ne veut pas dire que c’est mieux. Mais c’est vrai qu’une "falseta gitana" me touche plus. Maintenant, il y a d’excellentes falsetas de guitaristes non gitans qui me plaisent aussi énormément. L’exemple le plus flagrant, c’est Paco de Lucía. Pour moi, il reste le maître incontesté du flamenco. Maintenant, si tu veux analyser son jeu, il a un jeu beaucoup plus gitan que Manolo Sanlúcar et plein d’autres guitaristes. Je pense qu’il y a deux styles ; il y a des palos qui conviennent mieux au style gitan que d’autres.
FW Dans tes derniers disques tu as réalisé des ouvertures musicales, c’étaient des aventures artistiques magnifiques pour nous. Est-ce que c’était aussi dans ton intention de casser ce cliché classique du flamenco gitan, de montrer que la culture gitane et la tradition du flamenco n’étaient ni restrictives ni figées ?
J C Ce que tu dis-là est très important. On a trop tendance à croire que, quand tu es gitan, tu vas forcément très bien jouer por Bulería, que tu vas jouer telle forme, la Siguiriya par exemple, à la façon de Jerez, qui est une ville portée sur le style gitan. Moi, j’ai envie de casser tout ça. Aujourd’hui, on ne vit plus comme avant. Il faut arrêter ! Avant, on chantait les Martinetes. Est-ce que tu penses que maintenant un gars peut interpréter un Martinete comme on l’interprétait avant ? Tu vois, je ne suis pas en train de dire : "il faut tout changer, il faut tout révolutionner", mais les choses ont changé et j’ai envie de dire : "arrêter de croire qu’un gitan ce n’est que ça". Aujourd’hui, un gitan peut voyager, il peut se cultiver, avoir des connaissances autres qui lui permettent de créer différemment. Et ça a été mon exemple. Mes parents sont gitans, mais depuis que je suis petit, j’ai rencontré énormément de musiciens, des musiciens très riches, et je me suis enrichi. Ce n’est pas pour autant que je renie, loin de là, le caractère gitan. Mais simplement, je fais un tableau avec des couleurs différentes.
FW Tu ne veux pas te laisser enfermer, c’est comme si tu avais un peu dépassé tout ça ?
J C Tu sais, j’ai fait un disque, "Entre dos barrios", avec Moraíto ; j’ai fait des tournées avec Agujetas ... Je trouve sans vouloir offenser personne que le monde flamenco est très "cateto". La signification de "cateto", c’est dur ce que je vais dire, c’est analphabète. Forcément, ça conditionne les gens à penser de manière très étroite. Quand tu pousses le bouchon un peu loin, il y a eu des analyses qui ont été faites en Espagne, et elles disent que les gens ont été influencés par le franquisme, ce qui donne cette fermeture d’esprit.
Aujourd’hui, il ne s’agit pas de prostituer le flamenco mais d’écouter où se trouve l’émotion. Si l’émotion est liée à une flûte, pourquoi pas ? Je préfère écouter un bon guitariste qui va jouer por Bulería et qui n’est pas de Jerez, plutôt qu’un mauvais guitariste de Jerez qui va mal jouer la Bulería. Qu’est ce qu’on s’en fout qu’il soit de Jerez, s’il joue mal !
Des fois, je souris parce que je vois, sans citer personne, des organisateurs programmer une danseuse que l’on ne connaît pas et ils annoncent de suite qu’elle vient de Jerez ou de Séville, comme si c’était le label de qualité.
Moi, j’ai habité Jerez. Il faut arrêter de croire que là-bas tout le monde sait bien chanter et bien jouer. Ce n’est pas vrai ! Les bons, on les connaît, ils sont là. J’ai envie de casser ça, de dire : "arrêtez d’être ignorant, informez vous".
FW Comme tu l’as fait d’une manière magnifique.
J C J’essaie en tout cas, en toute simplicité. Moi, j’ai un petit avantage parce que je suis gitan, mais j’ai beaucoup côtoyé les payos et je continue à les côtoyer. J’ai vécu à Jerez, mais j’ai beaucoup vécu à l’étranger, et grâce à tout ça je peux prendre les ficelles et dire : "ça c’est bien, ça c’est moins bien", je fais ma sauce comme ça.
Donc il est évident que dans la tradition il y a des choses qui sont indiscutablement géniales et des choses qui sont beaucoup moins bien. Je te donne un petit exemple : à Jerez, rares sont les chanteurs qui s’accordent très bien. Ils sont tous plus ou moins faux. Il y a une explication aussi : avant, ils chantaient sans guitare, ils chantaient toujours "a palo seco". La plupart ne sont pas très formés à avoir une oreille très précise pour jouer avec un guitariste.
FW Ce n’est pas parce que c’est la tradition que c’est forcément bon.
J C Voilà. Mais l’opposé ne me plait pas. Quand tu vois des groupes qui veulent de la flûte pour mettre de la flûte, est-ce que le thème le demande ? Si oui, d’accord. Sinon, tu ne la mets pas
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J’essaie de trouver le juste milieu. Je reste convaincu que l’école du bon guitariste concertiste c’est d’abord et avant tout l’école du chant et de la danse. C’est dans la tradition et c’est fondamental.
FW Tu fais évoluer la tradition.
J C Exactement. Tu sais "Borboreo", c’est un disque qui a été fait avec un directeur artistique qui est Isidro Muñoz, le frère de Manolo Sanlúcar. Quand j’étais à Jerez, j’étais tellement imbibé que je commençais à jouer por Bulería et je jouais dans le style de Jerez. Le jour où on a fait le disque, il m’a regardé et il m’a dit : "mais qu’est ce que tu fais là ?". Je lui ai dit : "je joue por Bulería". Il m’a répondu : "non, joue ton histoire à toi !". C’est un peu lui qui m’a ouvert en me disant : "reste qui tu es, essaies de rester le plus flamenco possible avec ta personnalité". Il m’a énormément porté à réfléchir justement sur ce qu’allait devenir ma musique plus tard. Il me disait : "heureusement que tu n’es pas né à Jerez, c’est toute ta richesse".
FW Je voudrais que l’on parle maintenant de tes projets. J’ai lu que tu disais avoir dépassé le stade identitaire du flamenco mais que tu ne t’interdisais pas de revenir au flamenco traditionnel. Tu as évoqué ainsi dans le passé des idées de projets plus traditionnels en hommage à Sabicas et à Montoya. J’ai lu aussi que tu n’excluais pas de faire un disque avec tes élèves ou de rejouer avec Agujetas. Où en es-tu dans ces projets actuellement ?
J C C’est quelque chose que je sais que je ferai un jour. Pour tout te dire, j’ai fait un disque qui est pratiquement terminé. Mais j’ai pris la décision qu’il ne sortira pas parce que la prise de risque est trop grande.
FW C’est-à-dire ?
J C C’est-à-dire que je pense que je me suis trop éloigné du flamenco. Je laisse donc ce disque dans l’ordinateur.
FW Tu peux m’en dire quelques mots ?
J C Je ne préfère pas. Je sais que c’est un album que je ne vais pas sortir pour l’instant. Il pourrait sortir dans deux ou trois ans. Alors j’ai décidé de me remettre à faire un disque plus flamenco parce que j’en ressens le besoin.
FW C’est très étonnant.
J C Oui, comme quoi on peut rester contradictoire. Mais je ne veux pas aller jusqu’au bout, je pense que c’est trop tôt. Je pense qu’on est dans la prise de risque. C’est trop fort, ce n’est pas le moment.
L’actualité, ça serait plutôt de refaire un disque de guitare parce que j’ai fait beaucoup d’albums arrangés, orchestrés et que, maintenant, j’ai plus envie de revenir à quelque chose à base de guitares, où on entendrait plus la guitare.
Ce projet autour de Sabicas me tient toujours à cœur, mais je ne sais pas quand je le ferai parce c’est vrai que ça demande beaucoup de temps de faire un album. Je suis un peu fatigué aussi parce que c’est très dur psychologiquement d’avoir un niveau et de le maintenir. C’est difficile.
FW Dernière petite question avant de te remercier, je voudrais que l’on déborde un peu. Quels autres styles aimes-tu ? Par exemple, est-ce que le blues t’attire ?
J C Non, pas le blues mais le jazz, et la musique indienne. J’ai un grand projet avec la musique indienne. J’aime la belle musique, tu sais, quelle qu’elle soit.
FW En fait, j’ai entendu parler d’une danseuse de flamenco qui montait un spectacle de flamenco avec du blues, cela m’a semblé assez curieux.
J C En aucun cas, je n’aimerais qu’on dise que je fais de la fusion. Je ne suis pas du tout pour la fusion. La "Sinfonía", c’est quelque chose qui a été très pensé et très écrit, et je peux te donner une analyse précise de tout ce que font les musiciens. Il ne faut pas oublier que toute la partie rythmique de la "Sinfonía" a été enregistrée à Jerez. Imagine-toi ces gens très fermés, quand ils ont écouté ça. Eh bien, ils ont complètement halluciné tout simplement parce que les mélodies et les rythmes que je donnais au violon étaient les dessins rythmiques qu’ils faisaient avec des danseurs et des danseuses de flamenco.
Dans "Il Han", qui veut dire inspiration en arabe, il y a une grande rencontre avec le oud, et tu sens des questions-réponses, mais parce que la musique le demandait.
On peut tout fusionner mais il faut se demander dans quel intérêt.
Propos recueillis par Charles Geoffroy
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