IIIe festival Flamenco en Loire - du 21 au 23 juin 2019

vendredi 28 juin 2019 par Claude Worms

Journal de voyage musical à Algeciras, via Gennes (Val-de-Loire)... et quelques leçons de musique.

N’en déplaise aux puristes en tout genre, et, depuis quelque temps, à certains avant-gardistes tout aussi intégristes, le flamenco s’obstine à persévérer dans son être - à la fois solidement enraciné dans des territoires de longue et singulière culture flamenca, et ouvert à toutes les rencontres et à toutes les influences. L’un ne va pas sans l’autre : l’ouverture assure sa vitalité créative depuis un siècle et demi ; l’enracinement préserve son identité musicale. En trois jours (intenses...), la troisième édition du festival Flamenco en Loire vient de le démontrer une fois de plus : l’ hommage à une terre flamenca, Algeciras et le Campo de Gibraltar (cf. Cantaor(a)es y tocaor(a)s del Campo de Gibraltar), s’avéra passionnant à la fois parce qu’il fut confié à de jeunes artistes nourris par sa tradition orale et conscients de leur dette et de leur responsabilité, et parce que la programmation des trois concerts s’attachait à tenir les deux bouts de la féconde relation dialectique entre conservation du patrimoine musical et innovation. Les formations qui se succédèrent suffisent à illustrer cet équilibre : d’abord deux formats peu fréquents (un duo de guitares avec percussions, puis un groupe composé d’un guitariste, d’un trompettiste et d’un percussionniste donnant la réplique à une cantaora et une bailaora), suivis, pour le dernier concert, du duo cantaor/tocaor "de toujours".

Mais là n’est peut-être pas l’essentiel. Nous devons aux qualités humaines, à l’intelligence musicale et au vécu professionnel de Mathias Berchadsky d’avoir su créer un micro-climat flamenco à Gennes, en mettant au cœur du projet la musique telle qu’elle est vécue au quotidien par les artistes, et non les épiphénomènes qui occupent trop souvent la une journalistique - marketing promotionnel, "glamour" etc. Le choix d’Algeciras, San Roque et La Línea n’y est sans doute pas étranger : relativement méconnu et sous-estimé (à l’exception notable, évidemment, de Paco de Lucía), le flamenco local y gagne au moins d’avoir pour le moment échappé au redoutable binôme starisation/standardisation et au tourisme culturel bas de gamme et moutonnier tels qu’ils sévissent parfois ailleurs (chacun ajoutera ici les exemples de son choix...) - souvent même en dépit des efforts contraires des artistes concernés. Les stages, master class et conférence ont entretenu un bain de musique continu qui a rendu plus aisé l’accès à des programmes de concert sans concession, mais non sans séduction. Les artistes, présents tout au long du week-end, et les spectateurs ont pu nouer ainsi des relations de chaleureuse compréhension réciproque, comme en témoignent les discussions d’après concert qui se prolongèrent jusque tard dans la nuit au village du festival, ou encore l’acuité des questions lors des deux master class. Journal de voyage musical à Algeciras, via Gennes - ou via "Algeciras sur Loire", ainsi que les musiciens s’accordèrent à rebaptiser la ville...

NB : avouons d’abord avoir manqué, à notre grand regret, deux spectacles dont on nous a dit le plus grand bien : ceux de Cécile Capozzo (en format "tablao") et du duo Karine Gonzalez/Idriss Agnel. Mais plaidons les circonstances atténuantes : le programme était si dense qu’il nous a été impossible de tout voir et tout entendre.


Amphithéâtre de Gennes, vendredi 21 juin 2019, 21h :

"Algeciras después de Paco"

José Carlos Gómez et José Manuel León (composition et guitare)

Ruven Ruppik (percussions)

Le titre du concert pouvait s’entendre de deux manières, d’ailleurs complémentaires : comment faire vivre l’œuvre de Paco de Lucía, ou comment créer de manière personnelle à partir de son style ? Les deux guitaristes-compositeurs s’attachèrent d’abord à répondre brillamment et en solo à la seconde question, avant de reprendre quelques pièces de leur modèle, arrangées pour duo de guitares et percussions.

José Carlos Gómez commença par une soleá de facture relativement traditionnelle, si ce n’est l’absence quasi complète de rasgueados jusqu’à l’accelerando final - une option stylistique logique, la composition étant dédiée à Ramón de Algeciras (cf. Origen). Les guitaristes flamencos qui assistaient au récital auront admiré à sa juste valeur le haut niveau de maturité requis pour s’astreindre à respecter tous les codes du palo tout en les soumettant à une lecture personnelle ("llamadas", "paseos", "remates" etc.), et pour les fondre avec les falsetas en un tout cohérent. Les non spécialistes auront sans doute été impressionnés par la densité de la sonorité et la précision des attaques percussives de José Carlos Gómez, caractéristiques de l’interprète. On ne pouvait rêver plus fort contraste avec le premier mouvement de son récent concerto pour guitare et orchestre ("Algeciras"), qu’il joua en duo avec Ruven Ruppick (percussions). Sans références à une quelconque forme flamenca, la pièce est une sorte de développement mélodico-harmonique continu d’un thème que pourrait avoir signé Astor Piazzola. La comparaison avec la version orchestrée s’avéra passionnante en ce qu’elle nous permettait de pénétrer dans l’atelier du compositeur, de l’idée initiale à l’œuvre achevée.
Le guitariste renoua ensuite avec un répertoire moins aventureux, des alegrías et des bulerías "cantaoras", pour reprendre l’heureuse expression de Maguy Naïmi. Lors de sa master class, José Carlos Gómez insista à juste titre sur l’une des qualités majeures du style de Paco de Lucía : tout ce qu’il a composé peut être chanté - presque tout, dirions-nous. En deux exercices de style, il s’attacha ainsi à répondre à la deuxième question : comment s’inspirer de l’œuvre du "Maestro" sans tomber dans l’imitation stérile ? Réponse : en chantant avec l’instrument (encore faut-il en être capable...). L’alegría en La majeur ("La Reconquista") releva le défi d’évoquer "La Barrosa" sans jamais la citer explicitement, notamment par le cadrage des motifs mélodiques dans le compás - anacrouses, entames acéphales, enjambements sur plusieurs compases etc. La bulería ("por medio" avec "cambio" conclusif à la tonalité majeure homonyme, La majeur), presque totalement constituée de falsetas monodiques ("a cuerda pelá", pouce et "picado") fut une démonstration d’inventivité rythmique et d’énergie, dans un style très jérézan.

En trois longues pièces tirées de son disque "Sirimusa" (2006), José Manuel León défendit une option stylistique plus iconoclaste, mais également délectable, souvent basée sur la tension volontairement non résolue entre deux contraires. D’une part le lyrisme contenu, et d’autant plus poignant, qu’il exprima d’emblée en une magnifique granaína, "Río de la Plata". Le début, construit sur de sombres blocs harmoniques troués de silence, approchant par touches fugaces la couleur sonore du mode de référence (mode flamenco sur Si), évoque irrésistiblement les compositions de son père, Salvador Andrades - si vous ne connaissez pas encore l’album "Cuentos de Al-Yazira", nous vous en envions la découverte (cf. Cantaor(a)es y tocaor(a)s del Campo de Gibraltar. La suite nous conte le drame d’esquisses mélodiques lumineuses luttant vainement pour s’extraire de cette gangue harmonique des profondeurs et croître en volutes cristallines. D’autre part, une rage flamenca funky, développée à partir d’un détournement des techniques de rasgueados classiques. La bulería "Sirimusa" est un déferlement rythmique hallucinant de syncopes et de contretemps staccato, joués en allers-retours avec une souplesse de poignet diabolique, qu’on jurerait issus d’un disque de James Brown... ou encore d’une extrapolation du type d’accompagnement développé par Paco de Lucía pour ses sextets. L’option jusqu’au-boutiste, bien caractéristique du musicien, consistant en ce que la quasi totalité de la pièce, hormis quelques traits en picado échevelés , est constituée de séquences d’accords en phrasés de complexité croissante. Nous nous hasarderions volontiers à rapprocher l’album "Sirimusa" de certaines expérimentations de "Cositas buenas" : par exemple pour le goût de l’ellipse et la fragmentation du discours musical sans perte de cohérence, tels que nous les avons entendus dans le tanguillo "Isla Verde". On conçoit que ce type de compositions exigent une grande variété de timbres et de nuances dynamiques, deux qualités dont les interprétations de José Manuel León ne manquent pas.

En duo, les conceptions musicales et les tempéraments très différents des deux guitaristes s’avérèrent parfaitement compatibles et complémentaires. Après une entrée en matière "por tanguillo", la pièce maîtresse de la troisième partie du concert, consacrée au répertoire de Paco de Lucía, aura été "Toda una rumba" - en effet une longue suite constituée de relectures de (presque) tous les thèmes de Paco sur ce palo - "Entre dos aguas", "Río Ancho", "Convite", "Chanela" etc. (nous en oublions sans doute). Lors de sa conférence, José Carlos Gómez insista le lendemain sur la difficulté de composer "por rumba", un genre trop souvent méprisé par les "spécialistes". Il y faut, pour ne pas tomber dans la vulgarité, la grande qualité d’écriture mélodique dont témoigne avec constance l’abondante production de Paco de Lucía : au moins une rumba par disque, à partir de "Fuente y caudal". Par l’habileté des transitions, les arrangements de José Carlos Gómez et de José Manuel León ont parfaitement réussi à mettre en évidence la profonde unité d’inspiration de ces pièces. Surtout, ils sont parvenus à en magnifier la grâce mélodique, en mobilisant toutes les ressources du duo, de l’exposé contrapuntique des thèmes au chorus accompagné. On retrouva en bis, por bulería, la même qualité de facture, cette fois à partir d’un matériau plus restreint : pour l’essentiel, des falsetas tirées d’"Almoraima" et d’"El pañuelo", augmentées du fameux riff de l’introduction de "Viviré" (Camarón).

Saluons enfin la variété et l’efficacité du jeu de Ruven Ruppik : de l’art d’être discrètement présent et indispensable, et de surgir brusquement au premier plan si nécessaire, avec toute la virtuosité requise (relances, "mano a mano" avec l’un ou l’autre des guitaristes etc.). Toutes qualités qu’il démontra à nouveau le lendemain, dans un tout autre contexte.

En parfait complément à ce concert, José Carlos Gómez, avec la complicité de José Manuel León, donna le lendemain une conférence sur la vie et l’œuvre de Paco de Lucía (Salle des deux Ponts, Les-Rosiers-sur-Loire). Sur une trame chronologique, l’exposé menait en parallèle un récit biographique (milieu familial, carrière, rencontres déterminantes avec d’autres musiciens, flamencos ou non etc.) et une analyse de l’évolution esthétique du compositeur, à partir d’un choix d’albums fondamentaux pour l’histoire de la guitare flamenca. Les deux guitaristes illustrèrent leur propos en interprétant des extraits de compositions de Paco : entre autres "Farollillo de feria" (guajira), "Fuente y caudal" (taranta), "Almoraima" (bulería), "Monasterio de sal" (colombiana) et "Chanela" (rumba). L’intérêt du public qui emplissait la salle est une excellente nouvelle pour le flamenco.

NB : sur le sujet, on lira avec intérêt :

_ Pérez Custodio, Diana : Paco de Lucía. La evolución del flamenco a través de sus rumbas. Cadix. Universidad de Cádiz, Servicio de Publicaciones. 2005.

_ Torres Cortés, Norberto : Paco de Lucía y la serena evolución del flamenco contemporáneo, in Guitarra flamenca. Volumen II. Lo contemporáneo y otros escritos.Séville. Signatura Ediciones. 2005.


Amphithéâtre de Gennes, samedi 22 juin 2019, 21h :

"Los bienes de la tierra"

Ensemble "Mujerklórica" :

Alicia Carrasco (chant)

José Manuel León (composition et guitare)

Audun Waage (trompette)

Ruven Ruppik (percussions)

Rosario Toledo (artiste invitée - danse)

A l’exception des fandangos, le programme du concert présentait la totalité des compositions de l’album éponyme, dont nous n’avions pas encore eu l’occasion de vous entretenir. Remédions donc d’abord à cette lacune.

MujerKlórica

Mujerklórica, vol II : "Los bienes de la tierra" (auto-production, 2018)

Le communisme libertaire cher aux frères Caba (Carlos et Pedro Caba. Andalucía, su comunismo libertario y su cante jondo. Séville, Editorial Renacimiento, 2008 - première édition : 1933) n’est toujours pas mort en Andalousie, et en particulier dans ce Campo de Gibraltar où l’on n’aime les frontières qu’ouvertes, ou à la rigueur pour y faire de la contrebande - sinon légale, du moins morale -, et pour secourir dans le détroit et accueillir les réfugiés, économiques ou politiques, sans craindre d’y perdre son "identité". C’est là le privilège de ceux qui, vivant leur culture au quotidien, n’ont nul besoin de la préserver. MujerKlórica pourrait être une métaphore musicale de cet art de vivre. Le premier volume de leurs œuvres était titré "Una nueva sociedad" (2014). Le deuxième s’ouvre sur ce texte signé Pablo Villanueva, chanté entre martinete et romance par Alicia Carrasco sur un bourdon percussif de Ruven Ruppik : "Quiero ser un ser humano, que como fortuna tenga el trabajo de sus manos y los bienes de la tierra. / Quiero ser una persona sin colores ni fronteras, sólo ser un ser humano. Sólo vivir con la tierra. Y que terminen las guerras". A la fin d’un long périple musical aux humeurs changeantes dans le patrimoine folKlorique et flamenco de la région, le disque s’achève sur un magnifique hommage, pudique et poignant, aux "Trece Rosas", treize jeunes filles fusillées le 5 août 1939 par les sbires de Franco (texte de Pablo Villanueva, musique originale de José Manuel León), commençant, sur un rythme processionnel funèbre, par un exorde de trompette glaçant en prélude à une mélodie inspirée du romance "de las monjas", avec quelques inflexions "por petenera" : "Cuando la muerte corría / por las calles de Madrid / se cortaron trece rosas / sacándolas del jardín...".

"Romance a las Trece Rosas"

"Romance a las Trece Rosas" (extrait de l’album "Los bienes de la tierra - texte : Pablo Villanueva ; musique : José Manuel León ; adaptation : Alicia Carrasco / voix : Alicia Carrasco ; guitare : José Manuel León ; trompette : Audun Waage ; percussions : Ruven Ruppik ; HandPan : Miguel Hiroshi.

Dans le dossier de presse du groupe, on peut lire, à propos du présent album :

"Folclore, intervención sociocultural y vanguardia.

MujerKlórica nació como un proyecto de cohesión social y diversidad sociocultural que utiliza como herramienta nuestro patrimonio cultural oral. Su primer disco (Una nueva sociedad, 2012) se gestó con la inspiración de Clara Campoamor y fue la primera obra que reivindicó el feminismo desde el flamenco. De él dijo Félix Grande que era “un trabajo musical, moral y necesario”.

En esta segunda entrega MujerKlórica propone un compromiso con la memoria : una lucha contra la injusticia con la que el olvido barre los nombres de los flamencos fronterizos que han nacido o dejado su huella en el Sur más Sur de la geografía flamenca. Mantienen para ello sus señas de identidad estéticas : folclore, raiz, evolución, contemporaneidad, vanguardia, diálogo, pureza y hasta irreverencia".

La mise en œuvre musicale du projet est en tous points digne de cette belle déclaration d’intentions. On notera que l’évolution, la contemporanéité et l’avant-gardisme y sont considérés comme des marqueurs d’identité esthétique qu’il convient de maintenir, au même titre que le folklore ou les racines - ou plutôt que le respect des deux derniers ne s’entendent que par l’intervention active des trois premiers. Ou encore que la pureté, au sens de force de conviction, implique aussi l’irrévérence. Quant au dialogue, il est surabondamment prouvé tout au long de l’enregistrement par la connivence et la cohésion des musiciens. MujerKlórica est un véritable groupe travaillant de concert (dans tous les sens du terme) et avec détermination à un projet longuement mûri, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler par son objectif, sinon par ses moyens musicaux, celui que "Radio Tarifa" avait jadis défendu avec talent - on notera que le nom de ce groupe faisait déjà référence au Campo de Gibraltar...

Le livret (belles photographies et maquette de Mariano Vargas) reproduit tous les textes, avec des présentations qui mentionnent précisément les sources des cantes : Tío Mollino (siguiriyas), El Tuerto (tientos, cantiñas "de la Contrabandista" et "de la Monterana"), Rafael Pareja (tientos), Pepe Pinto (cantiña "tarifeña"), La Peñaranda (malagueña), Paquera de Jerez (zambra), El Chaqueta (tangos), El Angoli (soleares), El Sevillano (fandangos), Corruco de Algeciras (fandangos) et Flores el Gaditano (rumba) - tous cantaores locaux, ou ayant vécu longuement à Algeciras (cf. Cantaor(a)es y tocaor(a)s del Campo de Gibraltar). Les photos contribuent également à ce travail de mémoire, et évoquent discrètement le travail de recherche préalable : des portraits d’Alicia Carrasco et de José Manuel Léon, mais aussi des jaquettes de disques (Paco de Lucía et Tío Mollino)... et un "bonsaï d’olivier" (racines en terre étrangère ?). Ces informations posent le sempiternel, et à notre avis assez vain, problème de la nomenclature des cantes. A partir de quel degré de divergences avec un modèle mélodique original (qu’au surplus on connaît rarement avec certitude, faute d’enregistrements) convient-il de parler de "version personnelle", de "recréation", de "création" etc.? Toujours est-il qu’au détour de telle ou telle pièce, on reconnaîtra le style de Manuel Torres, et par delà le répertoire de Jerez et de Los Puertos (siguiriyas) ; la siguiriya attribuée à El Planeta ; El Mellizo, El Morcilla et La Roezna (soleares) ; El Gloria et, par delà, une variante des fandangos de Alosno (fandangos) etc. Cet exercice d’archéologie musicale réserve d’ailleurs quelques délectables surprises, telles le phrasé très particulier imprimé par El Tuerto (et repris par Enrique Morente, toujours à l’affût) à un tiento du répertoire d’Antonio Chacón ("Que pájaro será aquel..."), ou les premiers "tercios" de la cantiña de la Contrabandista, mélodiquement assez différents de ceux de la version de Camarón. Il s’agit sans doute là d’une reconstitution à partir de l’enregistrement d’El Tuerto, réalisé pour la "Magna Antología del Cante Flamenco" (Hispavox, 1982) - "reconstitution", parce qu’El Tuerto était trop âgé pour pouvoir en donner une interprétation exacte (pour le même raison, Laura Vital s’est livrée à un travail similaire à celui d’Alicia Carrasco, sur les bribes de la Rosa enregistrées par Ramón Medrano).

Pour ce matériau musical d’une grande diversité, du tragique (malagueña et fandango de Lucena) au festif caribeño ("El Tururú", rumba), José Manuel León a composé de magnifiques écrins que l’on écoute de surprise en surprise, sans que jamais aucun effet ne paraisse forcé, tant il est soucieux de cohérence entre ses harmonisations et ses "patterns" rythmiques, aussi aventureux soient-ils, et les affects des palos, des modèles mélodiques et des letras. Si "irrévérence" il y a, ce n’est certes pas vis à vis de ses sources ou de ses partenaires, mais plus sûrement d’une certaine conception réductrice de l’"authenticité" - quand elle est servie par une telle intelligence musicale et de tels moyens techniques, la seule qui vaille est celle de l’intention assumée.

Au cours de la master-class qu’il donna le lendemain du concert à l’amphithéâtre de Gennes, il a déclaré, non sans une certaine exagération à dessein provocatrice, que le cante n’évolue plus et qu’il est par là même responsable de l’inertie du toque, du moins en ce qui concerne l’accompagnement. Il est vrai que les "accompagnements" du disque sont plutôt des compositions "durchkomponiert", les motifs mélodiques et/ou harmoniques qui tiennent lieu de falsetas étant reconduits et incessamment variés (transpositions, modulations etc.) en contrepoints au chant - sans compter les détournements polyrythmiques du compás. Il a trouvé en Alicia Carrasco la partenaire idéale, capable de s’immiscer sans dommages dans la densité de ces trames, en ce qu’elle est moins une cantaora, au sens traditionnel du groupe, qu’une vocaliste de groupe (les crédits mentionnent d’ailleurs pour elle "voz", et non "cante"). Evidemment, on ne verra rien là de péjoratif : elle chante en musicienne, dans une sorte de version flamenca des grandes chanteuses de jazz œuvrant dans les "small groups". C’est dire que son expressivité tient moins à l’usage des mélismes, dont elle est parcimonieuse, qu’à un dessin limpide des lignes mélodiques, colorées par une impressionnante palette de timbres et de dynamiques (le crédit exact serait "voces", plutôt que "voz"). Quelques exemples ? : le beau "temple" original qui annonce l’entame mélodique de la "Tarifeña", chantée en continuité ; le fugato de la coda de ces mêmes cantiñas (re-recording) ; le phrasé délicatement analytique du fandango de Lucena (avec les idiomatiques attaques de notes "par en-dessous" suivis de portamentos), de surcroît dans sa variante la plus exigeante du point de vue de l’amplitude, nommée parfois "Verdial de Lucena" pour la différencier des créations de Dolores la de la Huerta et de Rafalillo Rivas. etc.

L’analogie avec les "small groups" de jazz est d’autant plus tentante que la composition de MujerKlórica en est très proche, avec une section rythmique et deux instruments mélodiques chargés parfois des chorus, mais surtout des contrechants. Tous les musiciens contribuent avec un égal talent à la richesse de textures sonores dont la prise de son de Francisco Ureba ne laisse ignorer aucun détail, et transforment l’album en une véritable "suite" cohérente : outre ceux que nous avons déjà cités, Audun Waage (trompette) ; Michalis Kouloumis (violon) ; Martín Leiton (basse) ; David León, Alba Carrasco, Ángel Sánchez "Cepillo", Paquito González et Miguel Hiroshi (percussions) ; sans oublier les palmas d’"El Batallón. L’album nous vaut aussi le rare privilège d’écouter Salvador Andrades (guitare) en duo avec José Manuel León (fandangos). Lors de sa master-class, celui-ci a déclaré que le flamenco est "Muy, muy machista" - au présent donc. Prêchant par l’exemple, il a invité la guitariste Caroline Planté (qui "aggrave" son cas, parce que canadienne...) à accompagner la malagueña et le fandango de Lucena - ce dont elle s’acquitte remarquablement.

Le concert de Gennes

Ce compte-rendu de l’album vaut également pour celui du concert, moins parfait sans doute, mais plus intense encore. Les seules différences entre l’un et l’autre furent les inévitables adaptations dues à un effectif plus réduit. Outre le trio de base (Alicia Carrasco, José Manuel León et Ruven Ruppik), seul Audun Waage était sur scène. Nous ne nous en plaindrons pas, car il excella dans les contrechants comme dans les chorus, avec une sonorité magnifique évoquant Chet Baker ou Paolo Fresu. Nous avons particulièrement apprécié la version en trio de "Hay que ser positivo", une composition de José manuel León transformée en "grille" pour une longue improvisation du trompettiste.

En invité d’honneur, la bailaora Rosario Toledo eut le temps de nous donner un aperçu de l’étendue de ses registres : enjouée et pleine de grâce et d’humour dans les cantiñas (quelques réjouissants échanges avec le percussionniste et avec le public), véhémente et "historiquement informée" dans la zambra et les tangos, et enfin tour à tour hiératique pour les "marquages" du cante et virtuose pour les "escobillas" dans les siguiriyas.


Amphithéâtre de Gennes, dimanche 23 juin 2019, 17h :

Récital de cante

Manuel Peralta Flores (chant)

Antonio Martín (guitare)

Par un savoureux paradoxe, ce sont les deux artistes les plus jeunes de la programmation qui nous ont donné un récital de cante traditionnel en clôture du festival Flamenco en Loire. Et quel récital !

Comme tous les bons cantaores, Manuel Peralta Flores est avant tout musicien. Ce fut évident dès le "temple" qui préludait à la granaína-malagueña d’Aurelio Sellès et de la malagueña del Mellizo par lesquelles il commença le concert : tout en finesse et en nuances, comme les deux cantes qui suivirent - la malagueña del Mellizo avec trois suspensions mélodiques modulantes vers La mineur, sur chaque "tercio" impair, là encore sur le modèle des versions d’Aurelio. Il va sans dire qu’il possède toutes les capacités techniques nécessaires à l’interprétation d’un répertoire qu’il avait choisi avec une grande exigence : ampleur de l’ambitus vocal, longueur de souffle, précision de l’intonation et réserves de puissance. Mais il n’en use qu’avec sobriété, pour servir au mieux la beauté intrinsèque de chaque modèle mélodique. Son interprétation de la malagueña del Mellizo nous a rappelé la musicalité qu’y insufflait Roque "Jarrito" Montoya : pas la moindre débauche de puissance ni la moindre tenue de note exhibitionnistes, mais un équilibre parfait entre la durée des "tercios" et celle des silences, et une ornementation strictement limitée à certaines notes clés et aux fins de phrases - de sorte qu’à l’issue du cante, nous gardions en mémoire la totalité de son arc mélodique. Encore faut-il que le guitariste ne s’attarde pas dans ses "réponses", et fasse preuve plus globalement du même tact - "tactus" conviendrait bien aussi, car s’il s’agit de deux "cantes libres" (c’est-à-dire sans compás), ils ne sont pas pour autant dépourvus d’une pulsation héritée de leur origine (les fandangos "abandolaos"), que l’on doit sentir dans toute interprétation de qualité (cf. par exemple, Carmen Linares ou Enrique Morente). Antonio Martín nous prouva d’emblée qu’il sait ce qu’accompagner le cante traditionnel veut dire.

Toutes les séries de cantes du programme furent à la hauteur de ces malagueñas, qui avaient déjà placé la barre très haut. Manuel Peralta Flores semble d’autre part disposer d’une connaissance encyclopédique du répertoire, au moins pour les palos qu’il avait choisis, ce qui lui permet de construire des suites cohérentes avec une intuition très sûre de la compatibilité des compositions qu’il enchaîne et de la progression dramatique, ou festive et rythmique, d’ensemble. Ajoutons enfin qu’il prend grand soin de la diction, et permet ainsi une claire compréhension de letras sélectionnées, non comme simples supports plus ou moins neutres du chant, mais pour leur qualité littéraire et émotionnelle. Nous nous contenterons donc de décrire le programme d’un récital que nous n’oublierons pas de sitôt :

_ Alegrías et cantiñas : après une originale introduction ad lib., dérivée de la cabal d’El Chaqueta ("Desde la Porverita hasta Santiago..."), alegrías "classiques" suivies de trois cantiñas (Camarón, El Pinini et Pastora Pavón "Niña de los Peines"). La liaison impeccable, systématiquement sur le souffle, de chaque "juguetillo" avec le cante qui le précédait généra un swing d’enfer...

_ Soleares : introduction cette fois orthodoxe, sur un classique de Joaquín de la Paula. Suivirent deux soleares de Cádiz (El Morcilla et Paquirri), encadrées par deux cantes du répertoire de Fernanda de Utrera - mieux vaudrait écrire deux "créations" de Fernanda de Utrera, tant ses versions sont devenues canoniques. Le galbe sinueux de la première ("Por el hablar de la gente..."), sur le souffle jusqu’à la reprise, valait à lui seul d’assister au concert - ce n’est pas la performance technique que nous saluons ici, mais sa pertinence et sa beauté musicales.

_ Tientos et tangos : tientos gaditans (via Antonio Chacón et El Tuerto) et accelerando insensible et suave vers les tangos (Antonio Mairena, extremeño version Camarón et La Repompa).

_ Bulerías, avec le renfort de José Carlos Gómez et du trio MujerKlórica por les palmas et le jaleo : entre des bulerías "cortas" de Jerez, évocations d’Antonio Mairena, La Perla de Cádiz, Camarón, Pansequito, Juan Villar... une apothéose qui laissa le public pantelant, mais insatiable : bis inévitable, sans micro, por bulería et La Perla ("Páseme usted el estrecho..."). Point final du festival Flamenco en Loire dédié à Algeciras sur un détroit, le hasard est parfois facétieux.

Antonio Martín a un talent savoureux pour ajouter des commentaires harmoniques "contemporains" à des citations de falsetas historiques, du patriarche Maestro Patiño (fin du XIXe siècle - por soleá) à Paco de Lucía (por tiento), en passant par Ramón Montoya (por malagueña). Ses falsetas personnelles ont la concision requise pour ne pas interrompre intempestivement la continuité du cante, et la densité et l’énergie qui conviennent pour le relancer.

A l’issue du concert, les deux musiciens nous ont confié qu’ils n’avaient que rarement joué ensemble. Au vu du résultat, leur duo mérite d’être pérennisé, et aura été pour nous une très heureuse découverte.


Les deux master-class

Les stages de danse (Cécile Capozzo), de palmas (Macarena Andrades) et de guitare (Álvaro Martínez et Mathias Berchadsky) ont affiché "complet". Les guitaristes surtout auront été nombreux, et auront eu en outre le privilège d’assister, à l’issue des cours, à deux master-class de José Carlos Gómez (samedi 22 juin) et de José Manuel León (dimanche 23 juin).

Les master-class de guitare se résument souvent à des démonstrations de pyrotechnie digitale, auxquelles le commun des mortels assiste médusé, mais dont il ne tire finalement pas grand-chose, sinon un surcroît de découragement. Au mieux, ils sont conçus comme des mini stages - l’occasion d’apprendre une falseta, un truc technique etc. Conscient du problème, et des non-dits qui dissimulent trop souvent la vérité d’un métier nettement plus dur que l’idée paradisiaque que peuvent s’en faire des amateurs passionnés mais étrangers au milieu professionnel, Mathias Berchadsky avait insisté auprès des deux guitaristes pour qu’ils nous parlent de leur quotidien de musicien. Grâce lui en soit rendue : ce type de témoignage est aussi fondamental pour la compréhension de la musique que les analyses harmoniques ou rythmiques les plus pointues. Mis en confiance par l’atmosphère conviviale de ces trois jours, et motivés par l’intérêt des questions que leur ont posées les stagiaires, José Carlos et José Manuel se sont livrés sans réticence et avec une belle liberté de parole à un exercice auquel il ne sont guère accoutumés, qui se prolongea d’ailleurs pour chacun bien au-delà de l’heure initialement prévue. Il était fascinant d’écouter, à un jour d’intervalle, deux musiciens d’une même génération, issus d’une même tradition et formés plus ou moins à la même (dure) école, décrire leur travail et leur parcours avec des personnalités totalement différentes : José Carlos Gómez serein, prolixe et gardant un pied dans la tradition ; José Manuel León encore "en colère" (malgré sa longue carrière), plus laconique et plus iconoclaste. Il nous est impossible de reproduire ici tous leurs propos. Nous nous contenterons de quelques remarques et anecdotes, à l’usage surtout des guitaristes.

On parla tout de même un peu technique, symptomatiquement de main droite - pour les flamenquistes, celle qui "exécute", joue avec le compás (pour les "palos" qui en sont pourvus) et laisse à la main gauche le soin de "penser" (penser en séquences d’accords - en "posturas"). Les deux guitaristes sont parfaitement d’accord : il faut travailler le plus lentement et le plus fort possible, avec un métronome. J.M.L. ajouta "devant un miroir" (seul moyen de contrôler et de corriger la position de la main, commenta Mathias). Un conseil récurrent, qui exige des heures de travail arides et exténuantes pour la concentration, mais dont les bénéfices ne sont plus à prouver : Victor Monge "Serranito" et "El Entri" en sont d’autres adeptes fameux, avec les résultats que l’on sait pour l’école madrilène de "Caño Roto". J.M.L. passa à une courte démonstration, en picado, arpèges et trémolo (pouce buté pour cette dernière technique, pour assurer une bonne stabilité de la main). Mais il abandonna rapidement le sujet, qui visiblement ne le passionnait pas, en nous assurant qu’il ne travaillait plus (au sens technique du terme) depuis une quinzaine d’années, et qu’il lui suffisait de donner des cours et de jouer quand il avait un concert en perpective - "jouer", c’est-à-dire en fait se livrer à une autre forme de travail portant sur l’interprétation et la dynamique (démonstration sur une série d’arpèges répétitifs crescendo) et les nuances - c’est sans doute en ce sens qu’il modifia le conseil fondamental : "il faut jouer très lentement, très fort et de manière féminine. Il revenait ainsi sur un constat qui lui tient sans doute à cœur et qu’il nous avait asséné sans qu’aucune question ne lui ait été posée en ce sens : "el flamenco es muy, muy machista" - rien de plus exact et malheureusement toujours d’actualité, surtout pour la guitare flamenca. J.C.G. avait la veille légèrement nuancé ce point de vue, toujours valable selon lui pour la guitare, mais plus actuellement pour le chant - la danse ayant de toute façon toujours été épargnée.

L’apprentissage technique est donc une sorte de droit d’entrée indispensable, mais qui peut s’avérer dangereux s’il tourne à l’obsession de la performance.
C’est J.C.G. qui a le plus insisté sur ce point. Il a d’abord corrigé une légende courant sur le compte d’Antonio Sánchez Pecino, le père de Ramón de Algeciras et de Paco de Lucía, selon laquelle il aurait soumis ses fils à des travaux forcés permanents - rappelons qu’il là s’agit de témoignages de première main, les deux guitaristes ayant beaucoup fréquenté la famille, et les nombreux élèves d’Antonio Sánchez. Ce dernier tenait à une discipline de travail stricte : "travailler la guitare ou travailler dans un bureau, c’est la même chose : tu fais ta journée de huit heures, et ensuite tu vis. J.C.L. nous dit à plusieurs reprises que Paco avait eu une vie heureuse : né au bon endroit, au bon moment, dans une famille intelligente... Grâce à ses dons exceptionnels, il a pu éviter de dédier une grande partie de sa vie au travail technique - autant de gagné pour se consacrer à ce qui seul compte vraiment, composer. "Monter en vitesse et en puissance ne lui a jamais posé de problème. Il privilégiait les silences". "Paco ne vivait pas seulement pour la guitare. Il faisait du sport, de la pêche sous-marine, ou simplement passait deux mois de vacances à jouer avec ses enfants sans toucher à une guitare". Evidemment, "Paco a été pour notre génération une grande chance... et une grande souffrance. Il avait placé la barre si haut...". S’il faut s’efforcer de combler ses lacunes, il est plus profitable encore d’exploiter ses points forts. Pour J.C.G., Moraíto a été le prototype du guitariste heureux, se contentant de ce qu’il avait pour créer une merveilleuse musique. Beaucoup de guitaristes de sa génération ont gâché leur vie à vouloir coûte que coûte égaler Paco, voir le surpasser techniquement. J.C.G cita à ce propos un aphorisme de Tomatito : "je connais des guitaristes qui ont fini par attraper une tendinite au cerveau." (à méditer). Lui-même est passé par une telle crise : "quand j’étais môme, je souffrais beaucoup. J’étais toujours persuadé que je jouais mal". C’est souvent un concours de circonstances qui débloque ce type d’impasse : "J’étais très ami avec le fils de Ramón de Algeciras. Un jour que je jouais "por soleá" dans une fête, j’ai vu Antonio Sánchez entrer dans le patio, ce qui a achevé de me stresser. Il m’a écouté quelques instants, puis il est parti sans rien dire. J’ai finalement chargé mon ami de lui demander s’il avait aimé mon jeu. Antonio lui a répondu : "Comment ne me plairait-il pas, puisqu’il joue selon mon école ?". J’étais sauvé...". J.M.L. a échappé beaucoup plus rapidement à ce genre de piège : "ma chance a été que, de toute façon, je ne pouvais pas jouer les compositions des autres : juste un peu de Niño Ricardo, de Paco, et surtout de mon père (Salvador Andrades) - justement parce qu’il avait lui-même une personnalité très marquée, un style très atypique.

Du fait de son style franchement expérimental, et d’opinions bien tranchées, J.M.L. est plus critique vis-à-vis du milieu flamenco, qui sans doute le considère en retour comme un marginal un peu excentrique. Quelques morceaux choisis suffiront à comprendre ses (et sa) positions : "je n’ai qu’une seule guitare, celle-là", dit-il en montrant l’instrument qu’il a apporté. "Souvent, je m’ennuie moi-même à jouer du flamenco". "J’aime le rock-metal et le jazz, ce sont les guitaristes de ces styles qui me parlent le plus". "Le chant flamenco n’évolue plus, et donc la guitare non plus. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi depuis longtemps de me consacrer à la composition et au solo, sauf dans le cadre très particulier de MujerKlórica". "Entre avant-gardistes et orthodoxes, il n’y a pas de moyen terme, pas de points de contact. D’ailleurs, il est très difficile de mener des collaborations à long terme avec d’autres guitaristes, sans parler du manque de solidarité entre nous. La seule exception que j’aie vécue, je la dois à "La nueva escuela de la guitarra flamenca" de Gerardo Nuñez : là, j’ai rencontré des collègues vraiment ouverts, Miguel Ángel Cortés, Antón Jiménez, Jesús del Rosario...".

Enfin, J.C.G. a courageusement tenté de répondre à une épineuse question : comment composer une bonne pièce pour guitare flamenca ? "Après avoir choisi tel ou tel "palo", je me donne d’abord un délai limite pour terminer ma composition, parce que l’un des problèmes est souvent de décider quand une pièce est finie. Ensuite, j’écoute tout ce qui s’est déjà fait, pour tenir un équilibre entre la création et les points clés de la forme - ne pas les citer explicitement, trouver des accords qui n’ont pas été utilisés etc. Mais trop d’accords inédits peuvent conduire hors du flamenco. Paco de Lucía a lui-même été confronté à ce genre de problème. Il m’a raconté qu’il n’était pas satisfait de la première version de la rondeña de l’album "Siroco", intitulée "Mi niño Curro" : pour lui, ça ne sonnait pas flamenco, trop d’accords étranges... Pour sortir de l’impasse, il a écouté en boucle la rondeña de Ramón Montoya... Mais finalement, le processus de composition reste très mystérieux. C’est comme si tu finissait par te trouver dans un lieu étrange, que tu ne soupçonnais pas. Tu travailles beaucoup, tu suis beaucoup de chemins en impasse, et quand tu trouves enfin quelque chose qui te semble joli, c’est comme si ce n’était pas de toi, comme si quelqu’un te l’avait soufflé".

Un petit exercice pour la route ? Signé J.C.G., pour apprivoiser la fameuse battue du pied sur des groupes de trois doubles croches en 3/8 : [silence / battue / battue] / [silence / battue / battue] / [silence / battue / battue] / [silence / battue / battue] etc. (répété quatre fois, le groupe occupe six temps de la bulería, soit un medio-compás à 6/8, ou à 12/16). Jouer un arpège de six notes (P, i, m, a, m, i), très lentement et très régulièrement. Le silence tombe sur l’attaque du pouce, chacune des deux battues sur chacune des deux attaques du majeur. Test réussi : ça marche.

Gennes

Le festival Flamenco en Loire n’existerait pas sans l’association "Eoliharpe" et le dévouement de Philippe Buron et de tous les bénévoles qui ne ménagent pas leur peine en amont de l’évènement, et moins encore pendant les festivités, pour assurer l’intendance, la restauration etc. et l’accueil chaleureux de tous, qu’ils soient artistes ou festivaliers. Qu’ils en soient une fois de plus remerciés. Et si vous séjournez dans la région, ce que vous ne regretterez pas, la "Longue Vue" est une halte on ne peut plus recommandable.

Claude Worms

Photos : Jeanne Bonnet


"Romance a las Trece Rosas"




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