mardi 23 octobre 2007 par Claude Worms
"Original Flamenco" : Sound of Music Galaxy 3894092
LA PARTITION
Le "palo"
Le compás métrico-rythmique des Alegrías est identique à celui de la Soleá
(cf, dans la même rubrique : "Andrés Serrita : Soleá"). Le tempo est cependant en général plus rapide, et le rubato moins prononcé que pour la Soleá.
Les Alegrías sont les cantes les plus caractéristiques du groupe des Cantiñas, qui comprend beaucoup d’ autres cantes : Caracoles, Mirabrás, Rosas, Romeras, Cantiñas del Pinini, Alegrías de Córdoba...
Les Alegrías sont jouées dans des tonalités majeures. Les plus usuelles sont les tonalités de Mi Majeur, La Majeur, et Do Majeur (vous pouvez dans ce cas trouver le terme "Cantiñas" pour désigner le même "palo"). Ces trois tonalités sont aussi utilisées pour accompagner le cante et le baile. Certains solos sont composés en Sol Majeur (Javier Molina, Paco Aguilera, Parrilla de Jerez, Dieguito de Morón, Niño Ricardo, Manuel Cano...), ou en Ré Majeur (Manolo Sanlúcar, Paco de Lucía, Oscar Herrero...). Pour les Alegrías en Ré Majeur, la sixième corde est accordée en Ré. Pour les Alegrías en Sol Majeur, l’ accordage est parfois : Ré / Sol / Ré / Sol / Si / Mi.
L’ accompagnement de la chorégraphie traditionnelle a influencé le "toque por Alegrías", qui se démarque nettement du "toque por Soleá" :
_ Quant à la structure des falsetas : fréquence des falsetas à "medio compás", correspondant à l’ accompagnement de l’ "escobilla" (duplication des temps 7 à 12 sur les temps 1 à 6, ce qui implique des accents rythmiques sur les temps (2), 4, 6, (8), 10, et 12). C ’est le cas pour les deux falsetas suivantes.
_ Quant au plan tonal des compositions : on trouvera souvent des modulations vers la tonalité mineure homonyme, comme pour le "silencio" du baile.
Les falsetas
Ces Alegrías en tonalité de Mi Majeur évoquent les Rosas traditionnelles. Les deux falsetas sont basées sur deux systèmes "classiques" de modulation :
_ Modulation vers le mode flamenco relatif, sur Sol# (ou "por Minera") : les accords de dominante et sous-dominante de la tonalité majeure (respectivement B7, et A), deviennent accords du troisième et du deuxième degrés du mode flamenco (cadence flamenca "por Minera" : B - A - G#). Cette cadence est ici traitée en mouvement ascendant (G# - A - B) : à la fin de la modulation, l’ accord de B7 est utilisé à nouveau comme dominante de la tonalité de Mi Majeur. Ce type de modulation existe dans le cante des Caracoles : tonalité de Do Majeur, et modulation vers le mode flamenco relatif, sur Mi ("por arriba").
_ Modulation vers le mode flamenco sur la dominante de la tonalité majeure : ici, sur Si (mode "por Granaína"). Dans la deuxième falseta, la cadence II - I du mode "por Granaína" (C - B) est réalisée avec des accords de 7dim. (F#7dim., et C7dim.). A la fin de la modulation, l’ accord du premier degré (B7) redevient l’ accord de dominante de la tonalité majeure. On notera cependant que l’ ambiguïté modale est maintenue jusqu’ à l’ ultime cadence V - I : B(b6)/C - E13, et non B7 - E13 (les notes Do bécarre et Sol bécarre, pour l’ accord de B(b6)/C, sont constitutives du mode flamenco de Si). La même modulation se trouve dans le cante des Mirabrás : tonalité de Mi Majeur, et modulation vers le mode flamenco de Si ("por Granaína").
Le CD
José Peña est né à Grenade, mais nous prendrons cependant la liberté
de le "naturaliser", dans la mesure où il a mené l’ essentiel de sa carrière professionnelle en France. Après avoir parcouru l’ Europe avec les "Coros y Danzas" de Grenade, dont il est le premier guitariste dès l’ âge de 14 ans, il est en effet nommé professeur de guitare flamenca à l’ "Académie de Guitare de Paris" en 1962. Exerçant cette fonction jusqu’ en 1983, il a ainsi formé plusieurs générations de guitaristes français (dont Jean-Marie Nègre, Jacques Salvage, Philippe Donnier, et l’ auteur de cet article...). En tant que concertiste, il s’ est toujours exclusivement produit en soliste ( tournées en Espagne, en Allemagne, et en France : Rennes, Valence, salle Chopin-Pleyel à Paris...)
Familier des guitaristes de Grenade, en particulier de Pepe El Tranca et de Manuel Cano, il en a hérité l’ idiome classique de la guitare flamenca de concert, puisé aux meilleures sources (essentiellement Ramón Montoya et Niño Ricardo).
Le présent CD est une réédition (presque anonyme, sans livret, avec une jaquette plutôt dissuasive... : scandaleux !) de son unique LP, enregistré en 1966 (SFP 54004, ou 52002). Disque "à l’ ancienne", sans palmas ni percussions : une guitare flamenca enregistrée dans les conditions du "live", sans montage ni adjuvants. Le programme présente une ample gamme de "palos" (Soleá con Caña, Alegrías, Granaína, Fandangos, Siguiriyas, Farruca, Bulerías "por arriba", Taranta, Tanguillos, et une Zambra "por Granaína"), dans lesquels le compositeur sait faire preuve d’ originalité tout en respectant rigoureusement les formes traditionnelles.
La qualité de l’interprétation relève elle aussi des caractéristiques de l’ école "concertiste" de Grenade : sobriété, finesse musicale, délicatesse du phrasé,
attaques précises et équilibrées, et souci d’ une pureté du son proche de celle de la guitare classique pour les arpèges et le trémolo. José Peña allait par la suite développer un style original et innovant, dans des compositions que l’ on a pu apprécier en concert, mais qui n’ ont malheureusement jamais été enregistrées...
Claude Worms
José Peña : Alegrías - falseta 1
José Peña : Alegrías - falseta 2
NB : Extraits de moins d’ une minute. Nous prions les artistes ou les labels qui ne souhaiteraient pas voir ces fichiers Mp3 inclus dans l’article de nous contacter le plus rapidement possible. Nous les retirerons immédiatement.
Juste pour info, l’album est dispo sur Deezer à l’adresse :
http://www.deezer.com/fr/music/jose-pena/recital-flamenco-espana-spain-236738
Merci pour tous ces articles !
Cordialement,
Miguel
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