Rocío Molina : "Caída del cielo"

dimanche 6 novembre 2016 par Nicolas Villodre

Rocío Molina : "Caída del cielo" - Théâtre de Chaillot (Paris), du 3 au 11 novembre 2016.

Photo et logo : Pablo Guidali

Rocío Molina : "Caída del cielo"

Théâtre de Chaillot, du 3 au 11 novembre 2016

Codirection artistique, chorégraphie et direction musicale : Rocío Molina

Codirection artistique, dramaturgie, mise en scène et lumières : Carlos Marquerie

Musique originale : Eduardo Trassierra

Collaboration musicale : José Ángel Carmona, José Manuel Ramos "Oruco" et Pablo Martín Jones

Aide à la relation au sol : Elena Córdoba

Costumes (design) : Cecilia Molano

Costumes (réalisation) : López de Santos, Maty et Rafael Solís

Photo : Pablo Guidali

Danse : Rocío Molina

Guitares : Eduardo Trassierra

Chant et basse : José Ángel Carmona

Compás et percussions : José Manuel Ramos "Oruco"

Percussions et effets électro : Pablo Martín Jones

Direction technique et lumières : Antonio Serrano

Sonorisation : Javier Álvarez

Régie : Reyes Pipio

Angelot déchu

Vaudrait-il donc mieux être seule que mal accompagnée ? On peut se poser la question après avoir vu la dernière pièce de Rocío Molina, précisément dans la salle Jean Vilar du Théâtre de Chaillot où la danseuse s’était distinguée en 2008, aux côtés des bailaoras aguerries Merche Esmeralda et Belén Maya. Depuis lors, la malaguène n’a cessé de nous étonner, ici comme ailleurs.

Désormais “artiste associée” à ce lieu prestigieux qui, pour partie, la fit décoller au niveau le plus élevé qui puisse être pour ce qui est d’une carrière artistique, elle a décidé d’intituler sa dernière création "Caída del Cielo", pour ne pas dire "Chute d’Icare", relativisant sa spectaculaire envolée ou Subida al cielo, pour reprendre une expression biblique à laquelle se réfère aussi l’insolite périple en autocar imaginé par Luis Buñuel en 1952.

Outre ses "accompagnateurs" habituels, ses co-interprètes José Ángel Carmona au chant et à la basse électrique, Eduardo Trassierra aux guitares et José Manuel Ramos "Oruco" au compás et aux percussions, la danseuse s’est adjoint la collaboration de Pablo Martín à la batterie et aux effets électro. La production a trouvé un nouveau métier à la chorégraphe contemporaine madrilène Elena Córdoba : "aide à la relation au sol". Enfin, et c’est là que le bât un tantinet nous blesse, le metteur en scène de théâtre Carlos Marquerie, qui co-signe le spectacle, a certainement favorisé son art par rapport à celui de la danse pure et dure. On dirait que depuis Pina Bausch, plus aucun chorégraphe contemporain ne peut se passer d’assistant, de "regard extérieur" ou de "dramaturge".

Photo : Pablo Guidali

Dans le cas qui nous occupe, c’est pourtant moins la représentativité théâtrale que l’absence de structure qui nous a gêné. Dans l’art vivant, quel qu’il soit, à notre sens, la "déconstruction" (mot par lequel Derrida traduisit le concept heideggerien d’Abbau) ou même la "reconstruction" ne présuppose pas le manque de rythme, l’absence d’opposition entre temps faibles et forts, l’arasement des contrastes et des contrepoints, qu’ils soient visuels ou sonores. Or, c’est ce qui pose problème dans cet opus. Plus encore que certaines fautes de goût, bravades potaches, ou signes après-coureurs de provocations à l’ancienne. On pense aux ligots en cuir noir connotés bondage ; au sachet de krupuks figurant le sexe (ou le sens) interdit ; au bâton de berger oriental tendu à travers cuisses ; à la mise à nu de la Nouvelle Ève qu’est encore pour certains toute bailaora qui se respecte...

À ce manque d’idées neuves et de vraies trouvailles, s’ajoute le refus de la progression, du développement, voire, tout simplement, de la variation autour d’un thème en partie esquivé – cet art de la chute que les japonais nomment ukemi. En outre, on peut ne pas être sensible à la fausse bonne idée du dripping pollockien à base de pâte Nutella souillant complaisamment le PVC immaculé recouvrant la scène, vidéoté live par une caméra verticale. Malgré tout, malgré des défauts que nous ne taisons pas, ne serait-ce que pour rester crédible, la danse de Rocío Molina a encore gagné en précision. Elle est actuellement une des rares bailaoras qui soit capable de tout interpréter à sa façon inimitable, quel que soit le palo choisi.

Rocío prend aussi des risques réels, comme, jadis, ses consœurs Louise Lecavalier et Elizabeth Streb, ou bien les solistes de William Forsythe – cf. son atterrissage sur les rotules protégées à peine par des genouillères. Elle s’en donne à cœur joie dans une très longue routine finale qui ravit le public et où elle fait incursion dans les travées, éclairée par des poursuites. Les interprètes la soutenant sont tous d’un très bon niveau, comme l’est la sonorisation, l’amplification des pas, des chocs au sol et des caresses de la spectaculaire bata de cola blanche inaugurant le show, dessinée par Cecilia Molano.

Nicolas Villodre





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