Antonio Higuero : une leçon de bulería

Photo : Juan Luis Monge

Nous poursuivons notre exploration de la bulería de Jerez avec six falsetas d’Antonio Higuero (Jerez, 1969). Élève de Manuel Lozano "el Carbonero" et de José Luis Balao, il compte parmi les nombreux tocaores qui exercent leur métier avec talent et probité mais restent trop méconnus du public et de la critique. Après avoir tenté une carrière de concertiste, il a finalement opté pour l’enseignement et l’accompagnement du cante, essentiellement en compagnie de cantaor(a)es jérézan(e)s (La Macanita, El Nano de Jerez, El Torta, Fernando Terremoto, El Mono de Jerez, Ezequiel Benítez) et gaditans (Rancapino, Rancapino Hijo, Antonio Reyes).

Por bulería, le style d’Antonio Higuero se situe dans la lignée de celui de Moraíto, dont il est le cadet de treize ans et dont il a intégré les principales innovations à ses propres compositions :

• "a cuerda pelá", il en reprend la clarté des progressions en marches harmoniques et la prédilection pour les divisions internes asymétriques — pour les noires pointées (medios compases ternaires à 6/8) : trois doubles-croches + croche pointée, trois doubles-croches + croche + double-croche ; pour les noires (medios compases binaires à 3/4) : double-croche + croche + double-croche. Il y ajoute une remarquable fluidité du phrasé par la multiplication des ligados ou des notes jouées en "tapping" de la main gauche, souvent enchaînés à une syncope — cf. la belle désinence en triolets de doubles-croches de la falseta n°5 (page 11, premier compás).

• beaucoup de ses falsetas sont construites sur un usage de l’arpège de trois notes popularisé par Manolo Sanlúcar, Paco de Lucía et Enrique de Melchor, adapté par Moraíto au toque de Jerez. Quatre arpèges a/m/i en doubles-croches permettant de borner clairement un medio compás ternaire (6/8), le mécanisme peut être répété à l’envi sans risque de jouer hors compás. De ce point de vue, la première section de la falseta n° 1 est emblématique, sur une position de main gauche elle aussi chère à Moraíto : bourdon de neuvième mineure La / Sib (cinquième corde à vide / sixième corde, sixième case) et notes mélodiques sur les quatrième et troisième cordes, avec un brève transposition à la quarte supérieure (bourdon de neuvième mineur Ré / Mib, quatrième et cinquième cordes, même position). Très fréquemment, la fin de chaque medio compás est soulignée par une syncope prolongeant la dernière double-croche jusqu’à la première double-croche du medio compás suivant : soit par élision de l’attaque de l’index dans le mécanisme (page 1, compases 1 à 3) ; soit par le remplacement de l’ultime arpège par trois notes mélodiques avec ligado, pour ne pas rompre la fluidité de l’ensemble (page 1, compás 4). La deuxième section, à valeur de remate, est invariablement basée sur un motif "a cuerda pelá" transposé en marche harmonique. La structure des falsetas n°2 et 3 est similaire. On retrouve également cet arpège de trois notes inséré dans la longue falseta n°6 (page 12, compases 2 et 3).

• enfin, sur le plan harmonique, les compositions restent pour l’essentiel circonscrites aux accords fondamentaux du "toque por medio" (et de la tonalité de La majeur pour la fin de la falseta n°6), avec toutefois quelques tournures plus "modernes" : accords de neuvième dans les cadences C-Bb-A, et accord de C7m dans la partie en arpèges de la falseta n°6.

Claude Worms

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Transcriptions (Claude Worms)

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