L’esprit nomade du photographe Jacques Léonard.

mercredi 11 octobre 2023 par Nicolas Villodre

Exposition Jacques Léonard au musée Réattu d’Arles — du 27 mai au 5 novembre 2023.

Photo : Juan Amaya (Montserrat, 1958)

L’exposition Jacques Léonard que nous avons vue avant les vacances au musée Réattu d’Arles rendait hommage au photographe français installé en Espagne à partir de 1940 et immergé dans la culture gitane à partir de 1952 – date de son mariage avec la belle Rosario Amaya.

En 2011, les Archives Photographiques de Barcelone avaient porté à la connaissance du public cette partie du travail que Jacques Saint-Léonard, dit Jacques Léonard (1909-1994), consacra au monde gitan, un ensemble de 20 000 négatifs préservés par ses fils Santiago et Alex. Cette même année, Santiago (dit Yago) réalisa le documentaire Jacques Léonard, el payo Chac, qui retrace la vie et la carrière du paternel. La fondation Photographic Social Vision de Barcelone promeut de nos jours l’œuvre de Léonard ainsi que celles d’autres photojournalistes. Plus près de nous, la galerie Anne Clergue (la fille du célèbre Lucien) avait consacré à Jacques Léonard une exposition en 2020.

Passage de la Vinyeta dans le quartier gitan de Montjuïc, Barcelone (ca. 1950)

Les commissaires de la monstration du musée Réattu, María Planas et Daniel Rouvier, ont choisi de présenter 150 clichés couvrant différentes facettes et périodes du photographe. Celui-ci avait débuté dans le 7e Art, en 1930, dans des productions de la Gaumont et des réalisations de Maurice Champreux (le beau-fils de Feuillade) et d’Abel Gance. Avant de se vouer corps et âme à celui de Niépce. Grâce à Léonard, restera trace d’une vision ethnographique de la gitanité, dénuée d’effets pittoresques, ayant pour terrain d’étude les campements de Montjuic et du Somorrostro. À l’instar de Carmen Amaya, La Capitana, qui eut du mal à faire admettre à son père (José, dit « El Chino ») sa volonté d’épouser un payo — en l’occurrence son guitariste attitré, Juan Antonio Agüero –, Rosario mit du temps à convaincre ses parents (La Anika et Indalecio Amaya) que ce français peu disert mais présentant bien puisse faire partie de leur clan.

Quartier gitan. Montjuïc, Barcelone (1955)

La nuit de la Saint-Jean chez Rosita. Barcelone (ca. 1960)

Naturellement, certaines images nous touchent plus que d’autres. Celles illustrant la fête de la Saint-Jean chez Rosita, par exemple, datées de c. 1960. Plus particulièrement, la danse d’Anika souriante et de son mari, nettement plus exalté ; le groupe entourant une jeune bailaora au mariage de La Carmen, à Can Tunis, en 1962 ; El Nene, portraituré en gros plan, à Montjuich, vers 1960 ; le regard vers l’objectif de l’appareil photo de la mariée, La Lorenza, dans ce même quartier, en 1960, et une autre vue de la jeune femme à la sortie d’une baraque à l’enseigne du triste boléro de Carlos Eleta Almarán, "Historia de un amor" ; les noces d’El Tío Bechín et d’Enriqueta, une très jeune fille aux yeux baissés ; un groupe de gitans près de leur roulotte, sans doute durant l’enterrement d’un des leurs, en contrejour dans un paysage à la John Ford ; une famille de Somorrostro posant pour la photo devant un muret recouvert de vêtements ; une architecture de cagettes en bois sur fond de cheminées d’usine ; el Tío José allongé à même le sol vers 1950…

Gitane. Godó Trias. Usine de fils et de tissus. L’Hospitalet de Llogregat. Barcelone (1959)

À ces scènes de la vie quotidienne des gitans catalans, il convient d’ajouter les magnifiques portraits de Rosario. Et, bien sûr, celui, insituable, indémodable, indatable (quoique pris en 1959 au Rolleiflex), retenu par Daniel Rouvier pour l’affiche du musée Réattu, de la gitane de Godó Trias, usine de fils et de tissus, à L’Hospitalet de Llobregat.

Nicolas Villodre





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