Festival Flamenco de Nîmes

Janvier 2008

jeudi 7 février 2008 par Maguy Naïmi

La programmation du festival laissait présager quelques soirées inoubliables. Les spectacles n’ auront pas déçu les attentes des aficionados qui ont pris d’ assaut le Théâtre de Nîmes et l’ Odéon. Quelques échos par nos heureux collaborateurs, qui auront eu le privilège d’ y assister...

Silvia Marín "El Flamenco en cuatro estaciones", spectacle pour enfants à partir de sept ans : 18 et 19 janvier.

Ce samedi 19 janvier 2008, le théâtre de Nîmes dans le cadre du festival de Flamenco , ouvrait ses portes un peu plus tôt (18h30, heure du goûter en Espagne) car il accueillait un public essentiellement composé de jeunes enfants venus ici accompagner leurs parents et leurs professeurs.

Le spectacle de Silvia Marín est à la fois divertissant, joyeux et éducatif, (pédagogique ne rime pas forcément avec ennuyeux ou, de mauvaise qualité).

Tout est choisi avec soin, les éclairages, les décors : un arbre qui variera de couleurs et que l’on tournera au fil des saisons (les quatre saisons du Flamenco), des personnages peints de couleurs vives que l’on dirait sortis de livres de contes modernes, montés sur des skates et que les danseurs feront bouger.
Les costumes changeront au gré des saisons : tee shirts verts à grosses fleurs et jupes bleues pour le printemps, robes rouges (et chemises rouges pour les hommes) en été, robes mordorées évoquant l’automne, et jeans noirs écharpes et bérets rouge vif, parapluies multicolores, pour tous les danseurs en hiver.
Silvia présente son spectacle dans un français savoureux aux accents italiens de son Milan natal, et espagnols de son Madrid d’adoption. Elle explique l’origine des mots (bailaor/cantaor), les différents "palos" (formes) sont sur des poteaux indicateurs, qu’elle fait lire au jeune public, elle traduit avec humour, pour les enfants, quelques textes de "coplas", leur fait compter les rythmes (le "compás" alterné), leur fait chanter le "tirititrán"des Cantiñas, et parvient par des moyens mnémotechniques à faire retenir le compás por Siguiriya, en leur faisant chanter "pan,pan,pan,con morcilla morcilla", et tout cela dans un élan de joie irrésistible.

Elle associe les "palos" aux différentes saisons : Alegrías et Bulerías pour le printemps ; l’été est la saison du Garrotín (qu’elle fait chanter et danser aux enfants volontaires, avec un chapeau sur la tête) ; l’automne est associé aux Fandangos et Verdiales (Silvia apprend aux enfants à chanter le rasgueado, à attendre la fin du chant pour crier "ole"au bon moment...). L’hiver clôt le spectacle, mais si les paroles évoquées dans les styles peuvent sembler tristes, les danseurs eux, avec leurs parapluies multicolores, leurs bérets et leurs cache-cols rouge vif vont enchanter le public.

A la fin Silvia Marín associe de nombreux enfants aux Sevillanas en les faisant danser en groupe et demande ensuite aux adultes de monter sur scène eux aussi pour danser, pour la plus grande joie moqueuse des petits.

Silvia termine son spectacle par un éloge à la tolérance et à la différence. Cela lui tient à coeur, elle, l’italienne madrilène, et elle présente ses danseurs venus de Barcelone ou de Madrid ( Virginia Ruiz, Rafael Peral, et Juan Carlos del Pozo), son guitariste dont la mère est colombienne et le père palestinien (Amir Addad), son chanteur de Jerez de la Frontera (Ezequiel Benitez), et son percussionniste "de culture gitane" (Alfredo Escudero). Elle demande aux enfants de lui faire des dessins qu’on lui fera parvenir

Un véritable bonheur !!! Grincheux, abstenez-vous...

NB : lire aussi notre entretien avec Silvia Marin dans la rubrique "Portraits et interviews".

Maguy Naïmi

Kiko Ruiz / Manuel Gutierrez : 21 janvier

Le premier spectacle en soirée de la cuvée Nîmes 2008 nous conviait dans cette chaleureuse mais plutôt inconfortable salle de l’Odéon, à rencontrer de jeunes de talents de la guitare et de la danse.

Le guitariste qui se présente sur la scène avec son ensemble est tout auréolé d’une réputation non disputée, qu’il s’agisse de son parcours artistique ou de

sa discographie. Antonio Ruiz "Kiko", l’enfant chéri de Toulouse, n’est pas là pour conquérir le public, qui lui est tout acquis. Et c’est peut-être sur ce terrain que l’auteur de ces quelques modestes lignes éprouve une certaine déception. Il manquait à ce concert le grain de folie contrôlée qui s’empare de l’artiste prêt à tout pour emporter l’adhésion de l’auditoire. La prestation fut donc d’excellente facture, mais peut-être trop convenue. Nous avons eu droit à écouter des morceaux choisis extraits des albums "Cachito de Vida" ainsi que du précédent, "Cuerda y Madera" servis par une formation parfaitement rôdée à l’exercice : Alberto García au chant, Kadu au cajón, et Jacky Grandjean à la basse. Une mention particulière à l’accordéoniste Vincent Peirani dont l’appui musical a coloré avec beaucoup d’à propos la Rumba "Cachito de vida", nous transportant pour quelques instants du côté de Bahia ou encore la "Balada" Eloïse, agrémentée de sonorités planantes. Durant ce concert, nous visiterons divers palos a compás, du Fandango initial à la Colombiana finale du rappel, en passant par le Tangos, la Bulería et le Tanguillo, compositions d’Antonio Ruiz. Les arrangements sont parfaitement réglés, les sonorités agréables en dépit d’une réverbération trop présente. Antonio Ruiz donne toute la mesure de sa maîtrise de l’instrument, mais l’étincelle attendue ne se produit pas. Ne boudons pas notre plaisir, cette première partie est somme toute très agréable et nous attendons la suite.

La seconde partie est consacrée à la danse, avec Manuel Gutierrez et Inmaculada Aranda, entourés des guitares de Victor Marquez et

Daniel Manzana, et soutenus au chant par Cristo Cortès et Rafael de Utrera. Spectacle très équilibré, où le cante seul succède à l’impétuosité des deux danseurs qui se produiront à tour de rôle. Moments de recueillement après la tension des "bailes", avec un moment fort où une partie de la salle murmure les paroles du chant "El Emigrante", communiant ainsi avec le cantaor qui l’interprète. Que dire de plus des deux danseurs, sinon qu’ils possèdent une maîtrise très élevée de leur art. La première danse, une Soleá por Bulerías, sera interprétée avec fougue par Manuel Gutierrez. La force brute qu’il exprime se retrouvera dans les autres "bailes"qu’il exécutera au fil du spectacle. Inmaculada Aranda dansera pour sa part por Soleá en tirant le meilleur parti de l’espace scénique. Les deux danseurs ont en commun une présence indiscutable, un taconeo ébouriffant, parfois excessif, ce qui nuit à la qualité de l’expression. Ni les deux guitaristes, ni les cantaores n’ont démérité dans cette prestation prometteuse.

Tous les artistes se retrouveront pour une « fin de fiesta » manquant un peu de conviction, portée par un public tout acquis. Entre le talent confirmé d’Antonio Ruiz et de son ensemble et la jeune virtuosité du cuadro de danse, les aficionados de Nîmes et d’ailleurs peuvent regarder vers l’avenir avec confiance.

Jean-Claude Ruggieri

José Antonio Rodríguez : 22 janvier

Voyage musical avec le maître cordouan de la guitare.

Mardi soir, le festival de flamenco de Nîmes, avait choisi de nous délecter d’une soirée de guitare andalouse. Il s’agissait pour les organisateurs de ce festival de réparer une injustice en invitant l’un des plus grands musiciens du flamenco actuel. Car José Antonio Rodriguez, s’il est connu et reconnu parmi ses pairs en Espagne, est encore peu connu du public français.
L’injustice est enfin réparée. Le cordouan, dont c’était la première visite à Nîmes, a su charmer le public du festival. Dotée d’une grande intelligence musicale, José Antonio a montré ses multiples talents et proposé aux spectateurs sa vision de la guitare.

Guitariste surdoué, homme simple et dévoué, José Antonio gagne à 17 ans un des plus grands prix de guitare au festival de flamenco de La Unión (Murcia). Un prix qui laisse présager un avenir prometteur. Le jeune musicien a accompagné les plus grands du flamenco, de Paco de Lucía à Fosforito. Mais aussi ceux du jazz, comme Georges Benson ou Astor Piazzola. Créateur insatiable, José Antonio aime à chercher, se perdre et explorer de nouvelles pistes. Le flamenco, il y est fidèle et cet art reste son point de référence, sa musique d’inspiration. C’est dans cette base traditionnelle qu’il puise son inspiration afin de créer de nouvelles sonorités.

Le résultat est une merveille pour nos oreilles : poétique et parfois même mystique. A Nîmes c’est sous la forme d’un quartet que José Antonio nous a emportés en musique vers les contrées andalouses, sur les rives du Guadalquivir qui bordent l’ancienne capitale de "Al Andalus" .
Accompagné du jeune et prometteur guitariste Francisco Gallardo, le cordouan a interprété avec force lyrique et rythme des Bulerías, Taranta, Soleá, et un Zapateado de sa création. Le guitariste était entouré au chant de Rafael de Utrera, qui avait accompagné la veille Manuel Gutierrez, et aux percussions de Agustín Diassera, accompagnateur entre autres artistes de Joaquin Cortés.

Un récital parfois jazzy mais aux accents toujours flamenco qui a emmené le public en voyage dans le temps et à travers l’Andalousie.

Nadia Messaoudi

Photo : Jean-Louis Duzert

David Palomar / Marco Flores : 23 janvier

La relève est fin prête.

Mercredi soir, à l’Odéon, c’était soir d’affluence pour cette nuit de chant et de danse concoctée par le conseiller artistique du festival, Patrick Bellito. Depuis quelques années, le pari est le suivant : proposer une soirée dédiée aux valeurs montantes du flamenco actuel. Ces jeunes artistes qui ont remporté des prix importants dans les concours les plus courus d’Espagne sont toujours de bonnes surprises à découvrir. Mais ils sont surtout révélateurs du foisonnement artistique qui règne dans le flamenco actuel. Des artistes que l’on aime à découvrir et à suivre dans leur carrière artistique souvent jalonnée de réussites.

Sans aucun doute, David Palomar fait partie de ceux-là. Après avoir accompagné, pendant plusieurs années, les plus grands artistes de danse tels que Mercedes Ruiz ou Eva La Yerbabuena. David a décidé de se lancer en solo. C’est au concours national d’art flamenco de Cordoue qu’il a fait ses premiers pas. Et là c’est le succès : il remporte les prix "Camarón de la Isla" et "Manolo Caracol". Commence alors une nouvelle étape dans la carrière de ce jeune cantaor , originaire de Cádiz. Accompagné du talentueux guitariste Rafael Rodríguez, les deux artistes ont donné à voir une rare complicité.
David a interprété majestueusement Malagueña et Siguirya et nous a régalés d’une Bulería de sa création. De son côté, l’intelligence de jeu de Rafael Rodríguez a séduit le public nîmois. Un récital de chant qui en dit long sur les capacités de David. Sa maîtrise des chants les plus difficiles, son enthousiasme sur scène et sa personnalité attachante font de lui un jeune artiste prometteur.

En deuxième partie, le fougueux Marco Flores, prenait le relais de cette belle soirée flamenca. Celui qui a raflé la mise au même concours national d’art flamenco de Cordoue (Grand prix de la danse, prix "Mario Maya", prix "Antonio Gadés" et prix "Carmen Amaya") était très attendu des aficionados. Accompagné de la guitariste Antonia Jiménez, le jeune Marcos a ouvert le bal avec une Farruca très élégamment interprétée. L’élégance est l’atout principal de ce jeune danseur qui possède par ailleurs une grande technicité et le goût des choses bien faîtes. Marcos est exigeant et perfectionniste, tous ses mouvements dans le Martinete en témoignent. Marcos est aussi très respectueux du flamenco traditionnel. C’est là aussi un jeune artiste qui mérite notre attention dans les années à venir.

Nadia Messaoudi

Photos : Jean-Louis Duzert

"Pepe para siempre" : 24 janvier

Quelle soirée ! Pepe Linares devrait se souvenir longtemps encore de la célébration de ses quarante années passées à Nîmes au service du flamenco. La très officielle salle du théâtre servant de cadre à ces festivités vibre sans doute encore de la ferveur du public, tant les artistes qui se sont succédé sur le plateau ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour rendre dignement hommage à celui qu’ils étaient venu entourer de leur chaleureuse amitié.

Le spectacle offert combinait juste ce qu’il faut de mise en scène pour ne pas sombrer dans un capharnaüm indigeste avec une pincée de spontanéité qui sied si bien au flamenco.

De nombreux artistes, et non des moindres, avaient fait le déplacement. Fosforito avait dû pour sa part renoncer à venir, mais il avait cependant tenu à s’associer à la soirée en transmettant à Pepe Linares un message téléphonique.

C’est un Pepe Linares très ému qui a fait son entrée sous les ovations. L’émotion est encore montée d’un cran lorsque le rideau s’est ouvert pour dévoiler l’ensemble des artistes participants (voir ci-dessous une liste complète). La ville de Nîmes tenait à marquer sa reconnaissance envers son fils adoptif en lui remettant la médaille de la ville, ainsi qu’à Curro Fernández, José Galván, et Diego Carrasco. Le spectacle pouvait alors commencer.

Pepe Linares mit toute son âme dans les trois cantes qu’il interpréta en début de première partie. On retiendra tout particulièrement une Bulería en tonalité de Granaína, composition du guitariste Antonio Cortés. L’ensemble de la première partie a été un ravissement, avec pour la partie guitare Antonio Soto jouant « por Taranta » et « por Alegrías » avec virtuosité et sensibilité, pour la danse Manuel Gutierrez encore plus convaincant que lors de sa prestation du lundi précédent. Un intermède poétique signé Henry Le Ny fut le bienvenu pour permettre au public de reprendre son souffle, car pour terminer cette première partie, c’est Miguel Poveda qui est apparu sur scène en lieu et place de Fosforito. En deux cantes merveilleusement interprétés, avec la brillante complicité de Chicuelo, il a remporté un triomphe, élevant son art à des sommets que lui et un nombre infime de cantaores semblent pouvoir atteindre.

La seconde partie fut à l’unisson de la première, riche en instants d’émotion, lorsque Pepe Linares retrouva sur scène son compagnon de longue date, Nene Cortés, qui l’accompagna « por Fandango », ou lorsque Cathia Poza dansa « por Soleá », accompagnée par Pepe Linares au chant. Très haute qualité encore, lorsque José Galván dansa « por Soleá » également, alliant en un subtil dosage puissance, grâce et finesse, avec un plaisir évident de se produire en public ; ou lorsque Diego Carrasco envoûta la salle avec son style inimitable. Moment plus intimiste enfin, lorsque pour terminer cette deuxième partie Pepa Vargas, Maria Peña et Curro Fernández chantèrent chacun à son tour « por Bulerías », sur un accompagnement magnifique signé Antonio Moya et Antonio Soto.

Fin de fiesta trop brève, mais ceci est compréhensible lorsque le spectacle a débuté plus de trois heures auparavant. Il faut alors affronter la fraîcheur hivernale nîmoise, mais il reste pour se réchauffer les échos d’une fête très réussie, où le très haut niveau professionnel de tous s’est harmonieusement conjugué avec l’enthousiasme de chacun. Gageons que cela donnera envie à Pepe Linares d’œuvrer pour de nombreuses années encore afin que le flamenco reste toujours aussi vivant à Nîmes

Au cante : Pepe Linares, Curro Fernandez, Diego Carrasco, Jose la Negreta, Paco Santiago, Maria Peña, Pepa Vargas, Miguel Poveda.

A la guitare : José el Boleco, Antonio Moya, Antonio Soto, Antonio Cortés, Grégoire Ibor Sanchez, Nene Cortés, Juan Gómez "Chicuelo"

Pour la danse : Cathia Poza, José Galván, Manuel Gutierrez.

Participations de : Henry le Ny et Eddie Pons.

Coordination artistique : Cathia Poza

Jean-Claude Ruggieri

Miguel Poveda / Chicuelo : 25 janvier

Miguel Poveda, c’est vraiment un "grand" !!!

Un programme très semblable à celui de Martigues, mais qu’importe, c’est tellement bien construit : mise en bouche avec un Martinete "a palo seco" (juste une teneur, "de synthèse" soit, mais qui vient de loin et qui donne donc une impression d’infini et puis, nous sommes au XXIème siècle, que diable !) ; on est sous hypnose, d’entrée !

 Il sait ensuite concocter un savant équilibre d’émotions en alternant les styles (Siguiriya, Soléa, mais aussi une Taranta de toute beauté, une Malagueña suivie de Verdiales , Tientos - Tangos, Alegrías, et Bulerías, bien sûr)

"Grande" voix, multiple qu’il façonne à l’instant, rude et âpre au plus profond du "jondo", souple, sensible, émouvante dans la délicatesse des mélismes des formes libres, rutilante, jouissive, libérée dans les airs festifs : un bonheur...
qu’il partage avec son complice Chicuelo, grand aussi, capable des plus extravagantes échappées harmoniques pour revenir, toujours juste, à un accompagnement d’une étonnante, et très belle, et très délicate sobriété.

Miguel Poveda, c’est aussi un homme de scène, qui aime partager, créer une sorte d’ amitié, en invitant Diego Carrasco avec qui il partage en chantant et en dansant la copla "Alfileres de colores"... ; en nous confiant quelques bribes de sa vie ; une pensée pour sa mère  : "La radio de mi madre" (mélange de "cuplés por Bulería") ; une anecdote pour expliquer son rhume (l’anniversaire de sa soeur à Cádiz, et le plaisir du premier soleil sur la plage qui lui ont été fatals !) ; la connivence avec le public nîmois qu’il remercie chalereusement de son "aficion" (le public nîmois aime que l’on reconnaisse son "aficion" !).

Grand artiste, Miguel Poveda est aussi un homme généreux : il aime donner et il se donne toujours à fond, en toute simplicité et grande sincérité, parce que... probablement, il ne sait pas faire autrement !!!

Brigitte Torres Pizetta
 

Chano Lobato / Rocio Molina : 26 janvier

Un maître du cante et une étoile du baile.

Heureusement, il existe des soirées d’exception.
Tel fût le cas du spectacle donné au théâtre de Nîmes, auquel j’ai eu le bonheur d’assister, dans le cadre du Festival Flamenco, samedi 26 janvier.

Il était composé de deux parties, annoncées comme la rencontre de deux univers et deux époques en une soirée.

La soirée débuta par le récital de chant donné par Chano Lobato, qu’il serait ridicule de présenter.

Ce cantaor de Cádiz, stature de quatre-vingt printemps, a régalé le public, qui lui a fait un triomphe, de Tientos y Tangos, de Soleares, et de styles festifs dans lesquels il excelle et qu’il a interprétés avec une jubilation contagieuse (Cantiñas, Tanguillos, et Bulerías).

Epaulé par le jeu très élégant de la guitare de Niño de la Manuela, qui, depuis plusieurs années, est son complice, Chano a choisi, devant une salle bondée, de s’éloigner, pour la fin de son récital, du micro pour être plus près encore de ses auditeurs et partager, avec eux, son plaisir d’être là, à cet instant, concrétisé par quelques pas de danse.

Cet homme est un artiste qui diffuse la joie et chacun, en souhaitant pouvoir le revoir encore longtemps, devait, comme moi, avoir simplement envie de le serrer dans ses bras.

La scène demeurait donc brûlante, lorsqu’ après l’entracte, Rocio Molina apparût en tailleur et bottes de cuir pour prendre possession du plancher, aux accents contemporains d’un Taranto, mené avec rythme par le cante de Leonardo Triviño et Emilio Florido, et les guitares, très inspirées, de Paco Cruz et Juan Requena, les percussions de Sergio Martinez, ainsi que les palmas et jaleos produits par Guadalupe Torres et Vanessa Coloma.

Certes, le contraste paraissait fort entre le patriarche du cante festero et la danseuse, presque quatre fois plus jeune, qui lui succédait.

Mais elle aussi, est déjà un monstre sacré.

Formée successivement aux conservatoires de Málaga, dont elle est originaire, et de Madrid, d’ores et déjà récompensée par une collection d’honneurs et de prix, cette jeune femme, qui, dès vingt ans, avait sa propre compagnie et a participé à des spectacles qui ont tourné dans le monde entier, domine manifestement tous les secrets de la danse classique et contemporaine.

Elle a démontré aux festivaliers de Nîmes, dans son récital « Almario », précédemment présenté à Jerez, qu’elle excellait dans tous les palos du flamenco.

Ce récital avait pour décor le vestiaire et la salle de danse de la bailaora, laquelle a successivement quitté son habit de cuir pour revêtir une robe de

soie grise avec une longue bata de cola, puis un fourreau de velours rouge et un magnifique châle, et encore un simple pantalon avec foulard autour du cou, ou son seul justaucorps.

La danse ininterrompue de Rocio Molina a mêlé, avec brio, les héritages (Farruca et Tanguillos dansés dans un carré lumineux sur des solos de guitares traditionnels), la maîtrise des styles (Alegrías, Soleá, Siguiriyas) et l’inspiration toute contemporaine (Bulerías) de l’artiste.

Rocio Molina a dansé, avec grâce, sensualité et caractère, en utilisant tout son corps, chevelure et orteils compris, et en maîtrisant bata de cola, châle, et castagnettes, dans une chorégraphie très personnelle.

Ainsi réunis dans la programmation de cette soirée, le vieux chanteur et la jeune danseuse, ont offert des instants mémorables.

Je les en remercie, et salue leur talent et leur personnalité.

Jean Darche





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