IV festival "Larachi Flamenca"

Maisons des Cultures du Monde - Paris, les 27, 28 et 29 novembre 2009

mercredi 2 décembre 2009 par Maguy Naïmi

Comme chaque année, la Maison des Cultures du Monde accueille le festival « Larachi Flamenca », collaborant ainsi à la promotion en France de jeunes artistes venus d’ Andalousie.

Vendredi 27 novembre

Baile :Noelia Sabarea

Chant : Antonio Carrasco et Kiko Ramos

Guitare : Antonio Peralta « El Kuko »

Programme : Farruca / Siguiriyas / Bulerías por Soleá / Tarantos – Tientos / Alegrías / Bulerías (fin de fiesta)

Nous retiendrons surtout de cette première soirée les Tarantos, conclus de manière originale par des Tientos, avant la traditionnelle coda « por Tangos ». L’ arrangement convenait parfaitement à la tessiture du cantaor Kiko Ramos, et El Kuko a su ne pas abuser de son excellente technique, laissant de l’ espace au cante, qu’ il ponctua de progressions harmoniques originales et de

falsetas intéressantes. Le guitariste montra aussi un réel souci de varier la monotonie de l’ accompagnement des Siguiriyas (bien que la lancinante répétition de l’ accompagnement traditionnel ait aussi son intérêt), fort bien chantées par Antonio Carrasco.

Outre les talents de « palmero » de Kiko Ramos, les chorégraphies nous ont permis d’ apprécier la maîtrise des techniques de pied de Noelia Sabarea, notamment dans des Alegrías très complètes, avec « silencio » et « castellana » (en « bata de cola » - il semble que ce soit la mode), et dans les Bulerías por Soleá (l’ accord de la guitare, avec sixième corde en Ré, a cependant semblé troubler les chanteurs).

L’ accompagnement presque exclusivement en arpèges de la Farruca, comme d’ ailleurs l’ interprétation vocale de Kiko Ramos, pêchaient par contre par

une sophistication excessive, qui frôlait parfois la mièvrerie. En outre, la tenue « masculine » (pantalon serré et gilet) de la bailaora ne convenait pas vraiment à sa morphologie. La répétition d’ « escobillas » interminables a souvent tourné à la vaine démonstration, et a obligé la bailaora à danser les Bulerías finales en « bata de cola ». On regrettera enfin que le parti pris de chanter ensemble ait contraint Antonio Carrasco et Kiko Ramos à se mesurer à des tessitures acrobatiques, et donc à forcer leur voix, avec la raideur et les défauts de justesse que cela implique.

Un spectacle perfectible donc, entre autres par un travail plus collectif, chaque artiste donnant trop souvent l’ impression de vouloir tirer la couverture à soi.

Jean-Marie Nègre

Photos noir et blanc : Jean-Marie Nègre


Samedi 28 novembre

Baile : María Moreno et Antonio Molina « El Chorro »

Chant : Javier Rivera et Moi de Morón

Guitare : Juan Campallo

Programme : Martinete, Toná, Siguiriyas de Jerez et Cabal del Fillo / Granaína – Malagueña de José Cepero, Malagueña del Mellizo, Rondeña et Fandango de Lucena / Alegrías et Mirabrás / Taranta et Cartagenera / Soleá de Alcalá, Soleá por Bulería et Soleares de Utrera / Bulerías (fin de fiesta)

La soirée a debuté par des cantes « a palo seco », en prélude aux Siguiriyas dansées en duo. L’ accompagnement des Siguiriyas en mode « por Granaína » (avec sixième corde en Si, façon Gerardo Nuñez) a obligé (une fois de plus…) Javier Rivera à chanter la Toná trop haut pour sa tessiture. Il se montra par contre très à l’ aise dans la Cabal del Fillo, évoqua avec à propos Enrique Morente dans les cantes de Minas (Taranta et Cartagenera), et nous gratifia d’ une bonne version d’ un cante « por Bulería » de Lebrija. Moi de Morón chanta remarquablement la Malagueña del Mellizo (une des ses spécialités) et les deux cantes abandolaos qui suivirent.`

On regrettera cependant que la guitare de Juan Campallo ait été exagérément envahissante sur la Malagueña, et nous prive ainsi de la délicatesse des mélismes de Moi de Morón, notamment sur le dernier tercio, en commençant inopinément sur le chant une transition très (trop) virtuose vers la Rondeña. D’ une manière générale, le guitariste nous a semblé plus à l’ aise dans l’ accompagnement de la danse (avec de très bons moments) que dans celui du chant. Sa guitare, à notre avis trop sonorisée (trop de reverb tue le son), et ses intermèdes parfois trop longs nous ont par moment fait perdre le fil des cantes.

Les danseurs ont assuré techniquement, et leurs prestations en duo ou en solo n’ ont pas manqué d’ intérêt. Mais on regrettera une fois de plus des chorégraphies trop exclusivement basées sur le taconeo. Dans les Alegrías notamment, María Moreno, surtout préoccupée par le maniement de son châle et de sa « bata de cola », et par ses démonstrations d’ « escobillas », a semblé oublier qu’ elle avait aussi un visage et des bras. La même remarque vaut aussi pour Antonio Molina, qui a par contre, fort heureusement, essayé d’ introduire un zest d’ humour dans ses Bulerías, avec des arrêts sur image impromptus, et quelques citations de « tap dance » américaine.

Maguy Naïmi


Dimanche 29 novembre

Baile : Asunción Pérez « La Choni »

Chant : Alicia Acuña

Guitare : Raúl Cantizano

Programme : Toná liviana et Debla / Taranta et Minera / Malagueña del Mellizo, Fandango de Lucena, et Fandango de Frasquito Yerbabuena / Guajira / Milonga / Tanguillos / Siguiriyas de Manuel Torres, Joaquín La Cherna et Tomás El Nitri / Cuplés por Bulería / Bulerías (fin de fiesta)

Incontestablement, le dernier spectacle du festival aura aussi été le meilleur. Soulignons d’ abord la cohésion des trois artistes, qui nous ont présenté le résultat d’ un travail collectif soigneusement élaboré, qui nous rappela souvent le mémorable « Flamenco de cámara » de Belén Maya, Mayte Martín et José Luis Montón (jusque dans une très belle chorégraphie de La Choni sur une forme libre, la Malagueña, digne du travail de Belén Maya sur la Minera « Pequeñas memorias » de José Luis Montón).

La belle sonorité de la guitare de Raúl Cantizano (merci aux techniciens et merci à l’ artiste !), alliée à une grande maîtrise de l’ accompagnement du chant et de l’ interprétation en solo, nous ont fait passer des moments inoubliables. Nous avions déjà eu l’ occasion d’ apprécier son talent dans « Malgama », une production alliant les arts du cirque au flamenco (cf, dans la même rubrique : « Festival Flamenco de Nîmes 2009 »). Le solo « por Guajira » mit en évidence une intelligence musicale assez rare : capacité à respecter scrupuleusement l’ esprit traditionnel de chaque forme, et créativité harmonique, rythmique et sonore (les pizzicati notamment, et, plus généralement, une palette dynamique qui tranche agréablement avec les débauches uniformes de décibels auxquelles nous sommes malheureusement habitués).

Guitare et voix constamment en harmonie, les artistes nous ont guidé dans l’ univers émotionnel de chaque « palo » : une Malagueña et des cantes « 

abandolaos », dans lesquels Alicia Acuña évolua sans jamais forcer sa voix sonore et légèrement voilée ; une Milonga dont l’ arrangement rigoureux constituait un véritable duo chant – guitare ; des Tanguillos drolatiques, avec un soutient très efficace de Raúl Cantizano, jamais envahissant, exprimant dans son toque un juste équilibre entre tradition et modernité, et surtout nous permettant d’ apprécier la saveur des letras et l’ extrême diversité des phrasés de la cantaora.

Que dire de La Choni, sinon qu’ elle nous a enchanté par sa grâce, son expressivité et sa féminité. Ses bras, ses mains, son visage, alliés à de brefs mais pertinents mouvements du corps, marquent le compás, par des

contrepoints polyrythmiques, plus efficacement que ne pourront jamais le faire tous les frappements de pieds (interminables) du monde. Dans la Malagueña et les cantes « abandolaos », nous avons dégusté sans modération la gestuelle des bras et de la taille, l’ expressivité du visage et les légers mouvements du corps, qui mettaient aussi en valeur l’ excellente interprétation d’ Alicia Acuña et de Raúl Cantizano : une belle démonstration de ce que peut produire le triangle magique baile – cante – toque, quand ils sont ainsi en parfaite symbiose.

Le seul point faible du spectacle fut à notre avis l’ interminable série de « cuplés por Bulerías », d’ un niveau musical plutôt médiocre, et dont l’ interprétation vocale ne nous a pas semblé du meilleur goût ( et nous a rappelé les concours de « coplas » de la télévision andalouse).

Mais, mise à part cette réserve, nous avons passé un excellent après-midi, ce dont nous remercions chaleureusement les artistes et l’ organisation.

Maguy Naïmi

Photos noir et blanc : Jean-Marie Nègre





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