Rafael Amargo : "Poète à New York"

Casino de Paris : du 20 au 22 mars 2009

samedi 21 mars 2009 par Nicolas Villodre

Poète à New York

Chorégraphie : Rafael Amargo, Manuel Segovia, Mario Maya

Audiovisuels : Juan Estelrich

Direction musicale : Edith Salazar

Photo : Nicolas Villodre

Comédien et artiste de variétés bon pour la télé – tu as le look, coco ! – Rafael Amargo est né en 1975 du côté de Grenade. Autodidacte, c’est probable, il suffit de le voir une minute sur scène, il dilue quelques traits de gestuelle arabo-andalouse dans un pot pourri n’ayant à voir ni avec le flamenco ni même avec la danse. Ce qui ne serait pas bien grave, après tout, si cette pantomime de l’ à peu près n’avait pas d’autre prétention que de divertir le cercle familial lors de fêtes un peu trop arrosées – des communions, des mariages, que sais-je encore ?, des enterrements.

Après Blanca Li qui, quoiqu’ on en dise, quoiqu’on en pense, a suivi un minimum de formation au métier de danseuse avant de, sans aucun complexe, le sourire désarmant aux lèvres, s’ « attaquer » au chef d’œuvre du poète grenadin où celui-ci nous livre les impressions de son voyage à New York, en plein Krach boursier de 1929 (et aussi, au passage, un véritable manifeste gai), c’ est donc au tour d’Amargo d’affronter ce merveilleux texte, puisque le show prétend – il n’y a pas d’autre mot ! – être « inspiré de l’œuvre de Federico García Lorca ».

Photos : Nicolas Villodre

Malgré les défauts qui découlent de la confusion des genres – flamenco de pacotille, lourdeur des mouvements de cuisses des jeune gens, tapettes du bout du pied dans une mystification de zapateado, etc. –, malgré la piètre qualité du son le soir de la Première – gare au larsen, Arsène ! –, malgré l’envahissement vidéographique qui bouffe tout sur son passage, dont plus aucun spectacle ne semble plus pouvoir se passer, malgré la longueur – plus de deux tours de grande aiguille à notre Rolex en tic-tac-toc – et les longueurs – soli interminables, comme c’était à prévoir, choré à l’unisson, conçues comme pour un spectacle de Madonna, castagnettes inaudibles, enthousiasme affecté –, on ne s’est pas ennuyé une seconde. Pourquoi ?

Pas qu’on soit devenu spécialement maso l’âge venant, mais il y avait vraiment une bonne ambiance dans la salle, occupée de jeunes fans et aussi de perdreaux des années précédentes, tous acquis à la cause et au ministère amer, donc d’avance conquis (je t’ adore). Et cela compte. Plus qu’ on ne le croit. Les téléspectatrices à cheveux bleus côtoyaient les pré-ados au visage acnéique, les jolies brunettes et rouquines, carmélites ou pas, applaudissaient tout ce qui pouvait l’être. Et même ce qui, pour les puristes, ne le devait pas. Du coup, à un moment, le barbudo s’est cru obligé de descendre de son piédestal pour aller dans la salle embrasser quelque admiratrice, façon Elvis le Pelvis période Vegas.

Et les accompagnateurs du boy des Folies Bergère – pardon ! du Casino de Paris, et on ne parle pas ici du grand magasin, non : du vrai lieu authentique et mythique où se produisirent Gaby Desly et Harry Pilcer, les orchestres de jazz d’avant la Revue nègre, Mistinguett et sa créature Momo le Chevalier servant, on en passe et des meilleures, comme Line Renaud ou Zizi – ont donné le change. Certaines danseuses se sont distinguées lors de variations ou de numéros cabaretiers comme celui aux gros élastoques roses, inspiré de Nikolais. Curieusement, l’introduction d’un violoneux dans l’orchestre n’avait rien de choquant. Au contraire, puisque c’est lui qui a assuré la ligne mélodique de toute la musique « live » (on a eu aussi quantité de sons en boîte). David Moreira a eu le mérite de se faire entendre malgré la sursonorisation de son comparse Antonio Maya, le joueur de caisson péruvien.

La chanteuse, bien en chair, sorte de Mammy Blue capable de tout faire passer a capella, sans qu’on ait à regretter la guitare, a fait deux-trois interventions remarquables, notamment, justement, lorsqu’elle s’est lancée dans une vocalise « gospel » au moment opportun où il était question des nuits chaudes de Harlem et de Noirs d’Amérique.

Mais, surtout, par la magie de l’audiovisuel, le texte de Lorca a été dit, et bien dit –sans l’accent andalou de Cristina Hoyos ! – par la comédienne castillane Marisa Paredes. Le barbudo, pour cette fois glabre, n’a d’ailleurs pu s’empêcher, en plan rapproché et sur grand écran, de bécoter la diva qui lui a gracieusement, généreusement, concédé un long baiser de... cinéma.

Nicolas Villodre





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