Rocío Márquez : "Aquí y ahora"

DVD El Séptimo Sello (2009)

samedi 20 février 2010 par Maguy Naïmi

La jeune chanteuse Rocío Márquez vient d’enregistrer un DVD "Aquí y ahora", distribué par "El
Septimo Sello
", dans lequel elle nous révèle à nouveau les mille facettes de son talent. Je ne redirai
pas ici le plaisir que l’on ressent en savourant un chant qui respecte la tradition, mais que la voix
claire et mélodieuse rajeunit. On lira avec profit les critiques des spectacles de Rocío à Jerez (Festival
de Jerez dans la partie "Todo en español") ou à Paris (rubrique "Concerts et spectacles" ).

Le DVD est accompagné d’un livret qui présente les textes . Car, Rocío ne nous offre pas uniquement
le plaisir du chant (Granaina, Alegrias, Serrana et Jabegote, Taranta, Copla por Buleria, Petenera,
Fandangos, Canción, Soleá, Tangos) mais aussi celui de la poésie que transmet le flamenco : sa voix
claire et sonore donne de l’éclat aux vers chantés.

Pour que le lecteur se fasse une idée précise de la qualité de la poésie populaire, nous proposerons
quelques exemples dans lesquels la beauté des images ressort tout particulièrement.

Tout d’abord dans la Granaína :

"Viens me conter tes peines

Pour qui pleures-tu jour et nuit ?

Viens me dire ton chagrin

Car pour te consoler

Je donnerais tout le sang de mes veines

Même s’il m’en coûte de mourir".

Ensuite dans la Serrana :

"La neige sur ton visage

A glissé en disant

Je ne fais que passer

Là où on ne m’attend pas".

Taranta : dans les mots (doux, malgré les allitérations) du mineur à la femme aimée

"Je vais acheter des jupons

Et des dentelles blanches et fines

Pour que tes dessous

Débordent de mousseline"

 
José María de Lepe a signé les Alegrías intitulées "En dansant avec ma chevelure", dans lesquelles il
joue avec les métaphores :

"Mon voilier va naviguer

L’âme déployée

Vêtue de solitude (…)

Mon voilier va naviguer

Il dansera avec ma chevelure

Sur les vagues de la mer (…)

Mon coeur a ramé

Sur mes mains aquatiques (…)"

Il est aussi l’ auteur des Fandangos "Agüita de cielo", inspirés, eux aussi, par la mer :

"Je suis la marchande de rêves

Et je veux les offrir

Mon chant n’a pas de maître

Car il naît de mon coeur.

Pour que gonflent mes voiles

Je ne suis le vent de personne

Car pour affronter les tempêtes

J’habille de soie mon voilier.

Il naviguera à sa guise".

Amoureux de poésie et de chant de grande qualité, n’hésitez pas à acheter le DVD de Rocio Marquez.
Vous ne le regretterez pas !

Maguy Naïmi

Traduction de l’ espagnol : Brigitte Torres Pizetta

Les crédits du DVD mentionnent d’énigmatiques remerciements à Pedro Soler. Si nous ne savons pas à quoi ils font allusion concrètement, nul doute que l’ atmosphère de recueillement et d’ écoute attentive et réciproque entre les musiciens est bien à l’ unisson du flamenco de Pedro. On en trouvera peu d’ exemples aussi aboutis dans le flamenco contemporain, sauf sans doute les duos entre Mayte Martín et Juan Ramón Caro ou José Luis Montón (pour filer la métaphore, cet album pourrait être sous-titré "cante y guitarras de cámara" ).

On ne peut qu’admirer la musicalité et la justesse de ton du jeu de Guillermo Guillén. Dans les cantes libres (Granaína y Media ; Tarantas accompagnées "por Minera"), comme dans les Peteneras (version originale de la cantaora, avec une belle coda en duo : voix et trémolo) et la Soleá, il obtient par le parfait calibrage de ses falsetas et la précision de son accompagnement (non seulement pour l’ harmonie, mais surtout pour la durée et le phrasé de ses réponses) des effets de "fondu - enchaîné" qui donnent aux suites de cantes une remarquable unité. La performance est particulièrement appréciable dans les cantes libres, pour lesquels l’ absence de pulsation régulière rend l’ exercice particulièrement ardu. Combien de patientes répétitions pour obtenir un résultat aussi fluide et apparemment naturel ?

On ne s’ étonnera donc pas que les cantes festeros soient conçus de manière globale comme des pièces unitaires, avec exposition, développement, intermède et coda : Alegrías, sur une musique de José María Rodríguez (beau duo de guitare de Joaquín Brito et Guillermo Guillén) ; Copla por Bulería ; Tangos (musique de Rocío Márquez).

Les palmas et nudillos de Marcos Jímenez et Juan Aguirre, et les percussions de Jorge Pérez adoptent avec subtilité le même ton intimiste. Elles assurent seules, l’accompagnement de la Serrana de Rengel, chantée a capella par Rocío, et conclue comme dans les années 1920 – 1930 par un cante "abandolao" (Jabegote). La transition vers le rythme "abandolao" est là encore effectuée sans rupture sur la vocalise conclusive de la Serrana, par l’ entrée de la guitare de Guillermo qui nous gratifie au passage d’ une falseta pleine de swing.

Le programme est heureusement complété par une chanson de Rocío Márquez de ton "mozarabe" (et donc : laúd et percussions orientales – respectivement Emilio Villalba et Sergio Mora), sur un poème de Jorge Manrique, et par des Fandangos de Huelva, composées et accompagnées avec son feeling coutumier dans ce répertoire par José María de Lepe.

Nous avons déjà eu souvent l’ occasion d’ écrire tout le bien que nous pensions du cante de Rocío Márquez. Nous sommes sûrs qu’ elle nous pardonnera d’ avoir pour une fois plus longuement parlé de ses musiciens, qui le méritent amplement.

Claude Worms

 





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