La décennie prodigieuse / 3 : Paco de Lucía

mardi 12 mai 2009 par Claude Worms

Tout a déjà été écrit, répété, recopié... sur l’ artiste le plus médiatique de l’ histoire de la guitare flamenca : impossible, dans le cadre limité d’ un article, d’ entreprendre une biographie exhaustive de Francisco Sánchez Gómez "Paco de Lucía" (1947, Algeciras), et plus encore de tenter une analyse musicale complète de ses oeuvres.

Nous nous limiterons donc ici à une "première période", années de formation et de développement d’ un langage personnel dans un cadre encore traditionnel, qui peut être circonscrite par les dates de son premier EP solo pour Hispavox ("La guitarra de Paco de Lucía" - 1964), et des enregistrements marquant le passage à une autre esthétique (cf : ci-dessous) : "Almoraima" (1976), "Paco de Lucía interpreta a Manuel de Falla" (1978) "Sólo quiero caminar" (1981), "Castro Marín" (1981), et "Como el agua" (1981 - avec Camarón de La Isla et Tomatito).

L’ apprentissage de Paco commence, dès l’ âge de cinq ou six ans, sous la rigoureuse férule de son père, Antonio Sánchez Pecino "Antonio de Algeciras"
(1908, Algeciras - 1994, Madrid), guitariste semi professionnel qui complète les maigres ressources de la famille en jouant la nuit dans les "juergas" locales. Le père de Paco veut que ses enfants deviennent de bons musiciens professionnels, et échappent ainsi à la misère : Ramón sera un guitariste respecté (cf : notre article, "Hommage à Ramón de Algeciras - rubrique "Portraits et interviews"), et Pepe sera cantaor. Paco de Lucia lui devra sa précoce virtuosité, mais il apprendra ses premières falsetas de son frère Ramón, et, indirectement, de Niño Ricardo, un ami de la famille dont Ramón est l’ un des meilleurs disciples.

En 1963, Paco et Pepe de Lucía participent à une tournée aux Etats-Unis avec la troupe de José Greco. Paco récidive en 1966 (USA, Europe, Afrique, Australie et Philippines). Il travaille alors avec Ricardo Modrego, premier guitariste de la compagnie, avec lequel il enregistrera plusieurs disques en duo (dont "Dos guitarras flamencas en estereo" - Philips, 1964 ; "12 canciones de García Lorca" - Philips, 1965), et rencontre Sabicas, qui le convaincra de composer son propre répertoire. Au sein du "Festival Flamenco Gitano" (1968) monté par l’ imprésario allemand Horst Lippmann, il accompagne, entre autres, El Lebrijano, et Camarón de La Isla, qu’ il avait déjà rencontré l’ année précédente, et avec lequel il formera l’ un des duos les plus marquants de l’ histoire du flamenco.

avec Pericón de Cádiz et Ramón de Algeciras / avec Fosforito

La seconde moitié des années 1960 marque l’ une des périodes les plus actives de la production discographique de Paco de Lucía :

_ pour l’ accompagnement du cante, une multitude d’ enregistrements avec Pepe de Lucía (trois EPs dès 1961, et un LP en 1963, sous le nom "Los chiquitos de Algeciras), Jarrito (1964), La Niña de la Puebla (1964), Juan de la Loma (1965), Chato de La Isla (1966), El Sevillano (1967), Fosforito (1968 - 1974), El Lebrijano (1969 et 1970), Naranjito de triana (1970 et 1973), Juan de la Vara (1970), Niño de Barbate (1971), et Camarón de La Isla (premier album en 1969 - une collaboration quasi exclusive jusqu’ en 1981, "Como el agua" ; puis des participations plus sporadiques aux enregistrements postérieurs de Camarón, jusqu’ à "Potro de rabia y miel", 1992). On notera une nette prédilection pour les cantaores de style très rythmique (Fosforito, Chato de La Isla, El Lebrijano, Camarón...)

_ avec le saxophoniste de jazz Pedro Iturralde (1967 et 1968).

_ en duo avec Ricardo Modrego (1964 et 1965) et Ramón de Algeciras (1967 à 1969).

_ en solo : un premier EP ("La guitarra de Paco de Lucía", 1964), suivi des deux premiers LPs ("La fabulosa guitarra de Paco de Lucía", 1967 ; "Fantasía flamenca de Paco de Lucía", 1969).

Ajoutons enfin pour cette période, en 1971, le curieux "Recital de guitarra de Paco de Lucía", en compagnie de cinq autres guitaristes (Ramón de Algeciras, Enrique de Melchor, Paco Cepero, Isidro Sanlúcar et Julio Vallejo).

A partir du début des années 1970, Paco de Lucía se dirige cependant vers une carrière de soliste, limitant de plus en plus son activité d’ accompagnateur au seul Camarón. La première moitié de cette décennie est une phase d’ intense créativité, au cours de laquelle il développe le style de sa "première période", encore fortement marquée par le toque traditionnel, et esquissée avec "Fantasía flamenca", en une série d’ enregistrements devenus des classiques : "El duende flamenco de Paco de Lucía" (1972), "Fuente y caudal" (1973). Logiquement, après l’ "adieu à la tradition" que constitue "Paco de Lucía en vivo desde el Teatro Real" (1965), la fin des années 1970 sera marquée par la rupture signifiée par le premier enregistrement du "sextet" ("Sólo quiero caminar", 1981), dont on peut déceler les prémices dès "Almoraima" (1976).

avec Camarón de La Isla

Le style de Paco de Lucía "première période"

Les quatre titres du premier EP solo de 1964 font référence aux styles des quatre maîtres qui ont marqué l’ apprentissage de Paco de Lucía :

_ La Rondeña est un hommage attendu qui ne semble pas inspirer particulièrement le guitariste. La composition de Ramón Montoya est presque reprise à la lettre, si l’ on excepte un picado virtuose qui n’ apporte rien à l’ original...

_ Les falsetas de la Siguiriya "Cielo sevillano" exploitent de manière plus personnelle les positions de main gauche et les phrasés des Siguiriyas de Niño Ricardo.

_ Les Bulerías "Aires andaluces" se situent nettement dans la lignée de Sabicas, avec un usage dynamique et très précis de l’ alzapua et du picado.

_ "Piropo gaditano" (Alegrías) est la pièce la plus intéressante de l’ album. L’ harmonisation des falsetas doit beaucoup à Mario Escudero, que Paco semble être le seul guitariste de l’ époque à avoir estimé à sa juste valeur (cf : "Transcription"). Elles inaugurent une longue série de compositions, dont aucune n’ est indifférente. Pas de grand enregistrement de Paco sans Alegrías (il est d’ ailleurs significatif que pour l’ album hommage à Niño Ricardo, il ait choisi d’ enregistrer, sous le titre "Esencia gitana", sa propre version de "De Chuclana a Caí") : "Recuerdo a Patiño", "Mi inspración", "Barrio la Viña", et "Plaza de San Juan" pour notre période ; ultérieurement, "A La Perla de Cádiz", "La Barrosa", "Calle Munición"... (oserions-nous écrire que les disques dépourvus d’ Alegrías sont précisément les plus inégaux, tels "Zyriab" ou "Cositas buenas" ?).

"La fabulosa guitarra de Paco de Lucía" est une extension du précédent EP, avec les mêmes références stylistiques, et une démonstration éblouissante de virtuosité, notamment dans les Bulerías ("Jerezana" et la reprise d’ "Ímpetu", de Mario Escudero) : aucun guitariste de l’ époque (sauf Victor Monge "Serranito", et Sabicas lui-même) ne peut rivaliser sur ce plan avec le jeune guitariste de vingt ans. Mais la vélocité a toujours pour Paco une finalité qui dépasse la simple démonstration : rythmique naturellement, mais aussi, et surtout, expressive. "... la vélocité ne se travaille pas, parce que c’ est une manière de lutter contre l’ insécurité et la peur." (propos recueillis par J. J. Téllez : "Paco de Lucía en Vivo" - cf : "Bibliographie"). Ailleurs, il fera souvent référence à la "rage" : revanche sociale, transférée sur un plan technico-esthétique, à une époque où les tocaores étaient encore souvent méprisés par leurs collègues "classiques" ?. Quelques pièces de l’ album annoncent ce qui va suivre. Les Alegrías ("Recuerdo a Patiño"), la Soleá ("Gitanos trianeros") et la Siguiriya ("Llora la Siguiriya") présentent une remarquable invention mélodique. C’ est aussi le cas, de manière plus inattendue, pour les Fandangos ("Punta Umbria") et les Tientos ("Llanto a Cádiz") : pour ces formes, Paco de Lucía dépasse largement, dès ce premier essai, le toque traditionnel, qui se limitait le plus souvent à des variations en arpèges et trémolo sur les séquences harmoniques de base, ou à des paraphrases des mélodies populaires pour les Fandangos ("Aires choqueros" atteindra quelques années plus tard une sorte d’ évidence formelle indépassable, du moins dans un cadre traditionnel), et à des variations sur le "paseo" pour les Tientos. Enfin, la Rondeña "El Tajo" est la première composition qui se distingue nettement du modèle de Ramón Montoya. Elle annonce (avec la Malagueña "En la Caleta") une série de chefs d’ oeuvre dans ce domaine (Tarantas, Mineras, Rondeñas, Granaínas), trop souvent occulté par la séduction plus immédiate des toques festeros justement célèbres (Bulerías...).

"Fantasía flamenca de Paco de Lucía" est le premier disque parfaitement abouti de Paco, qui trouve définitivement son style "première période", affirmé ensuite avec une égale inspiration dans "El duende flamenco de Paco de Lucía" et "Fuente y caudal".

On notera d’ abord une nette évolution du son, avec un usage encore discret de la réverb, associée au timbre d’ une guitare en palissandre (Manuel Cano avait déjà utilisé ce type d’ instrument pour le solo). Paco de Lucía est le premier guitariste flamenco à considérer le disque comme un objet en soi, différent de la simple restitution d’ une interprétation dans les conditions du live, et à utiliser consciemment les technologies du studio d’ enregistrement.

Surtout, la clé de ce style est sans doute la première vocation, refoulée, du guitariste, qui a souvent déclaré qu’ il voulait être cantaor, mais que sa timidité l’ avait incité à se dissimuler "derrière" une guitare. Constatons d’ abord que Paco de Lucía est l’ un des plus grands accompagnateurs de l’ histoire du flamenco, avec une connaissance encyclopédique du répertoire traditionnel. Ses enregistrements avec Camarón (entre autres, mais la complicité est ici particulièrement évidente) sont tous des leçons de précision harmonique et rythmique, de discrétion, et de pertinence dans les relances mélodiques - les "respuestas", stéréotypées chez la plupart des guitaristes, sont toujours chez lui des prolongements du chant, improvisées dans l’ instant avec une extraordinaire intuition (écoutez, par exemple, le Siguiriyas des disques des années 1970).

Dans les compositions de l’ époque, cette passion du cante se manifeste de deux manières :

_ Une invention mélodique intarissable : beaucoup de ses falsetas pourraient être chantées, ce qui les libère du carcan souvent par trop prévisible de la logique des seuls mécanismes de main droite. En ce sens, Paco de Lucía reste fidèle à l’ esprit, sinon à la lettre, du style de Niño Ricardo.

_ La restitution proprement géniale, dans les formes libres, de la scansion dynamique du cante ("ad lib" ne signifie pas invertébré, ce que semblent malheureusement ignorer nombre de chanteurs et de guitaristes). Ce n’ est pas par hasard que Paco de Lucía sera le premier guitariste après Montoya à composer de manière originale sur la Minera ("Lamento minero", de l’ album "Fantasía flamenca"). Les Granaínas "Generalife bajo la luna" et "Reflejo de luna", les Tarantas "Aires de Linares" et "Fuente y caudal", et la Rondeña "Doblan campanas" (pour nous limiter à cette période) sont toutes des compositions dans lesquelles des cantes subliminaux guide infailliblement la cohérence du flux musical.

D’ autre part, Paco de Lucía est passionné par l’ harmonisation : "s’ il y a un accord à Tarrasa, je prends la voiture tout de suite pour aller le chercher" (propos recueilli par J. J. Téllez - cf : "Bibliographie"). Sa maîtrise en ce domaine est vraisemblablement liée à sa collaboration avec Camarón, dans laquelle on peut observer un usage de plus en plus fin des accords de passage.
Les mélodies des falsetas de cette époque semblent miraculeusement surgir de son imagination déjà pourvues de leur harmonisation idéale, en un tout indissociable, comme certains thèmes de Schubert. C’ est particulièrement vrai pour les "toques por medio", traditionnellement moins riches harmoniquement, et que Paco porte alors à un niveau musical inédit (les Fandangos "Fiesta en Moguer", la Siguiriya "De madruga", les "Tientos de El Mentidero, la Soleá por Bulería "Solera"...). Avec "El duende flamenco de Paco de Lucía", le compositeur aborde aussi le problème des modulations, avec un objectif il est vrai moins ambitieux que celui de Manolo Sanlúcar. S’ il en limite l’ usage aux "palos" qui avaient déjà été traitées sous la forme "thème et variations" par les guitaristes antérieurs, il livre avec le Zapateado "Percusión flamenca", et surtout la Guajira "Farolillo de feria" deux leçons de composition flamenca. Cette dernière pièce a été fort injustement éclipsée par les célèbres "Guajiras de Lucía", devenues un sorte de rite de passage pour tous les candidats au titre d’ athlète de la technique. Elle mériterait pourtant d’ être méditée par tous les aspirants compositeurs (nous y reviendrons dans un prochain article).

D’ un point de vue rythmique, Paco de Lucía reste encore à l’ époque dans les usages hérités de Sabicas, notamment pour les Bulerías. Ce sont encore les lignes mélodiques qui assouplissent le cadre rigide des "barres de compás", par des débordements de plus en plus systématiques provoquées par les anacrouses et des conclusions mélodiques empiétant sur les "cierres", à la manière, une fois de plus, du cante (Bulerías, Fandangos, Tientos, Siguiriyas, Soleares...).

Mais tant qu’ il restait son propre accompagnateur, le guitariste demeurait contraint par le retour obligé à des "cierres" périodiques, fussent-ils tronqués, qui marquaient l’ espace métrique du compás. Avec la section rythmique du sextet, Paco de Lucía se trouvera libéré de l’ obligation de mettre en évidence cet espace métrique, et pourra dès lors "chanter" avec son instrument comme un cantaor. Ce sera bien sûr une rupture dans l’ esthétique de la guitare flamenca soliste (avec dès lors une liberté totale du phrasé : contretemps, syncopes, et surtout silences), mais pas dans l’ oeuvre de Paco, qui poursuivra sa quête du chant : une esquisse avec "Almoraima", un premier aboutissement avec "Sólo quiero caminar", puis un premier chef d’ oeuvre, sur une section rythmique "virtuelle", avec "Siroco". Mais ceci est une autre histoire...

Claude Worms

Discographie

Tous (presque tous...) les disques de Paco de Lucía ont été abondamment réédités. Nous ne donnerons donc pas de références, trop sujettes à changements.

Accompagnement du cante

Avec Camarón de la Isla : tous les enregistrements originaux (rééditions Universal) avec Camarón sont également indispensables, au moins pour la période qui nous intéresse dans cet article. On évitera par contre les compilations, qui privilégient en général les seuls "cantes festeros".

Avec Fosforito : "Selección antológica del cante flamenco"

Avec Niño de Barbate : "Lección de cantes" - collection "Grabaciones históricas, volume 17" (Universal). Un petit bijou trop méconnu.

Solo

Les inconditionnels possèdent sans doute déjà l’ "Intégrale" (Universal).

Quelques conseils (personnels) si vous êtes moins boulimiques ( là encore, évitez les compilations) :

_ Pour la "première période" :

"Fantasía flamenca de Paco de Lucía"

"El duende flamenco de Paco de Lucía"

L’ album "En vivo desde el Teatro Real" est une bonne synthèse du style de Paco pour cette "première période"

_ Pour la "rupture" :

"Almoraima"

"Sólo quiero caminar"

_ Pour le "seconde période" :

"Siroco"

"Luzia"

En duo

Avec Ricardo Modrego : "Dos guitarras flamencas en estereo"

Bibliographie

Là encore, un choix personnel parmi de multiples ouvrages :

Pour la biographie : J. J. Téllez : "Paco de Lucía en Vivo" -Editorial Plaza Abierta, Madrid, 2003.

Pour l’ analyse de l’ oeuvre et la discographie : Norberto Torres Cortés : "Guitarra flamenca. Volumen II. Lo contemporáneo y otros escritos" - Ediciones Signatura de Flamenco, Séville, 2005.

Partitions

Les éditions "De Lucía Gestión SL" ont entrepris une édition systématique et "officielle" des compositions de Paco de Lucía, par album, confiée à différents transcripteurs, et distribuée par RGB Arte Visual :

Jorge Berges : "La fabulosa guitarra de Paco de Lucía" (paradoxalement, le recueil reprend seulement quatre pièces de ce disque, avec quatre autres de "El duende flamenco de Paco de Lucía").

Jorge Berges : "Fantasía flamenca de Paco de Lucía"

Juan Manuel Cañizares : "Fuente y caudal"

Enrique Vargas : "Almoraima" (avec les parties de basse, de seconde guitare...)

Claude Worms : collection "Duende flamenco, vol. 6A, 6B, et 6C" (intégrale des "toques libres" de Paco de Lucía, de "La fabulosa guitarra de Paco de Lucía" à "Siroco") - Editions Combre

Claude Worms : "Paco de Lucía : tocando a Camarón" (intégrale des falsetas des cinq premiers disques avec Camarón) - Editions Play Music Publishing

Claude Worms : "Selección antológica del cante flamenco" (intégrale des falsetas des quatre LPs originaux, avec Fosforito) - Editions Score-on-line

Transcription

"Piropo gaditano" (Alegrías)

Le plan tonal reste très classique, avec des modulations vers la tonalité homonyme mineure (La mineur), et le mode flamenco à la dominante (mode flamenco de Mi, ou "por arriba"). Mais l’ insistance sur l’ alternance majeur / mineur annonce déjà le plan bipartite de "Recuerdo a Patiño" (première partie en Mi mineur / seconde partie en Mi Majeur).

"Piropo gaditano" / 1
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Galerie sonore

"Piropo gaditano" (Alegrías)


"Piropo gaditano"




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