Rocío Molina à Paris Quartier d’ Eté

"Oro viejo", les 30 et 31 juillet 2010

lundi 2 août 2010 par Nicolas Villodre

Paris Quartier d’ Eté est devenu, pour ce qui est de l’art andalou, la succursale du Festival de Flamenco de Nîmes. Cette saison, a été programmé, dans le bel espace du Palais Royal que des grincheux voudraient interdire au public bon enfant, le nouveau spectacle de la figure de la danse féminine Rocío Molina, dont Maguy Naïmi rendit compte à propos du Festival de Nîmes 2010.

Photo : Luis Castilla

À la distance où le service de presse avait placé le représentant de votre site favori et son accorte escorte (au rang X, l’ avant-dernier, le Z n’ existant pas !), à l’extrême limite de l’ exclusion de l’ aire de rayonnement de l’ acteur (de sa zone d’ influence sur le public) chère à Jean-Louis Barrault (une distance inférieure à 25 mètres), on a plus vu la danse que la danseuse. Soyez positif, M. Coué ! puisque ce « placement » permet de suivre le dessin (ou dessein) chorégraphique, d’ avoir un autre « point de vue » et un autre « son de cloche » d’ un même show.

En dépit ou, devrait-on dire ? grâce à son physique ramassé, à un centre de gravité assez bas qui lui permet d’ enchaîner ses mouvements avec une vivacité surprenante, la blondine poupine parvient à renouveler – sans la révolutionner – une esthétique longtemps restée à l’écart des influences extérieureS. Avec plus ou moins de réussite, quelque longueur ici ou là. Mais avec quantité de trouvailles, des passes galvaniques, un retour aux sources des galas mêlant sketches, airs d’opérette, zarzuelas, chants mexicains, rythmes afro-cubains et... pantomimes comiques. Sans crainte du ridicule ou de la faute de goût.

Parlons-en, tant qu’on y est, tiens ! des goûts et des couleurs. L’art moderne du jour, le classique du lendemain, s’ efforce – c’ est sa force – de produire du beau avec du laid. Cela, on le sait. On ne reprochera donc pas à qui que ce soit, et aux danseuses en particulier, de faire dans la novation, dans l’audacieux, dans l’ inattendu. Bien au contraire.

Or, la jeune fille parvient à nous épater. Malgré les faiblesses d’un spectacle insuffisamment rôdé : la chaise - escabeau du début paraît avoir été designée à la va-vite (quand on sait que même Philippe Starck ne réussit qu’ un objet sur cinq !) ; la robe du finale, coupée n’ importe comme, n’ est jamais assez rouge, pas flamboyante pour un sou ; les duos masculins sont ou trop légers ou trop lourdauds, ou trop discrets ou trop bruyants (cf. par exemple le tunnel du Martinete) ; certaines minauderies donnent l’impression qu’on vient tout juste de découvrir la danse contemporaine ; la théâtralité est généralement forcée ; les parties pré - sonorisées ou pré - enregistrées de la B.O. sont dispensables ; la version alentie, assourdie, grandiloquente de « María de la O » plombe un duo somme toute assez solennel comme ça ; le trio de danseurs pieds nus se traîne comme, du reste, la robe du même nom ; la danse est systématiquement à l’unisson alors qu’on n’ est pourtant pas à l’armée !...

Ceci dit, la troupe est au point. La chanteuse Rosario « La Tremendita » a une prédilection pour le cante chique sans chiqué et des velléités copleras. Elle est convaincante dans ses envolées a capella. Le jeune gratteur Paco Cruz et le vétéran Rafael Rodriguez « Cabeza » assurent chacun dans sa partie. Le percussionniste Sergio Martinez se distingue dans le dernier numéro où, à l’aide d’une simple boîte à boucles, il remplace seul les Pink Floyd au complet ! La vidéo de David Picazo et de Marta Azparren, bricolée, en noir et blanc, est touchante par sa simplicité métaphorique. L’ éclairagiste se la donne dans le duel, défi ou battle entre le soliste David Coria « Polo » et sa maîtresse de ballet, Rocío Molina, laquelle, ici, porte la culotte.

On avait découvert la gamine en 2008 à Chaillot, au côté de Belén Maya et de Merche Esmeralda. Elle y avait, avions-nous alors noté, « crevé les planches (...) caressé et épousseté la monumentale scène en l’ effleurant à peine de la tranche de ses souliers ferrés, avant d’ en faire vibrer et ployer le parquet au rythme de ses claquements de bottines qui sont, comme sa danse, convulsifs, conclusifs, définitifs ». Elle a su dompter l’ énergie brute qui la caractérisait. Sous influence Galvàn, avec qui elle a dansé, elle n’a pas peur d’ y aller pour élargir si possible son champ d’ action. Comme ce dernier, elle accorde de l’importance au « quite », à la façon de conclure la routine, de sortir de scène. Elle chorégraphie sa coda ou bonus gestuel avec soin. Elle nous a également gratifié de magnifiques variations. Celle avec le chapeau en paille sur une mélodie joyeuse et paysanne n’ était pas mal du tout. Son solo « saumon » (la couleur de sa robe), soutenu par les arpèges lyriques de la Granaína de Rafael Rodriguez, était splendide et nous a fait songer à la Serenata de Gret Palucca. On gardera aussi en tête l’ image conclusive du sablier d’ or fin éclairé par un rais de lumière...

Nicolas Villodre





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