Tomás de Perrate : "Tres golpes"

jeudi 2 juin 2022 par Claude Worms

Tomás de Perrate : "Tres golpes" — un CD El Volcán Música / Lovemonk, 2022.

Au commencement était une voix, la voix de Tomás de Perrate. Elle vous saisit instantanément à chaque concert, mais possède aussi la mystérieuse faculté de ne rien perdre de sa présence incarnée dans l’immatérialité du son enregistré. Un don (du ciel ?) qui ne s’apprend pas, ne se décrit pas, ne s’explique pas et, surtout, ne s’analyse pas. Rares sont les artistes capables de matérialiser à ce point un être au monde indissolublement singulier et universel, une humanité par laquelle le chant est toujours un au-delà de la musique, qu’aucun instrument ne saurait exprimer : selon vos goûts musicaux, vous penserez à Billie Holiday ou Louis Armstrong, Janis Joplin ou Tom Waits, Kathleen Ferrier ou Mathias Goerne, Lucille Bogan ou Howlin’ Wolf, Édith Piaf ou Jacques Brel, etc.

Cette voix apparaît souvent sans crier gare, prenant inopinément possession de l’espace musical sans qu’aucune attaque perceptible ne nous en ait averti. L’instant d’avant, il n’y avait rien, et brusquement, il y a... la présence sonore irrésistible d’une partition mentale parfaitement achevée — nous avions été pour la première fois frappé par cet étrange phénomène lorsque nous avions découvert le "Cool Drink of Water Blues" de Tommy Johnson. Tomás de Perrate ne cherche pas, il trouve infailliblement : à l’écoute de chacun de ses cantes, qu’il s’agisse d’une siguiriya ou d’un tango del Piyayo, nous sommes sûrs qu’il ne peut être chanté que "comme ça", même si nous savons bien que mille autres versions seraient tout aussi légitimes. Telle avait été notre certitude immédiate pour la soleá de Joaquín "el de la Paula" ("El pasito que yo doy…") initiant "A solas con papa" ( "Perraterías", Flamenco Vivo, 2005 — merci au producteur, Ricardo Pachón). Seuls quelques élus peuvent subjuguer avec une telle sobriété, par une l’évidence du phrasé, de la conduite mélodique et de la diction (El Perrate de Utrera — le père de Tomás —, Manuel Torres, Juan Mojama ou Tomás Pavón). Le cantaor est d’ailleurs l’un des grands maîtres actuels des soleares du répertoire favori des artistes d’Utrera et de Lebrija, avec une prédilection marquée pour les compositions de La Serneta, La Andonda, Joaquín "el de la Paula" et Agustín Talega (cf. Bonus tracks).

Évidemment, cet apparent naturel intuitif suppose en fait de longues années d’imprégnation et de travail, beaucoup d’intelligence musicale et une bonne dose d’humilité. Quel que soit le genre musical, car le paradoxe de cette voix est que, bien qu’immuablement identique, elle peut habiter avec une égale aisance le cante, la salsa, le rock, etc., sembler s’y métamorphoser et y donner vie et présence à toutes sortes d’émotions et de personnages. Nous nous souvenons avoir titré "Docteur Jekill & Mister Hyde" la chronique d’un concert de Tomás de Perrate auquel nous avions assisté lors d’une Biennale de Séville : première partie, en duo avec Antonio Moya, on ne peut plus roots et apte à combler le puriste le plus sourcilleux ; seconde partie digne d’un entertainer de luxe (Sammy Davis Jr., Ray Charles…) — costumes, jeux de scène et instrumentarium compris —, au cours de laquelle il nous régala de classiques de la salsa, du boléro et de la soul music, et de quelques hits rumberos et buleareros de Bambino. Un tel talent scénique est évidemment aussi celui d’un acteur consommé — cf, notamment, ses rôles (et ses cantes) pour "Lo Real" et "FLA.CO.MEN" d’Israel Galván. On retrouvait cette théâtralité assumée, du tragique à la truculence, dès l’album "Perraterías", dont certaines pièces annonçaient déjà l’esprit de "Tres golpes" : par exemple, les bulerías "Compay Diego" (le titre se passe de commentaires) ou "El Piyayo", qui appliquait aux fameux tangos un arrangement rock similaire au traitement d’une suite levantica / cartagenera / taranto par Pata Negra ("Levante", extrait de l’album "Rock gitano", Mercury, 1983 — déjà, Ricardo Pachón…).

Photo : Claudia Ruiz Caro

Quatre ans de gestation ont donc abouti à une œuvre qui fera assurément date dans l’histoire de la discographie flamenca : concerts titrés "Soleá sola" à la Biennale de Séville et au Festival Flamenco de Nîmes (respectivement en 2018 et 2019), puis "Tres golpes", également à la Biennale et à Nîmes en 2020. Sans surprise mais avec délectation, nous y retrouvons le cantaor-musicien-acteur protéiforme que nous admirons depuis quelques décennies.

Au chapitre du Docteur Jekill, une démonstration lumineuse des valeurs musicales, émotionnelles, voire éthiques du cante de Utrera : siguiriyas (Tomás "el Nitri", Joaquín La Cherna et Juanichi "el Manijero" via Tío José de Paula), soleares (La Serneta, mais les versions de Tomás sont si personnelles qu’il aurait pu les signer — écoutez les deux derniers tercios du premier cante et leur reprise . Cf. Bonus tracks) et bulerías, avec leur lot de savoureux cuplés — comme Antonio "el Chaqueta" ou Chano Lobato, Tomás de Perrate pourrait chanter le bottin du téléphone por bulería ou du moins, dans le cas présent, Peggy Lee... On sait combien le cante de Utrera et le toque de Morón sont complices, depuis les multiples enregistrements de Diego del Gastor avec El Perrate "padre" ou Fernanda et Bernarda de Utrera. De la génération postérieure à Paco, Dieguito et Juan del Gastor, Paco de Amparo est sans doute le guitariste qui a le mieux perpétué ce style. Ses falsetas et son accompagnement des "Bulerías de la base" sont effectivement une leçon des "bases" de la bulería "por arriba" de Diego, et un régal. Alfredo Lagos est un partenaire de longue date de Tomás de Perrate : pour jerezano qu’il soit (cf. sa superbe glose sur la falseta "Las campanas" de Javier Molina), son accompagnement des siguiriyas ("Si algún día") instaure un dialogue empathique avec le chant, des fondamentaux traditionnels aux accords plaqués dissonants, subtilement annoncés par la coda de la falseta précédente, sur lesquels plane le dernier cante,.

Deux autres pièces peuvent être plus ou moins rattachées à ce bloc roots. D’abord les seguidillas "mythologiques" "Arde la casa de Cupido", sur un modèle mélodique dont l’ambiguïté modale troublante, inhabituelle dans ce répertoire, nous avait déjà frappé à l’audition des "Seguidillas alosneras" du double album d’Eduardo H. Garrocho, "Coplas y tonás del Andévalo y la Sierra" (Flamenco y Universidad, volume XLI, 2016). Tomás de Perrate en joue avec délice, d’autant que Paco de Amparo la double d’une autre ambiguïté, rythmique, entre sevillanas (les seguidillas en sont les ancêtres) et bulerías — toque péremptoire et répétitif a cuerda pelá, non sans une citation d’une falseta de Diego del Gastor popularisée par le "Blues de la Frontera" de Pata Negra. Le livret nous informe que "Melisenda insomne" serait un "romance carolingien de tradition séfarade". Quoi qu’il en soit, nous y entendons surtout un romance ad lib. sur le modèle de "Mi madre me metió a monja..." (tel que transmis par José de los Reyes "el Negro del Puerto") suivi de romances por soleá dans le style d’Utrera — voix traitée en écho surlignée ponctuellement par des chœurs, béances creusées entre des contrechants cristallins (Alfredo Lagos) et de sombres accords de guitare (Raúl Refree) et, après un silence saisissant, coda psalmodiée : autant de signes avant-coureurs des arrangements et de la production de Raúl Refree réservés à Mister Hyde.

Pedro G. Romero (direction artistique) est sans doute à l’origine des choix de certains textes qui rappellent ceux de l’anthologie "hétérodoxe" qu’il avait cosignée avec Niño de Elche ("Antología del cante flamenco heterodoxo", Sony 2018). C’est évidemment le cas de "Los fonemas", d’après "Karawane", un poème en onomatopées écrit et créé par Hugo Ball en 1916 au Cabaret Voltaire de Zurich, devenu emblématique du mouvement dada. Il est adapté por toná par Tomás de Perrate, qui y trouve ample matière à exercer la virtuosité rythmique de sa diction (articulations, accentuations, etc.), à tel point que l’on jurerait par instant comprendre le texte. La voix enregistrée d’El Perrate "padre", qui conclut la pièce, par une toná classique ("Las madres de todos los gitanos...") apparaît dès lors comme un "cante de cierre" parfaitement naturel : père et fils sembent chanter d’une seule voix, belle connivence entre tradition orale et avant-garde. Stridences, vrombissements, bruissements ferrailleux, plaintes de saxophone (Juan Jiménez) et sourdes percussions por siguiriya (Antonio Moreno), l’arrangement expressionniste pourrait être la bande sonore du Metropolis de Fritz Lang. Pour l’autre toná, ("Noche oscura"), d’apès Jacinto Almadén, la voix dans les médiums de Tomás de Perrate est enchâssée dans un environnement sonore similaire, entre extrêmes graves et aigus dont le gouffre est comblé progressivement par un crescendo et une sorte de montée vers la lumière à grande échelle, menés par un quatuor orgue (Raúl Refree)/ contrebasse (Miguel Ángel Cordero), saxophone et percussions. Les portamentos/glissandos du chant soliste prolongés par des chœurs polyphoniques doivent beaucoup à Enrique Morente.

Au contraire, la version du "fandango callejero" "Tres golpes", du groupe colombien Los Gaiteros de San Jacinto est minimaliste : chant soliste et chœurs a cappella, selon la structure questions/réponses que l’on attribue habituellement, d’ailleurs de manière trop globale et réductrice, aux composantes africaines d’une partie des musiques populaires d’outre Atlantique (cf. negro spirituals, gospel, etc.). C’est en tout cas par ce détour latino-américain que nous abordons les désormais fameuses idas y vueltas, dans les versions très personnelles qu’en donnent Tomás de Perrate, Raúl Refree et Pedro G. Romero.

"Tres golpes", Festival Flamenco de Nîmes, 2020

Nous pensons depuis fort longtemps que le flamenco est la dernière résurgence populaire-savante en date d’une tradition de doubles allers-retours, entre les deux rives de l’Atlantique d’une part, les répertoires savants et populaires d’autre part, qui remonte au moins à la fin de la Renaissance (dans l’état actuel des sources disponibles). Avant le flamenco, elle avait généré les airs à danser baroque, les zarzuelas du XVIIIe siècle, les tonadas escénicas, etc., qui circulaient dans les publics de toutes origines sociales qui fréquentaient les théâtres, des formalisations par des compositeurs et chorégraphes savants aux innovations par des artistes populaires — et vice-versa. Nous éviterons cependant d’y voir des "proto-flamencos", ou des genres qui "auraient pu devenir flamencos", ce qui induirait une généalogie fictive invérifiable et improbable. Il s’agit plutôt à notre avis d’agencements différenciés et autonomes de modules invariants, évidents sur le plan rythmique, plus diffus sur le plan modal. Pour nous en tenir à un exemple concernant les modes rythmiques, l’hémiole systématique des compases de douze temps (plus exactement de groupes de six temps à assemblages variables) existait déjà, sous d’autres formes, dans les folias (ou passacailles), les chaconnes ou les jácaras. Grâce à "Tres golpes", nous pourrons dorénavant nous passer de pesantes démonstrations musicologiques.

Ce sont précisément ces trois types d’airs à danser que l’on trouve au programme de "Tres golpes" , en l’espèce trois pièces qui sont devenues des hits baroques depuis les versions pionnières de Jordi Savall. Outre les multiples versions "historiquement informées" des ensembles de musique ancienne, ce répertoire a fait l’objet de quelques tentatives, réussies, de dialogues baroque / flamenco, notamment à l’initiative du gambiste Fahmi Alqhai et de son groupe, l’Accademia del Piacere — "Las idas y las vueltas", par l’ Accademia del Piacere, Arcángel et Miguel Ángel Cortés, Alqhai et Alqhai, 2012 ; "Diálogos de viejos y nuevos sones", par Fahmi et Rami Alqhai, Rocío Márquez et Agustín Diassera, Alqhai & Alqhai, 2018.

Ces projets ne renonçaient cependant en rien aux usages musicaux des ensembles baroques. La grande originalité des versions de Tomás de Perrate est qu’elles restituent les sources savantes à leur veine populaire, et renouent ainsi avec une conception du flamenco qui a perduré jusque vers le milieu de XXe siècle : on était flamenco, non parce que l’on interprétait des palos ou des cantes dûment estampillés par la nomenclature officielle, mais parce qu’on chantait, jouait ou dansait "por lo flamenco", quel que soit le matériau musical de base. Tomás de Perrate chante donc des folias ("nocturne "de piano pour l’accompagnement), chaconas (ambiance festive — sarao — assurée par l’accompagnement por bulería à medio compás de Morón et les jaleos) et jácaras (leitmotiv de guitare dérivé du thème de la bulería "Aire fresco" de Dieguito del Gastor) "por lo flamenco", sans tenter de fusionner quoi que ce soit ni de créer de nouveaux palos. Il le fait avec tout son talent d’acteur, campant les personnages adéquats (cf. le picaro de la jácara auquel Cervantes fait allusion dans "El rufián dichoso") et de chanteur — on ne voit guère d’autre cantaor actuel capable d’assoir si solidement des graves aussi abyssaux, et de passer en voix de tête avec une aisance déconcertante quand besoin est. Cependant, les réalisations sonores de Raúl Refree et de ses partenaires sont des plus contemporaines. Pour éviter d’alourdir encore cette chronique, écrivons qu’elles pourraient être décrites en termes d’images sonores cinématographiques : plans larges, plans américains, gros plans, fondus enchaînés, ralentis, surimpressions, etc., le tout en montages tour à tour fluides et haletants. On a ainsi la sensation d’un vertigineux paradoxe temporel : un pied dans un corral de comedias au XVIIe siècle, assistant à un intermède de bailes de gitanos ou de negros (ou des deux) entre deux "journées" d’une représentation théâtrale ; l’autre dans un concert de musique contemporaine par la réalisation, entre jazz, rock et électronique, des basses obligées — et, pourquoi pas, un troisième dans le cante du tournant des XIXe et XXe siècles. La comparaison entre versions baroques et versions Tomás de Perrate/Raúl Refree est aussi stimulante qu’instructive, toutes étant par ailleurs également délectables — ne manquez pas la folia de Tomás, façon Nick Cave.

Le livret signé Pedro G. Romero apporte toute les informations nécessaires sur les sources des pièces du programme et reproduit tous les textes — merci !

"Tres golpes" est une potion magique (dose journalière recommandée) pour vivre bien, entre rire et larmes mais toujours avec élégance. Ce en quoi Tomás de Perrate pourrait être un Charlie Chaplin flamenco.

Claude Worms

Galerie sonore

Juan de Arañés : "Un sarao de la chacona"
Chacona
Tomás de Perrate : "Boa Doña, chacona de negros y gitanos"
Perrate/Tres golpes (2022)

Juan de Arañés (15 ?? - 1649) : "Un sarao de la chacona" — Rocío de Frutos (soprano), Musica Ficta, Ensemble Fontegara, Raúl Mallavibarrena — extrait de l’album "Músicas viajeras : tres culturas", Enchiriadis, 2013.

"Boa Doña, chacona de negros y gitanos" (d’après Juan de Arañés : "Un sarao de la chacona") — Chant : Tomás de Perrate ; guitare : Paco de Amparo ; orgue : Raül Refree ; contrebasse : Miguel Ángel Cordero ; percussions : Antonio Moreno ; saxophone : Juan Jiménez ; palmas, jaleos et chœurs : José Adán Fernández, Vicente "Romaní", Raquel Zapico, Antonio Carrasco ‘el Maleno’ et Carmen López Zambrano.

Henry le Bailly : Folia "Yo soy la locura"
"Passacalle" (La Locura)
Tomás de Perrate : Folia "Yo soy la locura"
Perrate/Tres golpes (2022)

Henry Le Bailly (158 ? - 1637) : folia (ou pasacalle) "Yo soy la locura" — Claire Lefilliâtre (dessus), Ensemble, direction Le Poème Harmonique, direction Vincent Dumestre — extrait de l’album "Airs de cour", Alpha Classics, 2019.

Henry Le Bailly (158 ? - 1637) : folia (ou pasacalle) "Yo soy la locura" — chant : Tomás de Perrate ; piano : Raül Refree ; contrebasse : Miguel Ángel Cordero ; saxophones : Juan Jiménez ; percussions : Antonio Moreno.

Anonyme : Jácara "No hay que decirle el primor"
Tomás de Perrate : Jácara "No hay que decir el primor"
Perrate/Tres golpes (2022)

Anonyme (milieu du XVIIe siècle) : jácara "No hay que decirle el primor" — Olalla Alemán (soprano), José Pizarro (ténor), Los Músicos de su Alteza, direction Luis Antonio González — live, Utrecht, 2013.

Anonyme (milieu du XVIIe siècle) : jácara "No hay que decirle el primor" — chant : Tomás de Perrate ; guitare : Paco de Amparo et Raúl Refree ; chœurs : Raül Refree ; contrebasse : Miguel Ángel Cordero ; percussions : Antonio Moreno.

Bonus tracks : Tomás de Perrate por soleá

Soleares 1
Soleares 2

Soleares 1 : "Soleá de Tomás" : extrait de l’album "Tomás de Perrate y familia. Utrera flamenca", Fonográfica del Sur (Fods), 2003 — guitare : Antonio Moya.

Soleares 2 : extrait de l’album "Arte jondo", Peña Cultural Flamenca Francisco Moreno Galván, 2003 — guitare : Antonio Moya.

Soleares 3
Soleares 4
Tomas de Perrate/Infundio (2011)

Soleares 3 : "A solas con papa" : extrait de l’album "Perraterías", Flamenco Vivo, 2005 — guitare : Antonio Moya.

Soleares 4 : "Soledad sonora" : extrait de l’album "Infundio", MRP Producciones, 2010 — guitare : Rycardo Moreno.

Soleares 5
Perrate/Tres golpes

Soleares 5 : "Soleá sola" : extrait de l’album "Tres golpes", El Volcan Música / Lovemonk, 2022 — guitare : Paco de Amparo.


Soleares 1
Soleares 2
Soleares 3
Soleares 4
Soleares 5
Juan de Arañés : "Un sarao de la chacona"
Henry le Bailly : Folia "Yo soy la locura"
Anonyme : Jácara "No hay que decirle el primor"
Tomás de Perrate : "Boa Doña, chacona de negros y gitanos"
Tomás de Perrate : Folia "Yo soy la locura"
Tomás de Perrate : Jácara "No hay que decir el primor"




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